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  (Mars  2010)

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L’épopée de Dhar ubarran, Episode de la guerre du Rif (1921)

Transcription, traduction et analyse de fragments (1ère partie)

Par: Mohammed Serhoual (Bu-iseghwane)

 

Thghuri ya d ict n tawsa i wmjaped ameqqran Benoebdekim, ander nnes aqa t oad iweddar di tmura n midden seboa u arboin n issggusa zeggwami immut.

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“[...] Ils sont les meilleurs guerriers du monde. Ils possèdent surtout une qualité maîtresse: le mépris absolu du danger, et une merveilleuse faculté innée d’exploitation du terrain, une sûreté exceptionnelle dans le tir, une notion étonnante de la tactique, du mouvement d’encerclement, de l’attaque éclair sur le flanc, et enfin une sobriété qui élimine le ravitaillement et qui confère à leurs formations, ou mieux à leurs groupes, une mobilité stupéfiante. Tel est le bloc rifain, tribu d’une race pure et primitive, guerriers incomparables, mais incapables de supporter une autorité qui ne provient pas de leurs élus.» (Dumas, Le Maroc, Arthaud, 1931).

****

Il convient de situer la poésie par rapport aux autres genres de la tradition orale qui connaît une production variée et riche; richesse accumulée à travers les âges et grâce à la variété spatiale, comme les contes, les proverbes, l’énigme, etc. Une typologie des poésies est possible, selon l’activité nécessitée par les circonstances ou selon le climat; une poésie foncièrement orale, donc chantée. On distingue la poésie pastorale, la poésie festive, la poésie des travaux agricoles: labours, moisson, battage des céréales, fenaison; la poésie féminine (chants de femmes: noces, baptême, circoncision; la poésie des travaux domestiques, la femme de ménage étant à l’œuvre: broyage des grains à la meule, bercement des enfants. Enfin, la poésie est présente dans les conflits.  Elle n’est pas l’apanage d’une élite, elle se manifeste dans les travaux de tous les jours; c’est une bouffée d’oxygène pour la communauté (hommes et femmes, jeunes et vieux).

Dhar ubarran est un poème chanté, il se caractérise par une intrication du narratif et du descriptif; il relate les évènements de la guerre du Rif, une guerre territoriale et religieuse menée contre l’envahisseur chrétien. Le bassin méditerranéen, creuset de civilisations et de cultes, n’a jamais échappé à tels conflits1.

Le texte appartient à la culture dite populaire, opposée à la culture dite savante ou élitaire, il a connu une large diffusion sur toute l’étendue du territoire rifain. Appartenant à l’oralité, il est par conséquent anonyme, c’est un bien symbolique collectif, l’ego haïssable s’efface devant l’intérêt de la communauté. Il est donc difficile de parler de version originale et authentique puisque le texte voyage; il est donc soumis à des mutations par excès ou par défaut, à des troncations ou des ajouts plus ou moins apocryphes, puisqu’il n’est pas été consigné par écrit. De part sa nature donc, il ne peut être soumis au figement puisqu’il comporte des variantes selon l’aire culturelle, selon la tribu et selon les exécutants. Ces variantes sont minimes, elles ne peuvent modifier en rien ni l’esprit, ni la thématique. Ainsi chaque tribu y laisse une empreinte plus ou moins subtile. Certaines versions restrictives évoquent la femme waryaghlie (Fadvma tawaryightc «Fadma la Waryaghli») au lieu d’une spécification générale (Fadvma tarifect «Fadma la Rifaine»).

Le texte intégral, assez volumineux, se compose de plus de 160 vers. Il est transmis par audition de génération en génération. Il fut déclamé en tandem, par deux chanteurs itinérants nommés imedyazen: un cheix et un azemmar, comparables aux ménestrels2 dans la tradition occidentale. Actuellement, ces chanteurs itinérants sont marginalisés à cause des mutations profondes subies par la société «moderne», leurs chants ne sont plus de mise comme il en est de la culture amazighe d’une manière générale, compte tenu du statut de la langue et de la culture amazighe au sein des pays du Maghreb. Ces trouvères étaient munis de deux instruments de musique: un biniou et tambourin (ou une caisse plat). Biarnay (1987: 31) les décrivait ainsi, au début des années 20 du siècle écoulé: «Le cheix est surtout un chanteur. L’azemmar accompagne le cheix à l’aide de l’amediaz, sorte de biniou composé d’une peau de bouc munie de deux cornes d’antilope à l’aide desquelles le musicien gonfle l’outre et règle la sortie de l’air». Ces rhapsodes, dont la poésie était considérée comme incendiaire, étaient contrôlés par les autorités coloniales, leurs chansons enflammaient les esprits des autochtones. Les chanteurs veillent à établir une harmonie entre structure métrique du chant et sa structure musicale. Le support musical est accompagné d’un spectacle dansant lors d’une fête. Nous sommes donc en présence d’un produit symbolique qui est soumis à des conditions culturelles de productions et de réception.

