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l’engagement des poètes de la marge: «taqsidt n ugdvidv» du rays hmad merhis umasst
Par: larbi moumouch


INTRODUCTION
Nous avons consacré ce modeste travail à un objet particulier de la poésie amazighe des rways. En effet, chaque fois qu’il est question de la poésie des rways, l’accent est immédiatement mis sur les grandes figures du ribab connus dans la zone linguistique de tachelhit. Beaucoup de travaux et de recherches sont d’ailleurs consacrés à ces chanteurs, depuis l’ère coloniale, selon des approches et des outils d’analyse variés et diversifiés.
Or, notre présent travail déroge à cette règle et s’éloigne de ces sentiers battus. Il se propose ainsi de porter son intérêt sur des poètes moins ‘‘connus’’, de les faire connaître au public, de mettre à jour leur contribution à l’édifice de la poésie amazighe. De ce fait, nous ambitionnons de montrer que leurs productions méritent d’être découverte et avoir sa part d’intérêt dans les recherches universitaires et académiques. Ce choix se justifie par l’importance de leur poésie, la richesse de sa thématique, la spécificité de la voix marginale qui les caractérise et leur engagement social dans la défense des valeurs culturelles et sociales des populations.
Cadre général
Masst est une localité située au centre ouest de la plaine de Souss, donnant sur le littoral atlantique et la plaine d’Achtoukn. Les sources d’eau, le fleuve qui la traverse et les terres fertiles qui le bordent font sa force aussi bien que sa renommée. Mais ces atouts naturels ont été également source de conflits, de guerres tribales et inter tribales entre les trois principaux groupements : Tasennoult et Jwaber, Idawmott et Aghbalou. Ses productions agricoles, la beauté de sa nature ont par ailleurs inspiré poètes, chanteurs et fasciné tant de visiteurs.
Sa renommée a dépassé ses frontières. Les échanges commerciaux ne datent pas d’hier. Pline l’Ancien et Polype ont évoqué Masst dans leurs récits. Les historiens Nassiri, Albakri, Montagne et autres, n’ont pas manqué d’en parler, vu son importance dans les diverses dynasties Almoravide et Almohade, de même que ses relations internationales avec les portugais et les français.
En somme, Masst doit sa renommée à son histoire reculée dans le temps, à ses légendes et son impact religieux, à ses richesses naturelles, à sa position géographique. Si ces atouts ont suscité les convoitises des forces étrangères, ils ont aussi inspiré les poètes et les chanteurs.
La littérature et la poésie
Masst a connu une tradition scripturale mais relativement récente. Les chercheurs ont révélé la présence de manuscrits importants. Les uns sont écrits en arabe comme le droit coutumier de Masst. D’autres sont rédigés en amazigh surtout les commentaires et explications du texte religieux, mais qui restent toujours farouchement conservés par leurs propriétaires. Le plus connu d’entre eux restent « la relation de Sidi Hmad Umasst » entièrement faite en amazigh, et qui a été publiée par Omar Afa.
Cependant, la production intellectuelle relève principalement de l’oral. Les genres littéraires oraux, connus ailleurs, sont attestés ici. En effet, la prose aussi bien que la poésie, le chant autant que la danse sont produits et transmis depuis longtemps. Le conte, les devinettes et les proverbes constituent les principaux supports éducatifs et culturels par lesquels se transmettent valeurs, convenances, préceptes, principes et images symboliques.
Pour le chant et la danse, les premières générations ont encore en mémoire les danses collectives féminines, aujourd’hui malheureusement disparues. Les danses masculines ont toujours longue vie, avec Ahiyyad, qui connaît un regain d’intérêt et suscite une grande admiration parmi les jeunes, et la danse Isemgan, réservée aux gens de couleurs, preuve incontestable de la culture africaine et de son enracinement dans notre société. S’y ajoute une autre genre qui relève du domaine religieux, ce sont les chants religieux récités par les hommes comme par les vieilles femmes lors de veillées religieuses.
Les poètes troubadours :
Rrays Hmad Umasst
De son vrai nom, Ahmed Merhiss, surnommé Umasst, est né en 1958 à Ayt Lyas, un des douars qui se situent sur le versant ouest du fleuve de Masst, Asif n Walas, qui traverse et divise la ville en deux parties. La partie occidentale est appelée Igemdan, dont le singulier agemmadv siginifie la rive ou le versant. Nous insistons sur cette localisation et sur l’origine du poète chanteur pour souligner cette particularité des rrways de Masst : tous sont originaires de Igemḍan ou le versant occidental du fleuve.
Son penchant vers amarg ou la musique remonte à son enfance. En 1972, il confectionna un instrument musical de fortune à l’aide d’une branche de figuier pour s’essayer à la musique. Après avoir appris à joué son instrument, il acheta en 1974 son premier ribab. Il intégra alors la troupe du rays feu Lhasan Umasst, fréquenta également un autre virtuose du ribab feu Hmad Ubakrim, auquel raysa Taba3mrant a rendu un grand hommage et auquel elle doit aussi tant, sans oublier rays Lhusay Usvalh qui fait encore partie de sa troupe. Jusqu’au années 80 où il accompagna un des ténors de la musique et de la poésie, rays S3id Actuk, pour ensuite retrouver les premiers rways de Masst.
