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  2006

(Janvier  2006)

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LE COMPLEXE D’AUGUSTIN DANS LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN(1/5)

Par: Hassan Banhakeia (université d’Oujda)

 «Oserait-on avoir l’imprudence de me reprendre, parce que je reprends moi-même mes erreurs? Si l’on me dit que je n’aurais pas dû écrire ce qui était de nature à me déplaire plus tard, on aura raison, et je suis de cet avis; ce qu’on reproche justement à mes œuvres, je le leur reproche moi-même. Et je n’aurais rien à corriger si j’avais dit ce qu’il fallait dire.»            («Les Rétractions», préface)

Dans cette étude, nous ne prétendons point analyser l’œuvre de saint Augustin (354-430), le fondateur de la philosophie chrétienne officielle, dans ses manifestations dogmatiques. Nous tenterons plutôt d’y étudier l’«autoréférentiel» et l’autobiographique, précisément de discuter les moments où il y a écriture d’un soi primaire. Il est dit tantôt Chrétien, tantôt Africain romanisé, mais rarement ce qu’il est en réalité. Nous allons nous arrêter aux moments précis quand l’auteur «s’autodésigne», et essayerons de réfléchir comment il «pense» son être collectif. Y a-t-il ainsi un passage où Augustin se définit nettement comme «amazigh né d’imazighen»? Certes, il s’agit d’un exercice difficile car la parole sur sa vie privée, surtout chez ce philosophe, se réduit, d’une part à mettre en relief l’importance de la foi, et de l’autre à critiquer sa «première» vie de numide païen. C’est pourquoi notre travail serait une sorte d’approximation à un écrivain difficile de saisir, contemporain de l’époque où la christianisation de l’Afrique du nord était à son apogée.

Il y sera aussi question d’une étude, à la fois ambitieuse et contradictoire, qui ose rechercher dans les Confessions (Gallimard, Folio), ses Lettres (cf. «Lettres de saint Augustin», in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin) et quelques autres textes théologiques, les premiers traits «identitaires», tout au long de ses premières trente-deux années d’intellectuel «nomade» avant de se «sédentariser» définitivement dans le catholicisme. Nul doute que l’amazighité, bien qu’elle passe sous silence dans l’œuvre, joue un rôle important dans le développement de la pensée augustinienne, et en conséquence du monde chrétien occidental. Nous entendons, avant tout, révéler la complexité et la confusion pour le chercheur à l’instant de traiter une telle problématique implicite, surtout qu’il serait question d’un moi collectif dans la mesure où Augustin va apporter des jugements de valeur sur soi, sur les siens et sur les penseurs nord-africains. Ce passé numide mis en premier contact avec l’univers chrétien en Afrique, tout comme ultérieurement avec le monde musulman, peut nous révéler l’état de dispersion identitaire dans lequel vivent les Imazighen partagés entre l’indépendance et la dépendance à d’autres espaces et systèmes d’être.(1) 

 Par ailleurs, dans ses écrits, notre philosophe hésite trop à s’identifier en tant qu’autochtone à part entière de l’Afrique: le «Je» pensant se trouve alors distant physiquement et spirituellement du «Je» vivant. Seulement, une question s’impose d’emblée: Peut-on alors prétendre écrire son autobiographie si on renie «intellectuellement» ses racines, sa culture et sa langue? Et sa civilisation? En fait, étudier Augustin peut nous servir pour expliquer relativement le statu quo de dispersion «identitaire» dans lequel se trouve toujours l’Afrique du nord: elle est tantôt orientale, tantôt occidentale, mais elle n’est jamais située dans l’ici  même.

Nous allons, enfin, tout en laissant parler Augustin, approcher davantage le côté implicite de son discours: il nous serait plus important pour reconstruire la pensée «amazighe» de l’époque  à travers ses complexes propos. A cet effet, nous lui céderons longuement la parole, souvent par souci d’objectivité et d’éclairage d’un penseur tout à fait à part. Bref, cette étude va tourner essentiellement autour de la question de «l’amazighité d’Augustin» qui est, en fait, son côté «étranger à soi-même», autrement dit comme un soubassement des espaces de son complexe d’être ce qu’il est, de ce que nous appelons «complexe d’Augustin».

