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Excellents
résultats à l'épreuve facultative de Tamazlght au baccalauréat français
(session 2002). Par:
Mustapha EL ADAK (INALCO (Paris)
Depuis 1995, le
nombre de candidats à l'épreuve facultative de Tamazight aux baccalauréats
général et technologique ne cesse d'augmenter en France. Cette année, 1671
lycéens répartis sur l'ensemble des académies de l'hexagone ont choisi de réfléchir
sur des questions portant sur leur langue d'origine: 648 chleuhs, 617 kabyles
et 406 rifains. Rappelons que cette épreuve s'inscrit dans le cadre de
promouvoir les langues des minorités vivant en France dans renseignement élémentaire
et secondaire. Les candidats bénéficient des points obtenus au-dessus de la
moyenne, sinon, une note défavorable n'est pas comptabilisée Contrairement aux
années précédentes, on a remarqué le recul des candidats kabyles qui est
une première. Quant aux candidatures pour les dialectes chleuh et rifain,
elles ont considérablement augmenté, ce qui pose un certain nombre de
questions concernant les raisons, aussi bien subjectives qu'objectives, déterminant
les différents contours du mouvement sociolinguistique arnazjgh en Europe, et
plus particulièrement en France, pays où les langues importées par
l'immigration agonisent sous le poids lourd du français en tant que longue
d'accueil. Loin d'aborder ces questions, un peu tentaculaires et épineuses,
nous voulons juste souligner la rigueur et l'application dont ont fait preuve
l'ensemble des candidats à l'occasion de cette épreuve. En témoignent les résultats
dignes de considération obtenus malgré l'absence d'une scolarisation
quelconque de la langue amazighe et d'un encadrement de proximité dont
pourrait bénéficier la communauté amazighe issue de l'immigration. C'est
sans doute là où résident les difficultés énormes du projet insensé
parrainé par le ministère de l'éducation nationale: comment peut-on reconnaître
le Tamazight comme langue minoritaire importante de France et en faire un
examen national au baccalauréat sans pour autant l'intégrer au système
scolaire et assumer les différentes tâches ayant trait a sa scolarisation.
C'est donc en dehors de l'eneignement officiel et de nul soutien effectif des
instances éducatives françaises que se prépare le bac amazigh depuis ces
dernières années. A cet égard, on ne saurait passer sous silence le rôle
important de tous les acteurs du mouvement associatif oeuvrant dans le cadre
du bénévolat, pour la sensibilisation et l'initiation des jeunes à leur
langue d'origine. De même, le corps enseignant de l'INALCO (institut national
des langues et civilisations orientales) - chargé de proposition et de
correction des examens - opte pour le choix de textes supports censés faire
valoir des objectifs à la fois didactiques et socioculturels. D'une part, on
opte pour des textes pouvant représenter le plus possible les différentes
variantes des parlers au sein des trois dialectes en question
de sorte qu'ils soient accessibles à tous les candidats. Ces textes
sont accompagnés de tableaux illustrant le système de notation usuelle des
dialectes dans le but de faciliter la lecture, mais aussi pour mettre à la
disposition des élèves des moyens plus pratiques dont ils se serviront pour
écrire. D'autre part, on tente des textes dont la portée anthropologique
pourrait éveiller les capacités socio-cognitives des élèves afin qu'ils
puissent, dans une sorte d'exercice à la fais constructif et évaluatif, réagir
aux spécificités de leur propre culture. A titre d'exemple,
l'épreuve du rifain comportait quatre questions; une consiste à traduire le
texte support (écrit en Tamazight) en français et les trois autres portent
sur la compréhension générale de son contenu. Le texte est extrait de
l'ouvrage de S.BIARNY(1) où une narratrice raconte comment se déroulaient
les préparatifs de “Tasrit n wenzvar” (2) à la fin des printemps arides. S'il y a une
chose très importante à retenir des réponses des élèves c'est bien leur
attachement non seulement aux valeurs et aux croyances de la culture mère,
mais surtout au Rif en tant qu'espace lamentable intériorisé à distance
sous l'effet d'une narration où la menace de la sécheresse donne lieu à une
cérémonie épousant espoir et angoisse. Ainsi la majorité des commentaires
foisonnent de marques pragmatiques oscillant entre affection et déception
vis-à-vis des conditions déplorables que connaît la région suite aux
saisons où la pluie manque. Des écrits recelant des tons de “condoléances”,
semble-t-il, surtout à travers les 130 copies des lycéens de l'académie
lilloise qui ont obtenu les résultats les plus meilleurs de cette session
2001-2002. Toujours, est-il que l'exil cultive la mémoire et éternise des
souvenirs descendants amers pour que la postérité naisse consciente des
causes de son “exil”. «C'est à cause de la pluie que les rifains ont
immigré » a bel et bien remarqué un candidat. Notes: 1 - Étude des
dialectes berbères du Rif”, Paris 1917, p. 174. 2 - Rite à caractère cérémonial où l'on s'adresse à Dieu pour demander de la pluie. |
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