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Congrès
Mondial Amazigh:
Pacte International relatif aux Droits
Economiques, Sociaux et Culturels
Trente-sixième session – Palais des Nations, Genève, mai 2006
Observations finales du Comité pour les
droits économiques, sociaux et culturels concernant le Maroc.
Lors de sa 36ème session qui s’est déroulée
du 1 au 19 mai 2006 au Palais des Nations à Genève, le Comité des Nations Unies
pour les droits économiques, sociaux et culturels (DESC) a examiné le rapport
périodique présenté par l’Etat du Maroc et écouté l’exposé de sa délégation
officielle conduite par M. Bouzoubaa, ministre de la justice. De même, le Comité
DESC a étudié les rapports alternatifs présentés par les associations et ONG de
défense des droits humains et échangé avec leurs représentants.
Le CMA a naturellement présenté son rapport alternatif intitulé "les Amazighs du
Maroc: un peuple marginalisé".
A l’issue de son travail d’investigation et de confrontation des arguments et
des preuves, le Comité DESC a rendu ses conclusions finales contenant notamment,
les principaux sujets de préoccupation et les recommandations du Comité.
Au chapitre des "sujets de préoccupation", le Comité DESC a noté "avec regret
que des recommandations importantes inclues dans ses observations finales de
1994 et 2000 n’ont pas été mises en œuvre, et que l’Etat partie n’a pas traité
d’une manière effective les principaux sujets de préoccupation qui ont été
soulevés lors de l’examen du rapport initial et du second rapport périodique et
qui sont toujours à l’ordre du jour".
Cela constitue pour le moins une sérieuse mise en garde adressée au gouvernement
marocain concernant l’application effective des recommandations du Comité DESC.
Par ailleurs, parmi ses sujets de préoccupation, le Comité onusien cite:
a) Le manque de données et de statistiques, telles que le pourcentage des
sans-abri, d’expulsions forcées, de personnes qui n’ont pas accès à l’eau
potable et à l’électricité, sur la situation des femmes dans le domaine de
l’emploi et sur les Amazighs,
b) Le nombre élevé d’enfants qui vivent dans la rue,
c) La persistance d’un taux élevé de mortalité maternelle,
d) L’absence de recours judiciaires dont disposent les victimes de violations
des droits établis par le Pacte,
e) Malgré les restrictions que le nouveau Code de la famille impose à la
polygamie, cette dernière est toujours pratiquée au Maroc. Le Comité rappelle
que la polygamie est une atteinte à la dignité de la femme et constitue une
discrimination à son égard,
f) Les employés domestiques et agricoles ne sont pas protégés par le Code du
travail de 2003, et sont donc exposés à l’exploitation,
g) Le niveau inquiétant du chômage persistant, en particulier parmi les jeunes
et la faiblesse des salaires sont des causes de l’émigration de personnes
faisant partie de la population active en âge de travailler,
h) La privatisation des services publics dans les centres urbains au Maroc, tels
que l’eau et l’électricité, se traduit en une charge économique additionnelle
pour les familles qui habitent dans les bidonvilles, aggravant ainsi leur état
de pauvreté,
i) Les mauvaises conditions de logement au Maroc dont souffrent des personnes
déplacées, personnes appartenant à des minorités, et particulièrement des
personnes qui habitent dans les bidonvilles, où la densité de la population
empêcherait la jouissance effective des droits économiques, sociaux et
culturels. Le Comité observe avec inquiétude que l’Etat partie n’a pas pris des
mesures suffisantes pour combattre les effets négatifs de tremblements de terre
dans certaines régions, telles qu’Al-Hoceima,
j) 17% de la population vit toujours en situation de pauvreté, et 70% des
pauvres continuent d’habiter dans les zones rurales,
k) Le Comité prend acte des efforts déployés par l’Etat partie pour mettre en
œuvre des programmes d’alphabétisation. Cependant, il regrette que ceux-ci ne se
fassent qu’en langue arabe, ce qui empêche les adultes Amazighs non arabophones
d’être alphabétisés dans leur langue maternelle,
l) Le Comité prend acte des mesures prises par l’Etat partie pour promouvoir la
culture amazighe. Il demeure cependant préoccupé par le fait que les noms
amazighs ne sont pas acceptés dans les registres municipaux. Le Comité observe
aussi que, l’arabe étant la seule langue officielle de l’Etat partie, la
population amazighe, qui constitue une grande partie de la population du Maroc,
se voit refuser l’usage officiel de sa langue maternelle, et que le droit des
Amazighs à leur identité culturelle n’est pas pleinement respecté.
