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De le standardisation de l’Amazigh
Par: Lahcen OULHAJ, professeur
d’économie, Université Mohammed V-Agdal, Rabat
1-Introduction
Nous allons tenter dans ce papier de répondre à des questions évidentes, des
questions qui sautent à l’esprit de n’importe qui entend l’expression
«standardisation de l’Amazigh». Ces interrogations élémentaires sont celles que
se pose tout pédagogue confronté à un concept renvoyant à une situation idéale
comme celle de langue standard. Il s’agit de : 1- Qu’est-ce que c’est? Qui doit
le faire? Pourquoi le faire? Comment le faire?
Si ces questions sont évidentes, leurs réponses sont loin de l’être pour
quelqu’un qui n’est pas linguiste. Mais, comme nous le soutenons toujours à
propos de n’importe quelle activité intellectuelle, l’œil extérieur est toujours
susceptible d’élargir la perspective du spécialiste, de celui qui est dedans.
C’est que, physiquement, il est impossible d’avoir une vue d’ensemble d’un objet
quelconque lorsque l’observateur se situe à l’intérieur de celui-ci. Voilà, à
notre sens, ce qui nous renvoie au théorème d’incomplétude du mathématicien
logicien Kurt Gödel, en épistémologie des sciences (mathématiques).
En tous cas, pour l’économiste que nous sommes, il nous est impossible de nier
la richesse des apports des non économistes à notre discipline. Les philosophes
A. Smith et K. Marx sont reconnus comme économistes à part entière. Le médecin
François Quesnay ne l’est pas moins. La science physique a beaucoup apporté,
avec ses notions d’équilibre, d’entropie…, à l’économie. Des mathématiciens,
comme Gérard Debreu, ont même été consacrés de manière solennelle, par un prix
Nobel. Des ingénieurs sont de plus en plus reconnus comme de grands économistes
nobélisables. Voilà, pour ne parler que de ces quelques disciplines.
Nous ne disons pas cela pour insinuer que nous allons faire un apport en
linguistique. Loin de nous cette prétention. Mais, c’est pour dire que le
cloisonnement des disciplines n’est pas bon et que tout un chacun peut dire des
choses sensées dans un domaine qui n’est pas le sien, à condition qu’il ait pris
le temps nécessaire de réfléchir. Et, comme nous avons pris le soin de réfléchir
depuis de longues années sur les questions relatives à notre langue et culture
amazighes, nous nous estimons en droit de faire connaître le produit de notre
réflexion quitte à ce que nous soyons totalement à côté de la plaque.
Qu’avons-nous à dire sur les questions relatives à la standardisation de la
langue amazighe? Commençons par sa signification.
2-Que signifie la standardisation de la langue?
Le mot «standardisation» est anglais. Le terme qui lui correspond en
Français est «normalisation». Ce dernier est le nom de l’action de normaliser,
fixer des normes, des standards, c’est-à-dire des étalons qui emportent
l’adhésion de tout le monde ou que tout un chacun doit respecter. La
normalisation correspond dans le domaine de la vie sociale à fixer des règles de
conduite pouvant être des lois humaines ou divines, c’est-à-dire des règles
générales que tout individu a l’obligation d’observer.
L’expression «normalisation» n’est cependant guère employée dans le domaine
juridique. Elle est davantage et traditionnellement utilisée dans le domaine
industriel. La normalisation industrielle consiste à respecter les mêmes
dimensions physiques pour les pièces et les mêmes valeurs pour différentes
variables électriques ou électroniques (mêmes tensions électriques, mêmes
fréquences électromagnétiques…). La normalisation dans le domaine des sciences
physiques consiste à employer partout et pour toutes les variables les mêmes
unités de mesure. Le système MKSA (mètre, kilogramme, seconde et ampère, pour la
longueur, la masse, le temps et l’intensité du courant électrique) est le
système international SI employé par tous les physiciens de la planète.
Il existe un autre domaine où le terme normalisation a beaucoup été utilisé. Il
s’agit de la comptabilité. La normalisation comptable signifie la fixation de
règles pour l’ouverture, la tenue et la clôture des comptes dans une entreprise
(ou dans une administration pour ce qui est de la comptabilité publique).
