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Congrès Mondial Amazigh
Graves manquements au droit au palais
de justice d’Oran (Algérie)
Pour avoir invité en 2003 un groupe de députés, avocats,
élus locaux et étudiants Flamands (Belgique) afin de participer à une conférence
sur "l’émigration en Europe et les perspectives de coopération", Said Zamouche,
Président de l’association Numidya à Oran et membre du Bureau du CMA, a été
condamné en première instance, par le tribunal d’Oran en juin 2005, à un an de
prison avec sursis et 20000 Dinars d’amende, pour de fallacieux motifs de "faux,
mensonges et falsification". Devant cette décision aussi invraisemblable
qu’arbitraire et révoltante, Said Zamouche a aussitôt interjeté appel. L’affaire
devait donc revenir le 5 décembre 2005 devant la Cour d’Appel d’Oran.
Said Zamouche était défendu par 4 avocats: Maitres Khemisti et Bensadek du
Barreau d’Oran, Maitre Hannoun du Barreau de Tizi-ouzou et Maitre Bozetine du
Barreau de Paris. Assistaient également à l’audience, une délégation du CMA
composée du Président, du Vice-président pour l’Algérie ainsi que des membres du
Conseil Fédéral, des membres du Collectif des femmes du printemps noir, du
mouvement citoyen des Aarchs de Kabylie, de nombreux membres de l’association
Numidya d’Oran ainsi que les responsables régionaux des partis politiques RCD et
FFS.
D’emblée, le juge a reproché à Said Zamouche d’avoir invité des étrangers qui
sont allés en Kabylie où ils ont rencontré le mouvement des Aarchs. "Pourquoi
organisez-vous des conférences? Pourquoi avez-vous invité des avocats? Qu’est-ce
que les parlementaires et avocats Flamands sont allés faire à bled qbayel"?, a
interrogé le juge. Il emploiera d’ailleurs systématiquement l’expression "bled
qbayel", le pays des Kabyles, pour évoquer la Kabylie, comme s’il s’agissait
d’un pays étranger à l’Algérie.
Said Zamouche a répondu qu’il était habituel que l’association Numidya organise
des conférences sur des thèmes sociaux ou relatifs à la citoyenneté et aux
droits de l’homme avec la participation de spécialistes nationaux et étrangers.
Il ajoutera que les Flamands étaient porteurs de visas en bonne et due forme,
document qui leur a permis de circuler librement en Algérie. Et si la conférence
prévue à Oran le 24 octobre 2003 a été annulée c’est du fait des autorités
consulaires algériennes à Bruxelles qui n’ont délivré les visas que la veille à
17 heures.
Les avocats ont alors tour à tour démontré que le dossier d’accusation était
vide et ont mis en évidence l’absence de plaignant et de dommages subis par qui
que ce soit.
Président de l’Association Numidya, Said Zamouche était tout à fait habilité à
envoyer des invitations à la délégation Flamande. Les membres de la délégation
munis de visas, avaient le droit de se déplacer sur tout le territoire algérien.
Dès lors, les éléments constitutifs des délits qui lui sont reprochés (faux,
mensonge, falsification) sont absents et ne sont d’ailleurs même pas rapportés
par l’accusation qui s’est contentée de requérir deux ans de prison ferme.
De plus, en dehors du rapport établi par le "bureau des affaires criminelles" de
la police d’Oran qui a fait subir à Said Zamouche 4 interrogatoires entre 2003
et 2004, aucune pièce à charge n’a été versée au dossier par l’accusation. Les
avocats ont insisté sur le fait que les visas accordés aux Flamands par
l’ambassade d’Algérie à Bruxelles sont valables sur tout le territoire national
et que de ce fait, les Flamands ont pu visiter la Kabylie comme ils auraient pu
visiter n'importe quelle autre région d’Algérie. Et si les autorités algériennes
ne souhaitaient pas que la délégation Flamande aille en Kabylie, il aurait fallu
qu’elles prennent leur responsabilité en les arrêtant par exemple, à l’un des
nombreux points de contrôle de police ou de gendarmerie qui barrent la route
entre Alger et Tizi-Ouzou.
Mais l’Algérie officielle ne pouvait ni refuser les visas aux Flamands, ni les
renvoyer dès leur arrivée à l’aéroport d’Alger, ni les reconduire à la frontière
de peur de ternir davantage encore son image déjà exécrable à l’extérieur. Mais
pour éviter que se reproduise ce genre de "visite incontrôlée" et pour
l’exemple, elle choisit de punir gratuitement un innocent.
Ainsi, et comme l’ont clairement démontré ses avocats, juridiquement il n’y
avait rien à reprocher à Said Zamouche. Par conséquent, les vraies raisons de
son harcèlement policier et judiciaire sont de nature politique. L’association
Numidya et à sa tête Said Zamouche, ont toujours été des éléments gênants pour
les autorités d’Oran. Ils incarnent l’amazighité et assurent courageusement sa
défense dans un environnement totalement hostile. Il est vrai qu’ils ont été
depuis de nombreuses années les instigateurs et/ou acteurs infatigables dans
toutes les luttes pour la démocratie, les libertés et les droits de l’homme,
tant à l’échelle locale que nationale. De plus, depuis 2002, Said Zamouche est
membre du Bureau du CMA, ONG internationale de défense des droits du peuple
amazigh, qui ne cesse de dénoncer sur les places internationales, les crimes d’Etat
et les violations massives et répétées des droits humains en Algérie.
