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BAHHA Lehcen, une nouvelle star
amazighe au Sud-est.
Natif d'Alennif, ce jeune artiste, âgé à peine de vingt ans,
réalise un succès phénoménal, avec déjà cinq albums et une vidéo, pendant un ans
seulement. D'ici à l'été deux autres seront au marché! Entre Ahidous et chanson
populaire engagée, Baha fait parler de lui auprès des imazighen de toutes
catégories au sud-est et à la diaspora. Les simples gens aiment ces belles "Tigiwin"(sing
Tigi morceau d'Ahidous) et "timdyazin". Quant aux militants du mouvement
amazigh, ils apprécient ces chants clairement engagés pour l'amazighité, pour
eux c'est une autre nouvelle voie, de plus, qui s'ouvre pour l'écoulement des
idées amazighistes à la masse amazighe. Une autre façon de proclamer fort les
droits bafoués, des mélodies pour illuminer et réveiller des esprits encore
déconnectés de leur vraie réalité. Nous l'avons rencontré au début de février et
avons eu avec lui cet entretien:
Tawiza: comment vous avez eu l'idée de chanter, de se dévouer complètement au
chant au détriment de vos études.
Bahha: à vrai dire je n'ai pas pu tenir les deux, se consacrer au chant et
suivre mes études n'est pas simple, alors je me suis trouvé emporté par le
premier choix. En fait, je suis né dans une famille dont les membres aiment le
chant et Ahidous, dés mon enfance j'accompagnais mon grand frère qui jouait avec
un "lutar". C'est ainsi que je prenais au fur et à mesure à chanter et jouer
avec cet instrument.
Tawiza: et votre premier album a vu le jour il y a juste un an. Le premier pas
est toujours difficile, n'est ce pas? Et comment était-il reçu par le publique?
Bahha: tout à fait, au début, j'ai eu des difficultés pour enregistrer mon
album. Enfin, je l'ai fait avec mes propres moyens, et vu son impact favorable
et très encourageant, j'ai sorti un deuxième un peu plut tard. Les gens ont
beaucoup apprécié ce travail de par les sujets qui y sont abordés.
Tawiza: de la chanson à "Ahidous", vous en avez sorti deux albums et un CD
vidéo, le deuxième comprend des morceaux inédits, qu'en dites vous?
Bahha: en fait, l'idée d'enregistrer Ahidous été proposée par un ami, et comme
je suis un fervent amateur de ce sacré patrimoine depuis toujours, j'ai accepté.
La sortie du premier, a fait un effet bœuf au sud-est notamment. Le publique a
apprécié beaucoup ce qu'on a fait, je recevais des encouragements par-ci par-là,
aussi on a pu filmer sa vidéo clip et lancer un deuxième album au marché. Et
comme vous l'avait dit, ce dernier contient deux morceaux "tigiwin" inédits.
Notre but était de s'approcher des sujets liés à la vie des imazighen de la
région telle l'immigration à l'Europe entre autres. Ça montre aussi la
flexibilité de notre Ahidous et son aptitude a contenir les préoccupations
sociales diverses de nos jeunes. En revanche, étant donné la richesse d'Ahidous,
je pense à y puiser de ses diverses formes classiques surtout, comme "Uoettva"
et "Tagyezzimt".
Tawiza: comment Bahha a pu véhiculer dans ses chansons un discours amazigh aussi
conscient et progressiste vu son age, en sachant aussi qu'il n'était même pas
passé à la fac comme etudient!
Bahha: effectivement, c'est grâce à l'association "Bugafer" d'Alennif dans
laquelle je m'abonnais et participais aux activités qu'elle organise, ainsi j'ai
pris beaucoup de choses liées à l'amazighité. Sans oublier aussi mes tournées
aux enceintes universitaires et autres associations où je pouvais me frotter
avec le discours amazigh répandu par les militants du mouvement amazigh.
Tawiza: quelle explication donnez-vous au succès que vous êtes en train de
réaliser?
Bahha: je ne sais pas exactement! Peut être que les gens trouvent mes chansons
proches d'eux et de leur environnement, de leur vécu… ici je fait allusion à mes
chansons sur les grands événements que la région a connu, et sur l'amazighité
aussi; il y a des gens qui en découvraient leurs racines et me confiaient qu'ils
y ont pris beaucoup de choses sur leur identité et histoire. C'est pourquoi
aussi j'essaye de diversifier mes sujets afin d'atteindre les classes d'imazighen
qui ne pouvaient par déchiffrer le discours élitiste amazigh qui n'est pas à la
portée de tout le monde.
Tawiza: ajoutant à cela votre voix, qui en est pour beaucoup aussi. Et pour les
paroles, vous les écrivez vous même? Cette production abondante de votre part,
cinq albums dans un an! Ne porte-elle pas un effet négatif sur les ventes?
Bahha: pas du tout, tout ce qu'on distribue se vent vite, surtout pour Ahidous.
Pour les paroles, c'est un ami et moi qui les écrivent. Notre patrimoine est
inépuisable, on a beaucoup de choses à dire au gens et montrer a l'autre.
Tawiza: le succès se limite-il ici au sud-est seulement, puisque vous y
appartenez?
Bahha: non je reçois des appels d'encouragement même des régions que je
n'imagine pas comme le Sahara et le nord, malgré les problèmes de distribution.
Tawiza: dans quels festivals ou rencontres vous vous êtes produit jusqu'à
présent?
Bahha: oui, concernant les activités estudiantines, j'étais invité par le
mouvement estudiantin amazigh, de la fac d'Agadir deux fois, Errachidia, de
Meknès mainte fois, de Rabat, de Tanger. De même pour des associations comme
Azmez, de Boumal n-dads, Lekhmis, Assid de Meknès... je me suis produit aussi
aux festivals de Midelt et Mriret.
Tawiza: et qu'en est-il des chaînes de télévisions et radios?
Bahha: il y a juste deux mois, j'avais reçu une invitation de Berbère TV, par
l'intermédiaire d'un militant amazigh de Meknès. Et c'est à Casa Blanca que nous
avons interprété et enregistré mes chansons. Et ce sont les responsables de
cette chaîne aussi qui m'ont présenté à 2M en leur demandant de m'accorder la
chance de m'y produire. Alors on s'est présenté, j'ai leur donné mes albums, ils
m'ont promis de m'appeler. Et voila, j'attends encore. Quant à la radio, j'ai
entendu que Médi a diffusé quelques unes de mes chansons.
Tawiza: y a-t-il des encouragements pour votre démarche artistique? Vous êtes
satisfait?
Bahha: des encouragements dites-vous? Non, a part l'appui moral des militants
amazighs, il n'y a que la démoralisation, "walu ghes mayd-ack ikkaten idvarn".
Malgré ça on travaille, on est pas encore satisfait, mais ç'avance de mieux en
mieux.
Tawiza: votre dernier mot.
Bahha: je lance un appel aux deux chaînes nationales de mettre un peu de lumière
sur les artistes amazighs de sud-est précisément, car à chaque foi que les
responsables de ces deux chaînes veulent accorder une chance aux artistes
amazighs, ils ne pensent qu'aux chanteurs du moyen atlas seulement. Nous avons
aussi au sud-est notre mot à dire! Merci.
(Interview réalisée par Ayt Assou Salh)
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