|
|
QU'EST-CE QUE L'ALPHABETISATION? Par: Yakubi Houssa (Meknass) La question: «Qu'est-ce que l'alphabétisation?» peut paraître simpliste, voire triviale. Pourtant, la pratique de «l'alphabétisation» dans notre pays se fait dans un contexte marqué par l'anarchie. Ce sont en général des personnes bénévoles, des membres des ONG et des enseignants recrutés dans le cadre de l'éducation non formelle à qui incombe le lourde tâche d'alphabétiser les populations rurales… Il convient d'attirer l'attention ici sur un double constat: les apprenants concernés sont en général des adultes ayant comme langue maternelle tamazight ou l'arabe marocain. Nous nous interrogerons dans cet article sur les conditions à mettre en œuvre pour faciliter l'alphabétisation des populations concernées et sur les difficultés inhérentes à l'apprentissage d'une langue seconde par un public d'adultes. Définitions (1)ت 1-«L'alphabétisation fait partie d'un cycle ou d'un processus d'apprentissage continu fondé sur le vécu, le partage des savoirs et la participation décisionnelle des apprenantes et apprenants qui sont appuyés des alphabétiseuses et alphabétiseurs. L'alphabétisation favorise la connaissance de soi et la conscientisation. Ce processus en échange contribue à l'acquisition et à la croissance du pouvoir de l'individu et de la collectivité..» 2-«L'alphabétisme comprend la lecture, l'écriture, le calcul, l'expression orale et la compréhension, la langue des signes (pour les personnes sourdes) et la communication par d'autres formes de langage, selon le besoin. Il est un continuum d'aptitudes nécessaires à la vie quotidienne au foyer, au travail, aux études et dans la communauté.» 3-Analphabète… «En 1958, l'UNESCO proposait aux ةtats membres une Recommandation concernant la normalisation internationale des statistiques de l'éducation, dans laquelle l’analphabète est défini comme une personne "incapable de lire et écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec sa vie quotidienne". Cette définition est reprise dans une publication du Bureau des Statistiques des Nations Unies où il est en outre précisé: "En conséquence, une personne capable seulement de lire et écrire des chiffres et son nom doit être considérée comme analphabète, de même qu'une personne qui ne peut lire et écrire qu'une expression rituelle apprise par cœur.» (Sources: les définitions reprises ici peuvent être consultées en visitant le site de l'UNESCOتhttp://www-unesco.org/education/literacy-2000/biblio.html; ainsi que le site: http//perso.club-internet.fr/ahama). Ces définitions suscitent quelques remarques: 1.1.Les deux premières définitions , (1) et (2), opèrent une distinction importante entre alphabétisation et alphabétisme. Nous y reviendrons. 1.2.La définition de l'UNESCO, (3), devrait interpeller les pouvoirs publics qui avancent des chiffres relatifs aux taux d'analphabètes dans notre pays. Les chiffres avancés ne tiennent pas compte du pourcentage des personnes ayant désappris (phénomène de l'illettrisme). Les statistiques officielles n'indiquent pas l'alphabet pris en compte lors des enquêtes. Or les langues en présence au Maroc peuvent être transcrites à l'aide de trois alphabets. Si l'on fait référence uniquement à l'alphabet arabe, il faudrait ajouter au taux d'analphabètes le nombre de personnes aptes à réciter des textes qu'elle ne comprennent pas! Si l'on se réfère à l'alphabet latin, les taux avancés (environ 60% en ville et 70% de femmes en milieu rural) doivent nécessairement être revus à la hausse. Si c'est l'alphabet tifinagh qui est pris en compte, nous pouvons affirmer, et sans vouloir vexer personne, que nous sommes plus de 90% de marocains à ne pas savoir lire et écrire en tifinagh à une époque où l'Institut du Monde Arabe, à Paris, organise une exposition sur… les écritures du Maroc!!! Les deux premières définitions suscitent, quant à elles, des interrogations d'ordre méthodologique: 1.1.Qu'est-ce qui caractérise le processus d'apprentissage chez l'adulte? 2.2.Qu'est-ce une langue maternelle, une langue seconde et une langue étrangère? 3.3.Qu'entend-on par partage des savoirsت? 4.4.La conscientisation implique-t-elle le recours à la langue maternelle? 5.5.Comment des alphabétiseurs qui ignorent pratiquement tout de la culture amazighe peuvent-ils partager des savoirs avec leurs apprenants? Afin d'apporter des réponses pratiques à cette série de questions, il convient d'œuvrer à l'élargissement des domaines de compétences des alphabétiseurs en: -leur offrant la possibilité de suivre des stages de formation dans les domaines suivants: géographie, sociologie rurale, écologie, didactique, linguistique contrastive, initiation à la pratique de tamazight; -les payant car c'est un travail extrêmement prenant; -etc. Il convient également de faire comprendre aux pouvoirs publics que l'alphabétisation est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des alphabétiseurs recrutés sur le tas! En somme, notre pays a besoin d'un projet global élaboré par des didacticiens et des praticiens opposés aux idéologies totalitaires et totalisatrices de la souffrance des peuples. Prochain article: mes déboires avec l'ordre alphabétique où il s'agira alors d'une fiction.
|
|