En linguistique, utiliser une langue standard c’est employer un lexique, une
phonologie… et une syntaxe considérés par tous les locuteurs de la langue
concernée comme une norme à respecter, comme la bonne langue, la langue
correcte. Par conséquent, standardiser une langue, c’est construire une norme
«obligatoire» pour tous les locuteurs de celle-ci. Il s’agit de choisir un
lexique dit normal. Il s’agit de fixer les règles de prononciation et de
grammaire que tout un chacun doit observer. En résumé, une langue standard est
contenue dans un dictionnaire complet et dans une grammaire complète,
c’est-à-dire qui va au-delà des règles élémentaires pour traiter du bon style et
des choses de ce genre.
Passons à la deuxième question.
3-Pourquoi standardiser la langue?
La normalisation industrielle répond au souci de pouvoir utiliser la pièce
d’un producteur à la place de celle d’un autre producteur, d’employer un
ingénieur formé dans un endroit à un autre endroit puisqu’on utilise les mêmes
procédés techniques et technologiques.
La normalisation comptable répond au besoin de comparabilité des situations et
des performances financières des différentes entreprises. Elle permet à l’Etat
de calculer l’impôt sur les bénéfices des sociétés de la même manière pour tout
le monde. Elle permet à chaque entreprise de s’informer sur les performances de
ses concurrents…
La normalisation, en général, rend donc possible les échanges et la
communication. C’est exactement cela que recherche la standardisation
linguistique. Parler la langue amazighe standard permettra au locuteur non
seulement d’être reconnu par la communauté amazighe comme locuteur de l’amazigh,
mais aussi d’être compris sans ambiguïté par les destinataires de son message.
La standardisation de la langue permet l’intercompréhension, comme elle instaure
un critère de vérité formelle du discours. Elle permettra de dire que tel énoncé
est erroné ou exact. Elle introduira une norme que tout un chacun s’efforcera de
respecter, un étalon à l’aune duquel chaque énoncé amazigh sera apprécié.
4-Qui standardise?
Cette question pourrait être reformulée en «qui doit standardiser» ou «qui a
pour mission de standardiser?». Pour être plus direct, demandons-nous qui de l’Etat
ou de la société civile doit s’occuper de la standardisation d’une langue; en
l’occurrence, de la langue amazighe.
Il est naturel, dans un pays comme le Maroc, de se tourner vers l’Etat pour lui
assigner ce genre de mission collective. Et, pourtant, cela ne va pas de soi
dans un pays comme les Etats-Unis d’Amérique où ce type d’affaire est pris en
charge par la société civile, elle-même. C’est que dans les pays centralisés,
tout est fait par l’Etat. Inversement, dans des pays libéraux, l’Etat est réduit
au minimum.
Nous nous trouvons au Maroc et nous nous intéressons en particulier à la
standardisation de la langue amazighe. Il appartient naturellement à l’Etat
marocain de le faire. Ce dernier a confié cette tâche à l’IRCAM, en vertu du
Dahir portant sa création et son organisation. Notre Institut agira donc dans ce
domaine au nom de l’Etat. Il lui revient bien de fixer les standards nationaux
en matière de langue amazighe.
Il ne faut pas penser que l’Etat est omnipotent, qu’il a un pouvoir absolu dans
ce domaine. Il n’en a pas dans le domaine linguistique, comme il n’en a dans
aucun autre domaine. Les standards nationaux établis par l’Etat ne seront
respectés et observés que s’ils sont légitimes aux yeux de la population.
L’Etat peut fixer ce qu’il veut. Mais, ce qu’il décidera ne sera respecté que
s’il a une certaine légitimité. Regardez ce qui se passe en économie. L’Etat
organise le marché, fixe parfois les «prix»… Mais, des fois, les marchés noirs
s’installent et s’opposent aux règles fixées par les pouvoirs publics. Dans le
domaine pénal, la criminalité et la délinquance violent les lois fixées.
Quelle légitimité devra posséder une standardisation linguistique? La question
n’est guère facile. Ce qu’il faudra, à notre sens, rechercher ici c’est la
légitimité «scientifique». Mais, que signifie celle-ci? C’est ce qu’on essayera
de voir dans le paragraphe suivant.
