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(Février  2006)

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بيان جمعية أزمزا

 

Présence marocaine et présence française
(D’après les indices de la CIU de Paris)

Par : Mohamed Elmedlaoui

«En ce jour, IX mai de l’an MCMXXIII, en présence de M. Léon Bérard, ministre de l’instruction publique et des beaux arts et de plusieurs autres personnages très notables, représentants qualifiés de plusieurs nations (…), le présent parchemin a été déposé par M. le recteur Paul Appel, président du Conseil de l’Université de Paris et par Monsieur Emile Deutsch de la Meurthe, citoyen français.»
C’est là un extrait du texte du parchemin scellé le 9 mai 1923, à l’endroit qui deviendrait par la suite la Cité Internationale Universitaire de Paris, dans «la première pierre d’un groupe de construction destinées à pourvoir de logements salubres et économiques à trois cent cinquante étudiants et étudiantes peu fortunés». Il s’agit du groupe de logements de la Fondation Deutsch de la Meurthe, actuellement et depuis plus d’un an en rénovation, dont l’angle nord-west abrite ledit parchemin dont une copie du texte est gravée en bas relief à l’entrée du bâtiment administratif sur le flanc nord de la tour à horloge. Reconnaissant la générosité du mécène Emile Deutsch de la Meurthe, le texte ajoute que «Cette fondation, créée par lui, est la première de celles qui bientôt vont naître et vivre sur le même domaine, toutes destinées aux étudiants et dues à l’initiative de personnes généreuses, françaises ou étrangères, amis de la France. L’ensemble de ces établissements formera la Cité Universitaire, bourgade d’étudiants située entre le parc Montsouris et un autre parc spécialement aménagé pour eux par la sollicitude de la ville de Paris. Ainsi aura été allumé un foyer de culture française et humaine où trois milles étudiants venus de tous pays, pourvus de livres, de soleil et de plein air, rapprochés dans une émulation affectueuse et faisant honneur à la plus vielle université d’Europe, travailleront, de concert au perfectionnement harmonieux de leurs esprits et de leur corps, au progrès de la science et à l’entente de leurs nations».
Dans le cadre des initiatives généreuses, françaises et étrangères, dont parle le texte ci-dessus, et grâce à un mode de présence marocaine dans le monde, assurée malgré le protectorat ou grâce à lui, «une convention pour l’édification de la Maison du Maroc au sein du parc de la Cité Internationale Universitaire de Paris fut signée par le Gouvernement marocain le 4 juillet 1949. En octobre 1953, le pavillon du Maroc ouvrit ses portes aux étudiants». (http://www.ciup.fr/maroc.htm).
Aujourd’hui, sous un autre mode d’existence marocaine dans le monde, plus d’un demi siècle après l’indépendance, les étudiant(e)s marocain(e)s, s’ils/elles l’ont jamais fait pleinement un jour, ne peuvent plus participer à cet espace académique ‘à la grecque’ où «pourvus de livres, de soleil et de plein air, rapprochés dans une émulation affectueuse et faisant honneur à la plus vielle université d’Europe, travailleront, de concert au perfectionnement harmonieux de leurs esprits et de leur corps, au progrès de la science et à l’entente [des] nations». Pour le faire il leur faudrait tout simplement, en plus d’un nouvel esprit industrieux, entrepreneur et pas nécessairement uniquement revendicatif et ‘militant’ dans tous les sens, disposer d’une Maison du Maroc à porte ouverte, qui s’intègre pleinement, sur le plan gestionnaire, dans l’environnement du système de valeurs qui émane du texte du parchemin qui gît au fond de l’angle nord-west de la Fondation Deutsch de la Meurthe. Or, depuis 07 novembre 2001, et suite à un débarquement d’étudiants SDF marocains dans les halls de cette maison le 3 septembre 2001 pour exiger un logement et auxquels s’est jointe, par solidarité, une partie des résidents de la maison pour appuyer le refus d’évacuer l’établissement pour cause de travaux de rénovation déjà annoncés, le portail typiquement maure du n° 1, Boulevard Jourdan, aujourd’hui entièrement enseveli dans la forêt des échafaudages du chantier du tramway de Paris en cours de construction, a les deux battants scellés jour et nuit, avec comme seule information un panneau de chantier à moitié (intentionnellement?) caché par la tôle de clôture et où l’on ne peut lire que ceci «Travaux de rénovation de la Maison du Maroc. Maître d’œuvre: Maison du Maroc. Diagnostic et pré programme». Aucune autre précision.
