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  2005

(Décembre  2005)

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Azekka: une ONG modèle
Lahsen Oulhadj (Montréal)

Bouleversante a été, pour moi, une photographie dégotée par le plus grand des hasards dans un petit site Internet. Elle a immortalisé, comme le précise sa légende, quelques écoliers démunis du sud marocain. Ils serraient très fort contre leurs petits corps chétifs leurs tout nouveaux cartables que l’on vient de leur offrir. Un peu comme s’ils avaient peur qu’on les leur arrache. De leurs regards se dégage cette souffrance indicible propre à l’enfance confortée précocement aux affres de la vie.
Qui sont les bons samaritains derrière ce geste humanitaire, ô combien précieux, envers ces bambins? Trois françaises: Karine, Céline et Bénidicte, par le biais de leur association humanitaire, Azekka -demain en berbère-, qu’elles ont fondée à la suite d’«un coup de foudre pour le sud marocain et ses gens », selon les propres mots de la présidente Mlle Karine Aubry.
Férues de randonnées équestres, elles ont eu tout le loisir de découvrir et d ’apprécier, lors d’un premier circuit, la beauté magique des paysages des régions de l’Atlas; mais aussi de constater de visu l’envers du décor, à savoir l’état du dénuement total des populations locales. C’était là qu’elles ont eu le déclic. Il fallait agir et immédiatement. Sensibles à la misère humaine qu’elles sont, il ne peut pas en être autrement, pourrait-on dire. D’ailleurs, elles n’ont pas traîné en longueur pour mettre la main à la pâte.
Dans un premier temps, elles ont acheminé, personnellement, des dons de toutes sortes à chacun de leurs déplacements au Maroc. Conscientes des limites de leur démarche et dans un souci d’efficacité «nous avons décidé de créer Azekka», souligne Mlle Karine. Chemin faisant, l’association s’est beaucoup agrandie et pour cause. D’une structure locale, elle s’internationalise de plus en plus. Les Azekkis, c’est ainsi que les membres sont joliment appelés, sont quelque 65 personnes, répartis entre la France, la Belgique et le Maroc.
Ne laissant rien au hasard et conscientes qu’il faut donner à leur petite ONG un nom judicieux et surtout qui parle aux bénéficiaires de leurs actions, elles n’ont pas hésité à lancer un appel mondial sur l’un des multiples forums réservés à la culture amazighe. Le choix s’est arrêté sur Azekka car, selon Mlle Karine, c’est  «un nom berbère simple, voulant dire demain, afin d’être identifié par toutes les populations des régions concernées».
le hic
Il ne suffit pas d’être animé par les bons sentiments pour que tout coule de source. Derrière toute action humanitaire, il y a beaucoup d’efforts à fournir en argent, en temps, en prospection, en récupération, etc. Certains pensent, à tort, que c’est simple. Oh que non! Si les membres de l’association d’Azekka se décarcassent, à fond, à ramasser tous les dons, il faut par la suite les transporter aux bénéficiaires qui se trouvent non pas dans la ville ou la région voisine, mais à quelque trois mille kilomètres. Et c’est là que le bât blesse. D’aucuns seraient déjà tentés de baisser les bras avant même d’avoir commencé tellement les efforts à fournir sont titanesques.
Paradoxalement, dans le cas des Azekkis, c’est le contraire qui s’est passé. On dirait que toutes ces difficultés sont source de motivation qui les incite à pousser les feux. Vu que l’association n’a pas trop les moyens et ne peut se permettre d’envoyer les dons par le truchement du transport international, ce sont ses membres, en personne, qui s’en chargent avec tous les risques que cela comporte.
Ce n’est que dernièrement, comme nous le confie Mlle Karine, que l’on a fait appel aux voyageurs solidaires, via les forums de discussion et le site Internet de l’association; ce sont «des Français ou des Belges qui partent au Maroc en nous faisant gentiment une petite place dans leur véhicule ou dans leur valise». Pour que les envois arrivent à destination, les Azekkis sont capables de déployer des trésors d’ingéniosité qui ne peuvent nous laisser, et c’est le moins qu’on puisse dire, qu’admiratifs devant tant de dévouement.
Malgré son jeune âge, il serait fastidieux de citer la liste, déjà très longue, de toutes les réalisations d’Azekka: distributions de kits de cartables en 2004 et 2005 pour les enfants démunis d ’Idikl et d ’Aït Ali, fourniture d’une bibliothèque de plus 1200 livres, réalisation d’une étude de faisabilité d’un projet hydraulique à Aoulouz par un ingénieur dépêché de France spécialement pour cette tâche, dons de fauteuils roulants à des enfants handicapés de Skoura…
Quant aux projets, ce n’est absolument pas cela qui manque. Si le cœur vous en dit et désirez ajouter votre pierre à cet édifice humanitaire, il ne faut pas trop hésiter. En tous les cas, les Azekkis vous accueilleront toujours les bras ouverts !
Du baume dans les cœurs
« Partout où nous allons, nous sommes très bien accueillis. À Aït Ali et à Aoulouz, nous avons rencontré des gens qui étaient très ravis de notre visite, car ils vivent très isolés toute l’année», se réjouit Mlle Karine. Ce que confirment les photographies mises en ligne sur le site de l’association où l’on voit des hommes, des femmes et des enfants, vivant dans des conditions parfois très pénibles, qui, tout sourire, sont on ne peut plus heureux que des gens venant de contrées très lointaines leur apporter de l’aide.
La philosophie d’Azekka est originale. Les membres de l’association sont animés par la volonté de toujours respecter l’autre dans sa dignité en lui faisant comprendre que malgré sa pauvreté, il est riche par sa culture et par son humanité. «Dans nos échanges, ajoute Mlle Karine, nous essayons toujours de chercher la rencontre interculturelle et l’enrichissement mutuel. Nous n’arrivons jamais en héros providentiel qui peut résoudre tout avec un coup de baguette magique. De plus, nous avons un principe: nous n’aidons que ceux qui s’aident entre eux-mêmes et notre apport est un coup de pouce qui leur permet d’aller plus loin ».  
Et les problèmes surgissent!
Azekka fait face à des tracasseries administratives pour le moins absurde. Un exemple: il faut savoir, précise-t-elle, que «la douane nécessite une demande de franchise avec déplacement obligatoire des bénéficiaires jusqu’à Tanger ». Lorsqu’on connaît leur extrême pauvreté, autant dire que l’administration marocaine cherche à mettre fin à cette belle aventure humaine.
Nonobstant cette course d’obstacles, les Azekkis tiennent bon. Sauf que, à la fin, c’est tellement devenu décourageant qu’il faut impérativement agir. Il y a quelques jours, une pétition planétaire a été lancée pour dénoncer le comportement pour le moins intolérable de certains agents de la douane. Résultat: on bloque pendant des heures les convoyeurs, souvent, bénévoles. En d’autres termes, pour ceux qui la connaissent déjà, l’administration marocaine est fidèle à elle-même. Désespérant!
 

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