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"Un
kidnappé sans adresse", un livre qui suit les traces de Boujmâa Hebbaz
Par: Tijani Saadani – Khénifra
La disparition de Boujmâa Hebbaz fait
l’objet d’un livre poignant qui vient d’être publié par les éditions Itguel sous
le titre: Un kidnappé sans adresse de son auteur Said Bajji. Ce travail qui
enquête sur le sort d’un grand militant amazigh, nous replonge dans la tragédie
du passé récent de ce Maroc qui n’a pas encore voulu délivrer tous ses secrets.
Ce livre qui nous tient en haleine du début jusqu’à la fin, relate les épisodes
de l’enlèvement dont le pionnier du militantisme amazigh fut l’objet le 19 avril
1981.
Par le courage et la détermination qui lui sont connus, Said Bajji part, mont et
par vaux, à la recherche de la vérité de la disparition mystérieuse de Boujmâa
Hebbaz qui n’était ni un terroriste ni un brigand de grands chemins, mais un
intellectuel, un féru des sciences sociales et plus particulièrement de la
linguistique.
L’enquête que Said Bajji a entreprise, même si elle n’a pas abouti à démêler
complètement les écheveaux de ce crime ignoble, fait peser de lourds soupçons
sur la machine infernale du Makhzen et le dispositif répressif qu’il a mis en
place depuis l’indépendance pour asseoir son hégémonie et sa domination sur
cette partie occidentale de Tamazgha.
Un kidnappé sans adresse est un livre qui n’a pas seulement pour but de faire la
lumière sur un événement tragique, mais de définir cet événement et de le
replacer dans son contexte; celui des années de Terreur, de Brutalité et de
Barbarie. Il s’attaque vigoureusement à l’idéologie de l’Etat marocain qui a
pris le travail intellectuel de Boujmâa Hebbaz pour une menace imminente qui
nécessite une réplique immédiate et à sa façon démagogique de prétendre tourner
la page du passé des crimes d’Etat sans la lire entièrement et ce via le Conseil
Consultatif des Droits de l’Homme et l’Instance Equité et Réconciliation. Les
deux instances n’ont fait aucune lumière sur l’affaire Boujmâa Hebbaz pour
signifier que son sort est scellé sous le sceau du secret.
Ce travail de longue haleine a pu nous rapprocher des faits de l’enlèvement de
ce militant de première heure en recueillant, confrontant et analysant les
témoignages dont celui de Abdelatif Almohtadi un grand ami de Boujmâa Hebbaz,
est le plus poignant de par sa précision et son authenticité. Cet homme qui a
vécu l’événement dans la douleur et l’angoisse nous a légué un témoignage d’une
inestimable valeur dans le sens où il nous a mis sur les pistes à suivre pour
enquêter sur la vérité de la disparition de celui qui a porté en lui le projet
amazigh.
Un kidnappé sans adresse nous place devant notre responsabilité historique;
celle qui consiste non seulement à rendre hommage à cette figure emblématique de
la cause amazighe, mais à faire pression par tous les moyens pour faire la
lumière, toute la lumière nécessaire sur l’affaire Boujmâa Hebbaz et son sort.
Nous devons nous rendre compte que le pouvoir en place n’avait pas seulement
pour but d’éliminer un homme, mais d’éradiquer une cause, de détruire une
culture et une histoire pour maintenir un peuple en état de déperdition et
d’errance éternelles sur sa propre terre.
(Tijani Saadani – Khénifra, le 06 -11 – 2006)
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