I.- ETRE AMAZIGH, QUEL FARDEAU!

Tout d’abord, il est de signaler que non seulement les critiques n’ont pas étudié cette œuvre comme le fruit d’un penseur amazigh prolifique - qui a composé plusieurs essais en plus de cent treize traités et de cinq cents sermons-, mais ils ont toujours passé sous silence cette part de l’être «amazigh» et cette appartenance à un tel héritage. Certes, Augustin apparaît plus occupé par la découverte et la connaissance de l’âme que par la narration et l’analyse de sa vie. En plus de le cacher et de l’altérer, le philosophe va mettre en dérision l’élément ethnique de son appartenance. Etre ce qu’on est représente un grand fardeau pour soi: dans ses écrits il essayera de n’en parler que rarement, et de manière à se discréditer et à critiquer sa «première nature» de citoyen africain.

Néanmoins, Confessions (397-401) est unanimement connue comme une œuvre autobiographique, en plus elle est à lire comme une des plus complètes et premières autobiographies. Si «confessio» veut dire louange à Dieu accompagnée d’aveu sans intermédiaire des péchés et de l’expression d’une foi inaltérable en Dieu, il est intéressant d’analyser les aveux des péchés (par aliénation) de son appartenance culturelle. Il voit sa vie divisée entre deux époques distinctes: sa «jahiliya» propre en tant qu’amazigh errant, nomade et perdu, et son «salut éternel» quand il embrasse la religion des Romains. Tout ce qu’il vit, exprime ou célèbre lors de sa jeunesse lui inspire de l’horreur: ce sont des actes de «péchés», et tout ce qui vient après son expiation (conversion), c’est du rachat. Ses écrits ne sont alors rien que du rachat d’un être naguère pécheur. De par le ton et le style, la honte de soi est grande au moment de confesser, de composer ses textes religieux.

Rappelons aussi qu’Augustin est vu comme le fondateur de l’autobiographie spirituelle. Il est préoccupé par: «le fardeau du siècle m’accablait agréablement» (Confessions, livre VIII, V, p.270) De quel fardeau s’agit-il au fait? C’est bien le IVe siècle et le Ve de l’ère chrétienne. Est-ce le souci de voir la Numidie couler sous l’emprise des Romains? Ou bien le souci de voir l’Eglise menacée par les schismes donatistes (africains) et ensuite par les invasions barbares (vandales)? Ou tout simplement le statu quo de l’Afrique du nord tiraillée entre invasions et guerres d’un côté, et de l’autre un peuple démuni, sans reconnaissance de soi et vivant sous la dépendance des autres?

1.- D’ORIGINE SANS DOUTE AMAZIGHE

Selon les critiques et les historiens, Augustin vit à une époque délicate dans l’histoire de l’Afrique du nord. La décadence de Rome est irréversiblement entamée. Le centre du monde, Rome, ne peut contenir l’invasion de la périphérie. Une jeune génération, issue de différentes zones de l’Empire, va enrichir la scène intellectuelle de Rome: «habia llegado a tal extremo que solo de la perferie, o sea de Africa, podian surgir figuras portentosas como San Agustin, Tertuliano, Lactancio y San Cipriano, que habian de inyectar sangre nueva a un mundo que se diluia ante el empuje incontenible de otros pueblos jovenes.»(2) La périphérie numide frappe fort: son poids est considérable. Qui de nos jours s’intéresse à ces Africains «illuminés» qui ébranlent les institutions romaines de l’époque? Ils sont le propre; est-ce là une raison suffisante pour en avoir honte?

Les biographes sont unanimes: Augustin est d’origine amazighe, de père romanisé et de mère numide. Son nom complet est Aurélius Augustinus. Le prénom «Aurelius» dérive de «aurus» qui veut dire «or», et en tamazight on dit aussi «uregh». Augustin est né et éduqué à Thagaste (aujourd’hui Souq Ahras, Algérie) le 13 novembre 354 dans «une famille sans doute de race berbère»(3). Il avait d’autres frères: «como Navigirio, y una hermana, Perpétua, que llego a ser la superiora de un convento de agustinas.» (4) Cette famille numide se convertit tard au catholicisme, comme cela est explicité par les Confessions.

