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2M
contribue à la promotion de Tamazightmais à sa façon Par:
Anaruz Saadani (Khénifra)
La chaîne 2M s'intéresse davantage à la culture amazighe et plus précisément
à la chanson du Moyen Atlas. Les spectacles présentés à ce propos donnent
l'occasion aux artistes de cette région de sortir de l'ombre. Cette
initiative mérite des applaudissements dans la mesure où elle permet à
cette culture réduite au silence de se faire connaître pour ceux qui
l'ignorent et de répondre aux attentes de ces fans. Cependant, contextualiser cette initiative dans un cadre plus
large; historique et culturel surtout, peut révéler la partie cachée de
l'iceberg: les spectacles en question s'inscrivent dans le sillage de
conception traditionnelle des instances culturelles amazighes basée sur la
folklorisation et la réduction de cet héritage. En effet, 2M se contente de
présenter l' art musical amazigh sous forme d'un produit folklorique. Tous
les artistes ont seulement le droit à présenter leurs prestations. Mais ils
ne méritent pas qu'on leur accorde une interview pour communiquer au public
leur conception de l'art, de la vie, leurs ambitions et leurs misères. Ils ne
méritent pas non plus qu'on organise des tables rondes pour formuler des réfections
sur leur art pour les orienter et les aider à s'épanouir davantage. L'art
amazigh a besoin de s'exprimer sur soi-même; de se débarrasser des carcans
de la tradition qui l'a fait tomber de son piédestal pour être maître de
soi-même. Pour
être plus clair j'estime qu'il est nécessaire de restaurer le contexte
historique où ont évolués les différents genres musicaux amazighs. Il est
indéniable que le colonialisme a utilisé différents moyens pour disloquer
l'orgueil et la résistance des Imazighns. IL a réussi effectivement à
bafouer leur honneur en ramenant, et souvent de force, les jeunes filles pour
chanter et danser devant le regard malveillant des soldats. Cette méthode était
efficace pour déshonorer les hommes libres fiers d'eux. Assou Baslam a tout
dit et il a raison en criant fort haut: (je ne peux pas voir mes filles danser
devant les Iroumiyens). Le bien symbolique (la chanson) des Imazighns devient
la source de leur humiliation et leur inspirent la honte la plus atroce. A
cette époque-là la chanson et rituels qui l'accompagnent ne peuvent donc
forger que des préjugés négatifs qui mineront l'art amazigh en général
par la suite. Il suffit de prononcer le mot «chikha» pour que les éclats de
rire et les moqueries reprennent leur train. Les
serviteurs des colons qui sont devenus de grands propriétaires terriens au détriment
de leurs frères, ont adopté sans restriction la tradition coloniale.
L'humiliation des musiciens, des chanteurs et des chanteuses était pour eux
une façon de s'affirmer et de semer la trouille dans les camps des tribus «rétives»
et rerebelles. Le rôle des foqhas dans et leur apport était éminent dans
cette affaire, n'en parlant plus. Cet
héritage est inéluctablement lourd de conséquences dévastatrices pour
l'homme Amazigh dont les fondements sont détruits en profondeur. De nos jours
nombreuses sont les familles (compris la mienne) qui ne tolèrent pas d'écouter
ensemble la chanson amazighe. Devant ce constat, devant ces ruines de la culture amazighe
qu'on cherche vainement d'expatrier, l'effort à déployer doit être considérable.
L' initiative de 2M, quoiqu'elle mérite des applaudissements, ne répond pas
aux aspirations des Imazighns. On ne peut pas nier à 2M les efforts qu'elle a
déployés pour tirer de l'ombre l'héritage amazighe (entretien avec
Mr.Chafiq, Namadhij sur les arts et l'architecture berbères, interview avec
Boukous et Guessous …), mais tout cela reste très limité en comparaison
avec l'ampleur de la question et la richesse de la culture amazighe. IL
est nécessaire de procéder par la démolition des clichés, des représentations
négatives qu' on a hérités du passé et qui continuent encore à hanter le
mode de penser, de perception et de conception de la majorité des
marocains. |
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