5-Comment standardiser la langue amazighe?
Comment élaborer une langue amazighe standard, acceptée par tous les
locuteurs marocains de cette langue comme norme respectable, s’opposant aux
parlers locaux ou régionaux académiquement incorrects et ne pouvant donc pas
donner lieu à une littérature amazighe nationale? C’est là le défi à relever par
l’IRCAM dans des délais raisonnables.
Nous ne prétendons pas épuiser ici ce sujet complexe et délicat. Il ne s’agit
pour nous que d’apporter quelques éléments d’ordre méthodologique. Nous nous en
tenons aux principes et règles de conduite qui devraient, à notre sens, guider
les chercheurs dans cette œuvre ô combien lourde, mais noble et exaltante.
Commençons par les principes généraux avant d’essayer de poser quelques règles
pratiques de conduite.
5.1. Principes généraux
Retenons ici quatre principes généraux que voici:
1-Au-delà du lexique, la standardisation consistera à fixer les structures de la
langue. Dans ce travail portant particulièrement sur la syntaxe, le chercheur
devra se dire que la langue amazighe est une langue qui a sa personnalité
propre, ses spécificités, ses structures à elles. Le chercheur francophone ne
devra pas chercher à retrouver, dans l’amazigh, les structures de la langue
française; comme le chercheur arabophone ne devra pas chercher à retrouver les
structures de la langue arabe. C’est ce dernier risque qui est grand, car les
chercheurs coloniaux du début du 20ème siècle avaient à tort rattaché l’amazigh
aux langues «sémitiques» et à l’arabe en particulier. Il ne faut donc pas
refaire l’erreur des grammairiens iraniens du Moyen Âge qui tenaient absolument
à retrouver dans l’arabe les modes temporels du verbe persan, si bien que l’on
parle aujourd’hui de manière inappropriée du passé et du Moudari’ comme présent,
alors que le syntagme verbal arabe est caractérisé par tout autre chose que la
temporalité, à savoir l’accomplissement ou l’inaccomplissement de l’action. On
ne comprendrait pas sinon que l’expression coranique «kan Allahu hakiman» veut
dire que «Allah est sage» et non que «Allah était sage». On ne comprendrait pas
non plus que l’expression négative «lam yadhhab» signifie «il n’est pas parti»
et non «il ne part pas».
2- Comme la langue amazighe est restée jusqu’à présent exclue du système
d’enseignement, elle n’a pas pu, ce qui est normal, développer son lexique pour
désigner les choses de la modernité. Les Amazighs ont pourtant essayé d’adapter
des mots internationaux à leur morphologie: «atay» pour thé, «tamobil» pour la
voiture… Ils ont parfois essayé de forger des mots par analogie fonctionnelle ou
formelle. C’est ainsi qu’ils ont désigné les roues d’une voiture par «izergan»
(même forme), les pédales du frein à pied et de l’accélérateur par «tibachirin»
(même forme), le volan par «asuty» (même forme), le moteur par «tissirt » (même
fonction)…
Cependant, comme la langue amazighe s’est trouvée du fait de la colonisation
dans la situation de dominée et, donc, de langue boudée par les siens, ce
travail de néologie populaire et spontané s’est arrêté. Maintenant que l’amazigh
est reconnu et que l’Institut a pour mission de le standardiser pour qu’il
revive, la néologie s’impose à nouveau. Il faudra pouvoir désigner les choses
matérielles de la modernité, mais aussi et surtout les concepts abstraits.
A ce niveau, pour désigner les choses matérielles, quand la forme et la
morphologie des mots français et anglais ne posent pas de problèmes de
prononciation au locuteur amazigh, il faut les garder tels quels (radio,
oxygène, azote…). Dans le cas contraire, il faut procéder à l’adaptation
nécessaire: réduction du nombre des syllabes, dévocalisation, préfixation de
l’article masculin «a» ou féminin «ta». On peut également créer à partir des
racines amazighes existantes, par analogie de forme ou de fonction de l’objet,
quand cela est possible ou souhaité.
