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Les lettres de Cyprien, martyr premier d'Afrique (1ère partie)
«Ce n’est pas là le nom d’un crime, c’est le crime d’un nom» (Aux païens 1, 3, 2). Cette étude ne prétend point véhiculer une vision anachronique à propos des ouvrages religieux, elle tend juste à présenter quelques éclairages sur des textes produits en Afrique du nord dans leur rapport à la réalité, au peuple autochtone et à ses traditions et culture. Ce bout de terre, et carrefour tricontinental, reçoit bien les dogmes venus d’ailleurs, et Cyprien en est un meilleur exemple pour les apprécier plus que les croyances locales, les embrasser et les défendre solennellement. Qu’est-il de ses témoignages avant sa conversion? Il n’en reste rien, aucune trace. A l’instar d’autres écrivains chrétiens africains, il se convertit et il commence automatiquement (spontanément!) à écrire… Ecrire, un simple et pur acte de foi... Une possible déconstruction de ses textes peut-elle reproduire les éléments d’une telle réalité projetée dans un devenir chrétien qui laisserait entrevoir les aspects païens, premiers et locaux? Précisément, s’appuyant sur de longues citations, cette lecture essayera d’analyser les textes de Cyprien (vers 200-258) qui demeure parmi les grands martyrs du christianisme en Afrique du nord, et d’en extraire les manifestations de ce qui est «annulé», «effacé» et «réfuté» par le discours pastoral. Cyprien se hisse comme le soldat idéal de Dieu: «Tous les partis conviennent que saint Cyprien était un homme pieux et zélé pour le maintien de l’ordre et de la discipline dans son Eglise. Il ne se distingua pas comme dogmatiste, ni comme interprète des saintes Ecritures. Son principal mérite, comme écrivain, consiste dans sa morale.» (1) Jean Alexandre C. Buchon se trompe: Cyprien est à lire comme un grand dogmatiste qui va non seulement expliciter le système importé aux siens, mais il ira plus loin: il dressera des parallèles avec son héritage premier afin d’investir encore l’esprit chrétien de force et de cohérence… L’implantation de ce christianisme africain se réalise dans une double douleur pour l’auteur: persécution de ses propres croyances, et persécution des militaires de l’Empire. Le penseur catholique va également être témoin de tels supplices subis par les convertis, notamment dans sa correspondance. Le nombre des lettres de Cyprien exilé, persécuté et martyrisé est de (81) dans l’édition d’Oxford, et de (83) dans celle de Baluze. (2) S’adressant à ses confrères et à tout le peuple qui s’enthousiasme à suivre la foi de Jésus, il témoigne de la grandeur d’une famille amazighe déchiquetée pour proclamer la cause catholique: «Apprenez donc que nous avons été averti et chargé par la divine Bonté d’inscrire au nombre des prêtres de Carthage le prêtre Numidicus, et de l’admettre à siéger avec nous parmi les clercs, dans le rayonnement splendide de sa confession, et la gloire que lui ont donnée son courage et sa foi. Il a exhorté une phalange glorieuse de martyrs qui sont partis avant lui, tués à coup de pierres ou brûlés; et tandis que son épouse fidèle était consumée, ou plutôt conservée, avec les autres, il la regardait avec joie au milieu des flammes. Lui-même fut à demi-brûlé, lapidé, et laissé pour mort. C’est plus tard seulement que sa fille, cherchant pieusement le cadavre de son père, le trouva respirant à peine. Retiré du milieu des autres victimes, et ramené à la vie, il resta à regret en arrière de ses compagnons qu’il avait envoyés au ciel avant lui-même. La raison en fut, comme nous le voyons, que Dieu le voulait adjoindre à notre clergé, et donner à notre groupe, désolé par la chute de certains prêtres, la parure de prêtres glorieux. Il sera promu, quand Dieu le permettra, à une dignité plus haute, lorsque, avec la grâce du Seigneur, nous serons présent.» (Lettre 40) A titre d’illustration, la famille de Numidicus (nom typiquement africain) incarne cette christianisation accélérée de l’Afrique, faite dans la conscience suprême. Cette ordination facile s’avère donc une récompense symbolique pour son abnégation et sacrifice. Ce genre d’histoires, bien que propres à un individu, est important à analyser pour voir de près comment cette correspondance est un bon témoignage de la christianisation problématique. En fait, nous n’allons point parler longuement des petites histoires ou anecdotes de l’Eglise africaine, mais plutôt les citer afin de poser des interrogations à propos de la constitution et de la structuration de ce nouvel établissement. Notre souci est alors d’étudier le regard de Cyprien vers sa première culture de nord africain: comment critique-t-il les siens? Quels sont les jugements portés sur eux? Se définit-il clairement comme amazigh, c’est-à-dire en tant que nord-africain? I.