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Réponse à l’article de Libération:
Face à l’invective,
l’explication du texte
Par : Brahim Labari
La lettre adressée au journal «libération» (Maroc):
Bonjour,
Il y a quelques temps, vous m’avez ouvert vos pages (c’était l’ancienne équipe
de rédaction) pour exprimer certaines de mes vues sur divers problèmes.
Aujourd’hui, je dois vous écrire pour vous soumettre en fichier attaché le droit
de réponse à l’article «Caprices du lundi: Au pays des Imazighen». Le tollé que
cet article a suscité au sein de la communauté amazighe de France et
l’indignation devant les idées qui, à défaut d’être développées, sont évoquées
dans le dit article en disent long sur le mécontentement général et unanimement
partagé. Une pétition est déjà en ligne sur le site de Tamaynut France et
exprime le véritable choc produit par des propos de cet auteur. Nous croyons à
la liberté journalistique dès lors qu’elle ne bafoue pas les principes
élémentaires du «vivre ensemble».
Je vous prie donc de publier (et en première page) cette mise au point que j’ai
rédigée en collaboration avec les membres et sympathisants de l’association
Tamaynut France. Je crois que c’est le moindre bon sens pour que vive le débat
contradictoire même si notre droit de réponse n’a jamais cédé à l’invective ou à
l’insignifiance. En espérant que ce genre d’écrit cesse dans un quotidien qui se
veut par ailleurs responsable et mature.
Bien à vous,
Brahim Labari.
NB Merci d’accuser réception de ce droit de réponse.
Mes salutations Brahim Labari.
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Réponse à l’article de
Libération
Face à l’invective, l’explication du texte
Il faut désormais être deux pour s’envoyer des amabilités,
de revenir à l’histoire ou à sa philosophie et pour savoir pourquoi on est là et
d’où on sort. Le premier déclaré est un obscur «journaliste»1 qui, on peut
paradoxalement lui savoir gré, n’use pas de l’euphémisme tant éprouvé par ses
confrères. Lesquels, pour nous prendre, nous les Berbères du Maroc, comme objet
de leurs investigations avec une démarche bien rôdée, reconnaissant notre
autochtone marocanité, s’empressent de rappeler l’immense apport de la
civilisation arabo-islamique sans laquelle, du reste, on serait encore à l’état
de nature. Soit, mais la partie est loin d’être élucidée car nous sommes
extrêmement vigilants aux dérapages et aux simplifications (ou falsifications de
notre Histoire). Nous ne cédons pas par contre à la facilité et loin de nous
l’idée de répondre à l’insulte par l’insulte. Ce n’est pas notre marque de
fabrique pour ainsi dire. En gros, on n’a pas attendu la mise en place de
Tifinagh pour exister ni une corporation pour défendre nos intérêts. Il faut
convenir que la formalisation de notre culture orale mais têtue devient l’objet
de soudaines attaques comme s’il s’agissait de trahir la marocanité du pays
légal. Sans jouer les coudes, on est donc deux à «faire Maroc». Les Berbères
berbérophones (dont la langue n’est pas l’identité exclusive!), et les Berbères
arabophones parmi lesquels l’auteur de l’article en question devrait compter).
Je n’ai pas pour habitude de céder à l’invective qui caractérise un certain
style au sujet de tout ce qui touche curieusement à l’identité et à la culture
berbères. Mais avant même d’esquisser quelques éléments de réponse à l’article
en question, j’aimerais soulever un point lancinant: pourquoi donc la plupart
des analystes passent-ils outre toute objectivité (journalistique!) quand il
s’agit de traiter des Berbères? Curieusement aucune raison avouée ne vient
justifier leur parti-pris. Si le champ journalistique marocain reste
malheureusement cloisonné dans une sorte d’intérêt de classe et marqué par un
habitus de domination culturelle, l’hypothèse de dénigrement pour se protéger de
la concurrence dans ce vaste champs semble requérir une certaine consistance.
Peut-on parler d’aveuglement s’agissant de ces approches?
Toujours est-il que le principal étant qu’on est là et badiner avec le comment
et le pourquoi me semble relever de l’hérésie. L’article de «Libération» dans
les colonnes duquel il m’est arrivé d’exprimer des vues, croit bon s’adonner à
cet exercice oh combien miné et passionnel. L’article est ainsi un ramassis de
descriptions sommaires, de généralités faisant de l’auteur tour à tour
linguiste, historien, géographe, voire apprenti ethnographe et finalement bourré
de jugements de valeur à des fins de dénigrement et de stigmatisation. Le drame
des apprentis généralistes est de corrompre, voire de supplanter tout débat
contradictoire pour en rester au stade de l’exposition comme si celui qui
voulait étudier un art culinaire l’appréhende dans la salle à manger au lieu
d’aller voir au fin fond de la cuisine. La terminologie est clairement
accusatrice, le style creux et pour revenir aux renvoies un peu bricolés,
relevons des approximations (y compris orthographiques) qui les traversent.
Ainsi Charles De Foucauld, à qui l’auteur a fait le grief post mortem de
corrompre le nom, s’est vu en un tournant de phrase gaspiller les activités
ethnographiques tout à fait remarquables depuis l’Algérie jusqu’au Maroc.
Question défiguration, l’auteur manie un zèle manifeste de ne connaître que
biaisement l’auteur de «Reconnaissance du Maroc». Ce n’est pas le lieu ici de
discuter de la profondeur des analyses du père De Foucauld sur la société
berbère et nomade, mais on est vraiment dans le superficiel.