Sa carrière prit un autre tournant avec l’expérience de la composition et de l’écriture. L’influence des maitres et des figures de la musique et de la chanson est indéniable : notre rays appréciait, outre Ubakrim et S3id Actuk, Albensir, Bihtti, Ahruc, dont les chansons l’impressionnaient par leur expression poétique, la profondeur des significations et la beauté de la langue.
Il fonda alors sa propre troupe et perpétra ainsi la tradition poétique du Souss et particulièrement celle des poètes troubadours qui se manifestent dans les places publiques Isuyas, les fêtes, almuggar ou le moussem local, participent aux spectacles organisés par les associations amazighes.
Rays Hmad Umasst n’a enregistré aucun disque ou cassette audio, pour des raisons objectives. Mais en 2006 il enregistre et commercialise un disque vidéo (VCD). L’usage de ce support est massif et la demande est frénétique vu l’enthousisame de la redécouverte de la culture amazighe (chanson, films,…). Cela lui a assuré un vif succès, d’autant plus qu’il y a traité un des problèmes épineux qui tracasse les autochtones, à savoir la terre et l’expropriation.
Son répertoire est riche et sa thématique variée : amour, identité, valeurs éthiques, convenances, problèmes sociaux… Parmi ses poèmes on peut citer : Afulki n tudert, Lerdv, Asmammi n tayri, Amedar, Asiyyad, Tadfi, Imazien…
Le poème auquel nous consacrons cette analyse s’intitule taqisḍt n Masst,
Il est extrait du seul du VCD sorti vers la fin de l’année dernière.
Le contexte de production du poème :
Le parc National de Souss-Massa (PNSM) fut crée en aout 1991 dans le but de protéger des sites présentant un intérêt biologique et écologique très intéressant. Des les années 80, la zone du PNSM avait été repérée lors de prospections comme «un site de grande importance pour la conservation de la nature». Le PNSM se situe dans le sud-ouest du Maroc dans la région du Souss entre le Haut Atlas et l’Anti-Atlas. Le parc s’étend sur une superficie de 33 800 ha (12 350 ha de domaine forestier et 21 450 sur des terrains prives et collectifs) sur la cote entre embouchure au nord de l’Oued Souss (Agadir) et au sud Sidi Moussa Aglou (Tiznit).
Les principaux objectifs qui lui sont assignés sont: la conservation et la réhabilitation des habitats et des espèces, la contribution à l’amélioration de la qualité de vie de la population locale, l’éducation, information et sensibilisation du public et la lutte contre l’ensablement. Mais quelques années après, il s’est avéré que ces objectifs et ce projet ne sont qu’une couverture pour faire main mise sur les ressources locales d’autant plus que le facteur humain n’est pas pris en considération et les habitants ne sont ni consultés ni associés à ce projet. Ils se sont trouvés alors écartés, pire encore interdits de pratiquer leurs activités ancestrales.
Cela a engendré des perturbations importantes dont les habitants subissent les conséquences néfastes. Les projets touristiques continuent à s’installer en douceur et les ventes de terrains sont encouragées, les habitants alléchés par les prix faramineux que proposent les investisseurs nationaux et étrangers. Et ce au mépris des considérations écologiques ou des équilibres des écosystèmes. Ces déséquilibres ont perturbé la situation et l’harmonie qui a toujours été de mise entre la population et son environnement et son espace vital.
Devant la démission des organisations de la société civile et le silence suspect des autorités locales, une seule association a osé prendre le taureau par les cornes en organisant une conférence sur le parc, le 8 aout 2004, sous le thème « le PNSM entre les intérêts corporatistes, les vérités écologiques et les droits des communes ancestrales ». Cette activité a jeté un pavé dans la mare. De part son ampleur et la sensibilité du thème abordé, elle a suscité u débat vif sur un sujet jusque là considéré comme tabou. La population a pris conscience des vérités passées sous silence, des dangers qui guettaient la région, les menaces d’expropriation, la fausseté et les mensonges que dissimulaient le discours officiel, la mise à l’écart des concernés et de leurs intérêts propres.
ANALYSE DU POEME
L’analyse que nous proposons de mener ici en travaillant sur ce poème vise à montrer la force de l’engagement qui s’y manifeste d’une part et l’importance et rôle de ce poète de la marge d’une autre part. Cette double visée ne peut se révéler qu’à travers la déconstruction du poème chanté, de l’examen de sa thématique, de la force exhortative, de la dénonciation sociale et de la diversité des procédés stylistiques mis en œuvre.
Le choix de cette chanson revêt une signification capitale. Sa production intervient dans des conditions sociales critiques et tendues. La région connaît une recrudescence des intérêts corporatistes qui visent à mettre la main sur les richesses locales, par le biais de projets à caractère écologiste. L’imposition de ces projets s’est accompagnée d’un processus en sourdine d’expropriation des terres ancestrales et des propriétés individuelles, l’interdiction des activités agricoles, de pêche et de chasses aux habitants, seules ressources de vie. En outre, la chanson est consacrée au problème de l’expropriation, de l’exploitation des richesses locales, des dangers qui planent sur leur devenir à cause d’une soi-disant protection de l’écosystème. Enfin elle illustre la relation particulière qui unit le chanteur au peuple, qui révèle sa position de prote-parole et de défendeur des intérêts mis en danger des habitants. Ce qui prouve ainsi son engagement social et politique et ouvre de ce fait un horizon d’attente particulier qui anticipe sur la nature de la réception que réservera le public à cette chanson et au support audiovisuel où il figure.
