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(Avril  2006)

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l’amazighophobie plane sur LE PAYS DE «TAWIZA»!
Par: Hassan BANHAKEIA

Voilà mon rêve, et voici ma déception!
Quand on rêve de rentrer dans sa ville natale, le rêve est toujours beau. La vision, de par sa construction onirique, se marie à la vue d’un meilleur monde, mais combien la déception est forte au moment de voir l’univers des illusions se faire tout simplement illusoire. Certes, tout s’inverse dans le rêve, précisément à l’instant de découvrir dans la douleur son propre espace. Cela se passe effectivement au réveil. Ce doit être là la déception de chaque Rifain qui «débarque» dans l’établissement (pour ne pas l’appeler faculté, université, faculté pluridisciplinaire) de Nador. Les proches, d’un ton prémonitoire, vous répètent: «Que venez-vous y faire ici? Vous allez tant regretter ce retour.»
Au début, et cela perdure, il n’y a ni eau courante, ni électricité, ni bureaux, ni assez d’enseignants, ni bibliothèque… Ni réelle administration. Tout se fait dans la précipitation, et les erreurs se multiplient vite. Mais l’on ose dire que l’établissement fonctionne, qu’il est le modèle à suivre. Cela tient de l’ordre du fictif. Les murs se hissent au rythme d’un marteau las et d’une truelle repue, des briques prennent corps sous le poids du ciment, et les fers ne fléchissent point à scruter les immeubles inachevés. Seule la cafétéria se tient debout, finie et comblée d’étudiants et de curieux visiteurs. Elle est unique au Maroc: avec une télévision omniprésente, caquetant toutes les chaînes paraboliques et une terrasse ouverte sur l’enceinte, elle peut attirer les visiteurs, mais point des étudiants. De l’esplanade, on peut avoir une vue totale des rues de l’établissement. En fait, un tel lieu peut étonner tout visiteur!
L’établissement se fait aussi «structure ambulante»: les responsables, à chacun son prétexte de fuir cette cité «maudite», ne cessent de reprendre la route d’Oujda, arpentant quotidiennement plus de 300 kilomètres, loin de ce chaos. Ils arrivent et repartent avec le soleil. En cela, ils sont fidèles aux éternels Rifains qui, sur la route d’Oran, repartaient dans le temps, armés de faux, pour faire les moissons, mais nos ancêtres partaient pour une saison et rentraient chez eux, pleins de cadeaux, de courage et d’espoir pour les siens. Difficile de prévoir le lendemain pour une telle institution qui n’existe qu’intermittente dans l’imaginaire des responsables «migrants». Retenons une vérité courante dans cette ville: Personne n’ose vivre à Nador, mais oui y exercer le pouvoir. Cela déçoit vraiment celui qui ose rêver: ce pauvre établissement, fuyant dans sa nature, peut-il se métamorphoser, un jour, en université proprement dite?
Pas de structures pour faire de la recherche, pas de «mastère» en vue, plus de contacts avec l’extérieur, plus les 40 hectares prévus pour l’établissement (actuellement il n’y en a que 11 hectares mordus à moitié par une rivière avec un lit immense). Nonobstant, le petit établissement rêve à son tour de devenir grand (comme son confrère d’Oujda), tout un «modèle» dans les papiers. Il peut l’être, il peut l’être dans les documents, les papiers: avec quatre départements, une dizaine de filières, deux mille étudiants, une cinquantaine de professeurs… Au fait, qu’est-il au juste de l’établi? Peut-on imaginer un département de «Langues et communication» avec un seul enseignant, sans filières et sans étudiants de spécialité?
En réalité, l’établissement rame dans l’univers des sciences juridiques, de l’économie, des sciences exactes, des langues et des lettres avec des vacataires licenciés. Qu’est-il de la qualité de l’enseignement? Est-ce parce qu’on est au Rif que tout est permis? Qu’un bac + 4 offre des cours à des bacheliers! Un licencié qui prodigue des cours de spécialité à des étudiants! Cela ne se passe qu’à Nador. Nulle part ailleurs. De ce fait, les parents consciencieux vont traverser la plaine de Sélouane pour ramener leurs enfants loin, loin de cet établissement: les inscrire n’importe où, mais pas tout près de chez eux.
En plus d’être un chaos chaotique, les examens du premier semestre montrent l’interventionnisme «futile» de l’administration dans les affaires des enseignants afin de les humilier davantage. Elle planifie, replanifie selon la guise des étudiants, à l’insu des pauvres enseignants. Ces derniers se sentent ‘surpassés’: Aux nouveaux d’obéir par la force des choses, et aux anciens ne reste que le choix d’une assomption nécessaire de ce qui est proposé. Rapetisser l’enseignant, multiplier les embrassades avec les étudiants et lancer des plannings «de trouble» sont les règles politiques avenantes au chef. Les examens avortent des tricheurs qui ne passent pas au conseil de discipline. Ils sont protégés! Par qui? Tricher, hélas, rime avec étudier! Et les revoilà conviés au rattrapage! Ici, tout simplement ici.