Même le site du Réseau International des Anciens Résidents de la Cité Universitaire de Paris (http://www.allianceinternationale.org/41ci.htm) avoue n’en savoir rien: «Quelques maisons de la Cité se refont une beauté, signale-t-il: la Maison des étudiants canadiens, la résidence André de Gouveia et le pavillon Curie de la Fondation Deutsch de la Meurthe. Qu’en est-il de la Maison du Maroc qui est fermée depuis belles lurettes et dont les travaux semblent suspendus?».
Le site de la maison lui-même (http://www.ciup.fr/maroc.htm) précise que «En application d’une décision Royale et suite à une étude-diagnostic ayant révélé de nombreux dysfonctionnements, le Conseil d’Administration de la Maison a ordonné la fermeture des locaux, le 21 septembre 2000. La vétusté des bâtiments et la conception architecturale initiale s’avèraient, en effet, inadaptées aux exigences de la création d’une structure d’accueil décente qui intègrerait les avantages des technologies d’information et de communication modernes et serait conforme aux normes d’hygiène et de sécurité en vigueur».
Un communiqué de la MAP datant de juillet 2002 précise à cet égard que «la procédure d’expulsion requise par la Cour d’appel de Paris, a été rendue effective ce mardi après l’arrêt prononcé par la 14e Chambre de la Cour d’appel, le 5 juillet dernier, considérant que l’Etat chérifien a fait donation en 1949 de cette maison à l’Université de Paris et que cette occupation illégale empêchait la cité internationale de développer l’esprit de compréhension, de solidarité et d’amitié internationale et de coordonner l’activité des différentes maisons, mandat général spécifié par la convention entre la cité et la chancellerie des Universités de Paris. (…) Une fois réhabilitée, conclut le communiqué, la Maison du Maroc accueillera, à sa réouverture, principalement des étudiants et chercheurs marocains, et s’ouvrira davantage à des étudiants d’autres nationalités, pour favoriser le rayonnement de la culture marocaine dans la cité de Paris. Ce brassage reflète l’esprit et l’éthique des fondateurs de la cité» (http://www.tinghir.org/article.php3?id_article=448).
Fini donc en tout cas, depuis plusieurs années, ce mode de présence ‘culturelle’ et ‘académique’ marocaine à Paname des lumières à travers lequel une catégorie d’étudiants marocains «méprisés, réprimés, bafoués dans leurs droits au Maroc [et] qui ont fui la misère, le chômage, le désespoir, espérant trouver une meilleure vie en France» - selon les termes du diagnostic d’un communiqué émanant à l’époque de la Jeunesse des Démocrates Marocains à l’Etranger (http://www.jdme.ras.eu.org/pdf/1-10-2001.pdf) - s’acquittait de sa mission de rayonnement culturel et de travail «au progrès de la science et à l’entente des nations» dans une esprit «d’émulation affectueuse» en transformant la Maison du Maroc en une buvette qui assure à tout passant, en une sorte de compétition avec la Mosquée de Paris, un service permanant de thé marocain à la menthe; un service qui tourne dans certaines occasions en un véritable commerce saisonnier forain où des groupes barbus ou imberbes, selon les saisons idéologiques, débarquent et campent avec de gigantesques bouilloires, des braseros portatifs et des cartons de sucres et de menthes pour alimenter certaines caisses noires sur le fond cacophonique de tout un souk de foyers de discours misérabilistes où l’esprit «d’émulation affectueuse» et de «travail au progrès de la science et à l’entente des nations» fait place à l’esprit du ‘Hrig’ et du clandestinisme comme mode et perspective de vie de l’étudiant en promesse d’une ‘thèse’ pas comme les autres sur «L’ethno-socio-culturalité microéconomique du Marocain à travers le lexique de poésie érotique d’un auteur soufi anonyme du Moyen Age: approche multidimensionnelle et transdisciplinaire».