MOUVEMENT DU POEME :
Nous distinguons aisément dans ce poème chanté cinq grandes parties. La première est un prologue où le poète chanteur adresse ses salutations au public, salutations qu’il compare à la pluie qui trempera tout le monde sans exception, sans distinction. L’égalité des gens est de prime abord soulignée et les déictiques instaurent les éléments de la situation de communication, pour mieux assurer l’attention et la confiance du récepteur (L. 1-4). Il enchaine ensuite avec un discours moralisateur, à valeur gnomique, dans sa généralité où il conseille au destinataire la modestie et la simplicité, l’avertit contre la vanité et l’orgueil. Pour étayer ses propos, il recourt au proverbe, à l’exemple, au style imagé (L. 5-12).
Le poète introduit alors, par le retour à l’emploi des déictiques leblad-ad) l’objet de son poème, à savoir Masst. Il entame un panégyrique de son pays natal, en mettant l’accent sur la gloire passée, sa renommée historique, le halo et la consécration religieux dont il est entouré, ses richesses naturelles, surtout les ressources aquatiques tant convoitées, lançant ainsi un appel aux jeunes pour ne pas démissionner et pour reprendre les choses en main et redresser la situation (L.13-38).
La quatrième partie est marqué par un terme oppositif « walaynni » qui indique le passage à la dénonciation sociale, à la protestation contre la dégradation de la situation des habitants qui se trouvent dépossédés de leurs richesses, interdits d’accès aux ressources naturelles, désemparés entre l’enclume des autorités et le marteau de la protection écologiste (L. 39-57). Devant la gravité de la situation, le poète n’hésite pas à exhorter les gens à resserrer les rangs, à s’unir contre les autorités pour obtenir leurs droits spoliés, quitte à se sacrifier pour la bonne cause (L. 58-66).
La thématique :
L’éloge du pays natal :
Cet éloge ne s’explique pas par une raison subjective. Il n’est pas non plus un excès d’égocentrisme. Presque tous les rways amazighes n’ont pas dérogé à cette règle, chacun ayant consacré une chanson sinon à la nostalgie du pays natal, du moins à la description élogieuse de son village ou de sa région. Cependant, rays Ḥmad Umasst fonde son panégyrique sur le rappel des aouts qui ont fait la force et la renommée de Masst.
Une ville chargée d’histoire :
L’argument historique est de taille. La répétition de « ttarix » met l’accent sur cette dimension. C’est une région qui a une longue histoire, mais qui est injustement connue et reconnue : « a Masst tga tamazirt ilttafn ttarix ». C’est une allusion qui invite à relire, redécouvrir le passé glorieux qui remonte à très loin, à connaître l’importance et la place de cette région dans les différentes dynasties marocianes, les événements sanglants et heureux dont elle a été témoin, son ouverture sur le monde occidental avec les échanges commerciaux et maritimes qu’elle avait établis avec les pays européens.
La force de la tribu et de ses institutions :
La légitimité historique se double d’une autre force qui était le pilier de l’organisation sociopolitique, « iṭṭaf ujmu3 l3erbun », c’est-à-dire le droit coutumier ou azerf, qui réglementait la vie social et politique, les activités agricoles, les terres ancestrales et collectives. Il est la loi suprême de la tribu qui disposait des ses propres instances politiques et de ses institutions qui gèrent la vie et les problèmes de la société. Le rappel de cette donnée dans la chanson est pertinent. C’est justement cette donnée sociologique qui a été bafouée et ignorée par les autorités qui ont outrepassé la réalité des choses en imposant un arsenal juridique hérité du colonialisme pour réglementer au profit de leurs intérêts le domaine des eaux et forets. Ce choix a engendré des situations paradoxales où les habitants sont interdits de leurs propres domaines, empêchés de pratiquer les activités dont a toujours dépendu leur survie, parfois même, comble de malheur, interdits de passage vers leurs habitations et leurs champs !
Le pouvoir spirituel :
L’argument religieux n’en est pas du reste. Le poète chanteur évoque Sidi Wassay, un village cotier où demeure la tombe, érigée en mausolée, d’un personnalité religieuse, Abderrahman Arrondi, où se tient un anmuggar, moussem annuel au mois d’aout. Les activités commerciales y vont de paire avec l’activité religieuse d’un coté et les spectacles de chants et de danse. C’est ce passé religieux qui est mis ici en avant vu qu’il confère à Masst un pouvoir spirituel indéniable. Les détenteurs de ce pouvoir, « lawliyya » se sont convenus sur la suprématie de cette région et en ont fait l’avant-garde spirituelle et religieuse dans la région de Souss. la présence des médersas et des écoles coraniques, comme celle d’Ahmed Essaouabi, corrobore cette prétention. En outre, il est important de rappeler que Masst est riche en légendes liées aux prophéties et aux événements religieux. L’exemple du prophète Jonas (Sidna Yuns) en la parfaite illustration. La légende raconte ainsi que c’est à Sidi Rbaṭ qu’eut cet événement.
Mais cette image valorisante de l’aura religieux tient, aux yeux du poète, au bien et à l’utilité publique, au bien-être et à la prospérité du pays « sellemn-as, irin lehna i tmazirt, irin-as lxir ». Ces images glorieuses du passé sont d’une duplicité impressionnante puisqu’elles se constituent en un discours dont la porté idéologique est indirectement destinées aux autorités et aux responsables locaux.