Un envoûtement s’empare de l’auditoire charmé par des inflexions de la voix, captivé par des gestes, des jeux de physionomie, des accélérations et de ralentissements du rythme. C’est tout un cérémonial, c’est toute la richesse, la vitalité et la chaleur humaine liée à l’ambiance du spectacle. On doit mettre l’accent su l’ingéniosité du récitant qui fait appel à la mémoire et à ses compétences créatives, à l’improvisation, faute de tradition scripturaire puisque les bardes, paysans de souche, sont, la plupart sinon tous, des illettrés.

Actuellement, pour remédier à cet état de choses, une pléiade de chanteurs modernes et instruits, de notoriété, comme les groupes Twattun «Ils sont oubliés, les Oubliés)», Benneoman «Le coquelicot», Ayyawen «Les Descendants, Les Neveux» et Itran «Les étoiles», les deux chanteurs Tabarint ou le chanteur Lwalid Mimoun … ont pris la relève; ils ont mis ce texte en musique en utilisant des instruments modernes comme la guitare, l’harmonica, la batterie, etc.

Le texte relate les exploits des guerriers rifains, il décrit la débâcle de l’armée espagnole armée jusqu’aux dents face à une communauté rifaine démunie et unie sous la bannière de Mohammed ben Abdelkrim, dit Abdelkrim, connu dans les milieux rifains sous le nom de Si Mohand. Une troupe de guérilléros dont la logistique militaire est rudimentaire et disproportionnelle, en comparaison avec l’arsenal de l’armée espagnole.

Une véritable levée en masse de paysans, de montagnards, de franc – tireurs organisés en armée régulière par les soins de Ben Abdelkrim; ces hommes sont aidés spontanément par des femmes et des filles qui se dirigeaient vers les champs, munies de leurs faucilles pour faucher de la mélisse des bois.

L’approche pluridisciplinaire est parfois profitable dans la mesure où elle éclaire le texte; c’est la raison pour laquelle nous allons faire appel à quelques brèves données géographiques et historiques nécessaires pour la compréhension du texte.

Quelques repères géographiques:

Le champ de bataille se trouve à Temsaman dans l’arrière – pays des montagnes du Rif, terrain abrupt et escarpé. La tribu Temsaman est limitrophe des tribus suivantes: Ayt Waryaghel, à l’est; Ayt Soid et Ayt Uwric, à l’ouest; Ayt Touzin et Tafarsit au sud. Les Temsaman, Ayt Soid et Ayt Waryaghel sont riveraines de la Méditerranée méridionale, elles disposent de régions côtières dont le littoral s’étend de manière discontinue.

Le toponyme Dhar ubarran est formé de deux items lexicaux, le premier Dhar signifie ‘colline, mont’, se trouve face à une autre dont l’importance stratégique est indéniable, au même titre que Qama et Sidi Driss, tous des poste militaires3 également d’une importance stratégique pour l’armée espagnole ayant l’intention pour avoir la mainmise sur Ajdir, capitale de la tribu des Ayt Waryaghel, village natal et postes de commande de Mohamed Ben Abdelkrim. L’intrusion de l’armée espagnole s’est effectuée par la tribu des Ayt Soid, à quelques dizaines de kilomètres de Melilla4.

Les partisans de Ben Abdelkrim, contrairement à l’armée espagnole ont l’avantage de bien maîtriser le terrain, ils ont la réputation de fins tireurs5 (Cf. Madariaga 2006: 38), c’est un atout pour eux. Le déficit qu’ils ont en effectif et en armement, est compensé par la connaissance du terrain et l’enthousiasme pour la cause qu’ils défendent, puisque la patrie est en danger.

