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Fès n’est pas tout le Maroc L’affaire suspecte des «12 siècles» Par: Rachid Fettah
La publication de l’article «Fès est le Maroc, le reste des indigènes», sur les colonnes de certains journaux (Tawiza n° 135 de juillet 2008) et sites amazighs, a suscité moult réactions. Parmi ces réactions, nous avons retenu celle de M.Ahmed Benseddik. Etant celui qui était à l’origine du projet initial, mais qui a été écarté par des forces invisibles et d’une façon mystérieuse. Pour ouvrir le débat, autour de ce qui est convenu d’appeler «L’affaire des 12 siècles», voici un extrait de l’échange entre M.Benseddik et l’auteur de l’article précité. Dans ses éclaircissements, Mr.Benseddik déclare que son projet avait été piraté, aujourd’hui, il revendique son droit à la propriété intellectuelle du projet initial «des 12 siècles», il revendique aussi la reconnaissance et la réparation des multiples préjudices graves qu’il subit et que justice soit rendue et que chacun assume ses responsabilités. Dans ses explications, il souligne en gros caractères la mauvaise gestion des organisateurs qui ont dénaturé et dévalorisé le projet initial. Bref, en réagissant suite à la lecture de l’article, il explique: «Ces réactions sont légitimes, fondés et même nécessaire et ouvrent un vrai débat de fond dont nous avons besoin, car l’un des objectifs initiaux du projet était justement d’ouvrir de vrais débats, concernant les 1200 ans, je vous confirme encore que le projet réalisé n’a rien à voir avec le projet initial qui avait des objectifs d’unions et de solidarité entre toutes les composantes de notre pays. Comme il a été piraté et dévalorisé par des «opportunistes», et comme les compétences qui l’ont construit au départ ont été marginalisées, il risque de provoquer l’effet contraire de l’effet recherché au départ. Les documents de base signalent que la célébration de cet événement aura un effet de catalyseur des changements en cours. Elle rappellera que leur socle culturel est multiséculaire. Parmi les changements on avait cité: *-Mutations profondes politiques, économiques et sociétales. *-Consolidation de l’état de droit et de l’édifice institutionnel. Quand j’ai été reçu par Mr.Boukous pendant la phase d’initiative citoyenne (Fev 2007), j’ai insisté pour que dès le début le message d’union soit fort: Fès appartient à tous les marocains et la culture amazighe appartient à tous les marocains. J’avais par ailleurs proposé à des hauts responsables des noms de personnalités amazighs… Par ailleurs, la thématique globale, pour que le projet apporte une valeur ajoutée au présent et l’avenir, était: «Réhabiliter la mémoire pour construire la modernité et s’inscrire dans l’universalité». Elle a été proposé par le Pr.Driss Benali (association Alternatives) et a été validée et reprise textuellement dans le document du cabinet royal du 28 Sept 2007 et dans le communiqué de la MAP DU 15 Nov 2007. On ambitionnait redonner un peu de moral à un pays qui a accumulé trop d’échecs et de déceptions et aussi ouvrir des chantiers et des débats vastes mais nécessaires. Au bout du tunnel, une petite lumière qui s’appelle démocratie, citoyenneté, dignité, méritocratie, responsabilité, état de droit, pluralité et de sérieux. Le retour à l’histoire est juste une façon de dire que si nos ancêtres ont construit une civilisation et ont été à la pointe de leur époque successives, y compris avant Fès et bien avant les 12 siècles, nous aussi nous ne sommes pas condamné à la médiocrité! J’ai rêvé d’un projet immense pour mon pays et j’ai vu grand, très grand, j’ai rêvé de partager avec mes compatriotes ce rêve gigantesque (…). Pour finir, parlant des 12 siècles de Fès, Mr.A.Benseddik conclut par ce message fort : «le projet des 12 siècles est une opération qui a mobilisé un argent public immense pour produire quoi? La Frustration…» La réaction de l’auteur de «Fès est le Maroc, le reste des indigènes». Mass Ahmed Benseddik Azull, J’ai bien pris mon temps pour bien lire et comprendre vos réactions vis-à-vis de mon article intitulé «Fès est le Maroc, le reste des indigènes». C’est à propos de l’affaire ambiguë des «12 siècles de Fès». Je vous partage la même déception, vous avez pleinement raison de revendiquer vos droits du projet initial. Je ne peux être que de votre coté. J’ai déjà lu certaines de vos réactions, quelque part, sur le web. Il faut rendre à César ce qui est à César. Malheureusement, fragilisé sous le poids de l’hypocrisie politicienne des technocrates et des officiels, notre pays est condamné à reproduire des hordes de la même espèce que les opportunistes qui étaient à la tête du projet des 12 00 ans, ces nouveaux pirates qui ne cessaient de vider le pays de ses richesses matérielles et immatérielles. La façon, dont ont été célébrés les 12 siècles, se révèle un grand détournement des vérités historiques de toute une nation par une poignée d’arrivistes, et ça traduit visiblement le plus haut degré de la médiocrité, un projet flou