Les richesses naturelles :
Le poète chanteur met ici ‘accent sur un élément vital qui fait la fierté et la renommée de la région : l’eau. Elle est connue pour ses sources naturelles, et il n’est pas surprenant que la toponymie locale atteste de cette réalité : un village porte le nom de Aγbalu, qui veut dire source en amazighe ; de meme une zone agricole est appelée Tiγbula, sources ! Le poète y fait allusion en utilisant la périphrase « l3in Aqdim ». Masst est traversé par un long fleuve qui va des montagnes de l’Anti Atlas jusqu’à l’embouchure de Sidi Rbaṭ. Sur ses deux versants s étalent des terres fertiles exploitées dans la production maraichère et surtout pour l’élevage. L’abondance de l’eau et la présence de terres fertiles font de la ville de Masst un havre de paix et un cadre de vie agréable. L’aisance et la satisfaction devraient alors etre de mise. « l3in aqdim isserḍa kra t inn iwalan », « asif ur jju gisn xssvan waman ».
Le motif de l’eau est dans ce poème un leitmotiv qui cristallise l’importance de cette image dans l’imaginaire amazighe. La poèsie n’est pas le seul genre qui traduit cette représentation de l’imaginaire, elle s’ajoute au proverbe et au conte qui véhiculent des valeurs et les pratiques culturelles et sociales amazighes liées à l’eau. Celle-ci est un élément structurel dans la vie sociale à Masst.
C’est pour cette raison que Masst a fait l’objet de convoitise à travers l’histoire. Les attaques viennent des voisins, surtout les tribus du Sud comme Ayt Umribt, Ayt Uglu, de l’Est avec les attaques des Achtoukn, de l’ouest avec les nomades arabophones. Il n’est donc pas étonnant de trouver aux quatre coins qui entourent MAsst des tours de contrôle appelés Anḍafn. Les dangers proviennent aussi de l’étranger : après les portugais, les français qui ont fini par mettre la main sur presque tout le Sud.
Rays Hmad Umasst est donc au fait de certaines réalités historiques relatives à son pays d’origine. Il le comble d’éloges, en choisissant ses points forts et ses mérites, ses richesses matérielles et culturelles grâce auxquelles elle n’a pas échappé au regard des historiens, des poètes mais aussi des convoitises étrangères. Cependant, ce panégyrique lui sert de toile de fond sur laquelle il fondera sa dénonciation et sa mise à l’index de la régression et de la dégradation qui lui ont été réservées ces derniers temps.
Une poésie itinérante :
La poésie du rays Ḥmad Umasst perpétue une tradition poétique des rways qui semble un peu en voie de disparition. Il s’agit de l’itinérance. Le chanteur nous mène, grâce aux mots et aux indications spatiales, en promenade à travers Masst.
Il indique pour cela un itinéraire significatif de cinq escales : Ag°dal, Jjwabr, Tasennult, Ifentar, Tulu. La première est un centre religieux, un établissement éducatif et culturel qui formait l’élite religieuse de la région. Il a donc contribué à asseoir la renommée de Masst parmi les pôles religieux et spirituel du Sous. La seconde est un village sis sur l’autre versant de l’oued, au sud de Masst. Historiquement, il fait partie de l’alliance avec Tasennoult pour la préservation des intérêts communs, notamment l’eau d’irrigation. Mais le rays le cite pour d’autres raisons. C’est le village auquel on doit deux figures importantes de la musique et de la poésie de Masst. Il s’agit en effet de Lḥasan Umasst, un chanteur doté d’une belle voix et les frères Ubakrim, Jam3 et Ḥmad, l’un est poète, l’autre un virtuose du ribab. Il n’a rien à envier aux grands compositeurs. Une chanteuse de renommée comme Taba3mrant lui doit beaucoup et elle reconnait d’ailleurs sa dette envers lui. C’est donc une reconnaissance et un hommage du poète à ses confrères, à ces artistes méconnus et au village qui les a engendrés.
Tasennult et Ifentar sont deux autres villages voisins, connus à travers l’histoire locale. ….
Quant à Tulu, son évocation est très importante. Elle sur l’autre versant du fleuve, entre Ifentar et Idawllun, dans un magnifique emplacement. D’après la relation orale et les historiens, elle était peuplée par la communauté juive qui y pratiquait son culte et ses cérémonies religieuses, avant de d’être bousculé et importunée par les gens qui les regardaient d’un mauvais œil. Longtemps après, Tulu a été utilisée par les pouvoirs en place, colonial et local. Les habitants se souviennent encore des exactions et tortures que subissaient les pauvres gens. Le poète y fait intelligemment allusion : « ikka-tt inn gis l3ib » (la honte y avait sévi). Les représentants du pouvoir local, les caïds notamment, étaient des despotes sanguinaires, sans aucune pitié. Les opposants, les contestataires, ceux qui protestent contre l’expropriation, les corvées, étaient torturés, jetés dans les silos. Le poète ne ménage pas ses mots, il met le doigt sur cette plaie et dénonce ce passé noir et exorcise les maux endurés : « ccan midden aṣellab n ifassen kufernin ». Le poète a utilisé une expression figée très courante « icca akuray » (il est torturé, il est malmené, il a souffert), mais en remplaçant « akuray » (le bâton) par un synonyme plus expressif « aṣellab » (branche verte). Ce deuxième instrument de torture amplifie le degré de souffrance et révèle les tourments et les supplices que perpétraient les responsables sur les pauvres gens sans défense. C’est donc un lieu chargé d’histoire « illa gis ma yttini yan » mais c’est aussi une tache noire dans ce magnifique paysage. Le poète fait donc preuve de lucidité et d’impartialité dans sa description élogieuse de Masst. En outre, cette description itinérante a pour fonction de faire une transition entre le passé et le présent et de mettre ainsi la mémoire au service de la sensibilisation sociale.