Augustin va découvrir la culture romaine à l’école, il fréquente l’école de litterator de Thagaste (I,  p.9), et l’école secondaire de Madaure (actuellement Mdaourouch, à 30 km de Thagaste) (I, p.13) où la statue du grand Apulée surplombe le forum. L’on dit aussi qu’il ne connaîtra d’autre langue que le latin! L’acculturation avait-elle alors déjà commencé à sonner en Algérie? Comment peut-il alors à sa conversion parler aux couches sociales pour propager la foi?

Il a une enfance gaie, il apparaît dans les Confessions désinvolte et mondain. Il a ainsi «tout fait»; ses aventures sont nombreuses (vues par la suite comme des péchés). Il nous raconte un incident «amer» qu’il regrette tant: «Il y avait un poirier près de la vigne de mon père, dont les poires n’étaient ni fort belles à la vue, ni fort délicieuses au goût. Nous nous en allâmes, une troupe de méchants enfants après avoir joué ensemble jusqu’à minuit, comme ce désordre n’est que trop commun: nous nous en allâmes, dis-je, secouer cet arbre pour emporter tout ce qu’il y avait de fruit. Et nous nous en revînmes tout chargés de poires, non pour les manger, mais seulement pour les prendre, quand on les eût dû jeter aux pourceaux (quoique nous en mangeâmes quelque peu) nous contentant du plaisir que nous  trouvions à faire ce qui nous était défendu.» (II, IV, p.74). A minuit, les enfants pillent le verger pas pour en manger les poires, mais pour le plaisir de piller. Il s’agit au fait d’une habitude commune, propre aux numides…

 

2.- DE PÈRE PAÏEN ET DE MÈRE CONVERTIE

Son père, portant le prénom romain de Patricius, d’après les Confessions demeure païen. Il est pour quelques historiens un fonctionnaire romain de l’Empire, et occupe de plus hautes charges les institutions, et pour d’autres biographes, il est également un propriétaire foncier – un décurion. Augustin, encore adolescent, perd son père en 370. Il entretient avec lui un rapport particulier: «mon père se baignant un jour avec moi, et s’apercevant que je devenais tout homme, comme s’il eût espéré de me voir marié bientôt et de se voir des petits-enfants, il le vint dire à ma mère avec grande joie. Joie funeste et malheureuse, dans laquelle les enfants du monde s’attachant aux choses basses par le dérèglement de leur volonté corrompue» (II, III, p.70). Enchanté de voir enfin son fils devenir un «homme», Patricius le voit déjà marié. De tels sentiments de joie ne sont que de la corruption aux yeux du «confesseur», pour ne pas dire l’auteur ni le narrateur. Le père, naturellement, découvre que son fils a les «capacités pour procréer». Une telle position est dictée (voire expliquée) par la vision religieuse: «il n’était encore que Catéchumène, et depuis fort peu de temps.» (II, III, p.71). Le père n’est pas encore baptisé, c’est-à-dire confirmé dans sa foi chrétienne quand il adopte de telles positions «matérialistes», mais qui sont le résultat de traditions millénaires. Par contre, la mère est de foi chrétienne, elle est la future sainte Monique. C’est pourquoi, devant un tel changement physiologique de son fils elle aura «une crainte vraiment chrétienne» (II, III, p.71). La mère pressent un risque, c’est un fait prémonitoire: Augustin va sombrer dans la débauche!

3.- JEUNE STUDIEUX

A dix-sept ans, Augustin part à Carthage comme étudiant, doté d’une bonne formation en rhétorique. Il aime les cours: «Je tenais déjà le premier rang dans les écoles de Rhétorique» (III, III, p.93).  Il fait figure de bon étudiant. Il dira de ses études: «Ces études que l’on nomme les occupation des honnêtes gens me conduisaient d’elles-mêmes au Barreau, vers lequel je commençais déjà à jeter les yeux dans l’ambition d’y exceller» (III, III, p.93).  Il suit l’exemple d’Apulée et de Lactance qui excellent dans la rhétorique et l’éloquence.