Il y a aussi un dénigrement caractérisé, une somme d’inquisitions d’un autre
âge. Quand l’auteur évoque la petite taille de nos montagnards due, selon notre
analyste éclairé, à une nutrition insuffisante, on le croirait spécialiste de la
sociobiologie, discipline aujourd’hui en plein essor malgré le darwinisme social
qui la caractérise.
Il y a aussi un poujadisme conjugué à ce qu’on peut appeler un américanisme
opportuniste. Ah l’auteur ne s’est pas retenu pour marquer une ligne Maginot
entre les Berbères du bled et ceux des cercles intellectuels de Rabat! En
interprète de «ces hommes de petite taille», l’auteur argue qu’ils n’ont rien à
faire avec le Tifinagh, mais ont besoin d’une aide que les Américains, pays où
la sociobiologie est née et prospère de nos jours, ne daignent jamais de leur
prodiguer. Après la politique du ventre, chère à Georges Balandier, l’auteur
fait sienne la société du ventre.
Prendre pour objet l’amazighité signifie in fine la réduire à une sorte de
contenant sans contenu. Tout se passe comme si ces forces vives étaient rangées
dans le magasin des accessoires. A cet égard, les analyses proposées semblent
frappées d’un cachet de conservatisme déniant aux Berbères la possibilité de
changer d’une génération à une autre. Faut-il rappeler que les Berbères
montagnards étaient jadis en première ligne dans le combat anti-colonial. La
région de l’Anti-Atlas était la dernière à être pacifiée, selon le Général
Guillaume, acteur de cette «pacification». L’insuffisance de la nutrition
n’était pas manifestement un frein à la rudesse physique de ces montagnards
valeureux dans la défense de leurs terres et extensivement pour un Maroc libre.
On n’attend de quiconque de nous délivrer un certificat de vie ni de nous
octroyer une identité. L’amazighité n’existe pas en soi et en l’air, elle est
dans le réel, elle est inscrite jusque dans les paysages. Il est certain que
ceux qui y associent leur passion ne l’ont pas découverte dans une boule de
cristal: elle est un héritage légué malgré les diverses conquêtes et influences
pré-arabes.
Hélas, dans un Maroc en pleine ébullition, les articles de cette teneur sont
encore légion. Devant l’impunité de leurs auteurs, il y a simplement lieu de
rappeler qu’on ne meurt pas de la bêtise.
Brahim Labari.
En collaboration avec Aïcha EL HASSANI, lahcen Benbella, Lahsen Olhadj, Ali
Idaîssa, Bakrim Anas, Wanaim Mbarek, Fandi Abdallah, Bouyaakoubi anir, Ouzaaîte
Lahcen et Abdellah Aïdouch.
1 Abderrahim Chtiba, «Caprices du lundi: Au pays des Imazighen », Libération
(Maroc, édition du 28 novembre 2005
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Et L’IRCAM: intentera-t-il un
procès pour diffamation contre "Libération"?
«Au pays des Imazighen, on se moque de Tifinagh; on ne sait même pas ce que cela
signifie. Quand on leur explique, en des termes simples, que Tafinagh est un
ensemble de lettres avec lesquelles on écrit leur langue, ils réagissent par une
inclinaison latérale de la tête, une petite moue pincée et une expiration
nasale.
Pff! Comme c’est insignifiant! Si on est sensible à la question Tamazight, on
double alors l’effort pour mieux présenter la chose. Sourire de politesse à
l’appui, on trace avec n’importe quel objet des signes biscornus qui ressemblent
tantôt aux cornes de chèvres, ou aux cordons de gourdes, tantôt aux poules, ou
simplement à des mouches. La démonstration tourne au ridicule: on rit. Ces
traces, disent-ils, correspondent aux sabots et aux pattes. On dirait même des
récipients argileux, ou des bottes de paille. Mais enfin ce ne sont que des
gravures comme celles tracées par des insectes menuisiers sur un vieux cèdre
échappé aux coupes trop fréquentes ayant déboisé tout le flanc de leurs
collines. Ils assurent, en outre, que leurs graffitis sur des tapis à tissage
fin sont d’une meilleure allure.
Dans ce pays, les Imazighen, tous de petite taille due à une nutrition
insuffisante, connaissent mieux les Américains qu’ils côtoient tous les jours
que leurs concitoyens intellectuels ou politiques installés à Rabat».
(Extrait de: Abderrahim Chtiba, "Caprices du lundi: Au pays des imazighen",
"Libération" (Maroc) du 27/11/05)
Commentaire:
Il est clair, pour quiconque ayant un minimum de formation juridique, que
le texte cité – et ce n’est qu’un extrait – tombe directement sous le coup
de l’article 44 du code de la presse et constitue bel et bien un délit de
diffamation.
Il est clair aussi que l’IRCAM dispose bien de la qualité de porter plainte
contre cette diffamation. Défendra-t-il donc son honneur, celui de tamazight et
de tifinagh en intentant un procès pour diffamation contre «libération» et
l’auteur de l’article diffamatoire? Ou bien il n’a pas le temps de le faire ni
de lire l’article en question, vu qu’il est occupé de corrompre le combat
amazigh et d'«IRCAMISER» les associations amazighes?
(Tawiza)
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