Fini également le temps où le népotisme makhzénien chez les responsable administratifs, l’associativisme, le régionalisme, et le ‘partisanat’ de tout acabit parmi les ‘comités de résidents’, faisaient, en une connivence d’apparence conflictuelle, office de cadre gestionnaire de la présence marocaine dans cet espace magnifique de jeunesse savante, créé par des esprits de l’ordre d’André Honorat, Paul Appel, Deutsch de la Meurthe et autres, ‘présence’ dont l’espace avait fini par tourner en un gîte aux ‘thésardataires’ à vie qui finissent souvent par se déclarer exilés politiques, et en une auberge de vieux pour toute une classe de missionnaires de conditions moyennes, quinquagénaires et plus de différentes institutions marocaines, qui préfèrent faire l’économie de leurs perdiem ou de leurs allocations forfaitaires pendant la durée de leurs bourdonnements à Paname dans le cadre des échanges ethno-socio-culturels, et ce afin de pouvoir passer au terme de leurs séjours non pas par la FNAC ou Gilbert Jeune, mais par la Samaritaine ou juste par C&A avant de rentrer chez eux, dans le bled, via les espaces ‘Dutty free’ des aéroports pour procéder enfin de compte à l’ouverture solennelle des paquets en guise de justification d’absence et de rapport de mission.
Mais toutes ces tares maintenant éliminées, faute de combattants et/ou de champ de bataille, cela constituerait-il, à lui seul et en soi, l’idéal recherché? Et la présence marocaine de l’après cinquantenaire de l’Indépendance, qu’en est-il aujourd’hui dans cet espace cosmopolite savant de la CIUP, qui a l’air actuellement de traverser une phase de grande mue sur le plan des échanges ethniques et de civilisation depuis la chute du Mur de Berlin, l’extension de l’Union Européenne et l’émergence en force de l’Asie d’Extrême Orient? Qu’en est-il de cette présence marocaine dans une phase où les coordonnées de la présence culturelle française elle-même semblent être en cours de redéfinition par les Français eux-mêmes sur les latitudes et les longitudes du globe mondialisé, au moment même de la célébration d’un autre cinquantenaire de l’une des institutions de cette présence culturelle française, celui des CROUS (Centres Régionaux des Œuvres Universitaires)? Une phase où la politique de présence française elle-même, tributaire qu’elle est jusqu’ici du lourd lègue des grandeurs coloniales sanctionnées dernièrement par la révolte des banlieues, la controverse sur «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord» et par la relance du débat sur la loi de laïcité de 1905 comme aboutissement de l’affaire du fameux ‘voile islamique’, souffre d’archaïsme en fonctionnement et d’un coût fâcheusement élevé par rapport à une médiocrité de rendement, et cherche par conséquent des repères de redéfinition afin de convaincre les partenaires, états, institutions et individus, que, tant que le future continue à se conjuguer en français, l’avenir peut également s’écrire en français.
Physiquement, à part les locaux vides et fermés de la Maison du Maroc, qui n’inspirent plus que consternation et désolation, la présence marocaine dans cet espace au lendemain du cinquantenaire de l’Indépendance est réduite depuis 2002-2003 à un ancien poste, paraît-il de service de garde à l’origine, à droite de l’entrée de la CIUP au niveau de la Maison d’Italie, sous forme d’un bloc de haute tension, qui fait misérablement depuis cette date office de siège de ‘direction’ de la pauvre maison maure.
