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Congrès Mondial
Amazigh:
Visite de la délégation du CMA
en Libye
Comme prévu, une délégation du Congrès Mondial Amazigh,
conduite par son président Belkacem Lounes, a séjourné en Libye du 17 au 26
décembre 2005.
La délégation initialement composée de représentants des différentes régions de
Tamazgha et de la diaspora, a été finalement amputée de sa partie algérienne
composée du vice-président (Hocine Azem) et de deux membres du Conseil Fédéral (Faroudja
Moussaoui et Kamira Nait Sid). En effet, au dernier moment, les trois membres du
CMA se sont vus refuser l’accès à l’embarquement pour Tripoli sous le prétexte
qu’ils n’étaient pas en possession de la somme de 400 dollars chacun. Il est à
signaler que cette exigence ne leur a été nullement signifiée au moment de
l’achat de leurs billets d’avion et que les membres de la délégation étaient
porteurs d’une invitation mentionnant leur mission en Libye et leur prise en
charge totale dès leur arrivée à l’aéroport de Tripoli. Il s’agit donc d’un
empêchement voulu et prémédité par les autorités algériennes qui veut entrave à
la liberté de circulation, contraire aux lois nationales et aux conventions
internationales. Le CMA dénonce et condamne fermement ce nouvel acte arbitraire
à l’encontre de militants des droits de l’homme et qui vise à restreindre les
activités de notre organisation et à limiter son déploiement à l’échelle
nationale et internationale.
La visite de la délégation du CMA en Libye a débuté par un entretien avec Maamar
Kadhafi, leader de la Jamahirya libyenne, qui a duré près de trois heures au
cours duquel les représentants du CMA ont exposé une nouvelle fois les principes
et les missions de l’ONG amazighe ainsi que ses principales revendications. Les
membres de la délégation ont exprimé leur plaisir de se trouver, pour la plupart
d’entre eux, pour la première fois sur le sol de cette partie de Tamazgha qu’est
la Libye, afin de poursuivre le dialogue entamé le 5 novembre dernier, en vue de
trouver les solutions adéquates aux problèmes posés par les Amazighs de Libye et
de réaliser des projets concrets visant à réhabiliter l’identité amazighe de ce
pays. La délégation du CMA a rappelé que cette visite était suivie par des
millions d’Amazighs qui attendent avec espoir des décisions concrètes qui
mettront fin à l’ostracisme et aux discriminations anti-amazighes et qui
œuvreront à l’instauration de l’égalité des citoyens dans tous les domaines et
au respect de la pluralité culturelle et linguistique en Libye.
Les représentants du CMA ont exprimé leur soutien aux appels lancés et aux
efforts consentis par le leader de la Jamahirya en vue de concrétiser l’union
africaine et ont réaffirmé leur disponibilité à œuvrer à l’union des peuples de
la région Afrique du Nord, sur la base des principes de démocratie, de tolérance
et du respect de la diversité et des droits humains. "Alors que nous sommes une
délégation amazighe, appartenant à la même nation, nous sommes aujourd’hui
porteurs de passeports différents, qui font de nous des étrangers les uns par
rapport aux autres, à cause du maintien des frontières coloniales qui nous
divisent et qui nous empêchent de circuler librement dans notre propre pays.
Nous demandons par conséquent le démantèlement de ces frontières artificielles,
comme symbole et comme base de l’édification de l’union nord-africaine", ont
affirmé les délégués du CMA.
Concernant la situation en Libye, les membres de la délégation du CMA ont
rappelé au chef de l’Etat libyen, les principales violations des droits des
Amazighs dans ce pays ainsi que leurs revendications qui sont d’ailleurs
quasiment les mêmes que dans les autres Etats de Tamazgha. "Les Amazighs de
Libye n’aspirent qu’à être considérés comme "tarwa n Libya", les enfants de la
Libye, mais à part entière, c’est-à-dire avec leur identité socioculturelle et
linguistique", ont précisé les membres du CMA.
Pour finir, le Président du CMA rappellera que les instances de son organisation
sont comptables devant leurs membres et devant l’opinion publique et qu’en
conséquence l’avenir de cette démarche en Libye dépend des résultats concrets
qui en sortiront. La volonté affichée par les hautes autorités libyennes doit
trouver son aboutissement dans les décisions et les actes concrets. A ce titre,
le premier responsable du CMA a réitéré les revendications et recommandations
suivantes:
•Déclaration officielle du leader de la Jamahirya libyenne en faveur de la
reconnaissance de l’identité amazighe,
•Levée de toutes les formes d’interdits et obstacles qui entravent l’expression
de la culture et de la langue amazighes,
•Création d’une instance de coordination et de suivi des projets de
réhabilitation et de promotion de la langue et de la culture amazighes.