L’attachement à la terre :
Le champ lexical lié à la terre est abondant dans ce poème. « wakal, leblad-ad, tamazirt, lmakan, targa, tagant, akal, ccuf n tittv, zzur». Il est clair que c’est l’élément central du poème. Les termes cites indiquent de grandes étendues, ce n’est pas de simples indicateurs spatiaux. Ce sont des espaces des diverses natures : arables et fertiles (targa par exemple) et celles qui dépendent des précipitations annuelles. Des terres où diverses acticités agricoles se pratiquent : culture céréalières, maraichères, élevage…
Si le poète a fait l’éloge de Masst en raison de l’abondance de l’eau, cette ressource vitale perd paradoxalement de sa valeur avec la perte de la terre. Elles sont étroitement liées. C’est pourquoi perdre la terre est synonyme de mort, physique et symbolique dans la société. La répétition du verbe « kkis » (enlever, exproprier) est comme une menace lancinante, une épée de Damoclès qui plane sur les têtes des habitants. L’expropriation des terres est révélateur des convoitises de toutes sortes qui guettent les espaces stratégiques qui bordent le fleuve et le littoral atlantique. En répétant les verbes « kkis » (3 fois) et « awi » (2 fois) et le déterminant de quantité totalisante « kullu » (tout), en utilisant l’expression « iga lxatar », le poète réussit à dramatiser la situation et à créer une impression d’inquiétude, une image claire de la menace et de la gravité de la condition précaire et critique qui s’installe désormais.
Si le poète décrit cette obsession de la terre, dans sa protection autant que dans sa perte, c’est qu’elle occupe une place essentielle, capitale dans la vie individuelle et collective. Ces deux éléments naturels, l’eau et la terre, structurent de manière profonde l’imaginaire collectif local. Elles symbolisent la fécondité, la productivité, la permanence et la continuité de la vie. L’homme ne prend toute sa valeur et son humanité que grâce à la possession de la terre qui lui octroie un certain prestige et une considération sociale.
L’empreinte de l’oralité :
L’oralité est un trait fondamental de la littérature amazighe. C’est à elle qu’on doit certainement la vie et la permanence de la poésie et de la culture amazighes, malgré tout ce que l’on peut dire de l’importance du passage à l’écrit et de la trace scripturale.
L’une des marques de cette oralité est la fluctuation qui caractérise l’expression personnelle du poète. Le pronom personnel « je » est doté d’une autre occurrence à connotation collective : au lieu de je le poète s’exprime e nous. Comme l’attestent ces vers :
A dd nkk Ag°dal nzer gis kullu ttarixat
A nhidi Jjwabr, ra dah nak°i s Ifentar
Tasennult ur tt idd nfel a st ittu yan
A maxx urd asqqerd ixecnn lliḥ nsul
Ur aḥ akk° sul htajjan willi catrnin
Ayllih akk sul ur gih tisura h ufus
La valeur de cet emploi est problématique. S’agit-il d’une marque de modestie, le poète préférant ne pas s’afficher ouvertement et directement ? Ou d’une marque du code de politesse amazighe qui déconseille de ne pas se vanter et se mettre en avant, de reléguer au second plan son égo ? Ou encore un procédé d’implication par lequel le chanteur cherche à impliquer le récepteur qui devrait alors s’identifier ou se retrouver dans le discours du poète ?
La deuxième empreinte de l’oralité que nous aimons traiter ici est l’usage de la parole proverbiale dans la poésie. Notre rays entérine une tradition poétique qui a longtemps prévalu chez les grands poètes. D’où cette relation architextuelle et intertextuelle entre la poésie et le proverbe. Ces deux genres se sont enrichi l’un l’autre. La poésie emprunte à la forme brève sa force argumentative et sa dimension gnomique. A telle enseigne que certains vers ont fini par se transformer à force d’usage en paroles proverbiales. En contrepartie le proverbe a fait siens les procédés rythmiques, musicaux et rhétoriques chers à la poésie.
Ainsi, le vers suivant :
A yan iγ°lin ar iggi sellmat i wakal
Est une reprise adaptée d’un proverbe bien connu « yan iɣlin ar igenna sellmant i wakal, ad ….
De même,
A ttul n zzman a ra d iknu wanna yittin
Fait écho au proverbe « ttul n zzman a k id iknan ay aɣanim ». Le poète recours au proverbe pour étayer son discours et le doter d’une force argumentative. Il lui sert d’argument d’autorité qui emporterait l’adhésion du récepteur d’autant plus que l’enjeu est à la mesure du problème abordé qui est d’une grande sensibilité pour la population locale.