Rappel historique:

Si l’on se réfère à l’historiographie du Rif, la bataille de Dhar ubarran s’est déroulée le  1er juin 1 921. C’est la première victoire remportée par les Rifains sur l’armée espagnole. Cette victoire va ouvrir la voie à d’autres plus marquantes comme celle d’Anoual, une année plus tard, Sidi Driss, Driouech, Mont Aroui. Cependant, la bataille de Dhar ubarran est évènement bien ancré dans la mémoire collective; de toutes les batailles menées sous le Commandement de Si Muhand elle est, à ma connaissance, la seule à être magnifiée et chantée par la tradition orale du Rif, la défaite infligée aux Espagnols lors de la bataille d’Anoual est bien supérieure à celle de Dhar ubarran, mais c’est cette dernière qui a connu une telle résonance sur le plan poétique.

Les tribus du Rif, connues comme faisant partie de Blad Siba par leur insoumission, de longue date, au pouvoir central, vivaient dans l’anarchie. Abdelkrim a le mérite d’avoir unifié ces tribus insoumises, de manière pacifique, pour constituer une armée formée de volontaires et francs – tireurs enrôlés sous l’égide d’Abdelkrim.

Qama, une butte qui se trouve face à Dhar ubarran, fut un lieu de ralliement des tribus; elles y ont prêté serment de fidélité pour rester unies et dévouées à une cause commune et pour défendre le pays menacé par l’envahisseur espagnol. Ce pacte fut scellé par les chefs de tribus sans guerre fratricide, ni écoulement de sang.

Dhar ubarran est pris d’assaut par l’armée espagnole. Certaines tribus, convaincues de l’inanité d’une guerre perdue à l’avance, sont déjà, comme à Dhar ubarran, sous domination espagnole en 1920. Il s’agit donc de livrer bataille pour barrer la route à l’armée espagnole qui vise la tribu des Ayt Waryaghel où se trouve Ajdir, village natal de Abdelkrim Al Khattabi. De son vrai nom Mohamed ben Abdelkrim que les maquisards6 de sa génération, ceux qui ont combattu à ses côtés nommaient Si Mouhand; il sera sacré Emir des guérilleros,

La bataille de Dhar ubarran a eu lieu le  1er juin 1 921 après, elle s’est produite après une sécheresse qui a duré cinq ans7, donc la famine sévissait8. L’année 1921, pluvieuse et prometteuse, augurait une bonne récolte. Cette guerre sera marquée d’une pierre blanche dans la mémoire collective des Rifains9 et dans les annales de l’historiographie marocaine. Les Rifains se nourrissaient de plantes vénéneuses10 et de cadavres de chiens morts (Madariaga  (2006: 54). L’effectif des tribus qui se joindront à la guerre atteindra plus d’une soixantaine, y compris les Jbalas, des Imazighen arabisés pour la plupart, le substrat culturel amazigh faisant foi et notamment le substrat lexical (comme celui des plantes). Cette guerre ouvrit de nouveaux horizons aux Résistants du Rif qui, malgré les moyens matériels très limités et malgré des moyens logistiques très rudimentaires, ils ont pu l’emporter sur des soldats réguliers armés jusqu’aux dents, avec une force de frappe sophistiquée, avec une infanterie et une aviation11. La victoire de Dhar ubarran n’est qu’un prélude; les Rifains, de plus en plus redoutables et de plus en plus aguerris, connaîtront d’autres exploits glorieux ailleurs, à Ighriben, Anoual, Dar Driouech, Selouane et à Mont Aroui (Cf. Madariaga 2006: 66).

1. A propos du titre:

Il s’agit d’une lexie complexe (ou synapsie), formée d’un syntagme nominal N. (n. «de») N., dénotant un oronyme12; syntaxiquement, nous avons affaire à une forme figée avec la chute de la préposition n «de» par assimilation (Cf. notre article paru dans E.D.B, 21 ). La langue amazighe offre toute une série de formes lexicalisées

•en anthroponymie comme:

Muà Çellal  < Muà n 3ellal,

•en toponymie:

Ãizi Çezza < Ãizi n Çezza «Col de 3ezza»,

•en hydronymie:

iÄzar uriri < iÄzar n uriri «rivière du laurier».

a. Sens:

Le premier terme du syntagme nominal Ñar13 ubarran est d’origine arabe, il signifie «mont, colline …»; la bataille s’est déroulée dans une région montagneuse, un terrain raviné, d’accès difficile. La maîtrise du terrain est en faveur des Rifains qui sont chez eux, c’est un atout pour ces derniers.

