La
prophétie véridique
«L'embarrassante,
l'éternelle question des races pose partout son point d'interrogation, déconcerte
l'historien et le géographe dès qu'ils veulent écrire deux lignes sur le
pays qui fut l'antique Berbérie. Dans un avenir peut-être prochain, les
tribus djebaliennes limitrophes du Rif, à moitié arabisées déjà,
adopteront définitivement la langue du Prophète, ne voudront plus entendre
parler de leur origine berbère. D'habiles généalogistes leur prouveront,
clair comme le jour, qu'elles descendent d'un célèbre guerrier du H'idjaz ou
de l'irak'; sans nul doute aussi, ces nouvelles recrues gagnées à la cause
arabe, voudront à leur tour arabiser le Rif, lui faire honte de son vieil
idiome, de ses coutumes, de ses ancêtres. C'est un travail de termite, si
vous voulez, mais c'est un travail qui aboutira par sa continuité, sa
persistance invincible. Supposons maintenant l'annexion du Maroc à une
puissance européenne. Oh! alors, l'arabisation de toutes les populations berbères
de l'Empire marchera à pas de géant. La nation conquérante sera la première
à favoriser la métamorphose, comme nous l'avons fait nous-mêmes en Algérie
dans notre ignorance absolue de l'ethnographie et de l'histoire des États
Barbaresques».
Aguste
Mouliéras, “Le Maroc inconnu”, 2ème partie (Exploration du Djebala), édition
1899, page 306.