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Entretien avec Ali Ikken réalisé par Lhoussain Zergui Ali Ikken est enseignant de philosophie à Imetghren (Errachidia) et une figure de proue du M.C.A au Maroc. Il est ex-détenu politique et il a obtenu le prix Mouloud Mammeri pour son roman intitulé "Asekkif n inzvaden" avec mention spéciale du jury. Nous l'avons rencontré à Imetghren. Nous l'avons interrogé sur la C.M.A au Maroc, sur la parti politique amazigh et sur le "Manifeste pour la reconnaissance de l'amazighité du Maroc". Il a répondu très volontiers à nos questions. Question: Mr Ali, comment évaluez-vous la situation actuelle du CMA au Maroc? Réponse: L'évaluation en tant que pratique théorique est presque inexistante chez les acteurs du MCA marocain, à l'exception de quelques écrits journalistiques, quelques exposés, genre chronologie et les fameux petits livres de Mr Adghirni Ahmed, riches en informations traitées, hélas! d'une manière descriptive. Et cette carence témoigne de la fragilité du M.C.A et de son enclin aux tâtonnements. La fin pathétique du C.N.C en est l'exemple. Souhaitons que le comité pour la défense de l'amazighité du Maroc ne connaîtra pas le même sort. En toute objectivité, je dirais que la situation actuelle du M.C.A est catastrophique; aucun objectif n'est atteint: ni enseignement de notre langue, ni télévision amazighe, rien, rien qui puisse dire qu'on ne marche pas à pas de tortue. Et ce genre de conduite ne mènera probablement pas à donner un "signe de vie" dans la prochaine constitution pour l'identité amazighe, même dans son préambule. Il faudrait être au niveau du M.C.B algérien pour oser relever ce défi: aucun sit-in, aucune grève de travail, de faim ou de parole pour manifester notre présence et aussi notre devenir. Où est le M.C.A, ça existe? Sous quelle forme? C'est la mouvement estudiantin? Les associations? Les confédérations? Les congrès? C'est des personnes? C'est le tout, me diriez-vous! Mais un tout effrité, sans contours ni centre, ni périphérie. Le M.C.A n'est pas encore mis en relief. Il l'est un peu à travers quelques manifestations, mais en tant que bloc pour créer l'évènement et savoir le gérer au profit de la cause le M.C.A n'en est pas encore là. Au niveau littérature, par exemple, la bibliothèque amazighe ne possède pas encore des traductions des œuvres universellement reconnues comme "La comédie divine", "Don Quichote", "Les mille et une nuit", "Vie et légende d'Agounchich"… Vous vous rendez compte que jamais une association amazighe n'a invité Driss Chrïbi pour présenter et parler de ses romans aux personnages amazighs?! Je crois que les choses se faisaient dans cette léthargie presque totale. Le C.M.A où les congrès, au lieu de porter haut les revendications des Imazighens, ils se sont précipités dans le gouffre tout en laissant derrière eux notre cause, que la France a prise en otage, va attendre! Question: Croyez-vous alors que le M.C.A doit repenser sa façon de travailler afin d'être plus puissant? Réponse: Au niveau des individus, je crois qu'il faut repenser nos façons d'être avant de commencer à travailler. Politiquement parlant, le M.C.A actuellement s'incarne en la personne du "comité pour la défense de l'amazighité du Maroc". Mais ce comité, peut-t-il réanimer la dynamique associative? Quel programme envisage-t-il réaliser? Va-t-il le soumettre aux signataires et sympathisants du "manifeste amazigh" pour en discuter le contenu? Et ses signataires, après tout, vont-ils demander des comptes ou simplement se porteraient indifférents vis-à-vis du devenir du M.C.A? C'est à ce comité, pour le moment, qu'il incombe de créer sa façon de travailler. L'essentiel est qu'un travail réel soit fait: une école privée, un musée, un conservatoire de musique amazighe, par exemple une revue, une maison d'édition… etc. Sans une certaine infrastructure d'accueil et d'émission le M.C.A continuera toujours à battre en retraite. Et en cette phase de repliement défensif, il est sensé aiguiser ses moyens d'offensive. -En instaurant un climat de confiance entre les militants du mouvement. -En propageant le dit manifeste à grande échelle tout en ouvrant des débats sur les thèmes et notions précises touchant de près et de loin l'amazighité du Maroc. -En organisant des visites de courtoisie et de travail aux associations. Cependant, tout dépend des choix stratégiques de chacun. Les moyens ne manquent pas, c'est le désir qui est en déphasage avec la volonté. Question: Désormais, quelques uns proposent la création d'un parti politique amazigh, qu'en pensez-vous? Réponse: C'est une idée qui a germé dans la tête d'un petit groupe de personnes aux débuts des années 90. Et actuellement un bon nombre de militants adhérents de Tamaynut et non adhérents sont pour la création d'un parti politique. Mais la plupart d'entre eux leur semble que les conditions ne sont pas réunies. Un parti politique, un vrai, ça doit être un accouchement avec ce qu'il comporte de labeur, de militantisme et de douleur aussi. Un parti politique, c'est une fièvre qui s'empare de vous et vous fait dicter tout un arsenal de mesures à prendre, de rapports à rédiger, de concepts à élucider, de moyens financiers et humains à mobiliser. Imazighen ne veulent pas d'un parti groupusculaire tels que "La voix démocratique", "Les indépendants", "Mouvement pour la démocratie"… etc. Et les personnes qui veulent se hasarder en précipitant les choses et créer ce parti qu'ils le fassent, tant mieux, mais sans nuire à la tache du "comité pour la défense de l'amazighité du Maroc".
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