uïïun  168, 

kuçyur 2961

  (Avril  2011)

Amezwaru

 (Page d'accueil) 

Tamazight

iqqn ad immutty uwank zi tzrfanit tamazzaçart vur tzrfanit taclyant

Taghudant nni

Arrif

Français

Eloge de la tribu

Lettre ouverte au président français

Réflexions sur la traduction amazighe

Le radicalisme religieux

Problèmes du schwa en tarifit

Communiqué du CMA

Communiqué2 du CMA

العربية

الأمازيغية في الدستور المقبل

الأمازيغيون في بلاد العرب

أسطورة الأصل الأمازيغي

هل سيتعترف الدستور بالأمازيغية لغة رسمية؟

دسترة الأمازيغية في مهب الريح

السياسة والأمازيغية

ردا على عميد ليركام

الشاعر أفقير عمر

قرتء في كتاب: الحياة اليومية للنساء الريفيات

هل تفعلها دوزيم مرة أخرى؟

في سبيل الديموقراطية

رسالة إلى الأمين العام للأمم المتحدة

بيان جمعية ماسينيسا

بيان الحركة الأمازيغية بشمال المغرب

بيان الحركة الأمازيغية المشاركة في تزاهرة 20 فبراير

بيان المرصد الأمازيغي

بيان الجمعيات الأمازيغية

بيان تنسيقية تنمل

 

 

 

Eloge de la tribu

Par : Hassane Banhakeia (Université de Nador)

 

Marghighda s’approcha d’un vieil homme, le pas hésitant. Cet octogénaire paraissait avoir l’esprit emporté par les vents de la méditation. Il était, peut-être, fatigué par tant de chemins parcourus, assis sur le sol dur, mais les pieds mouillés par le Nil charriant des voix agitées.

L’homme à la barbe blanche regardait le ciel désert: nul oiseau, nul nuage ne peuplaient ce miroir des terres de misère.

- Bonjour, grand homme!

Et Marghighda s’assit aux côtés de l’Etranger, recroquevillée sur elle-même, les genoux au menton. Elle ajouta:

- Hérodote, je vous ai cherché partout. Assouan, enfin ! Vous voilà.

- Que cherchez-vous, petite bergère? C’est loin de chez vous. Vous fuyez?

Marghighda se tut un moment; elle vit alors que le regard d’Hérodote était mouillé face au Ciel muet.

- Dites-moi: que se passe-t-il en ces jours-ci? Soudain, mon peuple s’insurge…

- Souriez. Ce sont de bonnes choses, ma fille. L’humanité renaît.

- Mais, les hommes meurent…

- Ils ne meurent pas, ils ressuscitent volonté de vivre. Ils redonnent force à ceux qui vont venir et revenir mille fois rechercher la dignité. Liberté, non… Ce n’est pas la liberté qu’ils quêtent, mais juste la dignité. Rien que cette intense dignité d’être des hommes. (Il sourit, remua son regard du Ciel vers le Nil ocre.) J’ai bien écrit, ma fille: Les hommes passent comme les feuilles des arbres. Vous étiez des feuilles vidées avant même de tomber. Sans rien qui vous fait être propre, mais avec tout ce qui vous éloigne de vous. Vous, les Libyens. Vos racines allaient tout simplement se putréfier, ô Libyenne!

- Libyenne. Comment vous le savez?

Hérodote sourit. Il voulait lui dire que les nuages effacés éclairaient plus sa vision du monde que ces nuages encombrants, mais il retint son secret.

- Que veut dire ce mot, vous qui avez osé écrire sur notre continent? lui demanda Marghighda en tendant les mains de la barbe blanche. Votre Enquête ne m’a pas éclairée…

- Juste une enquête. (Puis, Hérodote riva son regard vers le Ciel qu’un corbeau venait de conquérir, brisant le vide avec un tumultueux battement d’ailes)1. Des histoires à relire par vous, les sombres personnages de l’histoire. Vous êtes comme ce corbeau, mais point majestueux. J’ai bien écrit que la Lybie est le pays des Imazighen, il «tire son nom d’une certaine Libyé, une femme du pays».2

- Nous descendons d’une femme alors? Comment est-elle cette femme? Humaine? Mi-déesse? Déesse? Ou bien est-elle tout simplement cet être qui survit dans l’Atlas gelé?

- Une tribu, une main unie… Elle est une tribu, pas comme les autres.

- Une tribu, hélas!

