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L’ART DE L’EMPRUNT LEXICAL DANS LE POEME AMAZIGH Par: H. Banhakeia & E. Farhad & A. Zizaoui (Université de Nador)
«Je ne compte pas mes emprunts, je les pèse.» (Montaigne, Essais, 11, 10) Dans la poésie rifaine, l’emprunt pose une série de questions relatives à la langue amazighe, mais aussi recèle l’usage poétique qu’en fait le poète, dévoile enfin son originalité et sa personnalité. Pourquoi le poète, souvent scolarisé et maîtrisant la langue de l’autre, ne fait-il pas le bon usage de l’emprunt dans sa création d’une part, et de l’autre ne recherche-t-il pas le néologisme amazigh? En utilisant des mots étrangers mais familiers, le poète amazigh se veut-il alors une continuité de sa culture «primaire» ou bien une rupture? Comment expérimente-t-il sa création dans la langue? En outre, cet emploi abondant des emprunts dans la tradition poétique crée des problèmes esthétiques autant au niveau de la production qu’au niveau de la poétique. Cela est palpable dans le recueil Izran izran des distiques populaires. [1] Serait-il là question d’une confession de l’incapacité de tamazight à «s’exprimer» ou bien d’un plagiat / d’une servilité par rapport aux langues étrangères dominantes au Maroc? De même, les poèmes programmés à l’école, dans les six manuels, montrent effectivement l’importance de l’emprunt et ses diverses retombées sur la langue «enseignée», censée être littéraire.[2] Force est de noter que nous n’allons pas parler de l’emprunt d’un poème à un autre, non plus traiter des questions relatives à l’intertextualité. Nous allons plutôt étudier la présence des emprunts lexicaux sous forme de mots étrangers greffés dans le corps du poème. La poésie, en tant que pratique esthétique, révèle le devenir d’un tel héritage lexical. Notre analyse examinera de près, comme approche des poèmes de Ahmed Ziani, Said Moussaoui, Karim Kannouf et bien d’autres, le fonctionnement poétique de l’emprunt qui provoque une incidence «physique» sur la rime, la césure, le mètre, etc.. Grosso modo, l’emprunt se fait autant au niveau du signifié qu’au niveau du signifiant… Et la question de l’oralité (de par les emprunts) se trouve posée: sont-ils des poèmes conçus pour être lus par les étudiants de l’amazigh ou bien des textes à découvrir par le commun des amazighophones? Par l’étude des emprunts, nous proposons un des aspects de la standardisation. Cette étude se veut précisément une analyse philologique, poétique et stylistique des emprunts que l’on rencontre dans la poésie rifaine, d’où notre intérêt à expliquer les mécanismes de l’emprunt et d’éclairer par là cet élément de composition. Interroger l’emprunt lexical dans un poème est d’une complexité tout à fait particulière. Si le poème est avant tout un travail sur le langage, si le rôle du poète est de préserver la culture, s’il lui revient également de développer la langue, comment expliquer ou défendre la présence de l’emprunt lexical dans les poèmes amazighs? Ces emprunts sont utilisés dans la langue parlée avant d’être récupérés par les poètes. Il n’y a pas d’emprunt ésotérique dans les poèmes. [3] L’on va se situer quand même avec ces emprunts «courants et vulgaires» dans l’entre-deux-cultures, dans l’entre-deux-langues, tout en précisant si la substituabilité est possible ou impossible. Les mots, depuis longtemps amazighisés comme «Tawwart / Porte», “Tabra / Table”, “Artu / Verger”, “Tafirast / Poire”, “Asnus / Ane”, “Uregh / Or” ne sont point des emprunts lexicaux pour les poètes, ni des mots à remplacer par d’autres. Ces emprunts ne sont pas des barbarismes, mais des mots «consommés» et connus par les parlants, faisant partie du lexique de base. Ce sont peut-être des lexèmes à déconstruire dans la diachronie. Appartiennent-ils justement à quelle rive de la Méditerranée? Qu’apportent-ils en fait dans la problématique historique de l’emprunt?[4] Précisément, ils sont le creuset d’un multilinguisme et d’un pluriculturalisme qui a toujours sillonné, dans tous les sens, la civilisation nord-africaine... I.- L’EMPRUNT DANS SES ETATS PLURILINGUES ET PLURICULTURELS En général, l’amazigh est langue source et cible du processus d’emprunt, tout au long des temps, elle a infiniment offert des mots et en a reçu d’autres. [5] Elle demeure plus une langue cible (receveuse) qu’une langue source vu son statut de langue orale en face de langues (de plus en plus institutionnalisées). La ligne entre l’arabe et l’amazigh est continûment traversée par ces emprunts ou «mots» communs: tout comme la darija reçoit des mots amazighs, l’amazigh en reçoit à son tour. En plus du lexical, le syntaxique connaît les mêmes interactions… L’une des conséquences de cette cohabitation «forcée et naturelle» est: l’emprunt détruit partiellement ou enrichit davantage l’unité, la régularité et la pureté de l’amazigh – langue receveuse, non standardisée, non institutionnalisée. Les distiques de Izran izran laissent voir l’amazigh comme une expression poétique poreuse. «Ralla tasrit nnegh am nwar n bene3man Rfah nnem yizid wi zzay s gha