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Le coût de l'absence de la référence identitaire amazighe chez nos dirigeants Par: Laazimani Anwal Abdelaziz (Meknass) Quelles sont les conséquences économiques et sociales de l'absence de toute référence amazighe dans la presse et l'esprit de la classe dirigeante de tamazigha? Sans doute très grave si on jette un coup d'oeil sur certains chiffres statistiques concernant la pauvreté, le chômage, le progrès technique… dans tous les pays formant tamazgha (Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Niger, Mali…). En effet, les institutions politiques sont tout d'abord des lieux où opèrent des individus qui représentent des groupes ayant des intérêts considérables dans la sphère matérielle tombant sous leur influence. Bien sûr, il est tout à fait légitime que ces groupes cherchent à protéger leurs intérêts en cherchant constamment à conquérir le pouvoir politique et économique par divers moyens. Mais s'il arrive que ces groupes se trouvent dans une société caractérisée par la multiplicité de ses origines ethniques, culturelles et linguistiques, ils doivent prendre en compte une autre dimension dans leur calcul qui est l'intérêt suprême de la société sur ses dirigeants de garder sa dignité, sa prospérité et sa grandeur parmi les autres sociétés. Donc, si on prend l'exemple du Maroc, on trouve que sa composition sociale, au sens général du terme, est hétérogène: une grande majorité amazighe, une minorité arabiste et africaine. L'histoire du Maroc a voulu que la minorité arabiste arrive et reste longtemps au pouvoir. Celle-ci, alors concentrant tous les pouvoirs, au lieu d'employer les moyens et les instruments de l'Etat dont elle dispose pour former une société marocaine forte et solide de ses différentes composantes, s'est engagée, au contraire, dans une politique globale visant à assimiler la majorité de la société aux croyances de la minorité, non pas pour améliorer leurs conditions, mais pour s'assurer de son obéissance aveugle. Cette situation a provoqué une rupture dans la communication entre les différents groupes formant la société. Ainsi, le rejet culturel conduit au rejet linguistique, celui-ci conduit au rejet social, celui-ci conduit à son tour au rejet économique. La classe politique arabiste n'a pas réussi à assimiler les amazighs, ce qui a entraîné l'isolement de ces derniers dans leur milieu géographique, économique et culturel. Ainsi, on essayait d'arabiser tous les piliers de la société, on enfonce encore le fossé dans le système marocain. Ainsi, le faible nombre des amazighs qui réussit ses études secondaires se trouve face à un monde arabisé qui lui est étrange, un monde où la reproduction sociale rigide est flagrante. Pour terminer leurs études, supérieures afin de mieux garantir leur avenir, les jeunes amazighs n'ont d'autres choix que de poursuivre leur étude à l'université dont on sait tous son inefficacité totale, ou déposer leur dossier dans une des branches de la formation professionnelle dont l'espoir de trouver un travail après est 0,009%. J'ai commencé ici par les jeunes bacheliers amazighs parce que ce sont eux qui présentent la preuve de la faillite de la politique de la classe dirigeante qui dirigen les affaires du pays. Mais pour garder un peu de cohérence dans l'analyse, on doit revenir un peu en arrière pour comprendre les conséquences économiques et sociales de l'exclusion de la dimension amazighe de la pensée politique marocaine. On sait tous que l'économie marocaine est basée sur l'agriculture, mais on sait aussi que la majorité exclusive des agriculteurs sont de petits paysans amazighs exploitant des surfaces de plus en plus petites en se basant sur des revenus de subsistance. Ces paysans amazighs vivant dans des conditions atroces décident d'envoyer leurs enfants aux écoles "arabisées" en souhaitant au fond d'eux que leur progéniture connaisse un avenir mieux qu'eux en apprenant le savoir. Mais comme l'école est une institution aux mains des dirigeants pour véhiculer la culture arabe, la plupart des enfants amazighs vont abandonner l'école très vite tout simplement parce qu'elle ne représente pas leur identité. Seuls quelques uns poursuivent leurs études jusqu'à l'obtention du BAC. Le résultat est que la majorité des amazighs et leurs fils et filles sombreront encore plus dans l'ignorance et la pauvreté, donc le village marocain se trouve d'emblée exclu de toute initiative visant le développement social, c'est par le niveau de progrès social et économique du village que les économistes et les sociologues mesurent le développement des pays. C'est le village qui est à l'origine de la société, surtout dans un pays sous-développé, dans notre exemple, les amazghs et leurs enfants vont sûrement émigrer à la ville pour améliorer, ils vont donc s'entasser avec d'autres dans les bidonvilles à la merci d'une classe politique arabiste sans scrupule pour acheter leurs voix lors des périodes électorales pour garder encore plus longtemps le statu quo, et puisque cette classe n'a aucun respect pour les amazighs et nie même l'existence de quelque chose qui s'appelle amazigh, on peut s'attendre au pire sur tous les plans. Ainsi donc la majorité des amazighs vont voir leur droits essentiels, à savoir culturels et par conséquent politiques, sociales et économiques hypothéqués pour des décennies encore, si je ne dis pas des siècles. Pendant ce temps, la minorité arabiste concentre, elle, tous les pouvoirs, et par conséquent toutes les richesses de tamazgha sans exception, envoie ses enfants dans les meilleures écoles, ce qui lui permet de garantir sa reproduction sociale (médecins, avocats, pharmaciens, architectes...) Ainsi, presque toutes les professions libérales (Médecins, avocats, pharmaciens, architectes....) sont occupées par des individus qui sont membres de cette minorité arabiste, presque tous les hauts fonctionnaires de l'Etat et les hommes d'affaires sont issus de cette minorité arabiste, en un mot elle concentre le capital humain, social, politique et économique. La société de tamazgha est marquée, de ce fait, par une dualité extravagante: une catégorie majoritaire qui sombre dans la misère totale, et une autre qui nage dans l'abondance et puise à tour de bras dans les richesses de la société à long terme. Cette situation conduit à une mobilité sociale intergénérationnelle nulle. C'est dire que la société se reproduit presque à l'identique à chaque génération, sauf quelques rares exceptions qui confirment la règle. La démocratisation de la société n'existe pas. Ce qui signifie que les origines sociales influencent sans cesse le parcours social d'un individu, qu'il s'agisse de son passage à l'école ou de son évolution professionnelle. Ainsi par exemple, les bacheliers fils de cadres supérieurs sont beaucoup plus chanceux à devenir cadres supérieurs que les bacheliers fils d'employés ou d'agriculteur. Les fils ressemblent donc toujours aux pères. Pour terminer, je peux dires que dans ces conditions la société de tamazgha va tôt ou tard s'éclater si on ne se mobilise pas dans la bonne direction. |
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