Sur le plan moral et symbolique, le misérabilisme du discours militant qui nourrissait chez les étudiants marocains un sentiment masochique d’être des gens «méprisés, réprimés, bafoués dans leurs droits au Maroc [et] qui ont fui la misère, le chômage, le désespoir, espérant trouver une meilleure vie en France», cède la place à un mutisme officiel ponctué de temps en temps par un étalage public de l’état d’indigence d’une nation à la porte de la Cité International Universitaire de Paris, comme par exemple cette note intitulée «Note aux candidats», affichée maintenant même sur la toute petite porte dudit misérable poste et qui dit dans la résignation totale: «Grâce au soutien d’autres maisons, l’opération d’admission des candidats marocains à la cité pendant la fermeture de la Maison du Maroc pour travaux de rénovation, va se poursuivre cette année 2005-2006 (…). Il est à rappeler que les admissions se feront dans les conditions administratives et financières des maisons d’accueil, La Direction.».
Physiquement encore, les têtes noires dont notamment certains ‘thésardatairs’ à vie habitués à jouer systématiquement la souris aux agents de sécurité du restau-U de la CIUP et qui, à cause de cela entre autres facteurs relatifs à l’éducation, ne respectaient la queue pour se servir que rarement, ne se font plus remarquer par leurs différents traits distinctifs de comportement et de société dans cet espace où elles préféraient jadis se rendre en groupes pour de longues heurs pour des raisons ‘ethno-socio-culturelles’ diverses et où un autre parterre ethnique et de civilisation de l’Europe de l’Est et d’Extrême Orient commence à remplacer les décors humains de l’Afrique, du Nord-de l’Afrique et du Moyen Orient, jadis prépondérants comme représentants des espaces où la Présence Française aimait répondre ‘présente’.
D’après le responsable du vestige de direction qui reste pour la Maison du Maroc, M. Hafid Hajji, qui eut l’amabilité de m’accueillir dans son ‘bureau de camping’ dans la matinée du 1er décembre 2005, le retard des travaux est dû à l’état de ravage et de destruction massive découvert après l’évacuation de la maison et qui a entraîné une revue à la hausse des coûts estimés de la rénovation. Il affirme que le marché des travaux a déjà été lancé et que, si les dossiers de demandes de crédits aboutissent à temps, on espèrerait voir rouvrir la porte (pas nécessairement un portail à l’ancienne) de la Maison du Maroc vers la fin de 2006 après les 12 mois prévus de travaux de rénovation. Il promet qu’une fois la maison remise à l’état selon les normes modernes de sécurité, de communication et de fonctionalité, les standards académiques de la CIUP pour ce qui est de l’admission des étudiants et des chercheurs seront de rigueur.
Espérons donc que, dans le cadre du grand projet actuel de rénovation et de réaménagement général de l’espace global de la CIUP, engagé depuis plusieurs années dans le cadre d’une nouvelle redéfinition, en cours, de la présence française dans le monde à travers cet espace, la réouverture de la Maison du Maroc soit au rendez-vous de l’après cinquantenaire de l’Indépendance sur de nouvelles bases, pour une nouvelle génération, et avec un nouvel esprit de gestion et de consommation de service, afin que, de paire avec la Maison de Tunisie, toujours en service, et de la Maison de l’Algérie dont la CIUP vient précisément de lancer un concours international d’architecture (Citéculture n°13; Sep.-Déc. 2005), le Maroc retrouve la place qui lui revient dans l’espace de la présence maghrébine dans le monde à travers le grand portail de CIU de Paris où, de concert avec une émulation affectueuse dans le travail au progrès de la science, la jeunesse universitaire marocaine contribuera cette fois à l’entente des nations non pas seulement en commercialisant des bouilloires de thé à la menthe, mais en proposant des produits culturels et intellectuels de qualité dans le cadre et la continuité de la nouvelle dynamique que connaît le Maroc sur les plans des pluralités culturelles, politiques et régionales, des droits de l’Homme et de la promotion de la Femme.
(12 déc. 2005)

 

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