yesxan?” (p.36) Statistiquement, le nombre des emprunts varie de 10 à 15٪ du lexique employé dans le poème. Si chaque mot est constitué d’un ou de plusieurs sèmes (unités minimales de sens), comment se font-ils donc les rapports sémiques entre le lexique propre et les emprunts? L’emprunt lexical renferme-t-il alors les mêmes sèmes qu’il a dans sa langue d’origine, en étant placé dans le corps d’une langue seconde, étrangère? En tant que signe «étranger» (comme signifiant et signifié), il est utilisé par le poète dans sa langue maternelle, avec une nouvelle charge sémantique qui va relativement métamorphoser le texte. Cela apparaît plus clair dans la traduction. Notons qu’il y a bien des mots qui sont tombés en désuétude comme «ass» qui est substitué par «nnhar»,[6] «asecru» par «ssjart», «adrar» par «jjbel»…[7] Les emprunts remplissent un tel effacement lexical progressif, occupant de plus en plus d’espace dans l’amazighité. Tous les poèmes rifains présentent des emprunts dans leur lexique excepté le dernier recueil de Karim Kannuf,[8] et à un moindre degré Aicha Kurdi comme résultat d’un travail de retranscription standard fait par notre équipe. D’ailleurs, d’après l’emprunt, nous avons une idée sur le degré d’acculturation du poète. En utilisant des emprunts arabes, le poète est de formation orientale, et en utilisant des emprunts français, c’est sa formation occidentale qui est mise en relief dans le texte poétique. En définitive, statistiquement, la grande part dans la distribution des emprunts revient à la culture orientale. 1.- Autour de l’emprunt lexical L’amazigh est irréversiblement perméable aux mots étrangers. Qu’est-ce que cet emprunt si nécessaire? Nous citons la définition proposée par Jean Meyers: «L’emprunt peut être textuel ou s’écarter plus ou moins de l’original. Il peut être assez étendu, un vers ou deux, parfois plus, ou, au contraire, se limiter à une simple expression, à un mot ou un adjectif rares. Il peut aussi ne pas être verbal, être la reprise d’une structure, d’un plan, d’une situation, d’une attitude, etc…»[9] Dans notre corpus, il n’y a pas d’emprunt de la première catégorie: emprunter un ou deux vers…, non plus de la troisième catégorie (formelle). Ce que nous avons davantage, c’est l’emprunt lexical qui dresse un pont ou un rapport direct de par la langue avec les différents vocabulaires (espagnol, arabe, français, anglais…), créant une dépendance totale pour l’amazigh écrit (standard) qui les reçoit. Donc, nous nous intéresserons ainsi à la forme de tels emprunts lexicaux dans leur usage immédiat «inspiré».[10] Rappelons que l’emprunt lexical est un phénomène qui résulte du contact des langues à une date précise. Il est le témoin de la présence «étrangère» de par le présent ou le passé d’une communauté. Si dans les distiques sur la colonisation, les emprunts espagnols sont fort importants, «War d ccat bu pasu war gharres tisira Assarwar n tama teccit llixiyya!” (Izran Izran, p.24) Et lors de la résistance rifaine à la colonisation française, des distiques fort connus englobent des mots militaires «Ini yas i Lajudan, in as uyur deghya, In as arni d rqum; Tizi n wesri targha!” (Izran Izran, p.57) Pour les poèmes postérieurs à l’indépendance, ce sont les emprunts arabes qui prédominent – comme manifestation de l’arabisation. Et à partir des années 80 du XXe siècle, quand les revendications amazighes prennent corps, les emprunts lexicaux vont laisser la place aux néologismes. En effet, les néologismes et les emprunts enrichissent distinctement le vocabulaire de l’amazigh.[11] Les motivations qui sont à l’origine de l’emprunt sont de nature: *subjectives: le prestige pour le poète et pour sa collectivité en lui apportant un potentiel lexical afin d’enrichir sa langue poétique ; [12] *objectives: l’expression de nouvelles idées (rupture thématique avec la tradition poétique): le poète «fonde» une culture «ouverte» dans sa création… En outre, dans la poésie rifaine, l’emprunt va de l’adoption (importation dans sa forme) à l’adaptation (changement partiel afin de le rendre familier).[13] Le processus de l’adaptation a plus d’incidence. Il dérange de par sa formation syllabique, sa vocalisation, sa morphologie d’une part, et de l’autre de par sa syntaxe dans la construction des métaphores et des images poétiques. Dernièrement, il y a tentative de purger la langue poétique d’une présence «sauvage» de l’emprunt. Ainsi la poésie se définit-elle fondamentalement comme une expérimentation du langage. Le poète pose davantage de questions sur le corps du poème, sur le signifiant. Autrement dit, il développe la dimension formelle de son art en décortiquant les mots utilisés. Précisément, il forge des mots appropriés à son expression où les vieux mots et les néologismes ont logiquement une grande place. S’écartant de toute forme d’acculturation, ce purisme a cependant des conséquences négatives: - sur le plan des règles de la versification, il impose un ensemble de changements et de difficultés: l’on remplace des emprunts qui «riment» bien par d’autres moins «familiers», d’où la difficulté, voire l’impossibilité, de récrire les poèmes ; - sur le plan de la réception le lecteur trouve des difficultés à déchiffrer le poème vu l’absence d’un dictionnaire académique. Les poètes amazighs empruntent rarement des mots (qui manquent à son parler) à d’autres parlers amazighs. Par ailleurs, faut-il considérer ces mots comme des emprunts? Des mots comme, «dsa» pour «dhc», «tinmel» pour «tamezyida»… L’emploi poétique de l’emprunt verse le texte dans l’oralité; toute aspiration à l’écrit, passant par l’élimination des emprunts, se trouve subséquemment annulée. Le texte «programmé» dans les manuels est alors dans un état «hétérogène», et il est à refaire tout simplement. 