En conséquence, le Comité DESC présente les recommandations suivantes à l’Etat
marocain:
a) Le Comité recommande à l’Etat partie de donner suite aux sujets spécifiques
de préoccupation concernant le rapport initial et le second rapport périodique
de l’Etat partie, et l’encourage vivement à mettre en œuvre les suggestions et
recommandations à cet égard,
b) Le Comité exhorte l’Etat partie à veiller à ce que l’indépendance de
l’institution nationale de droits de l’homme ne soit pas entravée par le fait
qu’elle est attachée au Ministère de la Justice,
c) Le Comité prie l’Etat partie de lui fournir dans son quatrième rapport
périodique, des informations précises et détaillées, ainsi que des exemples
spécifiques, sur les recours judiciaires dont disposent les victimes de
violations de droits établis par le Pacte,
d) Le Comité encourage l’Etat partie à intensifier ses efforts pour respecter et
protéger les droits des femmes, et lui recommande d’abolir définitivement la
polygamie,
e) Le Comité encourage l’Etat partie à harmoniser pleinement sa législation
nationale avec le Pacte, en supprimant toute disposition discriminatoire et en
garantissant l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans la jouissance
effective de leurs droits économiques, sociaux et culturels,
f) Le Comité recommande à l’Etat partie de mettre en œuvre un plan d’action
spécifique de lutte contre le chômage des jeunes, fondé notamment sur la
promotion professionnelle, l’apprentissage et toute mesure susceptible de
faciliter l’accès des jeunes à l’emploi,
g) L’Etat partie devrait redoubler ses efforts pour reloger la population
sinistrée d’Al-Hoceima,
h) Le Comite réitère sa recommandation à l’Etat partie d’intensifier ses efforts
pour réduire le niveau de pauvreté, y compris dans les zones rurales, ainsi que
d’améliorer ses stratégies de développement social, lesquelles doivent intégrer
les droits économiques, sociaux et culturels,
i) Le Comité recommande vivement que l’Etat partie tienne compte de toutes les
obligations que lui imposent le Pacte dans ses négociations et accords
bilatéraux, dans le souci de ne pas porter atteinte aux droits économiques,
sociaux et culturels,
j) Le Comité recommande à l’Etat partie de créer des programmes
d’alphabétisation en langue amazighe. En outre, il l’invite à accorder un
enseignement gratuit en langue amazighe à tous les niveaux,
k) Le Comité invite l’Etat partie à considérer la possibilité de consacrer dans
la Constitution la langue amazighe comme une des langues officielles. Il
l’encourage à prendre les mesures nécessaires pour permettre aux parents de
donner un nom amazigh à leurs enfants. En outre, il l’exhorte à prendre les
mesures nécessaires pour garantir pleinement à la communauté amazighe son droit
d’exercer sa propre identité culturelle, en conformité avec l’alinéa a) du
paragraphe 15 du Pacte, établissant le droit de participer à la vie culturelle,
l) Le Comite demande à l’Etat partie de diffuser largement les présentes
observations finales dans toutes les couches de la société, en particulier
auprès des fonctionnaires de l’Etat et des membres de l’appareil judiciaire, et
de l’informer dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu’il
aura entreprises pour y donner suite.
Bien que toutes ses exigences n’aient pas été entendues, le CMA se félicite des
recommandations faites par le Comité DESC au gouvernement marocain, concernant
notamment l’arrêt de la marginalisation et la nécessaire amélioration des
conditions de vie des populations rurales et déplacées, très majoritairement
amazighes, le respect des droits des femmes et le relogement rapide des
sinistrés du séisme d’Al-Hocima (région du Rif).
Le CMA exprime également sa grande satisfaction concernant les recommandations
du Comité DESC pour le respect des droits culturels et linguistiques des
Amazighs du Maroc, en particulier l’alphabétisation et l’enseignement généralisé
en langue amazighe et la consécration de Tamazight comme langue officielle.
Désormais appuyés par les Nations Unies sur une de leurs revendications
fondamentales, le CMA et l’ensemble des composantes du mouvement amazigh du
Maroc seront plus que jamais exigeants et vigilants quant à la reconnaissance du
statut de langue officielle pour Tamazight lors de la prochaine réforme de la
Constitution du pays. Le pouvoir marocain ne peut plus faire l’impasse sur cette
question essentielle pour le peuple amazigh du Maroc et son avenir.
(voir les rapports complets et conclusions sur: www.ohchr.org/english/bodies/cesr/cescrs36.htm)
Genève, 22 mai 2006
Le Bureau du CMA.
CMA - BP 124 - 108, rue Damremont, 75018 Paris, France
email: congres.mondial.amazigh@wanadoo.fr
web: www.congres-mondial-amazigh.org
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