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L’odyssée amazighe face aux forces de l’anéantissement

Par: Aarab Fouad- Khénifra

 

La défense de l’amazighité est une question existentielle qui relève de l’Etre du peuple amazigh en tant que peuple différent ayant une langue singulière et une culture spécifique. Il s’agit d’un principe philosophique universel que les sciences sociales ont dû confirmer: il n’y a pas que l’identique (l’arabe, l’américain, etc.), il y a aussi le différent (l’amazigh, l’amérindien, etc.). L’uniformisation des valeurs et des esprits est l’apanage des forces impérialistes… avides de sang et de tuerie pour éterniser un seul modèle: le semblable. Le différent est alors mis sur la sellette puisqu’il a osé brouiller la ‘clarté’ et ‘la propreté’ de l’icône symbole de sacralité et d’unité divine. On pourrait dire que l’identité est théologique, religieuse et sacrée alors que la différence est laïque, séculière et temporelle. Il en résulte que l’attaque acharnée autant panarabiste que islamiste contre les civilisations différentes dont tamazight fait partie, s’inscrit dans une logique théologique unaire péremptoire et trouve sa vraie concrétisation dans le carnage hégélien du différent au sein d’une dialectique répressive qui concilie les éléments opposés dans une synthèse abolissant l’autre, le différent ou le simulacre en tant que copie infidèle et profanée.

Tamazight n’a jamais épargné ses énergies auto- protectrices contre la terreur des conquérants belliqueux perpétrant des génocides ethnocentriques contre la terre, l’Homme et la langue. Elle a fait semblant d’être anéantie une certaine période pour surgir dans sa grandeur et sa vivacité. La résurrection est son destin, elle est comme le phénix qui renaît toujours de ses cendres. Son authenticité réside dans cet habile remaniement de toute culture négationniste; elle n’a de cesse de s’emparer du credo dogmatique pour le transformer en chants célébrant la vie et esthétisant la mort. Le corps se rétablit de ses blessures infligées par les barbares et se dresse dignement dans une allure tolérante jamais vindicative. La terre affaissée par les troupes des envahisseurs rejoint son cycle de fécondité dans un retour éternel compromettant la prétendue histoire linéaire universelle. La femme réussit à convertir les souffrances d’un peuple en un langage poétique des plus révoltés: tapis, tentes, vêtements, contes et mythes d’où transfigurent les signes cryptés d’un langage libérateur éternisant la vérité pendant des millénaires. Et les tatouages ne témoignent-ils pas d’une volonté féminine d’impliquer son corps à assumer sa responsabilité historique de pérenniser son droit à la différence? Tatouage/trace indique doublement l’absence causée par les forces d’anéantissement et la présence garantie par la volonté de puissance et d’affirmation, par cette force vitale qui n’est autre que cet attachement extraordinaire à la différence qui ne laisse aucune place à la pulsion de mort signe de défaite et de victoire des forces centripètes destructrices.

Contre le déracinement d’une langue originale et l’abâtardissement d’une culture singulière, le mot amazigh en un élan chevaleresque décroche son titre de noblesse et se réconcilie avec la chose. Amourakouch, tiddukla, tittawin, etc., ont finalement droit de cité après une longue durée d’absence forcée. Une mémoire incontournable protégée par ce refuge maternel et rafraîchie par l’art du contage; école ésotérique amazighe par excellence. Une école d’ordre nocturne transmettant le langage du corps: la musique, la chanson et la danse. La grand-mère est au centre de l’agoramazigh. Elle récite ses contes dans une mise en scène poétique qui fait les enfants rêver et permet à leurs corps de se libérer. Ecole instruisant l’amour, la tolérance et l’héroïsme. Par opposition à l’école d’ordre diurne à vocation orientale qui dresse les corps, apprivoise les sens et paralyse l’imaginaire. Une école répressive qui imprime sur les corps des alphabets arabes; signes d’obéissance à un ‘Dieu’ arabisant disposant en même temps d’un paradis réservé pour les beaux parleurs arabes et d’une géhenne consacrée aux esprits sataniques, transgressant par leurs manière de parler et d’écrire la chasteté d’une ‘langue divine’ et perturbant par leur implication dans une vie à langage charnel la suprématie d’une âme qui tend par une acrobatie dialectique de se libérer du sensible illusoire et replonger dans l’eschatologique, indice de grâce divine. Une école castratrice qui sous-estime les valeurs amazighes, prives les petits enfants de leur droit de communiquer de bon gré et demande aux autres (étrangers) d’intégrer l’ordre du père arabisant symbole de virilité et d’érection et seul donateur de l’identité. 

 

 

 

 

 

 

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