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Rachid Nini et ses nouvelles «découvertes» Par: Anarouz SAADANI – Khénifra
«Pour moi je ne refuse pas de croire ce qu’on raconte…et je n’y crois pas trop non plus» (Hérodote) Rachid Nini est à l’affût de toute occasion, anodine soit-elle, pour déclarer les hostilités contre l’amazighité et ses défenseurs. Dans le charabia de sa chronique publiée le 13 – 02 – 2010, n° 1057 de son journal «Al Massae», il se propose de publier une lettre qui, d’après ses dires, aurait été adressée par Mohammed Abdelkrim Khattabi à Mohammed V lorsque ce dernier était en visite d’Egypte en 1956. Cette lettre qualifiée de «rare» est tombée dans les mains de notre journaliste grâce à «un ami rifain». Il précise aussi les raisons pour lesquelles il a choisi de la publier: il s’agit pour lui, d’abord, de commémorer le 47 anniversaire de la disparition du leader rifain, ensuite de «corriger les faussetés historiques qui ont présenté l’Emir Abdelkrim comme opposant à la monarchie et comme un ambitieux du pouvoir». Dans cette optique, il invite »les fanatiques de l’amazighité dans le Rif et au sud qui abhorrent la langue arabe à méditer l’attitude de l’Emir Abdelkrim qui défend cette langue». Il invite également «les séparatistes du Rif qui se sont réunis à Bruxelles, la semaine précédente, pour étudier «l’avenir du Rif» à contempler la pensée unificatrice de l’Emir». Au niveau méthodologique, la lettre que Rachid Nini a publiée n’a aucune valeur scientifique car elle est dénuée de tout élément permettant de l’authentifier. Il a passé l’«ami rifain» sous l’anonymat pour ne permettre aucune vérification. On est donc en droit de se poser les questions suivantes: s’agit-il réellement d’une lettre d’Abdelkrim Khattabi? Pourquoi Rachid Nini a-t-il omis de décliner l’identité de la personne qui a mis à sa disposition cette lettre? Comment cet «ami rifain» a-t-il pu obtenir une lettre adressée à Mohammed V en 1956? Et quel rapport y a-t-il entre cette lettre et les «fanatiques de l’amazighité»? Et si jamais cette lettre existe, doit-elle être une bible à suivre à la lettre? En réalité, Rachid Nini, et pardessus son épaule, le Makhzen sait ce qu’il fait. Il s’agit de l’instrumentalisation du symbole pour échafauder une nouvelle interprétation qui représente Abdelkrim Khattabi comme un personnage aligné à l’idéologie arabo-islamique et dépourvu d’esprit rebelle face au pouvoir central. C’est à travers cet angle que tous les Imazighns doivent voir leur héros national. En essayant de faire croire que «la vérité» qu’il vient de découvrir est indiscutable, il se permet de s’attaquer énergiquement aux défenseurs de la cause amazighe qu’il présente comme des «fanatiques» et des «séparatistes». A mon sens, il ne faut pas prendre trop au sérieux Rachid Nini pour plusieurs raisons: d’abord parce qu’il prend les lecteurs pour des idiots qui croient aveuglément à tout ce qu’on leur raconte, ensuite parce que Rachid Nini n’est qu’une figure médiatique du pouvoir par laquelle ce dernier manipule l’opinion publique, enfin parce que Rachid Nini fait tout sauf le journalisme.C’est vrai que les écrits d’Abdelkrim Khattabi sont imprégnés par l’idéologie dominante de son époque, à savoir l’arabo-salafisme et on ne peut pas lui reprocher cela, la priorité étant de se libérer du joug de l’impérialisme sauvage de l’Occident. Le leader devait établir des alliances pour s’en sortir. Abdelkrim est aujourd’hui une légende vivante. Et c’est effectivement ce symbole qu’utilise Rachid Nini, bien placé pour effectuer cette mission, dans l’une des ultimes tentatives visant à rafistoler cet attelage des Imazighns à la doctrine arabo-salafiste. L’âme d’Abdelkrim Khattabi continuera à nous inspirer dans notre combat mais la conception de son combat ne sera jamais pour nous une bible dogmatique par laquelle Rachid Nini compte nous «ramener à la raison» ; la sienne ou plutôt celle de ceux au nom desquels il parle.
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