Augustin est également attiré par la philosophie à travers la lecture de «Hortensius» de Cicéron. (III, IV) Il en profite pour fortifier son éloquence persuasive. Il lit aussi Sénèque dont il apprend l’art de philosopher. Il aime lire, notamment pour s’initier à la langue latine: «Mon esprit recevait déjà toutes les semences qui devaient produire un jour ces fruits malheureux; craignant beaucoup plus de faire une faute contre la Grammaire, que je n’avais soin après l’avoir faite de ne concevoir point de jalousie contre ceux qui n’en faisaient pas.» (I, XIX, p.61) Fruits malheureux sont-ils alors pour le confesseur l’art de parler, celui d’argumenter et celui de bien écrire?

4.- LIBERTIN ET MANICHÉISTE

Durant cette vie d’intellectuel libertin, à Carthage, Augustin va tomber amoureux d’une femme numide. Il aura un fils avec cette païenne amazighe. La liberté va être sa monnaie courante: il vivra des expériences «matérielles» où la morale et les valeurs n’ont pas de poids. Le confesseur dit peu sur cette étape de sa vie: par pudeur «chrétienne»?

En réfléchissant à l’idée du Mal, Augustin embrasse la doctrine persane qui lui apporte des réponses instantanées. Le Mal n’est pas l’œuvre de Dieu, il n’est pas non plus l’œuvre de l’homme. Il est plutôt le «Principe qui livre la guerre à Dieu». Certes, le Bien va à la fin vaincre le Mal.

Augustin embrasse le manichéisme pendant plus de neuf années: «durant lesquelles je suis demeuré dans cet abîme de fange et de boue et dans les ténèbres de l’erreur, tâchant souvent de me relever et retombant toujours encore plus bas.» (III, XI, p.112) En tant que disciple de Mani (216-277), il voit le monde facilement explicable par la dialectique continue entre le bien et le mal, entre Dieu et la matière, entre la lumière et l’obscurité. L’univers est partagé entre ces deux forces. Il dira des manichéens: «une secte d’hommes superbes et insensés, qui étaient très charnels et très grands parleurs (…) leur langue en proférait seulement le son, sans que leur cœur fût rempli des vérités qu’ils signifient.» (III, VI, pp.96-97) Ainsi, il va rencontrer l’évêque manichéen Fauste qui va vite le décevoir, et il ressent les premiers doutes conquérir ses convictions (V, chapitres I-VII). Le manichéisme dépérit plus vite en Afrique du nord en raison de l’importance du christianisme naissant.

En général, il appert de signaler que la nature même des Confessions est manichéiste. Ce texte, fortement épistolaire, s’adresse à un «Je» éternel et omniprésent qui se présente sous d’autres pronoms (comme le «Vous») qui va vaincre le «je» hésitant et imbu du Mal. Si les sept livres sacrés de Mani découvrent le visible et l’invisible, les Confessions tendent également à opérer la même découverte, mais en lui intégrant un système de jugements qui puissent libérer la vision du confesseur de toutes les ténèbres.

5.- NÉO-PLATONICIEN ET RHÉTEUR

Ce jeune numide, qui souffre du sentiment d’infériorité, qui se cache derrière les principes religieux, et derrière une langue étrangère, va étudier à fond les rapports complexes entre la théologie et la philosophie grecque à travers les concepts suivants: la liberté, la trinité, la prière, les rapports entre foi et raison, les Ecritures, l’histoire, la destinée de l’humanité, l’absolu… c’est-à-dire toutes les questions qui puissent l’emmener vers le Christianisme.

Au début, Augustin s’intéresse au néoplatonisme, notamment aux textes du philosophe néoplatonicien Plotin (205-270) et de son disciple Porphyre (234-307). Ils lui apprennent les joies de la contemplation. Notre philosophe va exploiter leurs thèses pour apprendre à aimer Dieu, à trouver le bonheur dans son service. Voilà ce à quoi se réduit le platonisme pour Augustin: la foi se présente aux niveaux de la physique, de la logique et de l’éthique.