- DE LA ROMANISATION ET DU CHRISTIANISME EN AFRIQUE Avec l’avènement de la nouvelle religion au II siècle, les Imazighen sont confrontés à trois choix d’être: se romaniser, se christianiser ou bien rester fidèle à sa culture. Ce triple choix semble les persécuter toujours: être soi, être un autre ou un autre redoublé… Seulement, l’autre, dans ses deux versions de concentration qui se valent, réfute l’autoréférentialité. Ainsi, il est de noter que la romanisation et la christianisation de l’Afrique connaissent des rapports conflictuels sur des terres étrangères. Qu’est-elle de la réaction des tribus nord-africaines et des intellectuels acculturés? Pour nous, Cyprien est intéressant à lire dans la mesure où il incarne cette intelligentsia en ce moment crucial où la romanisation avancée et le christianisme naissant prennent dans un étau le corps de l’Afrique. La première aliénation se base sur le culturel et le linguistique, et le second rajoutant la transformation du symbolique primaire. L’intelligentsia, faut-il encore le noter, tend à embrasser l’idéologie de l’autre redoublé afin d’exprimer la haine de soi, instant d’une conscience en devenir négatif… Qu’est-il des structures de résistance locales? En fait, l’alliance des tribus fait peur à Rome ou à tout occupant de l’Afrique, mais elle se réalise en de grandes batailles contre le Romain et ses alliés. Pour les empereurs de Rome, maîtres de l’Afrique, la romanisation, tout du moins dans la partie orientale de l’Afrique romaine, n’est pas en danger et peut continuer à se développer en dépit de quelques poches de résistance après la fin de Massinissa. Mais, l’empire fait face à un nouvel adversaire, cette fois endogène, importé de la capitale: le christianisme. L’édit promulgué dès 249 qui oblige les chrétiens à prier pour le salut de l’empereur, à procéder à des sacrifices (sacrifier un animal devant sa statue), à des dons (brûler de l’encens en son honneur) ou des libations de vin. Pour remédier à cette conjoncture défavorable, la IIIe légion d’Auguste, reconstituée entre 253 et 258, va mener des campagnes contre la christianisation, et en conséquence provoque un regain de brigandage et d’instabilité dans les colonies. C’est bien l’interprétation africaine du christianisme qui dérange l’Empire. Elle serait une autre attaque, analogue à celle des barbares sur le continent, qui pourrait faire vaciller à tout moment les piliers de l’Etat. Le christianisme arrive-t-il alors avec plus de facilité de Rome ou d’Orient en Afrique du nord? En général, Tamazgha demeure le carrefour des religions et des hérésies, là où tous les échanges sont permis. La résistance au christianisme est, en fait, grande: la nouvelle religion se démarque des autres religions venues de Rome, de Grèce, d’Egypte, d’Orient et d’Asie par son opposition ouverte et active aux cultes et dieux locaux. Le culte du Christ déchire la structure des tribus et de la société nord-africaine. L’on déduit des textes de Cyprien que les évêques de Carthage, à l’instar des proconsuls romains, sont strictement dépendants de Rome. Cela ne veut point dire que les relations «religieuses» africaines avec les autres parties de la Méditerranée étaient moins importantes, notamment le rapport avec la péninsule ibérique et l’Orient. Ces derniers rapports demeurent fraternels pour des raisons politiques et religieuses, face à une Rome omnipotente et omniprésente.... Devant la peste qui ravage l’Egypte, et l’Afrique commençant à souffrir du fléau à partir de 249, et les Goths et les Sassanides qui menacent les frontières de l’Empire, Cyprien interpelle les Africains à embrasser la foi (pour se protéger). Cela est clair dans De la Mortalité. Seulement, le peuple demande qu’on jette l’évêque aux lions en l’incriminant de magie noire. Les chefs romains vont accuser les chrétiens d’avoir provoqué l’ire divine, c’est pourquoi l’empereur Gallus (251-253) va mener une persécution sauvage contre les chrétiens