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Signification des toponymes de la Région Fas-Boulmane

Par Saïd KAMEL (Meknas)*

 

Après publication de la signification des toponymes de la région Meknas-Tafilalet, dans le journal Tawiza n°59 - Mars 2002, nous publions celle de la région Fas-Boulemane.

La toponymie est une science récente qui s'intéresse aux toponymes et tente de comprendre le sens et la signification des noms des lieux. Elle joue un rôle important chez les peuples qui recherchent leur histoire, du fait qu'elle est considérée comme l'un des éléments qui aident à restituer la mémoire collective et à reconstruire l'identité culturelle d'un peuple. Elle permet d'enrichire le lexique des langues altérées. C'est un aspect, parmi d'autres, qui traduit l'originalité d'un pays et de son identité et l'une des spécificités qui peut le distinguer des autres pays. L'intérêt  de cette science est de faire appel aux autres sciences pour expliquer la signification d'un toponyme. Parmi ces sciences, on cite la géographie, l'histoire, la linguistique, la sociologie rurale, l'archéologie, la botanique, la géologie, l'architecture… En effet, Les chercheurs d'histoire et de géographie peuvent faire appel à la toponymie pour expliquer le mouvement des populations. Pour un géologue, les toponymes peuvent refléter la nature géomorphologique, le type de sol et la nature des roches et des minéraux. Pour un Botaniste, il peut connaître les espèces végétales d'une région et peut même reconstituer le couvert végétal disparu.

Malgré le passage de plusieurs cultures étrangères au Maroc (phénicienne, Romaine, Vandale, Arabe, Française et Espagnole), elles n'ont pas pu effacer les toponymes amazighs originaux, ce qui montre l'enracinement de la culture amazighe dans la société et le rattachement de l'homme à sa terre. Cependant, certains toponymes ont été légèrement transformés pour les adapter à la prononciation des langues étrangères, alors que peu de noms ont été remplacés, ce dernier siècle, par les noms arabes. Ces derniers peuvent être compris par les Marocains, mais la majorité des toponymes, d'origine amazighe, sont très peu ou pas connus aussi bien par les arabophones que par les amazighophones. Etant donné que 98% environ des toponymes marocains sont amazighs, l'étude de la toponymie du Maroc, en particulier, et celle de Tamazgha (Afrique du Nord) en général, nécessite une bonne connaissance de la langue amazigh. Ainsi, afin de mieux comprendre l'origine et la signification des noms, il est intéressant de donner quelques règles concernant cette langue.

Les noms masculins commencent par l'article A (Exemples: Afus: la main, Advar: le pied, Amur: le pays) et les noms féminins commencent par l'article Ta et se terminent souvent par T (Exemples: Tamazight, Tawtemt: femelle, Tasa: le foie). Un nom féminin, dépourvu de la lettre T de l'article, désigne une chose plus grande et un nom masculin féminisé, par ajout du la lettre T au début et à la fin, désigne une chose plus petite (exemple: Tamart: la barbe, Amar: grande barbe, Afus: la main, Tafust: petite main). Pour problème de prononciation (en arabe et en français), l'article A disparaît chez certains toponymes (Afas: Fas, Ameknas: Meknas, Anadour: Nador…) ou être précédé par w (Azzan: Wazzan, Alili: Walili..).

Les noms des lieux en amazigh comportent les préfixes suivants: M  (Mibladen) et BOU (Bouyzakaren) qui veulent dire «qui a», TIN (Tindouft) qui veut dire «celle de», AN (Anrar) , AS (Aswen) qui veut dire «où». Pour les deux derniers cas le A peut disparaître (Nador: Anadour, Sayes: Asayes).

A cause du problème phonétique, la lettre S se prononce parfois Z ou inversement. La lettre K peut se substituer par Ch et les lettres G,  Y et J se substituent entre elles d'un parler à l'autre. La transcription utilisée pour les termes amazighs est la même que celle du français; cependant, les lettres Z, D et T deviennent emphatiques à côté d'une voyelle avec un accent circonflexe.