2.- Le poème «hétérogène» à l’école Les poèmes amazighs programmés à l’école sont hétérogènes: les emprunts sont présents dans le texte véhiculant l’altérité, bien que la philosophie soit celle d’établir l’amazighité. En empruntant, le poète entend-il meubler les lacunes du système lexical ou bien enrichir les connotations dans le vers en question? Comment se manifeste une telle amazighisation dans les poèmes programmés à l’école, dans les six manuels de l’IRCAM? Est-ce qu’il y a recours à la langue standard ou bien au lexique courant? Dans le Manuel 2, (p.16), le poème «Snd hhu !», écrit par Khalafi Habiba, englobe les emprunts suivants: *(v. 8): «Ad as ggegh arzzt»; *(v.15): «Ad ighar lhmdu»; *(v.17): «N tmurt sg bddu». Etant simultanément textuel et connotatif (comme écart), l’emprunt s’écarte dans les vers sémantiquement de l’original. De même, l’élève se familiarise sur le banc de l’école, avec les emprunts, d’où sa difficulté à identifier l’amazighité. Les emprunts du poème «Lhusima» écrit par Saïd Moussaoui, réadapté dans le manuel 5, (page 62) sont également de bons exemples à étudier: * (v. 2): «yarsin jar idurar» * (v. 4): «ttctca as i rhbar» * (v. 7): «a lmjdul aziza» * (v. 9): «cem d tamzyida» Force est de noter que le mot «rbhar» a été remplacé par «ill» dans les textes scolaires, mais point dans le poème (texte littéraire). L’élève saisira-t-il la différence? Acceptera-t-il le terme «ill» non usité au Rif? L’emprunt (équivalent) usité se trouve dans un autre texte «programmé».[14] En général, la même remarque est valable pour «tamzyida», à remplacer par «tinmel». Il y a alors lieu à un paradoxe insoluble entre le pédagogique et le didactique. Citons un autre exemple tiré du Manuel 6, p.46. Le poème est «Neccin d tmza» chanté par Tfyur, Mulay Muhand, 2007. Les emprunts sont: (v.2): «A rah d ad ndhc» (v.7): «tzwa sb3a n idurar” (v. 11): «Ma d adrar, ma d tnayn!” Ces emprunts sont-ils usités dans la langue quotidienne ou non? Que trouve-t-on comme «mots» recherchés derrière ces «mots étrangers»? «Dsa», «sin» sont à proposer tout simplement… La déconstruction de ces matériaux lexicaux premiers montre l’hétérogénéité de l’ensemble sur le plan lexico-culturel. Repérer les emprunts lexicaux dans le poème est un exercice délicat. Sur quel dictionnaire faut-il se baser pour montrer la nature et l’origine du mot? demeure une question insoluble. Le poème «Tammurt n tcuni» (Manuel 4, p.66) écrit par Ahmed Ziani offre de bons exemples: (v. 4): «A ul d wulawn irsa !» (v. 7): «Sqadan d ighzran xf ughmbub n rwda.» (v. 13): «Le3win nnem d aghnnij» (v. 14) «Ism nnem d aslham» Les emprunts “irsa”, ‘rwda”, “l3win”, “aghennij”, “ism”, “aslham” véhiculent-ils la même signification qu’en arabe? Leur repérage nous incite à analyser leur emplacement syntaxique et sémantique afin de déterminer leur fonctionnement poétique. Ces emprunts entrent en jeu non seulement au niveau des mesures et des règles de la versification, mais également au niveau de l’imaginaire collectif. Certes, tous les emprunts analysés ont un point commun: ils ont un fonctionnement particulier, autre que celui du mot «original». Le poète en use pour exprimer non pas sa non maîtrise de la langue, mais son «érudition» - aliénation linguistique et acculturation dans le texte. Le remaniement des emprunts nous donne raison dans une telle observation. L’emploi des mots étrangers dans les manuels scolaires crée une contamination ou bien une présence de barbarismes, d’où la non clarté au niveau des objectifs pédagogiques et didactiques chez les concepteurs du manuel amazigh. II.- LES CATEGORIES D’EMPRUNTS DANS LE POEME Comment le poète rifain emprunte-t-il les mots étrangers? Quelle catégorie emprunte-t-il le plus? Pourquoi emprunte-t-il à d’autres langues? sont les questions qui nous intéressent. Une organisation par catégories grammaticales pourrait nous révéler les secrets du fonctionnement poétique de l’emprunt. Ici, comme nous menons une étude poétique basée sur l’enrichissement (déviation) du sens des emprunts, nous avons pensé, en vue de proposer une étude méthodologique, de la faire en approchant les noms et les verbes. À partir du dédoublement sémantique des emprunts nous allons enfin analyser les déviations (enrichissement sémantique) qui résultent d’un tel emploi. Il est possible de diviser les emprunts entre un groupe «substituable» où le