de l’Empire. Les croyants sont exilés, pendus, livrés aux bêtes sauvages, lapidés dans les rues, crucifiés, brûlés… Sous la menace, les Africains choisissent l’apostasie. Mais quand la persécution n’est pas intense, les apostats reviennent à l’Eglise pour la réintégrer. Certes, ils sont nombreux à chercher le certificat de sacrifice. Les clercs, voire des évêques, qui ont demandé à Dèce la supplication ou ont sacrifié en l’honneur de l’Empereur sont des apostats, autrement dit des «lapsi», et ils sont mal vus par leurs confrères qui n’ont pas obtempéré. Cette division au sein de la communauté catholique africaine profite pour l’autorité de Rome. Le concile de Carthage de 256 promulgue le «rebaptême» des lapsi pour en faire de purs croyants. Rome refuse une telle proposition: le rite catholique est unique. Pour les historiens de l’Eglise, Cyprien tient la place d’un modèle de la vertu catholique: Sûr de gagner la reconnaissance de l’Au-delà, le religieux veille de loin sur son temple et organise ses ouailles depuis son exil. Le loyalisme est certes requis… Il a l’honneur d’être l’une des premières victimes des couronnes épiscopales. Il est considéré le premier grand martyr de l’Eglise nord-africaine. II.- LA FORMATION D’UN PENSEUR Qui est en réalité Cyprien, celui qui va être l’Africain béatifié par l’Eglise de Rome et toujours lu par l’Occident? Pour les penseurs occidentaux, notamment les écrivains français, l’œuvre de Cyprien est d’une grande influence. Par exemple, Guez de Balzac voit en Cyprien le maître de Fénelon. (3) Son œuvre se constitue de 14 ouvrages et d’une importante correspondance. Parmi ces textes, citons les plus importants A Donat (4) De la Mortalité, Les Tombés, La Terre des Vierges, Correspondance... Notons encore: les textes avant la métamorphose n’existent pas. S’ils existaient, ils renfermeraient énormément de traces et d’évidences sur la pensée première des Africains. Cette rupture est difficile à récupérer, bien que nous entendions poser ici des interrogations afin de déconstruire le texte et y voir de près les traces de l’effacé… Les écrits religieux de Cyprien ont une grande influence didactique sur les Africains, les Ibères, les Gaulois, les Romains et les chrétiens du Moyen-Orient. Cette influence a une autre dimension, politique: il soutient Corneille contre Novatien en 251. L’autre dimension de cette œuvre est bien sociale: en plus d’innover dans l’art d’assembler l’argent pour faire propager la voix de Dieu, Cyprien crée la charité spécifique pour racheter les chrétiens numides, pour sauver des vies «à convertir» lors de la peste entre 252 et 254. Enfin, son apport philosophique à l’explication du catholicisme est le fait d’apprendre aux païens que Dieu ne protège pas l’homme des fléaux ni des désastres, mais il leur revient d’accepter la divinité dans la souffrance afin de gagner la vie éternelle. A la foi païenne qui protège l’homme des maux et des désastres, l’auteur lui préfère le christianisme qui se base sur le rachat et l’abnégation. Cyprien porte le prénom de Thiascius. En honneur à son prêtre mentor Cécile, il rajoute cet autre prénom au sien. Son nom complet est alors Thiascius Caecilius Cyprianus. L’aliénation de Thiascius commence tard, précisément avec le port du nom de son mentor chrétien… Il n’est pas né à Carthage, le lieu de sa naissance demeure inconnu, également la date de la venue au monde du prêtre béatifié. D’après les manuels, il est né entre 200 et 210 (peut-être à Carthage), éduqué au sein d’une famille païenne et richissime. Suivant la mode de prestige de l’époque, la formation à l’école va faire de lui un bon rhéteur et un avocat célèbre. Son érudition va l’emmener sur le continent de l’Empire pour exercer la profession d’avocat qu’il va abandonner à sa conversion. Eduqué dans un milieu païen, à ses yeux dans un espace de mœurs corrompues, l’auteur va être converti par un simple prêtre. Il va dorénavant voir dans l’acte païen une abjuration du christianisme universel. Ses écrits sont riches en interrogations pour celui qui hésite entre continuer sur la voie païenne et embrasser la religion universelle. Une question s’impose: comment peut-on convaincre facilement un enseignant de rhétorique et avocat célèbre de la suprématie de la vérité du christianisme? Cyprien s’initie aux Ecritures en utilisant son savoir de rhétoricien… 1) Jeune débauché et