|
|
A l'honneur de Tayezzimt: Anegmar chante "Azerf n Aicha" Par: Ayt Assou Salh Azref n Aicha est l'intitulé que l’artiste Hassan Alggwagh dit Anegmar a choisi pour son premier album. Une belle aventure qu’il a tenté en succès, sans que cela surprenne ses amis qui le connaissent bien. Anegmar, enseignant de profession, est connu par son engagement amazigh et sa passion pour le patrimoine artistique et culturel des Ait Atta depuis son jeune âge. Depuis qu’il a commencé d’abord par jouer et interpréter Ahidouss pendant les fêtes estivales de «timeghriwin» à sa région natale Tabsbast et autres du Sud-Est. Après des années d’amateurisme couronnées par une collecte importante de la poésie ancienne des Ayt Atta, surtout de type «Tayzzimt». Des bijoux patrimoniaux qu’Anegmar apprend par cœur et ne se lasse jamais d’interpréter avec délectation en privé avec ses amis. Après des années d’accumulation donc, notre ami, artistiquement mûri, a décidé de partager sa passion avec imazighen, surtout les nouvelles générations, de leur dévoiler une partie de leur patrimoine jusqu’à là méconnue. Il s’agit de «tayzzimt». Anegmar a longuement visé sa cible, et enfin il l’a eu, le butin été un beau florilège poétique traditionnel, qu’il a choisi de présenter autrement au public. Un bouquet de belles fleurs cueillis avec beaucoup de délicatesse et soins dans les jardins ancestraux des Ayt Atta. En fait, Tayzzimt/Tagzzimt (du verbe iyzem/igzem: couper) est un genre poétique, apparemment très ancien, est interprété, contrairement a «warrou», par les hommes pendant les mariages comme un préliminaire indispensable pour les talentueux et les chevronnés d’Ahidouss afin d’attirer l’attention de la foule et, peut être, d’une personne visée par les vers du son poème. Et cela, avant d’entamer (plutôt de couper: ad as ibbey ighf) un autre morceau (Tigui) cette foi-ci pour la chorégraphie d’Ahidouss. Une autre chose qu’explique l’importance attentionnée qu’accordent les foules à Tayzzzimt réside dans l’originalité et la poéticité profonde débordant à travers ses vers. Le poète doit faire preuve de son grand talent pour deux raisons au moins; la première consiste à montrer à tout le monde et à ses adversaires surtout qu’il est invincible et que son savoir-faire en la matière est incomparable. Car, il faut le savoir, Tayzzimt était souvent le théâtre de concurrence et disputes poétiques entre les poètes de clans différents, au grand jour de tout le monde présent sur les lieux en nocturne. La deuxième raison, on peut la qualifier d’ «intime». Ils se trouvent des moments où le poète aime faire passer un message, exprimer un chagrin, faire une déclaration, un souhait… pour une ou plusieurs personnes, sans que la foule, sauf l’intéressé, (e s) «décrypte» quoi que ce soit exactement. La seule arme donc pour lui réside dans son art et son talent. C’est pourquoi Tayzzimt reste le genre poétique le plut éloquent et le plus rhétorique. Des sens exprimés a demi-mot, des sentiments sous-jacents par le media de la métaphore, la personnification la symbolisations et la comparaisons… le tout est tissé avec une langue poétique fluide dont ressortent des vers que le poète interprète à haute voix dans un climat nocturne et plaisant de prière, au milieux d’hommes et de femmes. Tous attentionnés et enthousiasmés en acclamant avec des youyous et sifflets à chaque reprise. Anegmar a puisé ses chansons dans ce monde fabuleux en redonnant aux vers plus de souplesse et vitalité au niveau du rythme et mélodie. C’est comme s’il y soufflait une nouvelle vie pour que ces anciens poèmes ne disparaissent plus. A «azrf n Aicha» Tayzzimt se révolte contre l’oublie et l’ignorance. Elle se réincarne et réclame son droit d’exister et de plaire, en dehors d’occasions festives. Dans l’album on dirait sans risque que le pari et gagné. Bienvenue Tayzzimt! Félicitation Anegmar! Et chapeau bas pour nos grands poètes amazighs, toujours modestes et méconnus! L’album contient sept chansons. Deux poèmes modernes (isefra), il s’agit de «Tilili» et ili new illa». Ainsi que cinq morceaux