lecteur peut se plaire à substituer l’emprunt lexical par un autre issu du dictionnaire amazigh, et un second groupe «insubstituable.» où cet exercice de substitution s’avère impossible. Le verbe et le nom sont évidemment les catégories les plus «empruntées». Comment se manifestent les emprunts en tant que noms ou en tant que verbes? Pour des raisons méthodologiques, nous allons les traiter simultanément, mais en insistant plus sur la catégorie en question. Dans le Manuel 3, p.10, «Neccin ssa» de Lwalid Mimun présente les emprunts noms/verbes suivants: (v. 3): «sjur» ; (v. 4): «Ad nbehhar tibehhar» (v. 5): «Ad cem nsun» Le vers 4 présente conjointement le verbe et le substantif, à l’instar d’autres propositions à emprunts redoublés comme «Ghennej aghennij»… Précisément, notre propos sera de les présenter selon l’axe de la substitution ou de la non substitution. Dans un cas, tout comme dans l’autre, apparaît le fonctionnement poétique de l’emprunt dans le corps du poème. 1.- LES EMPRUNTS NOMS Les noms amazighs connaissent une érosion lexicale extraordinaire. Les emprunts substituent le lexique de communication vu l’influence des mass média (arabes et français) et la non officialisation de l’amazigh. Le degré d’intégration des emprunts, l’adoption des emprunts et leur diffusion montrent ostensiblement comment le lexique de base en souffre, les adjectifs de couleur, par exemple, tombent en désuétude pour être substitués par l’arabe... Le critère de la substituabilité définit la nature de l’emprunt, et explique d’une manière ou d’une autre sa présence dans la création poétique. C’est là un exercice de prise de conscience, pour une récriture amazighisante. Parfois, la substitution est possible, et l’emprunt devient alors un ajout «superficiel» et «gratuit», et d’autres fois la substitution s’avère impossible, et l’emprunt est alors nécessaire. A.- Impossibilité de substitution Les emprunts sont-ils nécessaires dans la création poétique? Lisons: «Tejjid ayi d anehbus di tmura n rebhut nnem» Ici, le mot «anehbus» est amazighisé dans sa structure morphologique: il y a ajout de «an/am» comme préfixe qui signifie l’agent (passif). On le retrouve également chez Fadma El Ouariachi: Di recwaghed n tudart Isem-nnes war yuri Yeqqim am unehbus Yarezun tirelli… (Yesremd-ayi wawar, p.14) À cause de leur désintérêt de la langue, les poètes rifains n’ont pas mené un travail sur la langue. Les verbes («qqen», «carf»,…) peuvent donner naissance à «anecruf» ou «amecruf», «aneqqun» ou «ameqqun»[15] afin de substituer «anehbus». Nous aurons alors: «Tejjid ayi d anecruf di tmura n rebhut nnem» «Yeqqim am unecruf Yarezun tirelli…” Aurons-nous alors le même degré de poéticité et de réception si on utilise «anecruf» à la place de «anehbus»? Le poète connaît-il déjà ce mot qui substitue l’emprunt «anehbus»? En choisissant ses mots, pourquoi le poète s’incline-t-il plus du côté des emprunts que côté des néologismes ou des mots «vieux»? Quel message Moussaoui veut transmettre en utilisant «anehbus»? Il veut, peut-être, divulguer son émotion pour sa bien-aimée celle qui l’a emprisonné dans les contrées de ses séductions. Ce qui est poétique, c’est le métissage entre «anehbus» et «rebhut» qui a créé cette image poétique. Le poète veut dire à sa bien-aimée qu’il ne peut plus s’éloigner d’elle, envoûté qu’il est. A notre avis, le non emploi de «anecruf» est dû aux sèmes de «carf», qui signifie magie, envoûtement, enchantement (à rattacher à la sexualité). Dans la culture amazighe «anecruf» est négatif: la bien-aimée ne serait point source de passion, mais une sorcière capable de contrôler sa libido. Si on traduit les vers d’El Ouariachi dans une autre langue nous n’aurons pas la même charge sémantique et culturelle. D’où l’impossibilité de la substitution… B.- Possibilité de substitution Parfois, la substitution est possible. L’on peut remplacer l’emprunt par d’autres mots. Lisons: «a nnwar n rehbeq di tmurt war vemyen» Ici, on découvre plutôt un "raisonnement poétique", Said Moussaoui ne s’exprime pas dans une langue ordinaire, car on sait bien que le fenouil pousse par terre, mais dans ce vers il ne pousse pas. Mais, où pousse-t-il alors? Est-ce dans le cœur du poète? Est-ce l’amour qui bourgeonne dans son âme? Et si on disait: «a aledjig n tvensit di tmurt war vemyen» Le lecteur rifain aura-t-il le même message? Le poète ne cherche-t-il pas un lecteur "paresseux, passif " qui consomme les vers sans penser à la culture et à la langue qui les véhiculent? Le poète connaît-il les termes: «aledjig» et «taghensit»? Ce n’est pas le cas: ces mots ne sont pas employés dans le parler quotidien. Cet écart lexical renforcerait l’amazigh dans l’écrit, et réduirait l’impact de l’oralité. Chez A. Ziani dans «D wa d necc», on trouve des emprunts intéressants à étudier: «D wa d necc deg uzedjif inu reqnader» Reqnader veut dire en arabe: des lampes à gaz. Dans ce vers, l’emprunt connote des idées lumineuses capables d’anéantir l’obscurité. Pourquoi le poète a-t-il recours à l’emprunt? N’ y a-t-il pas un mot qui pourrait rendre compte du