magicien Force est de noter que sa vie de jeunesse est celle d’un mondain, loin des enseignements de l’Eglise naissante en Afrique, et studieux des arts de l’occultisme. Il ressemble ainsi à Lucius de L’Ane d’Or ou bien à Tertullien et à saint Augustin. Il y a des historiens et des critiques qui lui octroient un passé de magicien, bien avant sa conversion tardive. (5) Nous avons explicitement cette autre référence dans Vie de Saint Cyprien, traduit par P. Grimal. Il y apparaît sous forme d’un magicien-philosophe, peut-être proche de notre auteur avant sa conversion. Après tant de mauvaises actions lors de son attachement au diable, le personnage cherche le pardon divin: «Est-ce qu’il me pardonnera toutes les actions que j’ai commises, citoyens d’Antioche? Car j’ai commis beaucoup d’impiétés, et il n’y a pas de nombres ni de mots pour raconter mes mauvaises actions.» (6) Composer ses confessions aurait été d’une grande valeur pour découvrir la vie quotidienne des jeunes en Afrique, et ses écrits vont sans doute dans le sens de racheter le passé afin de gagner la vie éternelle depuis le présent. Par ailleurs, la terre d’Afrique connaît depuis la nuit des temps la pratique de la magie. Elle est un art non seulement toléré mais vénéré par les gens bien que le carrefour tricontinental soit absorbé par des idéologies qui excluent catégoriquement une telle pratique. Elle persiste à travers le port d’amulettes contre le mauvais œil, la célébration de la mort, du mariage, de l’enfantement ou de l’éducation. Cette coutume relève simultanément de la culture première et de la magie pure (aux yeux des monothéismes). Elle est présente sur les murs, les sols, les champs et les maisons. Cette lutte contre le mauvais œil, qui pourrait être lue comme une explication historique des désastres et des maux qui ont hanté le corps africain. Les Romains africains et les indigènes ont confectionné ensemble une série de moyens magiques pour que la guigne n’envahisse les maisons, le douar et le pays. L’attaque maléfique est présupposée vive, et une réaction culturelle et symbolique pourrait épargner l’Africain. Devant une telle réalité socioculturelle, les écrivains africains, sans exception, se versent facilement dans les sciences occultes. L’Eglise, fraîchement arrivée sur le sol d’Atlas, va les accueillir et leur pardonner leurs torts. Le même Lucius d’Apulée va être pardonné, voire sauvé, par les divinités d’Isis et d’Osiris. Dans le cas de Cyprien, l’histoire littéraire tient à parler de deux Cyprien bien que les deux auteurs partagent le même statut: -ayant les mêmes nom et prénom; -africains de Carthage; -rhéteurs et avocats. Et le même itinéraire s’y tisse: -studieux et lettrés dans les sciences profanes; -conversion au christianisme; -piété grandissime et béatification posthume. Cette méprise reste à discuter: «Ainsi naquit, de la fantaisie populaire, le roman de Cyprien le Mage, qui finit par s’agglutiner si bien à l’histoire qu’au temps de Grégoire de Nazianze on ne sait plus distinguer l’un de l’autre» (7). En fait, la magie et le christianisme naissant, bien que liés par un rapport conflictuel, prennent source du même ensemble métaphysique, et le premier Cyprien y verra clair ce rapport: «Moi, Cyprien, serviteur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, j’ai prié Dieu le père tout-puissant, et lui ai dit: Vous êtes seul le Dieu fort, mon Dieu tout-puissant qui habitez les cieux, séjour rempli de lumières, vous êtes saint et louable, vous avez prévu de toute éternité la malice de votre serviteur, et les iniquités dans lesquelles je suis plongé par la puissance du diable, et j’ignorais votre saint Nom; je marchais au milieu des brebis, et elles me quittaient aussitôt, et les nuées ne pouvaient point donner de pluie sur la terre, qui était sèche et aride, ni les arbres de fruits; et les femmes étaient enceintes; je bouchais et fermais les passages de la Mer, et il était impossible de les ouvrir; je faisais moi-même tous ces maux, et encore une infinité d’autres; mais à présent, mon Seigneur Jésus-Christ et mon Dieu, que je connais votre saint Nom, et que je l’aime, je me repens de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes entrailles, de la multitude de ma malice, de mes iniquités et de mes crimes, et forme maintenant la résolution de demeurer dans votre amour, et de me soumettre à votre saint