|
Congrès Mondial Amazigh Lettre au roi Mohamed VI Rabat, le 21 juin 2006 A SM Mohamed VI Roi du Maroc Palais royal Rabat Majesté, Depuis plusieurs décennies, les personnalités et les organisations amazighes du Maroc n’ont cessé de faire le constat de l’occultation et du déni opposés à la question amazighe dans ce pays. On ne compte plus les chartes, manifestes, pétitions, conférences, colloques et manifestations publiques qui dénoncent la non-reconnaissance des droits des personnes et du peuple amazighs et les politiques d’éradication de l’identité amazighe du Maroc. Si le discours de Votre Majesté du 30 juillet 2001 à l’occasion de la fête du trône et celui d’Ajdir du 17 octobre 2001 ont suscité un réel espoir pour la réhabilitation de l’identité amazighe, celui-ci fut vite déçu par une réalité faite de blocages multiples mis en œuvre par tous les niveaux de l’Etat à l’encontre de l’intégration nationale de l’amazigh et parallèlement, la poursuite des pratiques de négation et de discriminations vis-à-vis de tout ce qui fait référence à l’amazighité, ce qui provoque très régulièrement des manifestations de protestation des citoyens amazighs. La non reconnaissance et le non respect des droits fondamentaux des Amazighs du Maroc et leur marginalisation sur tous les plans, constituent de graves injustices politiques, socioéconomiques et identitaires qui ont atteint un niveau alarmant. Cela alimente les ressentiments susceptibles de compromettre sérieusement tous les efforts de construction d’une société paisible et démocratique. Cette situation portée depuis plusieurs années à la connaissance des organes compétents des Nations Unies, a fait réagir au mois de mai dernier le Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels qui a instamment recommandé à l’Etat marocain, "de prendre les mesures nécessaires pour garantir pleinement à la communauté amazighe son droit d’exercer sa propre identité culturelle, d’alphabétiser les Amazighs dans leur langue et d’assurer un enseignement gratuit en langue amazighe à tous les niveaux et de reconnaître à Tamazight le statut de langue officielle dans la Constitution du Maroc ". Dans ce contexte, le temps n’est plus aux atermoiements et autres faux-fuyants. Il est urgent de mettre définitivement fin aux siècles de déni des droits fondamentaux des Amazighs et d’entendre leurs revendications, de réconcilier définitivement ce pays avec son amazighité et de respecter de manière effective les obligations internationales de l’Etat marocain en matière de droits de l’homme et de démocratie. Majesté, nous en appelons aujourd’hui à votre Haute Autorité pour que, lors de la prochaine révision de la Constitution, l’amazighité soit reconnue dans toutes ses dimensions, notamment historique, civilisationnelle, culturelle et linguistique. Conséquemment et conformément aux réclamations récurrentes de l’ensemble des organisations de la société civile amazighe du pays et en vertu des exigences du droit international, la prochaine Constitution du Maroc devra nécessairement comporter de manière explicite, la reconnaissance de: -Tamazight comme langue officielle, -L’histoire et la civilisation amazighes du pays, -L’appartenance méditerranéenne et africaine du Maroc, -Les us et coutumes amazighs comme un des fondements de la législation marocaine et une source d’inspiration pour le législateur, -La laïcité, comme principe garantissant le respect de la liberté, la pluralité et la tolérance, -L’égalité parfaite en droits entre l’homme et la femme, -L’instauration d’un Etat fédéral, composé de régions autonomes, leur permettant d’assurer leur propre développement économique, social, éducatif et culturel. Ce sont là, Majesté, des revendications fondamentalement légitimes et populaires autant que des exigences démocratiques dont la satisfaction ne peut en aucun cas être différée. C’est pourquoi nous attendons très vivement que vous fassiez usage de vos hautes prérogatives pour que les Amazighs du Maroc puissent enfin avoir le sentiment d’être des citoyens à part entière. Veuillez agréer, Majesté, l’expression de ma haute considération. Belkacem Lounes, Président du CMA
|
|