| |
Comité des Nations Unies pour les Droits de
l’Homme, 82ème session, Genève, 18 octobre – 5 novembre 2004
Communiqué du CMA
Au cours de sa 82ème session
qui s’est déroulée du 18 octobre au 5 novembre 2004 au siège du Haut
Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme à Genève, le Comité des
Droits de l’Homme a examiné, conformément à l’article 40 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, le 5ème rapport périodique présenté par
l’Etat du Maroc.
De son côté, en sa qualité d’ONG, le Congrès Mondial Amazigh (CMA) a présenté au
même Comité, un rapport alternatif sur les atteintes aux droits de l’homme dans
ce pays.
De prime abord on note dans le rapport du Maroc que la question amazighe n’est
abordée qu’au chapitre du “droit des minorités“, affirmant de manière
surprenante que “la politique gouvernementale tend à reconnaître aux groupes
ethniques (…) le droit de gérer leur patrimoine collectif (terres collectives,
patrimoine culturel)“ mais sans préciser de quelles “ethnies“ il s’agit?
Par ailleurs le rapport tente de faire croire que la culture amazighe est une
“préoccupation majeure du gouvernement“. Il en veut pour preuve le dynamisme de
la réalité culturelle amazighe et surtout la création de l’Ircam en 2001 ainsi
que l’introduction de la langue amazighe dans l’enseignement scolaire.
Dans son rapport alternatif, le CMA a exposé par le détail, la situation de
négation et d’exclusion des droits des Amazighs à la fois dans les textes
législatifs et réglementaires et dans les pratiques institutionnelles. La
Constitution marocaine néglige l’existence des Amazighs tandis que les autres
dispositifs juridico-administratifs (loi sur l’état-civil, charte de
l’enseignement et de la formation, falsification de l’histoire et de la
toponymie amazighes, interdits et comportements arbitraires et discriminatoires
des autorités administratives et policières, lois colonialistes autorisant les
expropriations des terres collectives des Amazighs, etc) complètent l’arsenal
des instruments et méthodes illégitimes utilisés pour éradiquer le fait amazigh
au Maroc.
Le rapport du CMA relève également que la désignation des Amazighs par les
termes “minorité“ ou “groupe ethnique“ est totalement inappropriée, fallacieuse
et péjorative. Au nom de quelle évaluation ou de quelle logique un peuple
autochtone ayant sa langue, sa culture et son espace territorial et qui
représente 60% de la population du pays peut-il être considéré comme
minoritaire? Pourquoi les chiffres concernant l’appartenance “ethnique“ des
habitants du Maroc sont à ce jour gardés secrets? Le gouvernement marocain est
mis au défi de rendre publics les résultats des recensements de population
montrant la proportion d’amazighophones dans ce pays. Mais le conflit entre les
Amazighs et l’Etat marocain ne porte pas seulement sur un désaccord sur les
chiffres, il concerne en vérité un différend conceptuel. L’Etat marocain préfère
qualifier les Amazighs de “minorité“ afin de minorer leurs droits. Il sait qu’en
revanche, le concept “de peuple autochtone“ renvoie au droit des Amazighs à
l’autodétermination, dont le droit de disposer souverainement non seulement de
leur langue et de leur culture mais aussi de leur terre, de leurs richesses et
de leurs ressources naturelles. Plusieurs organisations amazighes sont
d’ailleurs fortement impliquées dans ce combat pour la reconnaissance des droits
universels des peuples autochtones. Doit-on rappeler au gouvernement marocain
qui feint de l’ignorer, que c’est un Amazigh du Maroc qui préside actuellement
l’organisation des peuples autochtones d’Afrique (IPACC) et qui représente ce
continent au sein de l’Instance Permanente des Nations Unies pour les Peuples
Autochtones?
Concernant la prise en charge effective des revendications des Amazighs, l’Etat
marocain n’a fait preuve que d’une pseudo-volonté, car en même temps que des
signes d’ouverture semblaient être donnés, la politique de négation,
d’exclusion, de répression et de discriminations anti-amazighes, est poursuivie
sans relâche. C’est cette grossière contradiction entre la générosité apparente
des intentions et la violence des actes anti-amazighs qui fait douter
sérieusement de la sincérité de l’Etat marocain et donne aux défenseurs des
droits des Amazighs et aux citoyens, des raisons légitimes de penser que
derrière quelques concessions, se cachent au sein du gouvernement, de réelles
arrières pensées politiques malsaines.
Les organisations de la société civile ne cessent de répéter que la seule
manière de résoudre définitivement la question amazighe et de la mettre à l’abri
de toute manipulation politicienne, c’est la reconnaissance par la Constitution
de l’identité amazighe du Maroc, ce qui implique que Tamazight soit reconnue
comme langue officielle de l’Etat et qu’elle bénéficie d’une prise en charge
institutionnelle mobilisant des ressources et des moyens de même niveau que ceux
dont est dotée la langue arabe. De plus, l’histoire officielle du Maroc doit
être “corrigée“ en l’expurgeant des falsifications qui portent gravement
atteinte à la vérité, aux droits et aux intérêts moraux des Amazighs.
C’est à l’aune de telles décisions que nous mesurerons l’effectivité de la
volonté des autorités marocaines de bâtir un avenir de paix, de liberté, de
fraternité et de prospérité pour tous les citoyens de ce pays.
(Paris, le 5/11/2004, Le BM)
|