Concernant la création de mots pour désigner les concepts abstraits du genre
hypothèse, thèse, synthèse, abstraction…, il nous semble qu’elle devra coller au
patrimoine gréco-latin pour deux raisons. La première est que l’amazigh
appartient au même espace géographique que le grec et le latin, le bassin
méditerranéen. L’existence d’un ancien patrimoine lexical commun aux trois
langues ne fait aucun doute. Cela a déjà été relevé par plusieurs linguistes. La
seconde raison est que le patrimoine lexical gréco-latin constitue la source de
référence de la néologie dans les temps modernes, non seulement pour les langues
européennes qui appartiennent au même espace culturel, mais aussi pour l’arabe
et l’hébreu, par exemple, qui en sont loin. Cette référence au patrimoine
gréco-latin en arabe pour créer les mots de la modernité a été le fait de
penseurs libanais. Ainsi, par exemple, pour traduire thèse, ces derniers se sont
référés à l’étymologie grecque du mot: tithenai, action de poser. Poser, c’est «taraha»
en arabe, d’où «outrouha» pour thèse. Rien ne nous empêche de procéder
exactement de la même manière. Poser, c’est «sers» en amazigh. A partir de là,
nous pourrons tirer «taserst», par exemple pour dire thèse.
3- Dans l’exemple précédent, nous disposons du verbe amazigh «sers». Dans
certains cas, le mot amazigh pour désigner la racine gréco-latine peut faire
défaut. On pourra alors en forger ex nihilo. Mais, il ne faut le faire que si
l’on s’est assuré qu’il n’en existe dans aucun des parlers amazighs de toute
l’Afrique du Nord.
4-Pour ce qui est de l’enseignement de l’amazigh, le principe à observer est la
progression dans la standardisation pour faire passer l’élève de son parler
local ou régional à la langue amazighe nationale standard. Il faudra ainsi
éviter, autant que faire se peut, de créer une distance trop grande entre
l’amazigh parlé et la norme académique, pour éviter toute forme de rejet.
Passons maintenant aux règles pratiques de conduite de la standardisation.
5.2. Quelques règles pratiques de conduite
Rappelons que pour répondre à la question du pourquoi de la standardisation de
l’amazigh, nous avons précisé que c’était pour que le message soit considéré
amazigh par tous les locuteurs amazighs et qu’il soit compris par eux. Reprenons
ces deux objectifs un à un.
Pour que le message soit considéré amazigh, il convient de :
a- Eliminer, quand cela est possible, tout ce qui est de manière notoire non
amazigh dans le discours, du lexique notamment. Car la syntaxe amazighe n’a subi
que peu de dommages à la «rencontre» des autres langues présentes au Maroc
(arabe, français et espagnol en particulier).
b- Fixer les règles de dérivation et de néologie pour couvrir les champs
sémantiques modernes qui ne le sont pas. Il faudrait ainsi fixer des équivalents
amazighs aux suffixes de nos jours courants ible, able, ment, ité, tion…
Evidemment, on pourra nous répliquer que chaque langue a son génie et sa manière
de rendre ces suffixations et qu’il n’appartient pas à l’amazigh de procéder de
la même manière par suffixation ou par affixation de manière générale. Il
n’empêche que les intellectuels amazighs tendent dans leur majorité à penser
comme le veulent les structures des langues européennes et que ses structures
tendent à devenir quelque peu «universelles». C’est vrai que cela n’a pas marché
en arabe, par exemple. Mais, en amazigh qui connaît les affixes, ne serait-ce
que le célèbre hyper (aberryaz, abergemmi…), il n’y aurait pas de mal à aller
dans ce sens, au contraire. Cela donnerait une sorte de langue savante, mais
quelle langue est capable d’utiliser les seules catégories mentales d’un paysan
pour mener une activité intellectuelle approfondie? Il ne s’agit pas de fixer
des moules rigides comme en arabe pour désigner chaque catégorie (qualité,
adverbe, capacité…) dans un champ sémantique. Cela pose des problèmes, que
chacun sait, au locuteur arabe. Ce genre de problèmes se pose aussi en français
où une activité comme la comptabilité est désignée par une qualité, un mot en
ité.