commandement, parce que vous êtes le seul et unique Verbe du Père tout-puissant. Je vous conjure maintenant, mon Dieu, de rompre les liens des nuées, de les délier, de faire tomber sur la Terre et sur vos enfants de petites pluies douces et favorables, qui fassent produire leur nourriture aussi bien que celle de tous les animaux qui vivent dans les eaux, en déliant les fleuves que j’avais liés aussi bien que tout le reste, je vous en conjure par votre très saint Nom; et vous, mon Dieu, préservez-moi». (8) L’auteur s’y définit comme récemment converti, qui se prononce pour la foi en Jésus, et explique son attachement à la magie par son ignorance du Tout Puissant. Mais que reste-t-il de cette étape préliminaire et de ses productions ésotériques? Cyprien scelle sa vénération: il se déclare fidèle à jamais, à tout ce qui est chrétien. Curieusement, il fait un seul vœu que le paganisme africain exprime dans toutes ses manifestations: demander la pluie à Dieu pour assurer la continuité de la vie sur terre. C’est là où nous pouvons dire que l’effacé, propre de la culture première, ne se trouve point effacé dans l’écrit entièrement catholique de Cyprien. 2) Racheté par le Christ Après cette vie de païen, il se convertit tard, à l’âge de 46 ans sous l’influence du même prêtre Caecilius. Ce dernier le nomme son légataire dans le testament: il lui laisse sa femme et ses enfants pour subvenir à leurs besoins! Il vend ses vergers et jardins pour devenir pauvre, alors un bon chrétien. Cet acte symbolique est à entendre outre ce geste d’offrir cette fortune aux pauvres. Son ordination est immédiate, et son ascension dans la hiérarchie pontificale va être rapide: il devient prêtre en 249 et chef de l’Eglise africaine. Par conséquent, en 250 il souffre de la persécution de Dèce à laquelle il échappe grâce à l’aide de ses fidèles. Rappelons que l’évêque africain va longuement justifier cette fuite mal vue par l’Eglise de Rome dans ses écrits. L’empereur va mourir au combat, cela est à lire comme un coup pour le paganisme impérial... En 253 le sénateur romain Valérien devient empereur. A ses débuts, il se montre indulgent envers les Chrétiens. Ensuite, il change de position: il entend couper l’ordre ecclésiastique du peuple. La persécution s’annonce violente à partir de 257. Ainsi tout homme de religion qui refuse les rites sacrificatoires, est immédiatement exilé ou condamné aux mines. Cyprien va être exilé à Curube (Korba, dans le cap Bon) lors de sa comparution devant le tribunal du proconsul Aspasius Paternus. L’empereur promulgue un édit en 257 d’après lequel les confréries chrétiennes sont considérées comme des associations illicites. Quant à l’édit de 258, il est plus sévère: les Chrétiens qui refusent d’abjurer sont illico condamnés à la peine capitale. Tous les textes biographiques de Cyprien établissent qu’il est mort célibataire. La seule famille dont il s’est occupé, rappelons-le encore, est celle de son mentor. Peut-être ce célibat immiscé au sacrifice altruiste, sont-ils une des raisons de sa béatification?! 3) Martyre de Cyprien Vu qu’il n’apostasie pas, Cyprien comparaît devant le gouverneur Galerius Maximus et il est condamné à mort en septembre 258. Il va être exécuté un mois après à la villa Sexti, près de Carthage. «A la mort de saint Cyprien, les fidèles enterrèrent son corps avec un grand respect, près du chemin de Mappalia. Dans la suite une église fut élevée sur ce lieu vers 806. La tradition des Eglises catholiques rapporte que des ambassadeurs de Charlemagne revenant de Perse et passant à Mappalia, obtinrent d’un souverain mahométan la permission d’ouvrir le tombeau de saint Cyprien et d’en enlever les reliques. Ils les déposèrent, dit-on, d’abord à Arles, d’où elles furent portées à Lyon, et Charles le Chauve les fit ensuite transporter de là dans l’église de l’abbaye de saint Corneille qu’il venait de faire bâtir à Compiègne.» (9) Rappelons que le traité Ad Fortunatum et Exhortatione Martyri montrent un auteur érudit des textes bibliques, qui trace aux «soldats du Christ» comment se préparer pour recevoir le grand honneur du martyre. On célèbre encore son anniversaire (le 14 septembre) en Afrique, à Rome, en Espagne, dans tout l’univers chrétien. A sa mémoire on élève trois basiliques à Carthage. III.- SAINT CYPRIEN, HOMME DE LETTRES (à suivre)
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