Le poète est bien imprégné de la tradition poétique du Souss où amarg ne prend tout sons sens que par « lme3na » que lui assurent les procédés stylistiques imagés et de symbolisation. Allant dans cette tradition, notre rays crée lui-même des vers qui prennent cette coloration proverbiale dont il faut décoder et interpréter les constituants pour comprendre la signification :
A yan ilsan iberdan salun ar akal
Nnih-ak hann ifergan fersn kullu sul
Ces deux vers est une description imagée de l’arrogance et de la vanité. Un vice que l’éthique amazighe ne tolère pas. C’est donc un appel à la modestie que lancent le poète au public, affirmant par là qu’il est partie prenante du peuple, qu’il épouse ses soucis et se solidarise avec eux. Placés au début du poème, ils signalent l’adhésion du poète à la cause de la population et assurent ainsi un rôle de préparation psychologique.
Isafarn ih mmaggar ur illi wattan
Ifellahn ih mmaggarn lxir a tlkemt
Cet usage du proverbe et de la parole codée est donc une preuve de la maitrise poétique du poète chanteur. Il cristallise la dimension architextuelle et intertextuelle qui établit des ponts entre genres littéraires et œuvres poétiques antécédentes qui relèvent du répertoire poétique du Souss.
La conscience sociale 
Taqṣidt n Masst (ou n ugdid) est l’un des poèmes les plus connus et aimés du public de Masst. Cette vogue s’explique en effet par le sujet que notre rays a choisi d’y traité : l’expropriation de la terre.
Rays Hmad Umasst, en abordant ce problème, fait preuve ici de cette relation particulière qui lie le poète et son public et la population de façon générale réceptrice et consommatrice des produits artistiques. C’est une relation d’écoute et d’adhésion aux souffrances des gens, qui l’amène à porter et crier haut ce qu’ils murmurent tout bas. Il est donc conscient, en chantant ce sujet, des horizons d’attente du public. A ce propos, il nous affirme, lors d’une entrevue, que la réaction de ce dernier est partagée. A l’admiration et la sollicitation des gens qui ont apprécié et l’en félicitent, s’oppose celle plus négative des responsables des autorités locales qui lui reprochent de parler justement d’un des sujets sensibles dans la région.
La mise à mal du discours écologiste :
Si le poème objet de cette étude s’intitule « taqṣidt n Masst », il est surtout connu parmi le public sous l’appellation « taqṣidt n ugdid ». Cela montre bien que l’oiseau, en l’occurrence l’ibis chauve, constitue un motif très marqué et connoté. Et pas des moindres puisqu’il est très connu, et fait la renommée de Masst, mais aussi le malheur de ses habitants, surtout ceux qui occupent les zones côtières.
Rays Hmad Umasst nous le présente sous ses aspects négatifs. Il porte des attributs qui font de lui un oiseau de malheur. Il n’est nommé qu’après une série d’interdits et d’entraves qui lui sont inhérents et corolaires. La dénomination choisie ici, « abu minjal », est une dénomination arabe. L’oiseau a un nom en amazighe, il est appelé localement « taabrart ». Inconsciemment, le choix du nom connote une domination idéologique de la langue officielle. Et cela reflète ainsi le pouvoir écrasant de l’appareil d’Etat. La domination de l’appellation arabe n’est qu’un reflet de la domination sociale et de la machine répressive des instances étatiques qui ont imposé ce parc.
Cet oiseau n’est pas dépourvu de valeur positive. Au contraire, il jouit d’une image de marque. Il est meilleur que l’homme. En usant de l’ironie, le poète semble le montrer plus valorisé : « abu minjal ayad ad aḥ yufn kullu yaḥ ». Toute la population ne vaut donc rien face à ce volatile. Il est pris dans son double sens d’animal protégé et valorisé mais aussi en tant que symbole du discours écologiste qui se soucie de l’animal jusqu’à le sanctifier, beaucoup plus que du facteur humain. Il est très bien protégé, il dispose d’un garde qui le surveille à longueur de journée « andaf » dans les moindres recoins « ccuf n tittv » et pourchasse et sanctionne toute personne qui lui porte atteinte « wanna iran a tn ɣ°in siɣ asn ssuteln ». Il est donc élevé au rang d’une haute personne étrangère dont il ne faut troubler en aucun cas le repos, la quiétude et le séjour.
Ce qui est impressionnant dans ce poème, c’est le verbe « kkes » qui est associé à l’oiseau. Il est répété trois fois. Et à chaque occurrence, il se trouve lié au champ lexical de la terre.
Kkes … a t inn lkmeḥ
Kkes … asif
Kkes … tagant
Kkes … akal
Ce verbe est d’une charge sémantique et symbolique très forte. Polysémique, il s’emploie avec divers sens : enlever, empêcher, déconseiller, soustraire, ôter, interdire, arracher, exproprier, … Un sème majeur ressort de ces occurrences, c’est celui de la dépossession et de l’interdiction. L’oiseau est lui-meme interdit d’etre approché. L’autochtone n’a pas le droit de profiter de la richesse zoologique de sa région. Pire encore il est toujours suspecté d’etre source de tracas, de trouble, de problèmes.
Mais le plus grave est que la protection de l’animal est mise au service de la dépossession, de l’interdit et de l’expropriation foncière.
