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Réflexions
sur le devenir de Tamazight Par:
Soliman EL BAGHDADI (Nador) L'amazighité a été
toujours la conscience tragique de l'élite intellectuelle amazighe. Au cours
de l'histoire de la lutte des Imazighen en tant que mouvement de protestation,
seuls, les intellectuels amazighs se sont considérés concernés et
responsables de la lutte identitaire. Est-ce par égoïsme militant? La charte d'Agadir,
le Congrès Mondial Amazigh, le Conseil de Coordination National, le Manifeste
Amazigh et toutes les actions des associations amazighes étaient, et le sont
encore, des stratégies élitistes issues d'une minorité donnant l'impression
comme si l'Amazighité était une cause de minorité. La stratégie de
l'action mobilisatrice a été toujours centralisée sur l'élite, les étudiants,
les enseignants, les avocats, les cadres …. Est-ce le fruit
d'un égoïsme militant ou tout simplement une carence dans la capacité à
mieux concevoir une stratégie orientée vers la base, vers la masse Amazighe
en vue de radicaliser notre mouvement? Aujourd'hui l'état des choses nous
impose à changer de visions, de stratégies, d'actions pour que l'Amazighité
soit une cause des masses de tous les Imazighens. Nos projets d'action
d’avenir doivent avoir de nouvelles bases, de nouveaux aspects, de nouvelles
dimensions. Quelles
références doit d’abord avoir un projet de plate forme Amazighe? Elle sont au nombre
de deux. Nous avons d'abord la référence identitaire issue de notre
patrimoine, de nos valeurs ancestrales. Toutes plate forme doit alors
rejaillir de l'histoire, de la culture, de la société, de la terre Amazighes.
Autrement, toute plate forme doit être codifiée par des concepts
sociologiques faisant référence à une société Amazighe avec des valeurs
Amazighes, à savoir Tamazgha, Timmuzgha, Tawiza et en tant que formes
d'organisations sociale, économique, politique, et culturelle et étant
l'esprit de communautés Amazighes. Notre projet
d'avenir est condamné à avoir également une autre dimension, une dimension
universelle ouverte sur la proximité de notre pays, sur ses voisins et sur le
monde entier. Il y a des valeurs universelles de l'humanité qui ne peuvent être
niées par aucune forme d'organisation socio-économique et culturelle telles:
la démocratie, la modernité et tant d'autres concepts de valeurs humaines.
Ainsi la cohabitation de deux références dans un projet de société n'est
elle pas une rude épreuve. Bien sûr tout en investissant les expériences
d'autres mouvements de lutte dans le monde entier (Printemps Kabyle, Mai 68,
Mouvement d'Amérique du sud, Mouvement Zapatiste au Chapas au Mexique …). Quelle
serait la problématique de la plate forme? Elle doit
s'interroger sur le Maroc futur. Comment se construit-il? Qui dominera sa
construction? Qui seront ses acteurs? Au profit de qui sera-t-il? Et aux dépens
de qui? quelle sera la place des Imazighen dans le Maroc à venir?
Resteront-ils toujours assimilés ou soumis à une idéologie panarabiste
transférée d'ailleurs? Imazighen ne
doivent pas toujours être des victimes de la conception classique de
“L’histoire” puisque «l'historicité n'est pas un ensemble de valeurs
solidement établies au centre de la société, elle représente un ensemble
d'instruments d'orientations culturelles, à travers lesquelles les pratiques
sociales sont constituées» - Alain Touraine, “le retour de l'acteur”,
1984, page 76. Comment alors le
mouvement Amazigh en tant que mouvement de lutte puisse agir pour orienter le
courant des conflits, les transformations en cours, afin que les conséquences
de ces transformations soient à sa faveur, en faveur de l'Amazighité
d'abord? Notre problématique,
que faire? Comment faire? n'est pas uniquement d'ordre organique ou d'ordre théorique,
notre problème est selon A. Touraine est comment passer d'une action indifférenciée
à une action différenciée, du changement lent et discontinu aux
transformations rapides et incessantes, d'une faible à une forte densité d'échange?
Notre action est située dans l'évolution qui conduit du simple au complexe.