incarné exclusivement par une élite dépourvue de toute crédibilité et en panne d’imagination. Ces célébrations constituent une insulte franche qui a souillé la mémoire millénaire de la totalité du peuple marocain. Plus encore, l’entreprise infondée des «12 siècles» de la fondation de Fès s’avère, nettement, une grande infliction à l’attachement socioculturel qui liait les fassis, même, à leur cité impériale. Mais au delà de Fès, c’est aussi et surtout une offense terrible à la fierté sincère que réservait tout marocain à ses héritages culturels, dont la ville de Fès, puisque tous ces bruits inutiles, produits à coups de fanfares et de tambours, autour des «12 siècles «, n’ont fait qu’aggraver un profond sentiment de fassiophobie collective. Les responsables de cette mascarades grotesque, par leur fassiocentrisme artificiel, excessif et trop affiché, ont maladroitement réussi à produire l’effet inverse, au lieu de faire dissoudre l’esprit et l’âme de Fès au sein de la mémoire plurielle de toute un peuple, ils les ont asphyxié par excès d’égofassiocentrisme au point que l’aura de cette cité-phare s’explose en mille et un débris. Fès ne mérite pas cette comédie malsaine et inhumaine. Mais Fès n’est pas uniquement une capitale spirituelle et haut lieu de l’histoire, elle est aussi et surtout l’atroce quotidienneté des petites gens, un macrocosme qui pullulait dans l’obscurité de l’oubli. Aux moments où les hommes d’affaires, qui ont chevauché cette opération creuse des «12 siècles», en présence de leurs honorables hôtes de luxes multipliaient dîners de galas et spectacles oniriques, en pleine orgies et en plein extase, dans les merveilleux palaces de la nouvelle ville, les vieux murs de la médina de Fès, qui abritaient toutes les misères humaines, possibles et impossibles, laissent entendre les clameurs les plus déchirantes, en guise de symphonie mélancolique et interminable, des lamentations en échos sourds et produits en chorale des sans abris, des sans voix et des laissés pour compte. Les «12 00 ans» de Fès offre à voir une belle image, mais truquée, d’un faux beau pays, une image montée en toutes pièces pour le regard naïf de l’autre, l’étranger, puisque le soi, le local et le natif, traité en indigène avait été réduit au néant. L’événement des «12 siècles» tel qu’il a été promu par la bande des parvenus et leurs méga agences de publicité, s’avère un flagrant crime organisé contre la mémoire de tout un pays, voire une destruction, pure et dure, d’une marocanité plurielle. Aux moments où, à travers le vaste programme» rencontres et colloques», tel qu’il a été conçu et adopté par les initiateurs, Fès s’érigeait en haut lieu de civilisation et de culture savante, de sciences et d’intelligentsia, les autres régions du Maroc donnaient à voir des spectacles relevant du folklore vil, dans son plus bas niveau de ses signifiances, des tableaux reflétant les résidus d’une culture taxée de populaire (3issawa, gnawa, haddawa, ahwach, ahidouss, al3itta, hmadcha, 3bidat arma, danse du ventre, danse d’el gadra….etc). Mass Ahmed Benseddik, Ces critiques légitimes ne sont pas uniquement d’un amazigh, mais ce sont aussi celles d’un marocain fière de son «appartenance identitaire multidimensionnel» pour reprendre l’expression pleine de sagesse du professeur Mohammed Chafik, et le chauvinisme c’est à laisser aux initiateurs malsains des «12 siècles» de la fondation de la vile de Fès, qui ont commis la bêtise monumentale dans la gestion des biens symboliques et les héritages culturels, communs à tous les marocains. Pour attirer l’attention de ces mêmes initiateurs, et les interpeller à se récupérer et à reconnaître leur crime parfait, commis à travers cette sombre affaire des»12 siècles». En guise de note de fin, je cite l’académicienne Rahma Bourqia, qui, dans un travail collectif, intitulé «les héritages culturels du Maghreb: histoire et mémoire», a pris le soin d’affirmer, selon des concepts claires et nets, que «la montée des particularismes, des spécificités locales et culturels, et des identités refoulées et occultées a remis en cause la hiérarchisation des patrimoines(…)», et pour mieux expliciter ses propos bien fondés, elle ajoute que: «le mouvement de revendication et de remise en cause a contribué à élargir l’espace et les éléments des héritages culturels et à faire subir à la notion de (Turath) une révolution de sens dans la mesure où les patrimoines dépréciés et dévalorisés viennent occuper une place dans le large éventail de champs patrimonial». Quoiqu’elle s’est laissée enrôler et se salir la conscience, dans cette affaire macabre, ses propos disent long, et je laisse le soin et l’audace aux fameux metteurs en scène de la mascarade fallacieuse des»12 siècles» d’en tirer les profondes et bonnes leçons. Les citations sont extraites de: -Travail collectif»»Héritages culturels au Maghreb: Histoire et mémoire»»in Prologues N°29/30 Printemps 2004, introduction; P.10 coordonné par Rahma Bourqia.
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