La dénonciation de l’expropriation :
Mais l’objet central de ce poème est bel et bien la spoliation de la terre. Mais aussi les menaces qui pèsent sur les ressources hydriques auxquelles Masst doit sa renommée. La terre est désignée par trois termes « akal », « tagant » et « zzur » qui correspondent à trois zones exploitées de part et d’autres du fleuve. L’eau et la terre sont donc la principale source de vie de la population.
Le poète fait montre de lucidité et de conscience sociale puisqu’il est au fait des enjeux qui sont liés à ces deux piliers la vie sociale de la population. C’est d’abord l’interdiction qui frappe la région dite protégée (anḍaf) à cause de la présence d’un oiseau, l’ibis chauve, qui symbolise ici le parc national et le discours écologiste. L’interdiction de passage et de l’usage du sol et de la circulation est doublée d’une la menace de l’arrestation qui pèse sur toute personne qui dérangerait la quiétude de l’ibis chauve :
Ittaf andaf gabln kullu ccuf n tiṭṭ
Wanna iran a tn γ°in sih asn ssutln
Par ailleurs, devant ce constat amer, le poète décoche les flèches de ses critiques à l’encontre des responsables de cette situation difficile. Il ne les ménage pas puisqu’il les traite spoliateurs : « iwin-aḥ kullu tagant lqemn-as asif ». leurs véritables intentions sont donc démasquées et leurs visées malhonnêtes mises à nu. D’un coté, la population se trouve privée, menacée, dépossédée ; de l’autre les décideurs et responsables de ces agissements s’accaparent les biens ancestraux. Le recours à l’image de l’orphelin est ici significatif. Elle souligne l’exploitation et l’humiliation sociale dont est victime la population et contribue ainsi à donner un aspect dramatique à la situation
Ah Masst a tigigilt lli s a ttinin
La dénonciation est à son paroxysme lorsque le poète les caractérise de voleurs « mad aḥ za sul ujjan willi ttakernin ». Par cette paraphrase, le poète vilipende les pouvoirs en place qui ont imposé ce projet contre le gré des premiers concernés et qui, au lieu de les servir et de veiller sur leur bien-etre, les accablent d’injustices et alimentent ainsi leurs souffrances.
L’engagement du poète se révèle incontestablement lorsqu’il prend la défense de la population. Il ressent leur mal, la privation qui est leur lot, l’état de dénuement auquel ils sont réduits :
Mad ah za sul ujjan willi ttak°ernin
Willi iran ad m3icn ukan nssiki-tt
Nous sommes ici en présence de deux programmes narratifs extremes et opposés : celui du sujet collectif doté de pouvoir et de compétences fortes pour agir, muni d’un arsenal juridique imposé, les responsables spoliateur et expropriants qui interdisent menacent, s’accaparent et profitent d’une manière ou d’une autre des richesses naturelles en place ; il est décrit comme appropriation
F1 S1º S1 ∩ O où F=S1
A l’opposé, le programme narratif de la population, sujet collectif mais sans pouvoir, en position de dominé, qui voit ses droits violés, ses richesses et biens spoliés. On est en présence d’un programme de dépossession où le sujet qui était en jonction avec l’objet s’en trouve disjoint et dépossédé:
F1 S2 ∩ O → S2 U O
En outré, le poète termine ce tableau noir de la situation sociale critique par une question rhétorique qui cristallise toute une l’indignation qui se profile parmi ses congénères :
Imma tarwa n tmazirt-inu mani ran
Ces derniers se trouvent rejetés, excommuniés hors de leur propres terres. L’expression « tarwa n tmazirt-inu », avec le retour de l’implication du poète, marque fortement l’adhésion du poète, son sentiment d’appartenance et de solidarité avec les dépossédés qui se transforment en étrangers sur leur propre sol.
L’exhortation
Le poète chanteur se fait le porte-parole des victimes sociales de la machine infernale de la spoliation et de l’appauvrissement. Il ne se contente pas de produire une image terne de la situation déplorable de la population et de leurs souffrances, mais en poète sensible et lucide, il tente de faire réagir et de d’exhorter les gens, de les secouer pour sortir de leur torpeur, de vaincre leurs appréhensions ou leurs hésitations.
Ayt Masst aytma gat yan nwifiqat
Hati rbaḍ illa gis lmalik nnaḥ
A kullu nmun nddu dars a yilli ttifaq
L’invocation de la plus haute autorité du pays comme seule source de justice est un leitmotive connu dans la poésie amazighe, qui est aussi une sorte de couverture contre toute poursuite pour de tels propos dénonciateurs. Mais il est à signaler que le poète chanteur use de deux types d’arguments, qu’il puise dans le domaine de la citoyenneté, puisqu’il fait référence à la notion de droit, et dans le domaine religieux « ccahid », « ljant », « lḥadit ».