Simultanément, en tant que professeur de rhétorique à Thagaste entre 374  et 376, et à Carthage entre 376-383 (IV, VII), il part à Rome pour y enseigner (V, VIII) en 383, et en 384 il est nommé professeur de rhétorique à Milan (V, XIII). Rappelons à l’occasion deux faits intéressants: d’une part l’exercice de la rhétorique et de l’éloquence va l’aider à fonder sa «foi»; une telle médiation, à son tour, le verse inexorablement dans la foi! D’autre part, il s’initie à la rhétorique du latin, mais à un degré moindre à celle du grec.

Christianisme, rhétorique et néoplatonisme vont être le creuset de sa pensée à venir. Il s’exerce à faire des commentaires sur le texte sacré: «Augustine had already piled up a vast commentary on Genesis, the “De Genesi ad litteram”, and had ransacked the Scriptures in the opening books of his De Trinitate. He could write from his own experience: ‘For such is the depth of the Christian Scriptures that, even if I were attempting to study them and nothing else, from boyhood to decrepit old age, with the utmost leisure, the most unwearied zeal, and with talents greater than I possess, I would still be making progress in discovering their treasures…»(5). De la trinité est écrit entre 399 et 422. Sa rhétorique ne fut jamais abandonnée, Augustin la fait employer dans les analyses théologiques. Il va démontrer que l’allégorie est nécessaire au commencement. De même, la méthode allégorique peut tout expliquer, le physique et le métaphysique.

En fait, Augustin incarne le même parcours que Lactance (Cirta 260 - 325) qui, rhéteur latin au début, va se convertir tard au christianisme vers 300.

6.- CONVERTI À 32 ANS!

Symmaque, païen cultivé et libéral d’origine romaine, va envoyer le jeune africain à Milan pour y donner des classes de rhétorique. Il va être reçu par l’évêque Ambroise. De cette rencontre va évidemment naître la foi catholique d’Augustin (livre VIII) et son acceptation de la présence romaine.

Cette conversion se réalise également grâce à la lecture des «Epîtres» de saint Paul qui narrent un récit de conversion. Augustin se sent, à son tour, troublé, il va sous un figuier pleurer. A ce moment, par miracle, il entend la voix d’un enfant qui provient de la maison voisine qui lui crie: »Prends, lis» (Tolle, lege) Il ouvre par hasard le livre et lit un passage des «Epîtres» qui retrace une situation similaire à la sienne: quelqu’un qui recherche désespérément la foi. Pour lui, c’est un signe divin: la voix de l’enfant est, sans doute, celle d’un ange!

En outre, il y aura les enseignements «directs» de l’évêque de Milan, le même saint Ambroise, qui vont le guider vers la foi. D’ailleurs, l’évêque a une grande réputation d’homme dur: il est redouté par les hérétiques, et c’est sous son influence que l’empereur Gratien proscrit l’hérésie arienne et il va porter d’autres défis à l’empereur Théodose, et Augustin ne va faire que suivre son exemple, et parfois même essayer de le surpasser dans son intégrisme «religieux». Une question s’avère utile de poser: Que fait-il alors Augustin de l’héritage du numide saint Cyprien (200-258), évêque de Carthage et martyr, et unificateur de l’Eglise dans son livre «De l’unité de l’Eglise»? Pourquoi ne reconnaît-il pas en lui l’inspirateur unique?

Mais, c’est bien en 385 au moment où sa mère le rejoint à Milan que sa foi se déclare: «Ma mère, dont la piété généreuse ne trouvait rien de difficile, m’ayant suivi par mer et par terre était arrivée à Milan.» (VI, I, p.181). Une telle foi, immiscée plus à l’amour maternel qu’à celui de Marie, est délicate à analyser.

En se décidant à fuir le propre (le tribal et le local) et à se consacrer au service divin, Augustin cesse de professer l’enseignement de la rhétorique qui lui donne non seulement des crises de conscience, mais surtout une «douleur de poitrine» (IX, V, p. 306). Cette souffrance psychosomatique peut, d’une manière ou d’une autre, expliquer la conversion du jeune amazigh. Il se décide ainsi à informer ses étudiants de chercher «un autre Professeur en Rhétorique qui leur vendît des paroles» (IX, V, p. 306). Cette position «rigoureuse» sera le prélude d’autres positions dures qu’il va prendre en faveur de sa nouvelle foi: il abandonne ses biens en faveur des pauvres. Loin du monde matériel, il quête la vérité. Vérité et rhétorique ne peuvent cohabiter dans un même discours; il va écrire à un polythéiste: «je me retiens de peur d'avoir l'air de donner plus à la rhétorique qu'à la vérité («Lettre XVII», Augustin à Maxime de Madaure, année 390, Lettres de saint Augustin in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin) La cause de Jésus le hante dorénavant.