mot reqnader? Pourquoi n’a-t-il pas choisi le nom innir qui existe déjà? Ce recours à l’emprunt n’est-il pas par souci «intellectualiste» chez le poète? L’autre aspect à prendre en considération dans une production poétique, c’est le culturel. Par cet emprunt y a-t-il brassage interculturel entre tamazight et l’autre culture présente par le biais de l’emprunt? Il y a en effet interculturalité au sein de tous ces vers «hétérogènes»… Lisons un vers plein d’emprunts: «Ajenna irehhef deg whac yenqec tayyut x ubehrur» (Mayssa Rachida, Ewc-ayi turjit-inu, p.37) Le vestimentaire est présent par l’usage de mots «arabes». L’influence arabe est alors palpable par le signifiant et le signifié. La plupart de ces emprunts va être intégré dans le système linguistique amazigh et compris par tous les groupes sociaux, comme ce l’est le cas avec le culturel. Ces emprunts sont le résultat d’un changement total de la communauté linguistique amazighe. Ziani écrit dans un poème: «Tvennjev i tziri taoaryant deg waman» Le poète veut dévoiler la sincérité de son émotion incarnée par la nudité de la lune. La personnification de la houle renforce une telle sensibilité. Ta3aryant (nue) est usité au Rif. L’équivalent est (tuzzift, tamuzeft, tapezzuät, taperäiät, tapezdimt, taperäust) mais ils ne sont pas usités au Rif. L’emprunt est alors amazighisé, ayant la morphologie d’un «adjectif» au féminin: «t» initiale et une «t» terminale ; l’intégration se fait soit par l’ajout, soit par troncation.[16] La formation syllabique de l’emprunt sous entend une certaine présence onomatopéique: «spessiv i rmujet tessawar» Cet emprunt est largement attesté dans la poésie rifaine.[17] On dit en amazigh pour désigner la vague (taÏÏanga, tayyuvt). L’allitération en «s» renvoie au déferlement violent des vagues. De nos jours, on utilise tasfayt, dérivé du verbe ssfey: se répandre par-dessus bord, déborder, monter, se sauver, s’échapper. Pour signifier la spatialié, le poète a recours à l’emprunt: «yefuyi-d ssnev qao imucan war çriv» Amkan (pluriel imukan / imukwan) signifie endroit, place, lieu Si on utilise tansiwin, ansayen, iraqen, nous aurons la même signification, mais aurons-nous la même charge sémantique ou rythmique? Peut être Ziani a-t-il choisi l’emprunt car il est plus répandu dans son parler (Aït Saïd). Ignore-t-il les autres termes amazighs qui désignent le lieu ou bien pense-t-il qu’ils ne véhiculent pas une poéticité appropriée? Dans Izran Izran, Mayssa Rachida cite des distiques populaires où l’emprunt prédomine: Mami leoziz inu, x uqemmum n ssarij Necc cciv tisennart cek truped lxarij. Le distique reflète le chagrin de la femme qui pleure son bien-aimé qui l’a abandonné en émigrant en Europe. Il y a trois emprunts: ssarij (réservoir / château d’eau), tisennart (hameçon) et lxarij (extérieur). Ce qui est poétique dans ce vers c’est ce mélange entre l’arabe et l’amazigh dans un style qui donne un sens propre à la culture autochtone. Car, si on va traduire en arabe ça ne va pas donner la même charge sémantique et poétique. Necc cciv tisennart veut dire: je suis tombée amoureuse. Quant à lxarij, ce n’est pas l’extérieur, mais l’Europe. On dit: irup lxarij: il a émigré en Europe. Nous avons un autre distique sur l’amour où l’emprunt prédomine: Ad wäiv di rebpar ad wcev i remwaj Ad wäiv x a¨¨Ëëiäa wenni xef cciv jjaj ! La nature du sujet n’explique-t-elle pas partiellement le recours à l’emprunt? Quel mot peut remplacer jjaj (verre en arabe)? Ici, la femme est prête pour un suicide par noyade, elle va plus loin dans le deuxième vers quand elle dit qu’elle va manger du verre pour prouver le haut degré de son amour. Citons d’autres expressions similaires: *ad xafm ccev imesmaren: je vais manger des clous. *itett xafs remsames: il mange des clous pour elle. Dans d’autres vers de la mémoire collective, l’emprunt rapproche encore le poème des «paroles rimées»: Ralla taslit nneà, taqeddupt n danun ! Rebbi iwc am zzin war d am t iwci s rqanun. Ce distique chanté pendant les noces sous forme de louanges à la mariée, comparée à une boite de yaourt ! Nonobstant, ce n’est pas le yaourt qui importe, mais la blancheur, symbolisant la pureté. Quant à rqanun (lois en arabe), il perd sa signification première. La mariée est belle, mais sans exhiber une beauté exagérée. En général, la substitution de ces emprunts par des mots amazighs ne porte aucune atteinte à la poéticité des vers. Ces emprunts sont vides, par conséquent la substitution du nom «emprunté» (bien qu’il soit muni des morphèmes amazighs) devient une nécessité de la dite «standardisation». 2.- L’EMPRUNT DES VERBES Après les emprunts lexicaux noms, qu’en est-ils des emprunts verbaux? Ces derniers sont aussi nombreux dans la poésie rifaine, offrant diverses possibilités au lecteur critique pour «récrire» le poème en question. Ils présentent les mêmes aspects que les emprunts nominaux. Si Salam Samghini écrit: «Ttfekkar di tarwa nnes twattun deg ibriden» (Ma tucid ak rehriq inu? p.29) Est-ce à cause de l’incapacité de l’amazigh à fournir «ittxarres» pour traduire ce souci conscient d’un parent qui pleure sa progéniture perdue? A.