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la note absente Par: H.Banhakeia (Université de Nador)
il y a des notes qui nous arrivent du ciel, que l’on croit bénites. d’autres surgissent de la terre, que l’on qualifie d’infernales. mais celles qui m’intriguent le plus sont ces notes qui n’ont pas d’espace propre, et qui se veulent quand même «correctes», «institutionnelles», «officielles», et j’en passe. - comment as-tu cette note, ma fille? m’étonné-je à la vue de la petite sautiller de joie. - j’ai… un huit sur dix, papa. - comment? sans livres? sans cours? sans contrôle? et des centaines de sans… ma fille se tait. innocente. inconsciente d’un vil acte sans mesure, pire que la première corruption de l’homme. contente de son huit sur dix. sa maîtresse est généreuse, pourrait-elle dire... le directeur l’est aussi. l’inspecteur, encore un peu plus. et le ministre les dépasse tous dans l’art de la générosité. - ma fille, tu sais. je viens de découvrir qu’il y a des notes présentes en chair et en os, et des notes absentes, répondant à l’absurdité de l’être. elles sont comme ces habits qu’on vous offre sans avoir un corps comme tout le monde. c’est bien, et c’est généreux. pitié? astuce? je n’en sais rien… mais, tout cela n’est rien par rapport à cette générosité «vidée». - générosité? vidée? me demande ma petite fille la voix orchestrée par un ton muet et dépité. - générosité, oui. ma voix, à moi, devient injustement courroux face à une fille déçue d’un père qui ne peut jamais l’être, sur le point de pleurer. qu’est-ce qu’on a offert généreusement? un huit. sans contrepartie? non, il y a un huit pour un silence… un paraître… un mensonge… une illusion comme celle de l’eau pour un moribond assoiffé. ne pleure pas! silence. cette fille qui va souffrir des notes de l’homme, du haut fonctionnaire, du ministre et encore plus loin, porte un autre prénom. elle n’est pas ma fille. elle est la petite innocente et naïve de tous les parents qui acceptent des notes «vidées» dans la matière «l’amazigh» sur un bulletin jonché de vraies notes pour toutes les autres matières. l’amazigh: l’exception sur sa propre terre. on n’ose la cultiver reellement. et nul père n’ose dire: pourquoi avoir une bonne note absente? cette petite, je vais l’appeler marghighda. je lui donne un prénom absent. elle n’a pas de place dans un espace qui lui appartient entièrement et exclusivement. elle a à peine six ans. cela est vrai: chétive, un regard malheureux… c’est elle qui, sans le savoir, souffre de la note absente! - qu’est-ce que la note absente? vont se demander quelques-uns, parmi vous justement, parmi ceux qui aiment parler trop sans décoller le fessier d’une chaise triste... - qui sait? je n’en sais rien. je vous le dirais si je le savais, et je suis sincère. j’ai beau chercher si cette note est arrivée par le ciel, par la terre, si elle était bénite ou infernale. je n’ai pas trouvé d’adjectif pour la qualifier, ni de nom approprié, ni d’espace digne à l’accepter... opprobre pour nos aïeux! c’est la seule formule qui me vient juste, hic et nunc…
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