Toutefois, une chose nous intrigue chez le jeune nord-africain: comment l’abandon de la rhétorique signifie-t-elle l’appropriation d’une foi? Comment les moyens d’expressions peuvent-ils nuire à l’Idée de Dieu? Nous lisons: «Enfin le jour arriva auquel je quittai entièrement et par effet la profession d’enseigner la Rhétorique, comme je l’avais déjà quittée en esprit, et que vous dégageâtes ma langue comme vous aviez déjà dégagé mon cœur.» (IX,  IV, p.300). Augustin exècre  l’éloquence, l’art de toucher et de persuader par le discours. Est-il cela vrai? Dans ses lettres, ses sermons et ses écrits, il en usera pour gagner la cause face à des mécréants et à des hérétiques. La maîtrise de la parole ne fait pas perdre à l’homme la juste voie. Par ailleurs, Mouloud Mammeri dira de la valeur de l’éloquence au sein des tribus amazighes: «Dans les assemblées, la parole est maîtresse. Le proverbe dit: «Qui a l’éloquence a tout le monde à lui.» Le maître de dire (bab n wawal) est souvent aussi le maître du pouvoir et de la décision (bab n rray). (…) On aime donner à un beau geste la consécration d’un beau dit, et à vrai dire c’est usage courant et presque obligé.» 6). Au fait, que fait-il de la rhétorique de la Bible?

Prenons cet exemple précis où l’énumération et la répétition embellissent son propos d’éloge de la chrétienté: «je trouvai que dans ces livres la gloire de votre incorruptible majesté vous était ravie pour la donner à des idoles et à des statues formées sur l’image et la ressemblance de l’homme, qui est corruptible, des oiseaux, des bêtes, et des serpents. J’y trouvai cette viande d’Egypte, laquelle fit perdre autrefois le droit d’aînesse à Esaü, c’est-à-dire, au peuple juif le premier né d’entre tous les peuples, qui ne respirant que son retour en Egypte, adorait une bête au lieu de vous adorer, et abaissait son âme qui était formée à votre image devant l’image d’un veau qui mange de l’herbe.» (VII, IX, p. 237). Ce passage est bien construit pour mettre en relief la majesté divine, et Augustin de multiplier et de renforcer les figures de style dans ses écrits «de foi».

Vu l’influence maternelle, Augustin va finalement s’écarter de la «voie» païenne. Avec sa conversion, et notamment son baptême, un second Augustin va connaître le jour. Tout ce qui en est antérieur est à haïr, à rejeter et à rectifier. L’amazighité, son identité et les siens inclus.

II.- UN AMAZIGH D’OBEDIENCE CHRÉTIENNE (386-430)

Comme cela est fort connu, l’Afrique va être le carrefour des religions monothéistes (ou célestes), depuis le judaïsme jusqu’à l’Islam. Avec l’arrivée du christianisme «officiel», la structure tribale des Imazighen se trouve violemment ébranlée. Païens et juifs sont à baptiser et à «placer» dans la nouvelle religion. En fait, c’est depuis l’empereur Constantin que »le catholicisme est devenu la religion officielle de l’Empire. Or, l’Empire, c’est, pour le Numide non assimilé, la servitude.»(7). Rappelons que le précepteur du fils de cet empereur romain, Crespus, est bien un nord-africain converti au christianisme, Lactance.