Le second terme abarran, fém. tabarrant est un adjectif, il appartient à la même famille que l’adverbe barra, plus utilisé, signifiant «extérieur, dehors» (Notre Dictinnaire tarifit – français 2002: 2); cet adjectif a changé de catégorie grammaticale; il est employé comme nom, cela est dû à un phénomène d’hypostase; même si le nom et l’adjectif font partie de la même catégorie, celle des nominaux. Le terme abarran remplace un autre lexème asekkur, fém. tasekkurt «perdrix», ayant un sens ornithologique; il s’agit d’une espèce de perdrix des bois, par opposition à l’oiseau domestique; il est également attesté comme anthroponyme. Le correspondant féminin est utilisé comme toponyme arabisé sekkura au Maroc et notamment aux environs de Casablanca. Dans cas de figure, l’item asekkur est tombé de l’usage topnymique, l’adjectif s’est substitué au nom caduc. La dénomination initiale serait donc Ñar n usekkur abarran qui se rend en français ainsi: «Le  Mont du perdrix des bois», cette dénomination pècherait par sa longueur et sa lourdeur, ce qui va l’encontre de la loi du moindre effort pour plus de rendement. La femelle, pour faire ses œufs, préfère les sommités, le mâle rôde aux alentours avant de rejoindre sa compagne.

b. Significations:

Sémantiquement, la lexie en question est dense, elle fait l’objet  d’un syncrétisme permettant trois lectures qui donnent accès à trois niveaux de sens superposés, allant du sens manifeste au sens latent.

Une première lecture, évidente, renvoie à l’oronyme en question, c’est un lieu de rassemblement grégaire de cette espèce ornithologique. Cette appellation ornithologique n’est pas la seule puisqu’on trouve un autre toponyme tizduduin, pluriel azdud «pigeon ramier, palombe» dans la même région (Cf. Serhoual, Dictionnaire tarifit – français 2002: 572). azdud et ses dérivés sont désuets en tarifit mais ils sont toujours vivant en tamazight du Moyen – atlas.

La seconde lecture renvoie à la bataille qui a opposé les Rifains aux Espagnols. Il y a donc effacement d’un déterminé giarra, ràarb «conflit, guerre». On pourrait donc restituer le titre dans sa totalité: giarra n Ñar ubarran «la guerre de Ñar ubarran».

La troisième lecture serait taqessist n Ñar ubarran qui signifie «Le récit de Ñar ubarran». Ce dernier sens vient se greffer sur les autres, l’évènement étant cristallisé dans la mémoire collective qu’on pourrait schématiser ainsi: un lieu, Dhar ubarran qui fut le théâtre d’une bataille, celle – ci est révolue, seul le récit est resté.

Ces trois interprétations sont complémentaires; la polysémie est considérée comme une nécessité pour la langue, contrairement à la synonymie qui est vue comme un luxe. Le binôme Dhar ubarran est doté d’une forte densité à la fois sémantique et symbolique; il y a donc une convergence, une interpénétration entre le lieu et l’évènement, l’un évoque l’autre. Le lieu est devenu un récit, un symbole, une mémoire collective.

Ce titre forcément polysémique contient donc plusieurs strates sémantiques; cette stratification est convergente et complémentaire, elle fournit des éléments de sens latents.

L’accent est donc mis sur la densité sémantique du titre, à la fois riche et polysémique; une signification tripartite en est dégagée. L’interprétation soulignant l’idée de récit est retenue, celle d’un récit qui nécessite la présence d’un auditoire à l’écoute, qui suit les péripéties du récit pour introduire l’image forte et pénétrante.

2. A propos de la forme:

Plusieurs découpages peuvent être proposés selon les critères choisis, d’autant plus que nous avons affaire à un texte oral où l’audition est première par rapport à l’écriture, la typographie faisant défaut.