La force de ces deux arguments est donc mise au service de la persuasion et de l’exhortation à l’action et à la solidarité pour défendre et arracher ses droits, quel qu’il en soit le prix. Les droits sont inaliénables, et pour les préserver il faut s’engager, lutter et même se sacrifier en martyr puisque la vie perd tout son sens avec la perte de la valeur fondamentale qui est la terre. La mort dans la lutte est alors une délivrance, la voie de la vie pleine et entière. A l’opposé, l’inaction, la soumission, sont une véritable humiliation, un affront insupportable qui salit son image sociale et sa dignité humaine :
Lhaqq-nh irad d ibayn inna h llan
Lehqq yan t innan ibbiyt as ukan ufus
Nx agayyu iddu s tillas n wakal
Lajnt ad ran lhadit ukan a t innan
Iḥ immut f ccahid ur fllas illi yat
Tadallit ka nit ihercn ih tt yusi yan
CONCLUSION
Le poème que nous avons analyse de nous a permis de mettre à jour la présence d’une tendance réaliste chez rays Hmad Umasst qui fait preuve de poète sensible aux causes sociales de ses congénères. Le choix d’un problème aussi sensible que celui de l’expropriation des terres prouve bien son attachement à la défense de la population et son engagement à la dénonciation des injustices qu’ils subissent.
Par ailleurs, l’analyse du poème a révélé l’importance des valeurs culturelles qui structurent l’imaginaire symbolique dont la terre est l’élément fondateur et fondamental qui donne tout sens à la vie et à la dignité de l’homme, et pour laquelle toute personne atteinte dans le droit de sa possession est prête à se sacrifier.
Les procédés stylistiques et les motifs poétiques relevés indiquent que notre rays s’inscrit dans cette tradition poétique qui use des canevas traditionnels mais il marque bien sa spécificité par la simplicité du style et l’inscription locale du sujet abordé qui rejoint la revendication sociale du droit à la terre et à ses richesses.
Et de ce fait, notre rays, malgré le manque de moyens de diffusion qui l’enferment dans la marge et la localité, réussit à dépasser cet handicap par son art et son engagement social et à se distinguer comme poète du terroir.
ANNEXE
Transcription du poème:
Masst
1.A lla3awn a ma γid a lferh ukan illan
A zud anzar a nn ider sslam-inu fllak
A yan ad gan igigiln ula lmsakin
Ula ma d γid immaggar kullu yan ayann
5.Rbbi lli ixelqn tagant ixlq-as ifis
A gis im3ic imma ha lxuf ur i t ikkis
A yan iγ°lin ar iggi sellmat i wakal
A ttul n zzman a ra d iknu wanna yittin
A yan ilsan iberdan salun ar akal
10.Nnih-ak hann ifergan fersn kullu sul
A ma h akk tlla tuwda-nk a yasif n Sus
A yak izger gik udar sul ur ila aman
Mkann ad gan willi ittnaqasn tisent
I zud leblad-ad rebbi a ysn yulln caraf
15.Isafarn ih mmaggar ur illi wattan
Ifellahn ih mmaggarn lxir a tlkemt
Rebbi 3awn isbbabn kra ran a t lkemn
L3ajaybun a sidi kra h illa wattan
Hati Masst a h a siggiln asafar i wuli
20.Ittaf ujmu3 l3rbun yili ttarix-ns
A Sidi Wassay iga lmakan ixeyyern
Kullu lawlya mmaggarn inna yan i yan
A lukalt n Sus iγ°i-tt kullu sllemn-as
Irin lehna i tmazirt irin-as lxir
25. Ittaf ujmu3 l3rbun yili ttarix-ns
A dd nkk Ag°dal nẓer gis kullu ttarixat
A nhidi Jjwabr, ra dah nak°i s Ifentar
Tasennult ur tt idd nfel a st ittu yan
Ula Tulu illa gis ma yttini yan
30.Ikka tt inn gis l3ib is ka yurri s lxir
A ccan midden asllab (n) ifassn kufernin
Ddan irgazn ha dah wiyya sul nsul
Irbbayt a ccabab a tselhm limurat
A hann id bulkdub a tn ur ittamn yan
35.Mmaγayt ka f tmazirt a tili ccaraf
L3in aqdim isserda kra t inn iwalan
Ula asif ur jju gisn xssan waman
Ula Targa wanna gis yufan lmakan
Walaynni labudd a nhukku limurat
40.A maxx urd askk°erd ixecnn llih nsul
Ura h akk° sul htajjan willi catrnin
Ayllih akk sul ur gih tisura h ufus
A Masst tga tigigilt lli s a ttinin
A Masst tga tamazirt ittafn ttarix
45.Ur jju akk illa ma fllas isawln
Illa gis ya wgdid ikkis ah a t inn lkmh
Ikkis ah kullu tagant ikkis asif
Idda nit γilad ad ah k ikkis ay akal
Abu minjal ayad ad ah yufn kullu yah
50.Ittvaf andaf gabln kullu ccuf n tittv
Wanna iran a tn γ°in sih asn ssutln
Ah Masst a tigigilt lli s a ttinin*
Iwin ah kullu tagant lqemn-as asif
Ula zzur hatinn ga lxatar ta t awin
55.Mad ah za sul ujjan willi ttak°ernin
Willi iran ad m3icn ukan nssiki-tt
Imma tarwa n tmazirt-inu mani ran
Ayt Masst aytma gat yan nwifiqat
Hati rbad illa gis lmalik nnah
60.A kullu nmun nddu dars a yilli ttifaq
Lḥaqq-nh irad d ibayn inna h llan
Lehqq yan t innan ibbiyt as ukan ufus
Nx agayyu iddu s tillas n wakal
Lajnt ad ran lhadit ukan a t innan
65.Ih immut f ccahid ur fllas illi yat
Tadallit ka nit ihercn ih tt yusi yan
* A Masst a tigigilt ur ittvafn yan






 

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