classique extraits tous de l’art de Tayzzimt. En ce qui suit un petit aperçu sur chaque titre: A bab n tmazirt: un poème pour la vie. Les vers (izlan), la mélodie et la percussion avec la petite touche de la voix féminine. Ces ingrédients sont tous là pour chanter la joie de vivre, l’envie d’aimer, de partager le bonheur d’être ensemble et de s’échapper un peu de l’ordinaire. Cela s’explique par la présence de vocabulaire suivant: ildjign, tafuyt, ayyur, lurd (les rose), Ahidus, lmal isvfan et lmyuz rwanin (choses distinguées et le sens voulu: les belles filles)… le poète, se croyant rétabli est rassasié d’Ahidouss, devant ce monde merveilleux, irrésistible et joyeux ne peut rester indifférant même s’il a peur de paraître ringard tel un puits délaissé où la source est obstrué par l’inondations. Voila ce qu’il dit avec regret: Sellagh i whidus tawimi d a yadar Tga ccahwa taqburt digi nnighas Rsu a lhemm inew ar k idi nughul A mami ioqqal ca ur dignegh illi Yaghul ughbalu inqqs cigan Ikka ungy a loin ar ghifun iggar acal Iodvl I yigm allig diks oubn waman. Aghanim d ulili: il s’agit là d’un dialogue satirique de haut niveau. Le poète se dresse comme un juge de situation pour arbitrer le litige entre deux antagonistes qu’il a qualifiés, à sa guise, de roseau et laurier-rose. Il décrit en justesse remarquable, les qualités et les défauts de chacun. Sans pour autant trancher en faveur de personne. Car, à son avis, aucun ne mérite une telle reconnaissance. C’est lui le vrai poète, à qui personne n’arrive pas à la cheville. Voila un extrait du poème: Ufigh d arraw n ulili d ughanim Ran ad zvin nbedd nnig asn amm unehkam Illa awd zzin g ulili da t ittarm Ca irzig ar das rzign yiman A tizzwa da cem isseknad ughanim Aghanim zizawn aldjjig ur illi Azerf n Oica: ce poème est un hymne pour l’amour. Le poète nous fait part de son état. Il est amoureux de Aicha. Mais une partie de lui est plutôt réticente (le foi: tasa) et essaye de brider le cœur apparemment impulsif. Mais ce dernier s’en fout et ne l’entend pas de cette oreille. Notre poète, malgré cette déchirure en soi, n’y peut rien que d’incliner face aux orages de l’amour qu’il l’emporte comme un ouragan. Voilà la démonstration en poésie: Tzvi yagh tasa d wul ur yad msasan Tenna yas tasa ggwd i lodab a yul Inna yas wul admungh d wadda righ Ur tbatd I ljent ula leoda a tasa Meyya n sslam aydak n uzengh a yaslem Awitn ar adghar g tugm oica Tinidas amarg nnem da d ittaly Xef wul inew ig amm umedlu d ucudviy Tagzzimt: Anegmar a voulu par ce morceau nous présenter Tayzzimt dans sa forme originelle au niveau de l’interprétation. Cet échantillon nous fait remonter le temps, et nous rappelles les merveilleuses soirées d’Ahidouss, à «timeghriwin n tmazirt». Un beau poème où l’aimé est présenté comme un «Ahemmam» ou «Tatbirt». où la nature sauvage et le pittoresque du paysage sont honorés. Adjit ukcan: dans cette chanson le poète pleure sa malchance, et son incompétence d’atteindre ce qu’il souhaite. Quelle amertume de ne pas pouvoir assouvir sa soif, goutter du miel, monter sur les selles, se réchauffer sous les rayons du soleil…malgré que tout ce dont il a besoin soit présent! Adjit ukan adjit nekk aymi tejra Dda yagh fad n tamit Atta han ighwran nnigi Adjit ukan adjit nekk aymi tejra Dda yagh fad n tafuyt Igas ca asignew «Ili inw» et «Tilili»: sont deux poèmes modernes engagés. Le premier est composé par said Amghari de Mleab sur l’amazighité. Le deuxième est le fameux «asefru n tlelli» sur la libérté et le dévouement en faveur de «tamazirt». Composé par Mr : Oulaarbi de Mleab également. En fin, l’ensemble des poèmes de l’album constitue un mariage harmonieux du traditionnel et modernité; du sentimentale et engagement. Notre ami Anegmar, semble-t-il, est heureux de ce qu’il fait. Déjà il a met du pain sur la planche. Il participe aux activités des associations amazighes (Meknes, Alnnif, Elkalaa Mmigguna…). Il travaille également sur le deuxième album. Le patrimoine artistique des Ayt Atta est inépuisable, et l’aventure avec Anegmar ne fait que commencer. Bon chance.
|
|