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Par:
Meryam Demnati Membre du
Comité national du Manifeste Amazigh Le problème de l'Education au Maroc revêt
à notre sens un caractère spécial et une urgence particulière. Il est à
l'origine de l'échec des cinq décennies après l'indépendance. L'ignorance,
dans les deux sens du terme, de l'environnement socio-culturel de l'école en
est la principale cause.. Le problème culturel et linguistique est la
cause essentielle du dysfonctionnement du système éducatif marocain. Source
d'affrontements idéologiques, il n'a jamais été posé avec suffisamment
d'objectivité et de sérénité. Les préoccupations idéologiques étroites
l'ont toujours emporté sur l'intérêt même de l'enfant marocain. Les politiques d'éducation des
gouvernements marocains qui se sont succédés, n'ont été que plus
catastrophiques les unes après les autres. La politique d'arabisation a été
la pire de toutes. Aujourd'hui, le gouvernement dit d'alternance nous a
concocté ce qu'il a nommé “La Charte nationale de l'enseignement”. Les
travaux de la commission spéciale de l'éducation et de la formation (COSEF),
publiés en Octobre 1999 et adoptés dans leur synthèse sous la forme d'une
Charte nationale de l'éducation et de la formation, avaient
suscité de vives critiques et indignations. A l'origine, sa mission
avait été une réforme radicale du système éducatif marocain mais les résultats
sont décevants et nous laissent plutôt sceptiques quant à la volonté réelle
de nos décideurs. Aucun grand et véritable changement pédagogique, et la
question de la Langue qui est une question centrale qui dépasse
l'enseignement, a été traitée
comme un vulgaire détail. Le problème linguistique est réduit dans cette
charte, à un simple facteur et aucune allusion à la réalité de
l'environnement socio-culturel de l'école n'y est fait. Comme si tout se
faisait en dehors de la réalité de notre société. Comme auparavant,
l'Arabe classique est cité comme la langue fondamentale de l'enseignement, le
Français (non nommé)
comme la langue qui ouvre sur l'occident et la modernité. Qu'en est -il de L'Amazighe ??? Ils ont été bien embêtés
les pauvres “chartistes”. Il ne manquait plus que ce 3ème larron! Mais il fallait bien le caser. Les ordres sont
les ordres … L'Amazighe se
retrouve alors avec un statut et une fonction volontairement ambigus.Tantôt
on nous parle de langue, tantôt de dialectes locaux. Il est même stipulé
dans la charte que l’initiative sera laissée
sera laissé aux autorités locales de choisir le dialecte local. Mieux
encore on nous parle de “L’ouverture” de l'école sur l'Amazigh. Poser
le problème en terme d'“ouverture” nous parait très grave. C'est le
considérer comme ne faisant pas partie intégrante de l'identité marocaine.
C'est se placer dans la logique même du regard de la “culture dite supérieure”
sur celle de “l’indigène”. Le plus dangereux, mais aussi le plus révoltant
dans cette fameuse charte (art 115) c'est qu'il nous est dit clairement que l'Amazighe
n'est là que pour faciliter l'apprentissage de la langue arabe. On ne stipule
nulle part que l'Amazighe sera enseigné. Il s'agit bel et bien de
l'exploitation de l'Amazighe pour permettre à la seule langue reconnue au
Maroc de s'introduire dans les petites têtes Amazighes non encore “pacifiées” (...au service de). Nous sommes bien
loin du terrain de la Science dont se vantaient les “chartistes”. Nous
sommes toujours dans celui de l'idéologie panarabiste ethnocentriste, plus présente
que jamais, pour mettre enfin un terme à ces “parlers berbères”, encore
signe d'insoumission. Bien que plusieurs voix indignées se
soient élevées contre cette Charte “Anti-nationale”, notamment celle de
tout le mouvement Amazigh, voilà que sous le “règne” du Ministre Saaf,
l'humiliation atteint son paroxysme avec la sortie du “Livre Blanc” des
programmes de l'enseignement, continuité de la charte. L'Amazighe apparaît
ici comme une séance de récréation sans queue ni tête, sans objectifs précis
avec ses 51h: chants religieux et nationaux, dialogues sur la vie quotidienne,
histoires illustrées...) Nulle part, encore une fois, on ne nous parle d'enseignement
de la langue Amazighe. On nous signifie tout simplement avec ironie et le mépris
habituel, que la seule langue ayant droit à l'existence dans ce pays est
l'Arabe... et c'est la constitution qui l'a décidé. Et je cite le Manifeste
Amazighe «Aussi nous demandons avec insistance, nous les signataires du
Manifeste mazigh, que l'Amazighe soit reconnue comme langue nationale et
officielle de par les dispositions de la Constitution». La position du
Mouvement Amazigh marocain a toujours été clair là-dessus; l'enseignement
de l' Amazighe doit, en tant que langue et culture, être généralisé et
obligatoire pour tous. Nous savons tous aujourd'hui que toutes les
recherches scientifiques ont démontré qu'un enfant doit tout d'abord maîtriser
sa langue maternelle pour apprendre à lire et à écrire. S'il n'est pas en sécurité
dans sa propre langue, c'est son destin scolaire et social qui sera scellé.
Et ses difficultés se répercuteront
jusqu'à l'université. Mais plus grave encore, il sera dans l'incapacité
d'exercer ses responsabilités de
citoyens. Privés de mots, il sera porté à la violence physique et verbale,
privés d'outils de la réflexion et de la critique, il sera la proie idéale
de toutes sortes d'intégrisme et de sectarisme. Il est certain que l'équipe
qui nous gouverne préfère continuer comme ses prédécesseurs à jouer à la
politique de l'Autruche. Dans un pays où le respect de l'autre
n'existe pas, où l'humiliation de tout un peuple est le lot de tous les
jours, où la situation de conflit ne pourra que s'envenimer, nous serons
appelés à trancher pour retrouver notre dignité. Meryam Demanati,Membre du Comité national
du Manifeste Amazigh. Marrakech le 15/01/02
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