 

Fès: Fas ou Afas nom du verbe “youfes” qui signifie tasser. Ce nom est donné probablement à la suite des longues années de construction en terre battue qui nécessite le tassement.

Dans la région de Fès il y a plusieurs toponymes amazighs, nous citons les plus connus:

Tghat ou taghât: la chèvre

Zalaghe ou Azalaghe: le bouc

Zwagha: qui provient de Azeggagh: le rouge

Agdal: prairie  privée

Saïs: Asayes: mots qui provient de Asayis composé de «As» (asa) qui veut dire lieu et «yis» ou Iyis: le cheval. Le nom veut donc dire lieu du cheval (pour la course) et désigne la plaine.

Sidi Hrazem: Hrazem est un diminutif de ihrey Izem  qui veut dire conduire le lion. C'est le nom donné à un «saint» qu'on prétend avoir le pouvoir d'apprivoiser les lions.

Sbou: Asbour. Mot composé de «as»:lieu et «bour» ou abour: marécage. Ce nom a été donné à l'aval de la plaine de gharb où les marécages étaient associés à l'oued sbou.

Tawnat: la haute, ce qui a donné le terme tasawent: la montée

Tissa:  diminutif de Tissan, pluriel de tisent: le sel. Ce nom est probablement lié à la présence du sel dans la région. Tissa est le pluriel de Tissi: irrigation.

Dkhisa: Adkhis: sanglier

Karia Bba Mouhammed: Aqerian: bombardement

Ghefsay: composé de «Ghef ou Khef» (Ikhef): le sommet (ou la tête) et «say» ou Asay du verbe yousey: prendre. Le sommet où on prend les gens: station du transport.

Inawen: les puits, pluriel de anou.

Wargha: Awragh: le jaune, couleur donnée à l'eau par les suspensions de la marne jaune qui abonde dans la région.

Werzag: composé de «wer»: war: sans et «Zag»: azag: la crête. Le mot veut donc dire sans crêtes ou sans sommet.

Imouzzar: pluriel de Amazzer: la cascade.

Ain chgag: Aghbalou n chgag. Achgag: le sommet ou l'horizon.

Sefrou: le terme azefrou (soufre) a été proposé pour la signification du toponymes du fait qu'il a été exploité dans la région. Cependant, il faut noter l'absence de ce minéral dans la région. Le mot «Asefrou» est composé de «as» qui veut dire  lieu et «frou» du verbe iffer: se cacher. Dans la région de Boulemane on trouve un toponyme qui prend le nom de «Asefrou n yezem» qui veut certainement dire la cachette du lion. Sefrou veut donc dire: lieu de la cachette ou simplement l'abri.

Oued Agay: provient probablement de Akay ou achay: la veillée, du verbe yukey ou yuchey: se réveiller. La rivière était probablement un lieu de rencontre pour les soirées artistiques et poétiques. Le terme aggay désigne également la joue.

Bhalil: Ibehlal: pluriel de Abehloul qui désigne un arriéré mental.

Senhaja (près de sefrou): c'est un terme qui provient de l'arabisation du teme: Aznag: le brun. C'est de ce nom que provient le terme «M'zenneg» (rougir) dans la darija.

Aghbalou Aqourar: la source sèche

Kouchata: terme qui provient de Takuchin: fours, pour la chaux.

Lwata: terme qui dérive de «iwuta» pluriel de Ayatu: piquet pour entourer les parcelles de terre. Lwata veut dire: les protecteurs.

Azzaba: Aàzzab: le campeur, du verbe iàzzeb: camper

Ahermemmou: le bavard.

Zloul (rivière): Asloul, «as»: lieu de et «تloulت» du verbe islilت: rincer. Zloul veut donc dire lieu du lavage.

Aderj: ou aderg du verbe iderrej  ou iderreg qui signifie se camoufler. Aderj désigne colline ou une montagne à sommet plat qui sert généralement d'observatoire pour les combatants.

Aït sadden: Isadden pluriel de asidd: la lumière. Le nom veut donc dire les éclaireurs ou les sages.