Bref, la question est comment faire pour étendre le champ d'action, pour
impliquer Imazighen de façon à attribuer à l'Amazighité le rôle central
de la lutte de toute la population Amazighe au Maroc au lieu de rester une
affaire d'une élite isolée. De quelle façon l'Amazighité, en tant que
cause identitaire, aura-t-elle plus d'impact auprès
de nos concitoyens? La question se pose ici sur notre stratégie future
de mobilisation pour avoir plus de pression sur l'état. Je
propose ici deux concepts: la proximité et
la spécificité. Si l'Amazighité
s'intègre dans une perspective de proximité, notre compétence/performance
de mobilisation aura plus d'ampleur et vis - versa. C'est une dialectique de
l'action et de son résultat, de la conséquence de l'action, de son objectif
et du moyen pour la réalisation de cet objectif. Autrement dit, nous devons
faire de l'Amazighité une des préoccupations quotidiennes de la population
Amazighe telle, l'eau, l'école, la santé, l'emploi … Bref nous devons
faire d'elle une cause de citoyenneté. Il faut alors déculturaliser
notre action sinon “désélitiser” notre mouvement. Comment cela peut-il
s'accomplir? Il est surprenant,
voire inquiétant, par exemple, que des associations de développement, des
centres d'études et de développement local aient «désamazighisé» leurs
actions, alors qu'ils prétendent adopter une approche intégrée impliquant
l'Homme, la Terre et la Culture. Ses associations de quartiers représenteraient
des appuis de base d'une action de proximité telles les coopératives, les
associations de femmes…. Il est temps que l'action s'inscrive dans une
approche de développement intégré et durable qui met en scène tous les
acteurs de la scène socio-économiques et culturels. Il est clair que les
capacités d'actions de nos associations sont devenues très réduites vu leur
état d'épuisement et la multiplication de leurs tâches: activités
culturelles, revendications, mobilisations, protestations, coordinations … Les instances
civiles Amazighes doivent désormais délimiter, plutôt réduire leurs champs
d'action en spécifiant mieux leurs objectifs et leurs actions. L'initiative
du Groupe de l'Action Amazighe tend à faire, par exemple, de l'Amazighité
une action de la rue, dans la rue. Cette expérience aurait plus grand effet
si son organisation avait été mieux conçue et son indépendance serait
assurée dans l'avenir. C'est ce que j'ai appelé la spécification du champ
d'action. Nos associations ne doivent pas faire du tout en même temps, du
militarisme, de la revendication, du culturel …. Je suis pour, par
exemple, la constitution d'un comité national de Tawada plutôt une
association nationale pour la réalisation du projet de Tawada. Les acteurs de
ce projet concentreront surtout leurs efforts à la mobilisation pour la réalisation
d'une marche digne des Imazighen. Reste à
réfléchir sur un système d'interaction entre les différents acteurs, au
niveau local, régional, national et entre différents secteurs d'action:
Associations Amazighes, associations de développement, comités de quartiers
…. Reste encore que la lutte des Imazighen est aussi un combat politique.
Ainsi faut-il s'interroger sur l'environnement politique, ses acteurs, ses
partis qui agissent avec/contre le mouvement Amazigh pour freiner, voire
disperser notre action. Il est clair que le projet des partis politiques ne dépend
point des attentes du mouvement Amazigh pour la construction du Maroc futur. A
ce sujet les élections vers lesquelles se ruent les partis politiques n'ont
aucun sens sans la réalisation des plus grandes revendications du mouvement
Amazigh. Comment ne pas réagir, se taire sur des projets politiques partisans
qui tendent de plus en plus à exclure Imazighen? Nous, en tant que mouvement
Amazigh, nous ne sommes plus, ne devons pas être concernés par les élections
de septembre 2002. Nos actions et
nos prises de positions politiques doivent viser les élections pour dénoncer
ce processus politicien électoraliste aux dépens, voire contre Imazighen,
leur mouvement et dénoncer tous les commanditaires les exécutants de ce
projet. Bref, ces élections ne sont plus les nôtres. Enfin, aucun parti
politique, issu du mouvement Amazigh ne doit prétendre la représentativité
politique de notre mouvement car sa persévérance et sa continuité sont
assurés tant qu'il n'est l'annexe d'aucune institution de l'état et des
parties politiques ou de leurs organismes parallèles.
N.B: Cette communication a été faite au cours d'une table ronde organisée par le comité régional du Manifeste Amazigh Haut Atlas - Tensift à Marrakech le 11 mai 2002. |
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