Dans les cultures de longue tradition orale, le mode de production littéraire est tributaire de compétences et de performances qui relèvent de la mémoire et de la créativité langagière. L’aède, tout en déclamant ses vers, fournit un effort mental simultané; il opère sur des schèmes préétablis sur le plan horizontal, celui des structures mentales ayant trait à la syntagmatique, lesquelles structures se combinent à des paradigmes sur le plan vertical pour la sélection des mots ou le choix des rimes. Deux facultés mentales sont ainsi mises en œuvres: la mémoire et l’imagination; l’une relève de la compétence faite de modèles linguistico – poétiques emmagasinés dans la mémoire; l’autre, de la performance mettant en valeur le savoir – faire du poète, qui se manifeste dans la création poétique; les deux facultés sont intimement liées. C’est ce que Jean Molino (1975) appelle les stratégies compositionnelles (ce qu’étudie la poïétique).

La construction du poème est bâtie sur une technique simple: une idée, un vers; la progression du texte s’effectue graduellement, la transmission du message poétique est effective, puisque la poésie, en plus de sa fonction festive, joue également une fonction sociale et pragmatique au sein de la communauté.

Le passage proposé à l’analyse s’étend sur 33 vers, certains sont rimés, d’autres assonancés, nous y reviendrons. Ainsi le texte, de par la distribution des rimes, prend l’ aspect de paragraphes strophiques d’étendue variable.

On doit noter l’absence de formes poétiques spécifiques par manque de tradition scripturaire, mais plutôt des fragments juxtaposés, faute de tradition écrite bien ancrée; mais ni le fil conducteur, ni la cohérence textuelle ne s’en trouvent compromis; la narration est une tradition fort ancienne. Nous avons donc affaire à un genre poétique dans lequel narration et description sont entremêlées; d’où la présence de séquences qui relèvent du récit, d’autres appartiennent au discours.

Un découpage du texte est possible compte tenu de l’usage des pronoms personnels dans le poème. Le(s) pronom(s) personnel(s) utilisé(s) est (sont) signalé(s) par les numéros de vers correspondant; ces pronoms varient en genre et/ou du nombre. Ils permettent de faire la part du récit (il) et du discours ( je – tu), selon la dichotomie célèbre de Benveniste (1 974)

vv. 1 – 4  : Tu [ - Hum.] A yadhar ubarran

vv. 5 – 10 : Tu [ - Hum.] A yadhar ubarran

vv. 11 – 13: Tu [ - Hum.] A yadhar ubarran

vv. 14 – 18: Il [+ Hum.] rqebtan n Baya+ Ils Ayt waryaÄel

+ Il bu – yjarwan = iserman

vv. 19 – 20: Il [+ Hum.] Àemmu n ràaj + Il [+ Hum.] ššix Çmar

vv. 21–26: Je [+Hum.]Fettuš +Tu [+Hum.] Fettuš +Je [+Hum.] waber abaršan+Je [+ Hum.] fud-inu

vv. 27 – 29: Vous [+ Hum.] Temsaman + Elles [+ Hum.] Ãiniyba

vv. 30 – 33: Il [ - Hum.] rqareb n ssekkwar+ Elle [+ Hum.] faÑma tawaryiÄtš

Les 13 premiers vers sont dominés par le vocatif a yadhar ubarran, un vocatif qui permet au poète de considérer l’oronyme comme interlocuteur auquel il s’adresse par le pronom tu/toi/te, selon le contexte, lequel interlocuteur est un être inanimé qui est personnifié:

Wi zzay – k iÄarren

Le pronom personnel affixe – k (2è pers. masc. sing., en gras), est destiné à cet effet.

Quoi qu’on dise, le texte présente une cohérence indéniable. Un gros plan sur ce découpage dans ses articulations majeures est basé sur la rime; celle – ci permet de repérer des unités de sens bien distinctes.

Le fragment le plus substantiel doté de la rime [- an] présente des articulations formelles visibles.

Les allitérations, les assonances, les parallélismes syntaxiques, la répétition d’items lexicaux sont des procédés qui contribuent à la cohésion du fragment et lui assurant ainsi une certaine cohérence.

2. Métrique et syllabisme:

(Suite dans le prochain numéro)

 

 

 

 

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