Aït seghrouchen: seghrouchen est composé de «sgher», du verbe isgher: sécher et «ouchen»: le loup ou le chacal. Seghrouchen: signifie les sécheurs du loup qui veut probablement dire les gens qui ont le pouvoir même d'immobiliser le loup.

Aït Yousi: Yousi provient du verbe Yousey: prendre, ce qui a donné amasayت: le responsable. Aït yousey veut donc dire les gens responsables.

Bir Têmtêm: Anou utem tam: le puits du bégayeur

Tazekka: pyramide

Oued amlil: ighzer oumlil: rivière blanche

Tazouta: Tazôdâ: plateau

Mdaz: Amdaz: le dignitaire

Sekkoura: Asekkour: la perdrie

Boulemane: compsosé de «Bou»: qui a et «lman» ou ilman, pluriel de ilem: le fil de la laine. Le mot veut donc dire vendeur de fils. Ce terme abonde sous forme du nom des familles, dont un ancêtre a probablement été vendeur de fils.

Imouzzar Marmoucha: imouzzar imermouchen: imouzzar: cascades, Imermouchen: pluriel de Amermouch: composé de  «am»: qui et «armouchت»: du verbe irmech: écraser. Imermouchen: les écraseurs qui veut dire les dictateurs.

Njil: anjil ou angil; composé de «an»: qui et «gil» du verbe iggulla: jurer. Le nom veut dire les rancuniers.

Almis: la source, singulier de ilmas qui a donné le nom de oulmas.

Misour: Amisour qui provient de Amizourت: terme composé de «تamت»ت: qui et «izour»: épais. Le terme qui veut dire «qui est épais» c'est à dire le sol. Il désigne la région à sol épais c-à-d la terre sans rochers.

Tisaf: pluriel de Tasift: petit fleuve.

Bouloudane: composé de «Bou»: qui a et «loudân»: pluriel de aloûd: la boue. Le mot signifie: la région boueuse.

Teggour: du verbe iggour: marcher. Le mot signifie: elle a marché ou elle est partie.

Outât: Oudâd . adâd: le doigt.

Talsint: mot composé de «Tal»: tala: source et «sin»: isen: masculin de Tisent: sel. Le mot vent donc dire: la source salée.

Anoual: cabane

Tamlalt: la blanche

Tazouggart: plante épineuse: jujubier.

Bouânane: composé de «Bou»: qui a et «inane»: eaux, pluriel de «ana». Le terme inane a probablement donné le mot Aman. La racine ana se rencontre dans les termes relatifs à l'eau: anzar: pluie, anou: puit, anda: bassin d'eau, iseynew: nuage (isey: porter na: eau), anyi: torrent. Bouânane veut donc dire: le propriétaire de l'eau.

Bni Tejjit: Aït tejjit ou teggit du verbe iju ou iya ou iga: faire. Le mot veut donc dire les travailleurs ou les bosseurs.

Aït fertoumach: composé de «fer»: cacher et «oumach» ou oumak: ton frère. Les gens qui cachent ton frère (les combattants).

Gourrama: Agourram: le saint.

Toulal: tital, pluriel de tallalt: le madier, le support. Le mot veut donc dire les gens sur qui on peut compter.

Tamdafelt: composé de «tam»: qui et «dafel»: enneiger du nom adfel: la neige. Le mot veut dire: lieu enneigé.

Safsaf: Asghersif :peuplier.

Knedza: forme arabisée de ikendouzen ou igendouzen pluriel de Agendouz: le vaux.

Boubarnus: qui a le burnus.

Figuig: provient du youf igig: mieux que n'importe quoi (d'près un natif de la région).

 En guise de conclusion, on peut dire que la majorité des toponymes de la région Fas-Boulmane est également d'origine amazighe. L'attribution des noms aux lieux est liée principalement à la géologie, à la géomorphologie et aux végétaux. Il est donc important de préserver l'originalité des toponymes pour qu'ils puissent être porteurs d'un sens pour traduire les caractéristiques, la spécificité et l'identité des régions.

 

* skamels@yahoo.fr (pour toutes remarques ou suggestions).

 

 

 

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