C’est vrai que l’amazigh ne procède pas toujours par affixation et qu’il recourt
aussi souvent à l’agglutination pour désigner, par exemple, l’endroit où se
déroule une action déterminée, là où le français recourt au suffixe «oir»
(dortoir, réfectoire, abreuvoir…) et là où l’arabe recourt à la forme « maf’alun »
comme maktabun, marsadoun, makhbaroun…) Ainsi, on amazigh, on agglutine le mot
asa pour ansa (endroit) et le verbe à l’infinitif concerné (agem: puiser de
l’eau; kk: passer; gwn: dormir) et on obtient le nom de l’endroit désiré: asagem,
l’endroit où l’on puise de l’eau; asaka, le gué ou l’endroit où l’on traverse la
rivière; asagwn, couvoir ou l’endroit où la poule «dort sur les œufs»…
Pour que le message soit compris par tous les locuteurs, voyons ce qu’il y a
lieu de faire sur chacun des trois plans du vocabulaire, des outils grammaticaux
et des strucures syntaxiques.
a- Sur le plan du lexique et du vocabulaire, il convient de se fixer un objectif
clair par rapport à l’enseignement. On pourra se dire, par exemple, que l’élève
qui obtient tel ou tel certificat ou diplôme (brevet ou baccalauréat) doit avoir
vu tous les «synonymes» des autres parlers que le sien pour tous les mots de son
dialecte. Il doit avoir entendu leur prononciation. A propos de la synonymie, un
travail immense nous attend. Il s’agira de considérer pour une notion ou un
objet donné tous les mots qui sont a priori des synonymes dont chacun est
privilégié par un parler ou un dialecte donné, de déterminer parmi eux le nom
générique – le plus fréquent par exemple – et de varier le sens pour les autres.
Pour la vache, par exemple, il existe tafunast et tamugayt. Le premier mot étant
le plus fréquent sera le nom générique de la vache et tamugayt désignera une
vache particulière: une vache jeune, par exemple…
b- Pour ce qui est des outils grammaticaux ou des particules, lorsque seule la
prononciation diffère, on peut se fixer l’objectif pédagogique qu’à un niveau
scolaire donné, chaque élève aura entendu toutes les différentes prononciations
pour chaque particule: wa, ghwad; g, gh; khef, f;…
Lorsque les particules diffèrent complètement, le travail sur la synonymie
décrit ci-dessus s’impose: ghur devra avoir un sens légèrement différent que
celui de dar; de même que dart et deffir; ger et inger…
c- Concernant les structures syntaxiques, il n’y a pas de différences notables
entre les dialectes de l’amazigh. Quand il y en a, il faut en connaître toutes
les variantes et promouvoir celle qui semble authentiquement amazighe.
C’est généralement le vocabulaire qui a été érodé au contact des autres langues.
La syntaxe est restée en gros intacte et n’a commencé à s’éroder que depuis
l’introduction du français pour le sens de quelques verbes et notamment pour
quelques tournures. C’est surtout l’accélération de l’arabisation depuis le
milieu des années 1970 qui a été dommageable pour les structures de l’amazigh.
L’absence du verbe être en arabe commence à gagner l’amazighe et, dans certains
parlers, l’utilisation du verbe être «iga» n’est plus obligatoire. Il faut le
réintroduire.
De même, la préposition «n» (de) ne semble plus nécessaire pour exprimer
l’annexion. Il faut la réintroduire dans les régions où elle commence à être
abandonnée et la rendre impérative. C’est vrai que les Amazighs auraient
peut-être expérimenté d’autres formes d’expression de l’annexion, comme dans
Ramses (mmis n Ra) à l’anglaise. La suffixation des radicaux verbaux pour
obtenir des verbes dérivés commence dans certains cas à épouser les procédés en
cours en arabe. La formation du pluriel en brisant le nom est de plus en plus
fréquente.
La standardisation de l’amazigh suppose un immense travail de simplification, de
régularisation et de fixation des règles de dérivation et de formation du
pluriel et du féminin. A propos de ce dernier, une simplification consisterait à
supprimer le «t» final, car il est redondant et pas toujours présent dans les
noms féminins (targa, tama, tasga, tarda, tarfa, tizi, tala, tarubia, taghusi,
tanumi, tamurghi,…)
Ce sont là quelques exemples et quelques idées qui sont loin d’être exhaustives.
Il faudra les discuter et les compléter.
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