Converti, Augustin sera non seulement un polémiste infatigable et un grand censeur, mais aussi un penseur qui revoit sa vie antérieure à la «crise du jardin de Milan». Cet esprit, dira-t-il, est un don de Dieu: «Vous vous servîtes, mon Dieu, d’une rencontre merveilleuse pour vaincre cette opiniâtreté avec laquelle je combattais les raisons du sage vieillard Vindicien et de Nébride?» (VII, VI, p.228). Qui est ce Vindicien? Augustin dira qu’il est de Carthage, c’est «un homme de grand esprit, très savant et très célèbre en la Médecine» (IV, III, p.119). Dans les Confessions, les mécréants et les hérétiques se convertissent par un coup de «baguette magique» au contact de la personne d’Augustin, guidée par la foi divine. Il va, afin de découvrir les autres, écrire lettres et sermons pour les siens. Ses écrits sont composés le plus simple langage afin de s’adresser à ses confères qui sont peu initiés à la langue latine, eux qui ne connaissent que les langues du peuple numide: tamazight, latin vulgaire et punique… Et La Catéchèse pour débutants (404) et Commentaire littéral de la Genèse (401-414) en sont une bonne illustration.

Dans l’introduction de «De quatre-vingt-trois questions diverses», il nous dira sur sa manière d’écrire les textes: «Il y a parmi nos oeuvres un écrit très étendu qui cependant n’est compté que comme un seul livre et qui est intitulé: De quatre-vingt-trois questions diverses. Ces matières avaient été disséminées sur un grand nombre de petits feuillets. Car, dans les premiers temps de ma conversion, après mon arrivée en Afrique, comme mes frères m’interrogeaient sur divers points quand ils me voyaient quelques loisirs, je dictais des réponses sans observer aucun ordre. Devenu évêque, je fis recueillir ces réponses, je les réunis en un volume et j’y mis des numéros pour la commodité du lecteur.» («De quatre-vingt-trois questions diverses» in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin). Sont-ce bien des questions posées par des nord-africains païens ou christianisés (et romanisés)? Ce sont là les réels soucis et les véritables préoccupations métaphysiques des Imazighen.

A la suite de cette conversion, Augustin va ainsi déclarer le combat intellectuel à ses anciens coreligionnaires (manichéens, donatistes et néoplatoniciens). Il tient une position hostile au «catholicisme» nord africain. Il défend les coutumes «romaines». Dans le chapitre XI du «Contre Hilaire», il écrit: «Hilaire, ancien tribun, catholique laïc, irrité je ne sais pourquoi contre les ministres de Dieu, comme il arrive souvent, se déchaînait hautement partout où il le pouvait, contre la coutume qui commençait à s’établir à Carthage de réciter à l’autel, soit avant l’oblation, soit pendant la distribution des offrandes au peuple, des hymnes tirées des psaumes; il prétendait que cette coutume était illicite.» («Contre Hilaire», chapitre XI in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin) Pour nous, il va suivre dans ses polémiques qui commencent avec des «contre» envers la tradition numide déjà entamée par l’écrivain Tertullien dans: «Contre les nations» (197) et «Contre Marcion» (210). Il saura, encore, demander de l’aide aux gens de Rome pour répandre les paroles de Jésus dans une Afrique se recherchant dans le donatisme. Dans la «lettre XXXI» de l’an 396, Augustin écrit à deux évêques romains (Paulin et Thérasie): «je vous demande et demande encore de daigner venir en Afrique, qui souffre plus de la soif d'hommes tels que vous que de la sécheresse.

Dieu sait que, si nous souhaitons vous voir apparaître dans ces contrées, ce n'est pas seulement pour nous ni pour ceux qui ont appris de nous ou de la renommée la grandeur de vos résolutions chrétiennes; mais c'est pour les autres qui n'en ont pas entendu parler ou bien ne croient pas ce qu'on leur en a dit, et qui cependant s'attacheraient avec foi et amour aux saintes merveilles dont ils ne pourraient plus douter.» (Lettres, in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin) Le ton de la lettre montre que la christianisation de l’Afrique bat en retraite, et Augustin de penser à la présence des romains pour parer une telle «indépendance» (ou décentralisation du catholicisme).

1.- CONTRE LES PAÏENS

Menacée par les hérétiques, l’Eglise romaine en Afrique se méfie beaucoup des païens. Grands combattants du paganisme, les empereurs Flavius Gratien (au règne entre 375 et 383) et Flavius Théodose (au règne entre 379 et 395) imposent la religion catholique à tout l’Empire romain. Le culte polythéisme est lourdement sanctionné, par la mort… Une telle posture sera généralisée: elle va distinguer entre Africains catholiques et les autres. Les Eglises, les «hospitia» et les «xenodochia» abritent uniquement les Imazighen  christianisés, et aux païens en plus de la persécution leur sont réservées l’errance et la misère – explication juste de la naissance du donatisme.