C’est au moment justement où l’un des avocats était entrain de faire la
démonstration du caractère politique de ce procès, que le juge, très mal à
l’aise depuis le début de l’audience, s’est soudainement énervé, a interrompu
l’exposé de l’avocat et annonça que l’audience était terminée, tout en fermant
le dossier. Les avocats ont protesté énergiquement contre cette violation du
droit de la défense, d’autant plus que l’accusé n’a pas eu la parole en dernier,
conformément à la loi.
La trentaine de personnes qui étaient venues soutenir Said Zamouche et qui
avaient rempli la moitié de la salle d’audience se sont alors levées d’un seul
coup, criant des slogans "ulac smah ulac", "pouvoir assassin"…etc. Kamira Nait
Sid, membre du Collectif des femmes du printemps noir, a alors interpellé les
autres avocats présents pour qu’ils se solidarisent avec leurs confrères qui
venaient de subir l’interdit, rappelant que l’instauration de l’Etat de droit en
Algérie était l’affaire de tous.
Le juge a alors ordonné l’arrestation immédiate de Kamira Nait Sid mais devant
la pression du groupe, la police n’a pas pu exécuter l’ordre. Finalement,
accompagnée des avocats, Kamira Nait Sid a été conduite dans un bureau où se
trouvaient le juge en question et le président de la Cour d’Appel d’Oran.
Celui-ci, très énervé, a vite fait de perdre totalement son sang froid. Il a
empoigné Kamira Nait Sid et l’a jetée hors du bureau, lui criant "marakich fi
bladek", ici tu n’es pas dans ton pays! Sortant par la suite de ce bureau, le
même Président de la Cour intercepte Faroudja Moussaoui également membre du
collectif des femmes du printemps noir, qu’il se met à insulter et l’a ensuite
violemment poussée du haut d’un escalier, la traitant de "khmej" (saleté) et
répétant "dégagez chez vous"!
Les témoins de la scène ont assisté médusés devant le comportement de voyou du
Président de la Cour d’Oran qui, au lieu de représenter la loi et faire preuve
de sagesse, s’est offert en spectacle en faisant étalage de sa haine, montrant
une image indigne, honteuse, de "l’in-justice" algérienne.
On ne peut alors que s’interroger sur les raisons de l’attitude provocatrice du
juge et les violences dont s’est rendu coupable le Président de la Cour d’Appel
d’Oran. Est-ce pour justifier un éventuel alourdissement de la peine contre Said
Zamouche?
Finalement, et après près de 24 heures d’attente, le verdict de la Cour d’Appel
est tombé: confirmation de la condamnation prononcée en première instance,
c’est-à-dire un an de prison avec sursis et 20000 DA d’amende à l’encontre de
Said Zamouche.
Pour l’accusé comme pour tous les observateurs, cette nouvelle sentence, fondée
sur un jugement de nature politique, est totalement injuste. C’est pourquoi,
après s’être entouré de ses Conseils, Said Zamouche a décidé de se pourvoir en
cassation.
Naturellement, le CMA lui réaffirme son total soutien et sera plus que jamais à
ses côtés en toutes circonstances.
Faroudja Moussaoui et Kamira Nait Sid, membres du Conseil Fédéral du CMA, sont
également assurées de l’appui du CMA qui les encourage à déposer plainte contre
le Président de la Cour d’Oran.
Le CMA dénonce avec la plus grande vigueur ces injustices et les abus de pouvoir
qui se sont déroulés dans l’enceinte de la Cour d’Appel d’Oran ce 5 décembre
2005. Par ailleurs, le CMA se pose la question de savoir à quoi sert l’accord
signé en janvier 2005 entre le chef du gouvernement algérien et le mouvement des
Aarchs, stipulant notamment l’arrêt des poursuites contre tous les militants
engagés dans le mouvement citoyen depuis l’année 2001? Pourquoi Said Zamouche,
militant pour les droits de l’homme et du citoyen est exclu du bénéfice de cet
accord ? Est-ce parce qu’il vit en dehors de la Kabylie?
Le CMA s’adressera dans les prochains jours, directement au premier ministre
algérien pour lui demander des explications à ce sujet. Et une fois de plus, le
CMA interpelle les instances internationales et les ONG, sur les graves
atteintes aux droits en Algérie et lance un appel pressant à la solidarité
contre le racisme, les discriminations et les violences institutionnelles dans
ce pays où il est plus que jamais urgent de faire reculer le déni de justice.
Oran, le 7 décembre 2005
Le Bureau du CMA.
Congrès Mondial Amazigh
BP 60 – 75861 Paris cedex 18, France
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