- Impossibilité de substitution Les verbes amazighs connaissent, à leur tour, un appauvrissement lexical constant, d’où l’impossibilité de substitution à défaut d’équivalent. Lisons ces vers de Kannouf: «Itthama ayi d tireqqa n ufus ad xafs yari» (Re3win n tayri, p.97) Le poète utilise le verbe itthama, emprunt arabe, conjugué à l’inaccompli. Peut-on le remplacer par «ittades» ou par»issuruf»? La substitution pose problème. Faut-il alors interpeller l’imagination poétique de l’auteur, son expérimentation du langage? Revenons à l’exemple de Ziani: «Tvennjev i tziri taoaryant deg waman» Le verbe tvennjev, le nom revnuj est présent en amazigh actuel.[18] Le poète dévoile sa passion à la lune, peut être que c’est la seule qui va comprendre son état d’âme. Symboliquement il y a fusion entre le céleste et l’aquatique, cela renforce subséquemment la poéticité du vers. De même, nous avons la nudité qui renforce la sincérité des sentiments. Pourquoi ce recours à l’emprunt? Est ce par manque de verbe véhiculant le même sens? Le verbe «irar» (jouer, s’amuser en amazigh)[19] ne peut-il pas rendre le même sens? Pourtant, en utilisant le verbe «irar», le verbe gagne plus en assonance: «Tirarev i tziri taoaryant deg waman» Si A. Ziani utilisait cennuv,[20] le lecteur aurait-il le même message? Nous ne le pensons pas. Le lecteur confondra cennuv avec cniv ou icna (beau). D’où l’impossibilité de la substitution du verbe… B.- Possibilité de substitution Parfois, la substitution du verbe-emprunt par le verbe approprié est possible: le verbe n’est pas nodal dans la construction du sens général. Lisons ces vers de Said Moussaoui où sont notés ces emprunts: «jj ayi ad cem oebdev, a rqibetc içeryawen» L’emprunt oebdev veut dire en arabe: adorer Dieu. Le poète adore sa bien-aimée ; le degré de cet amour est infini... Son équivalent en tamazight est»ssumdev». Par la substitution, le lecteur verra une recherche, un écart au niveau de l’usage lexical. Quant aux poètes, ils apprendraient à en faire un usage «automatique», par là éviter l’emprunt… Dans un autre poème, Said Moussaoui écrit: «min teggid d taçutc i waïïawen ifetpen» «Ifethen» vient de l’arabe fataha (ouvrir). Son équivalent en amazighe est «arzem». L’expression «arzem tittawin» ne signifie pas la beauté mais plutôt la vigilance. Ici, le poète admire les grands yeux de sa bien-aimée, parés avec du khôl. Pourquoi le poète a choisi l’emprunt ifethen au lieu de innurezmen? Les phonèmes de ifethen sonnent-ils mieux que innurezmen? L’usage poétique enrichirait le sens du verbe «arzem», et rendrait conséquemment compte d’une telle signification de la beauté du regard… Pour signifier la beauté des yeux chez une femme on dit: *Nettat d tungalt n tittawin/ict n temvart ; *Attawen ifethen ; *Tittawin d rebhar, ibehharen. Attawen anict n ufenjal; *Attawen n tfunast… Toutes ces propositions insistent sur la beauté du regard féminin, d’où la possibilité de la substitution. En général, la substitution de ces emprunts verbaux par des verbes autochtone n’altère que de manière relative la poéticité des vers. Ces emprunts verbaux sont insignifiants dans un projet d’écrire la littérarité amazighe, par conséquent la substitution devient une nécessité dans la dite «standardisation». III.- EMPRUNTS UNIVERSELS Parmi les emprunts lexicaux, il y a des mots qui, grâce à la mondialisation, sont devenus des mots courants, connus par toutes les classes sociales. Nous lisons chez K. Kannouf: «Aqqa cem vari da: timexsa d tsunami» Tsunami est un mot japonais signifiant «raz de marée, vague». Le poète a recours à ce mot pour exprimer à sa fille combien son amour s’apparente à une marée déferlante… Proposons taparyaät, orage en amazigh, à la place de Tsunami: «aqqa cem vari da: timexsa d taparyaät» Le vers sera ainsi dénué de son universalité, il sera plutôt ancré dans la culture d’ici. Le trait «exotique» disparaît totalement… Mais que choisir pour exprimer l’amour filial: le local ou l’exotique? Nous trouvons un autre exemple chez R. Elmarraki: «alik-am imunas n umaziv! Qqen zzay-sen iyezzimen n l’uzun» Ici, on est devant un autre emprunt "atmosphérique". Ozone est le participe présent du verbe grec «ozein» qui désigne: exhaler une odeur. Non seulement la poétesse parle de la cause amazighe mais traite également les problèmes écologiques propres à tout l’univers. Précisément, il y a une analogie entre les blessures culturelles / identitaires et les dégradations naturelles. En général, la substitution des emprunts universels n’est pas à poser. La standardisation et le projet de fonder une littérature universelle ne sont pas affectés par une telle présence «anodine». EN CONCLUSION… Le lexique est la mesure du degré de vie ou bien de mort de toute langue. Plus on emprunte, plus on reconnaît l’incapacité de la langue à survivre dans ses contacts, à exprimer le monde qui l’entoure, et par voie de conséquence elle ne sert pas à l’interpréter. Le rifain ne peut échapper à cette vérité. * A partir de notre analyse où nous avons remarqué une