Les échanges entre M. Kadhafi et les membres de la délégation du CMA, ont été
très intenses et animés, ce qui démontre pour le moins, l’intérêt du chef de l’Etat
libyen pour le thème de l’amazighité.
En conclusion, M. Kadhafi a réaffirmé son attachement personnel à cette culture
millénaire et son engagement à lui redonner toute sa place dans la définition de
l’identité nationale. Il accepte les propositions et recommandations du CMA et
souhaite que d’autres rencontres sur ce thème soient programmées. Il a dit que
même s’il ne partage pas toutes les convictions et les analyses présentées par
les représentants du CMA, il voue le plus grand respect à ceux qui croient en
une cause et qui luttent pour son épanouissement.
La mission de la délégation du CMA en Libye s’est ensuite poursuivie sur le
terrain, par une visite à trois localités importantes de la région de Nefussa:
Zwara, Jadu et Yefren.
La délégation du CMA qui s’est déplacée en cortège officiel, a été accueillie
par les responsables des différentes institutions locales et régionales (comités
populaires, municipalités, Conseils Régionaux, députés…). Comme attendu, les
autorités locales ont d’emblée affirmé que la culture et la langue amazighes
s’expriment librement et que rien ni personne ne les entrave et que si la
question amazighe se pose, c’est certainement ailleurs qu’en Libye. Ce à quoi,
les jeunes gens notamment, toujours très nombreux dans nos rencontres, ont
répondu de manière très courageuse en posant clairement tous les problèmes qui
interdisent ou empêchent l’expression l’amazighité en Libye, en citant les
exemples tels que l’absence de toute référence au fait amazigh dans
l’historiographie officielle, les lois qui font obstruction à l’expression de
l’identité amazighe, l’absence de la langue et de la culture amazighes dans les
institutions administratives, scolaires et dans les médias publics et bien sûr
les atteintes au droit de donner un prénom amazigh à son enfant. A Yefren, un
père de famille est venu dire que depuis la naissance de son fils Massinissa il
y a 5 ans, l’administration refuse son inscription sur les registres de
l’état-civil, ce qui empêchera de facto sa scolarisation.
Devant une assistance nombreuse et attentive, des étudiants, des fonctionnaires,
des avocats, ont usé de leur liberté de parole pour réaffirmer que l’amazighité
est non seulement un fait historique mais une réalité bien vivace en Libye,
avant d’exiger le respect de leur droit inaliénable à leur langue et à leur
culture et pour avertir qu’il est inutile et même dangereux de continuer à nier
l’oppression subie par les Amazighs en Libye. A ceux qui arguent que Tamazight
est un facteur de division, ils ont répondu que c’est au contraire le déni du
droit et les discriminations qui portent atteinte à la cohésion nationale et qui
finiront si l’on n’y met pas un terme rapidement, par pousser les populations
amazighes à la révolte. Par ailleurs, ils rappelleront que la question amazighe
ne se pose pas en termes ethniques et que les Amazighs sont un peuple pacifique
qui s’est toujours caractérisé par le respect de l’Autre et pour les principes
et les valeurs de démocratie et de tolérance.
Les membres de la délégation du CMA ont exprimé leur bonheur suscité par ces
rencontres chaleureuses et fraternelles avec les populations de Nefussa et le
plaisir de constater la vitalité de l’amazighité et du mouvement amazigh en
Libye. Les délégués du CMA ont été très agréablement surpris par l’identité de
vue avec les publics de cette région, ce qui constitue une preuve de plus que
malgré les distances et le manque de communication entre les différents pays de
Tamazgha, les Amazighs constituent une nation unie non seulement par sa langue
mais aussi par ses valeurs civilisationnelles et son identité de destin.
La délégation du CMA a eu la chance de visiter le petit et magnifique musée de
Jadu, fierté des habitants de cette localité, et a été conviée à partager un
repas traditionnel dans les différents endroits où elle s’est rendue. Bien que
trop brefs, les moments passés à Nefussa ont été très riches en émotions et en
enseignements. Le CMA remercie très chaleureusement tous ceux qui ont contribué
de près ou de loin à rendre possibles ces moments d’enthousiasme et de joie
partagés avec les populations locales et regrette de n’avoir pas pu se rendre,
faute de temps, dans les autres régions de Libye. Il prend l’engagement
d’effectuer d’autres visites pour aller à la rencontre de tous les Amazighs de
cette région de Tamazgha.
Tripoli, le 27 décembre 2005
P/La délégation du CMA en Libye
Le secrétariat.
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