A l’instar des chrétiens de la fin de l’empire romain, Augustin serait, à notre point de vue, contre les thèses de l’écrivain numide chrétien Tertullien (155-225) qui se veulent une synthèse  entre le christianisme et la culture païenne. Le paganisme, à cette époque, était très répandu en dehors des murailles des villes «étrangères». Le philosophe de Thagaste refuse catégoriquement l’héritage païen. Peut-être serait-il fermement antagoniste à l’univers païen (représentant l’héritage paternel) sous l’influence maternelle? Autrement dit, y est-il question d’une manifestation du complexe d’Œdipe? Son père était un «paganus convaincu», et toute manifestation du paganisme lui rappelle un tel rapport conflictuel. Par contre, il voit dans le christianisme, la foi de sa mère Sainte Monique, l’unique salut, et il va en effet tenir une position hostile à tout ce qui dénote la négation de la chrétienté.

Contre le paganisme, à l’instar de Lactance qui compose Institutions divines, Augustin va composer la Cité de Dieu, dans l’esprit d’institutionnaliser la foi, de la fixer et de la protéger contre toute atteinte du paganisme «malléable». Voilà la définition longuement réfléchie qu’il va nous livrer à propos des païens: «les adorateurs de la multitude des faux dieux que nous nommons en langage ordinaire les Païens» («La Cité de Dieu, livre 22, chapitre XLIII, in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin) Le polythéisme amazigh admet l’existence de plusieurs forces de création, souvent par éclectisme. Les Imazighen, tout en croyant à leurs propres dieux, emprunte à d’autres systèmes et croyances (tout en pensant qu’ils sont conciliables) pour mieux se protéger dans ce carrefour de continents et d’invasions. Dans sa dernière «lettre CCXXXI» adressée à Darius, écrite en 429, Augustin écrit contre le paganisme et rêve de finir avec le polythéisme.

Et la conversion d’Augustin se mesure, de ce fait, par sa lutte propre contre les païens qui adorent librement une infinité de dieux… Les païens doivent s’unir dans la confession d’un seul Dieu, sera le mot d’ordre qui va régner des siècles et des siècles en Afrique du nord. Par ailleurs, nous lisons dans «Exposition de six questions contre les païens»:» on m’envoya de Carthage six questions que me proposait un ami que je désirais voir devenir chrétien; il me demandait de les résoudre contre les païens» Exposition de six questions contre les païens» in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin) A ces confrères païens et à ceux qui viennent d’être christianisés, le philosophe dogmatique va offrir la culpabilité originaire et le pessimisme d’être qu’ignorait le christianisme de l’époque.

Le paganisme peut être aussi perçue comme une damnation divine. Dans la seconde question, Augustin affirme: «Le salut donné par cette religion, la seule vraie,  et la seule qui promette véritablement le véritable salut, n’a jamais manqué à personne, qui en fût digne; celui à qui il a manqué, c’est qu’il n’en était pas digne.» («Exposition de six questions contre les païens» in www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin). Indigne de la grâce divine, le paganus (paysan) polythéiste est prédestiné à vivre dans l’ignorance et le péché. Selon le philosophe africain, la grâce et la foi sont des conditions nécessaires pour le païen africain avant d’embrasser la foi chrétienne, connue pour sa vraie moralité. Il verra les païens comme dénudés même de lois naturelles vu leur barbarie, et il va même leur dénier tout ce qui est charité. Il s’agit au fait d’une position très austère envers les siens. L’assentiment aux dogmes, c’est cela la grâce pour Saint Augustin (cf. De la Grâce et du libre arbitraire (425), et De la correction à la Grâce (426)).

Enfin, la persécution par l’Eglise des hérétiques a une recrudescence inouïe au Maghreb, nettement plus sauvage dans les autres parties de la Méditerranée. A Augustin d’applaudir l’œuvre de la Rome christianisée.

2.- CONTRE LES MANICHEENS

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