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Le débat linguistique et identitaire Par: Anarouz SAADANI - Khénifra
La question de la langue et de l’identité que les milieux où l’eau stagnante du conservatisme n’a jamais été agitée, essaient de manipuler pour justifier l’ordre établi favorisant l’arabe classique, est posée aujourd’hui par les scientifiques, les journalistes, les acteurs associatifs et aussi par des spéculateurs de tous genres. C’est une question qui mérite une attention particulière pour redéfinir notre être collectif et construire une société tournée vers l’avenir et où tout un chacun peut se reconnaître. Depuis l’«indépendance» du Maroc, les décideurs marocains ont adopté et imposé la langue arabe et la religion musulmane comme destin historique sous prétexte de faire face au colonialisme français. En réalité, ce qui a été visé c’est la langue et l’identité amazighes qui se sont retrouvées confinées dans la marge par toutes sortes de manigances idéologiques. Aujourd’hui, les arabistes, soutenus par le pétrodollar, redoublent de férocité pour éradiquer la langue tamazight. On assiste à une prolifération d’associations de défense de la langue arabe, la création des instituts d’études arabes, la prise de décisions politiques favorables à l’arabe, le renforcement de l’arabe dans les systèmes institutionnels… et en contrepartie, on prononce l’anathème contre tamazight et on crie au scandale lorsqu’imazighns revendiquent leurs droits. Force est de constater que l’Etat marocain n’a pas traduit institutionnellement la diversité linguistique et la richesse culturelle qui distingue notre société. Pour le tamazight, il fait seulement croire qu’il prend en charge la promotion de cette langue mais en réalité il ne s’agit que de jeter la poudre aux yeux. L’enseignement de la langue tamazight n’est pas pris au sérieux et constitue une véritable catastrophe éducative jamais connue. Dans les médias on préconise toujours la même approche qui folklorise notre patrimoine et stigmatise notre intelligence créative. L’histoire amazighe est mutilée et apprivoisée pour être au service de l’idéologie arabe. Les droits identitaires sont bafoués. La revendication amazighe est présentée comme une œuvre satanique. Les journaux arabistes (Al massae, Maghrib Al yawm…) parlent d’une conspiration francophone contre la langue arabe en réponse à ceux qui défendent le dialecte marocain (la darija). Ils défendent l’arabe classique avec ardeur en mettant en avant ses potentialités et ses mérites oubliant les constats alarmants enregistrés sur le terrain. En réalité la politique éducative axée sur l’arabe a eu des conséquences désastreuses au niveau intellectuel, culturel et scientifique. Pour ceux-ci, il n’est pas question d’interroger la politique linguistique adoptée jusqu’à nos jours. Ils n’ont pas envie de regarder la vérité en face. Quoiqu’il en soit, le bilan est lourd. Laissons Abderrezek Dourari s’exprimer sur ce point en tant que linguiste: «pour la langue arabe, il ne s’y produit plus de savoir depuis des lustres. Pas de pensée scientifique, littéraire, artistique ou philosophique… L’arabe scolaire est devenu un véritable cimetière dans lequel repose le conservatisme de type religieux producteur d’arriération mentale et de l’extrémisme violent». Continuer à occulter l’identité amazighe, à étouffer la voix amazighe, à mettre en danger cette langue et à priver imazighns de leurs droits culturels et identitaire risque d’exacerber les conflits identitaires et compromettre notre vouloir être collectif. |
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