- Non, ma fille. La tribu est tout. Les hommes sont les feuilles d’une tribu. Et la tribu, un livre de l’histoire collective. Elle sauve le pays, la terre en cas d’oppression, d’invasion, de colonisation, elle protège l’individu en cas de désastre par la solidarité et l’entraide, et elle se fait sacrifice quand un des leurs abuse du pouvoir. Regardez, le pauvre tyran! La tribu lui rappelle qu’il n’est rien si la tribu veut qu’il ne soit…

- Que dit ce dit guide suprême de la tribu dans son Livre ? A-t-il vraiment respecté sa propre tribu?

- Ah! Je ne sais pas. Je ne suis pas des vôtres, ma fille. Je sais que votre tribu ne s’est fondée que sur l’entraide, croyant être un même corps, luttant pour la vie. La tribu n’est pas le sang commun, c’est la terre commune. C’est la même vision de l’Espace. La tribu se fait espace démultiplié en êtres égaux, en voix multiples, en peaux différentes. Pas de schrifes, pas de seigneurs. Juste un amghar, un illuminé. Votre tribu se fait insurrection face au pouvoir gourmand. Les fameux cheikh, mqadem et ajarray ne peuvent représenter la tribu… Ils sont les fruits périmés de l’Etat inique…

- Et l’Etat moderne?

- La tribu est là, sempiternelle, et l’Etat est éphémère… La tribu est plurielle, mais elle n’en est qu’une dans son espace millénaire. Défi aux Pharaons, aux Grecs, à cette même Assouan…

Et Marghighda de murmurer: Assouan, le centre de la terre! Notre Eratosthène était rêveur comme ce vieux. Ah, non! Qu’est-il des miens? Ils meurent…

Et Hérodote de continuer:

- La tribu, offrande des hommes nobles. Son système est immunitaire pour un corps propre, et ce clown des temps modernes ignorant les leçons millénaires: il ne devrait qu’être phagocyté. C’est la loi de la tribu. Il se fait tyran dans ses illusions, il appela la Libye «Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste», s’octroyant tant d’adjectifs vidés par le cours de la vie, et mettant les «libu» dans des rapports oxymoroniques.

- Libu?

- C’est votre tribu, ma petite! Ses gens vivaient dans des maisons de sel!

- Tisent! s’exclama Marghigha ahurie.

- Oui, du sel. Les maisons «sont faites de blocs de sel, car cette partie de la Libye ne reçoit déjà plus de pluie, les murs de sel ne resteraient pas debout, s’il y pleuvait.»3

- Hérodote, c’est du mépris vos histoires!

- Non, pas ça, ma fille. Le sel, c’est tout. Richesse, union des gens, goût d’une tribu. Ma maison, la grecque, est triste avec ses pierres froides. Son centre est cour bordée de colonnes qui ouvrent les pièces du foyer, et répartie tristement avec des espaces pour femmes et d’autres pour enfants et hommes, votre maison demeure salée et faisant même corps! C’est cette maison que combattent les vôtres, de leur naissance à leur départ sempiternel: cette maison salée…

- Notre maison s’explose, et ce sel…?

- Ce sel pour être est nécessaire: il est du sang.

- C’est du sang ! Des hommes tombent toujours, hier il y eut des centaines…

- Autant d’hommes vont tomber, autant de mots faux de leurs livres vont s’effacer for good. Le sel sera récupéré ma fille, vous en ferez des maisons et des tribus dignes. Tant de pans de l’histoire ont été métamorphosés par les lubies infinies de ce Don Quichotte sans rêve, s’imaginant tant de Dulcinée, une à l’est arabe, venue des terres des Mille et une Nuit, une autre au sud venue des terres ocres africaines, et une autre arrimant des côtes de nulle part.

- Et l’Occident peut-il nous sauver?

- … Ni l’Orient ne peuvent sauver votre pays… Et l’on ose parler des pauvres Touarègues comme des sauveurs de ce vieux clown. Votre tribu est à lui un continent, différent des autres qu’on vous colle... à la langue.

- Ah, si c’était rien que ça, maintenant nous sommes le Monde arabe.

- Le monde est fou, ma fille. Et vous vous nommez ? J’ai oublié de vous le demander…

- Marghighda, ô mon sauveur contre l’oubli !

Notes:

1 Edgar Allan Poe, « The raven », traduit par Charles Baudelaire

2 L’Enquête, IV, (45), p.378

3 L’Enquête, IV, (185), p. 443

 

 

 

 

 

Copyright 2002 Tawiza. All rights reserved.

Free Web Hosting