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Le film “Mabrouk” ou la négation de l'autre Par: Anarouz Saadani (Khénifra) Je vous remercie infiniment d'avoir créé cet espace fertile d'échange fructueux et de créativité. Ma communication va en contre-courant de la marée qui déferle sur la surface du film intitulé “Mabrouk”. Je ne prétends pas présenter une analyse thématique, ni une étude du film “Mabrouk” réalisé par COUIKA DRISS et présenté par TV1 le 12/4/01. Je voudrais tout simplement interpréter certains signes que le film recèle et qui traduisent, sans doute, les positions du réalisateur. Ces signes sont relatifs au champs linguistique qui se structure de la façon suivante et comprend trois composantes: - Le dialecte marocain qui forme la presque totalité de la trame linguistique. - Le français dont l'extension est moins importante, mais il jouit du privilège de nager dans l'opulence et la fortune. - La tamazight dont la présence infinie se matérialise à travers “Tamawayet” qui accompagne le scène de la vente des ânes. Si on considère que rien n'est gratuit dans une œuvre d'art, il faut dire qu'il s'agit d'un choix stratégique qu'il faut suivre dans ses méandres et implications. “Mabrouk” n'est pas réalisé hors contexte socio-culturel. Il laisse transparaître les points de vue du réalisateur et ses partis pris. Celui-ci a choisi d'agrémenter les scènes de la vente des ânes de “Tamawayet”; chanson berbère qui jouit d'une valeur esthétique considérable. Le fait d'associer ce bien symbolique (Tamawayet dont l'image synécdochique désigne tout l'héritage culturel des berbères) à la scène de vente des ânes dont les connotations sont plutôt péjoratives ne peut signifier qu'une seule chose: mépriser, minimiser, réduire à néant et nier l'autre, pour la simple raison d'avoir une race et une culture différentes. Ce qui laisse transparaître l'idée archaïque de l'ethno-centrisme chez le réalisateur. Car minimiser l'autre c'est valoriser soi-même. Je pense que le réalisateur a adopté un style qui me rappelle la photographie coloniale où le statut des résistants est dévalorisé en les associant aux ânes et à tout ce qui a une connotation négative en vue de disloquer leur orgueil et leur résistance. Le réalisateur pourrait-il prouver le contraire? Je ne le crois pas, car attaquer les berbères est une mode qui ne vieillit pas. Notre oreille s'est habituée à digérer ce genre de messages en silence, malgré leur amertume. Je profite de cette occasion pour chuchoter à l'oreille de Driss Chouika, tout en continuant de le respecter, qu'il a raté sa leçon et que Tamazight en particulier et l'héritage culturel amazigh en général est un héritage de grande envergure et dont l'extension et la profondeur dépassent mille fois les limites de son imagination bornée par des idées reçues, mais tombées en désuétude.
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