présence importante des emprunts dans le vers rifain, d’où le désintérêt des poètes vis-à-vis du lexique amazigh, et par extension de l’avenir de tamazight. Ce désintérêt se manifeste par: - La non quête des mots anciens ; - Le fait de ne pas forger des néologismes. Il en résulte une ambivalence de l’apparent mélange des «langues» dans le poème. * Comment ces poètes peuvent-ils réconcilier leurs revendications identitaires et le fait d’emprunter des mots aux autres langues et cultures? Que fait le poète de l’invention lexicale en traitant de la culture amazighe si langue et culture font un même corps? * Le travail de la langue poétique passe par l’évacuation des emprunts qui à la fois portent atteinte à la poéticité, et enrichit l’universalité du vers amazigh. Cette présence provoque un dysfonctionnement au niveau de l’imaginaire collectif. En outre, par l’emprunt, il y a également le procès de l’emprunt d’un constituant phonologique qui va avoir une connotation précise, notamment sociale.[21] Notre analyse propose la substitution par un lexique amazighe pour opérer un mouvement qui va de l’oral à l’écrit… L’emprunt annule la nouveauté lexicale, le néologisme. La poésie amazighe, qui croît en nombre de publications traitant de nouveaux thèmes, a besoin plus de néologismes et de vieux mots à récupérer que d’emprunts. *Les emprunts des mots (des verbes, des noms) où l’arabe apparaît hégémonique, révèlent comment la poéticité ou la standardisation peut être affectée par une forte contamination vu son impact sur la syntaxe, et il y a des oppositions discordantes (sens / mètre ; écrit / oral…) qui traversent le poème d’un bout à l’autre. (H. Banhakeia & E. Farhad & A. Zizaoui) Annexe 1: LA POESIE RIFAINE ECRITE: 1992: Sellam Samghini, Ma tucid ig rehriq inu? 1993: Ahmed Ziani, Ad arigh g wezru 1994: Said Moussaoui, Yesfufi-d u3eqqa Mimoun Elwalid, Zi redjagh n tmuart ghar ru3ra ujenna 1995: M’hemed Ouachikh, Ad uyuregh ghar beddu x webrid usinu 1996: recompilation de neuf poètes Poetas amazigh 1997: Ahmed Ziani, Talewliwt i Mulay Mustapha Buhlassa, Tcum3at Ahmed Sadiqi, Re3yud n tmurt 1998: Fadma El Ouariachi, Yesremd-ayi wawar Aicha Bousnina, 3ad a xafi tarzud 1999: Najib Zuhri, Afriwen usegwas Mohamed Chacha, Cway zi tibbuhelya 3ad ur tiwid 2000: Mayssa Rachida, Ewc-ayi turjit-inu 2002: A. Ziani, Ighembab yarezun x wudem-nsen deg wudem n waman Alhassan El Moussaoui, Ma tghir-as qa nettu? 2004: Karim Kanfuf, Jar usfed d usennan Mayssa Rachida, Ashinhen n izewran 2005: Mohamed Aswiq, Ad isrudji wawal Said Aqudad, Tiqqett 2008 Karim Kannouf, Re3win n tayri Aicha Kurdi, Izlan d tudart 2009 Karim Kannouf, Sadu tira tira ANNEXE 2:
Notes :
[1]
Nous allons à des poèmes de la tradition orale : des distiques
transcrits et recueillis par Mayssa, Ces vers sont tirés de Izran
izran, Ed Aljoussour, Oujda 2009.
[2]
cf consulter le tableau à la fin de l’article sous forme d’annexe.
[3] Alessandro Duranti, ed., A Companion to Linguistic Anthropology, edition 2, Blackwell, 2004 « borrowing from other languages and dialects also occurs frequently in poetic diction –as well as in ritual and religious registers- from mystifying and intensifying the verbal message. The use of uncommon and alien forms marks the text as esoteric and “forces a stratification of interpretative knowledge” (Feld 1990:140), because not all listeners or readers have the same familiarity with such forms.” (p.307)[4] Parallèlement aux invasions orientales et occidentales de l’Afrique du Nord, il y a également présence étrangère importante dans la langue des autochtones. La langue tamazight, en général, a emprunté du lexique de l’aire méditerranéenne vu les différents contacts entre les peuples de la Méditerranée à travers l’Histoire. Les contacts les plus importants pour la civilisation amazighe sont : Les phéniciens, les Grecs, les Romains, les Vandales, les Egyptiens, les Arabes… Du fait qu’elle est de tradition orale, l’amazighe a pu survivre depuis des millénaires parmi la plèbe sans avoir accès aux pouvoirs institutionnel, religieux ou politique. Du phénicien jusqu’à l’arabe, en passant par le latin, le français, l’espagnol et le catalan, l’amazighe, comme les autres langues du monde, réussit à insérer dans son lexique, voire dans sa littérature (orale et écrite), des mots constitués d’une autre morphologie. Sa structure est, de fait, poreuse en apportant des changements d’amazighisation, notamment sur le plan morphologique.[5] Rostislav Kocourek, Essais de linguistique française et anglaise, mots et termes, sens et textes, coll. « Bibliothèque de l’information grammaticale », Editions Peeters, Louvain-Paris, 2001. L’emprunt « est un procédé normal dans la diachronie et dans la synchronie des langues. Il a pour résultat des unités empruntées, dites emprunts, qui sont bien nombreuses dans les langues. » (p.169)[6] Salam Samghini, Ma tucid ak rehriq inu ?, 1992 « Char ma ighab bnadem ad d ye3qeb ij n nhar. » (p.32)[7] Boujdayni Fatima, 95 ans, Azref Sidi 3isa n jjbel ma tjarrbed temåi ? Jarbegh tt uca a yelli, war d am teggegh bu yimi.