Et le comble c’est que pour diriger l’établissement, les responsables se cachent derrière des textes quand le bon sens de la loi le permet, mais sans les appliquer dans le bon sens. L’on babille des articles sous le poids d’un esprit qui ne voit que «trame» et «méfiance», mais jamais la participation de l’enseignant. Ce dernier se sent le drop out! Le drop out! Que faire alors de la visibilité d’un tel établissement qui est appelé à illuminer l’environnement tant obscurci par la contrebande, l’émigration clandestine et les drogues?
A force de dire que l’établissement pourrait couler si de l’organisation n’avait pas lieu, et que le projet s’avère vital pour cette région tellement marginalisée depuis la nuit des temps, des élections «modéliques» arrivent sous la pression des professeurs natifs de la région. A la tête du département des sciences humaines arrive sous la suprême bénédiction du chef, un professeur assistant stagiaire et «nomade». Le chef accepte le candidat «stagiaire» pour gérer l’inconnu! Qui ne voit que cet acte, pour une part, au moins étonne tout enseignant? Pas le chef soucieux de l’esprit démocratique des élections, amnésique qu’un jour il était enseignant! Et que, s’il le veut, cette aberration disparaisse en un instant. L’établissement se veut donc expérimentation de l’aberrant, approfondissement de l’inexpérience et non respect de la hiérarchie scientifique pour gérer les filières actuelles et préparer les filières prochaines. Qu’une page blanche parle de l’absence de ses mots et de ses épreuves serait tributaire de l’absurde! Tout est permis dans ce petit bled: les contestations sont prises comme une parole «tolérée», mais vues comme une interrogation à laquelle la réponse écrite s’avère de l’impossible! Notre établissement élude l’inscription. Ici, on n’a pas l’habitude d’écrire: tout se fait dans l’oralité où s’immiscent promesses, bénédictions, insultes et cris, mais rien ne se fixe. Naïf de moi, je rédigeai une lettre de contestation, mais jusqu’à cette date pas de réponse. L’attente de la réponse écrite se fait oralement promesse, mais connotant l’insulte quand l’écrit tarde à arriver! Ça c’est de l’établissement qui tend à mater l’écrit «inadéquat et impropre».
Féru naguère d’associationnisme et de syndicalisme, le chef se montre pour autant contre la formation du syndicat dans l’établissement. Le haut responsable gère l’établissement en vue d’amplifier la crise structurelle: les professeurs expérimentés sont mis sur la touche, et les nouveaux sont soit menacés, soit rassurés de bien obéir et exécuter. Et de cette gestion naît vraiment la crise. La menace s’annonce «je serai contre votre titularisation», «j’informerai les autorités locales»… Et ces crises à répétition tuent ce rêve, ce retour chez soi, parmi les siens. L’on se sent réellement exilé chez soi.
Que l’établissement s’ouvre sur l’environnement humain et culturel s’avère une autre désillusion. Je présente, et voilà ma seconde bêtise, un projet afin de créer un atelier de recherche sur l’amazigh en rappelant le dahir royal du 17 octobre 2001 et le «mithaq», et le projet ne connaît pas de réponse écrite. Le refus est mille fois bénéfique que l’attente. Pire encore: l’on vous renvoie aux calendes grecques comme s’il ne s’agissait pas d’un projet scientifique, positif… Quelle spécificité pourra donner cet établissement si ce n’est le travail sur l’amazighité du pays? Est-ce du discours démagogique le fait de travailler sur le tifinagh, sur l’écriture amazighe, la littérature orale, la littérature écrite de la région… En plus de ne pas savoir à quel saint se vouer, l’on apprend vite à jauger la gradation de l’humiliation.
Ces problèmes sont en réalité faciles à résoudre, la seule difficulté est d’avoir le courage de regarder en face avec la volonté de changer de mentalité et de vision que cela nécessite… Ces deux nouvelles dispositions tiennent en otage l’histoire de notre université et à sa destinée.
Pour conclure, et je le fais de manière cynique, j’espère que cet établissement ne se hisse pas comme une exception «négative» par rapport aux autres facultés marocaines! (Hassan BANHAKEIA)

 

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