[8]
Sadu tira tira, 2008
[9]
Jean Meyers, L’art de l’emprunt dans la poésie de Sedulius Scottus,
Société d’édition « Les Belles Lettres », Paris, 1986, p.36
[10] André Thibault, Gallicismes et Théorie Linguistique, L’Harmattan, Paris, 2009. Le type dont il est question ici est l’emprunt « qui assure le transfert vers l’autre langue à la fois du signifiant et du signifié. Ceux-ci passent ensemble de la langue source dans la langue cible, soit sans modification formelle destinée à intégrer le vocable dans son nouveau cadre linguistique (on pourra alors parler d’emprunt lexical brut), soit avec modification formelle (et on parlera alors d’emprunt assimilé. » (p.31)[11] Citons : “Am tlwliwt imrudan Ghar ujernna turi, Am teslit n waman Jar yiglan tefruri.” Sadu tira tira, p.69)[12] Edward Lipinski, Semitic languages: outline of a comparative grammar, edition 2, Orientalia Lovanienscia analecta, 80, Peeters, 2001 « Many linguists have stressed the cultural aspect of lexical borrowing. The urge to adopt new words for new objects and new concepts is a universal one. In general, the prestige factor and science are here very common causes of lexical borrowing.” (p.575)[13] Avant d’utiliser un emprunt, il est de le soumettre à un certain nombre de principes : 1.- Il faut poser la question s’il existe un mot amazigh équivalent ? Si oui, l’emprunt n’est pas justifié ; 2.-Si le mot n’existe pas en amazighe, est-il possible d’en créer un ? nous pouvons créer des termes (création lexicale) par la dérivation, la composition, siglaison...). - Asxinectar au lieu de tadamsa. - Waha au lieu de : ar ukan 3.- Si l’emprunt s’impose, est-il possible de lui donner une forme purement amazighe ? 1.- Très nombreux sont les emprunts qui s’adaptent facilement à une morphologie amazighe : Cabila : taqbilt Bronze : abëunÇ Le Grec : tagrikiyt Jazira : tagzirt 2.- Très nombreux sont les emprunts qui s’adaptent facilement à une phonétique amazighe : - Taknarit - Ittwqqar - Tastrunumt … Mais, nous constatons que les emprunts contenant des phonèmes : /p/, /v/ne peuvent être adaptés à la langue du manuel amazigh, et ils sont remplacés par le phonème/b/ puisque l’alphabet tifinaghe-IRCAM ne possède pas ces phonèmes. Les adaptations phonétiques peuvent rendre le mot emprunté méconnaissable quand les deux systèmes phonologiques impliqués sont différents. - Pétrole : Abitrul - Espagnol : asbbanyu - Avril : abril Et aussi les voyelles : - Centimètre : santimitr[ã] / [a:n] - Mètre : [m³tR] /[mitR]... 3.- Nombreux sont les emprunts qui s’adaptent facilement à une orthographe amazighe : - Xddmn - Takarikaturt… 4.- Mais, il y a des emprunts qui posent problème au niveau de leur orthographe en amazighe. Exemples : Centimètre (Cantimètre ou Contimètre) pétrole-mètre- septembre… [14] De même, nous avons dans le vers 14 du poème « Ayur ayur » de Saïd Moussaoui : « siwl iyi xf ujenna Tammurt d rbhar » (Manuel 6, p. 60)
[15]
C’est nous qui forgeons ce terme.
[16] Ramdane Achab, La néologie lexicale berbère : 1945-1995, « Ussun amazigh » 9, Peeters-SELAF, Paris, 1996. « Certaines données morpho-phonologiques berbères constituent donc autant de conditions favorables à l’intégration de certains emprunts externes. Les préfixes et les morphèmes expressifs berbères exercent une sorte de magnétisme sur les termes étrangers phonétiquement proches ou identiques (surtout en initiale). » (p.336)[17] Mustafa Buhlasa écrit :² « Ma 3lik uca tazrid armujet n rebhar » (Tcum3ett, p.18)
[19]
Urar : jouer, s’amuser. Wavi la yeïïurar yiss-nnev, celui-là s’amuse de
nous.// Danse ; fête avec danses (qui se prolonge souvent la nuit). cf
Dallet, 695)
[20]
En kabylie on trouve le verbe ecnu : chanter. Eccna : chant. cf Dallet,
Dictionnaire kabyle français : parler des At Menguellat, p. 97
[21] Frans van Coetsem, Loan phonology and two transfer types in language contact, coll “Publications in Language Sciences”, n°27, Foris Publications, Dordrecht (Pays-Bas), 1988 « The process of borrowing a phonological constituent from the sl regularly happens via the vocabulary item(s) in which the constituent occurs. In other words, the phonological loan and the vocabulary item in which it occurs are closely connected. What we have here is lexical borrowing with subsidiary phonological borrowing. Lexical borrowing is lexical addition if an item is added to the vocabulary, or lexical replacement if an item is replaced in the vocabulary. These terms should not be taken at face value, since more is involved than mere addition or replacement. Whether there be addition or replacement, the semantic content and the semantic field to which it refers will, as a rule, be modified.” (p.98)
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