|
|
Tamazight «en crise de calculs»? De l'esprit de l'institut à la politique de la graphie Par: Hassan Banhakeia (Université d’Oujda) Pour Jilali Saïb «Ou pendus, ou noyés, nous n'avions pas d'autre option» (Victor Hugo) Suite d'une communication publiée dans «Tawiza» n° 30 - octobre 1999 - intitulée «L'écriture de tamazight n'est pas à inventer mais à découvrir» (présentée lors du colloque sur la langue amazighe, été 1999 à Nador), cet article, de nature idéo-logique, est rédigé en ce moment où la question de la graphie passe discrètement comme un fleuve silencieux, coulant inévitablement soit vers la destruction de l'héritage marocain, soit vers son irrigation continue. Personne n'a la science infuse, et l'on est tous appelé à réfléchir objectivement, mais à partir d'un point de vue. Ma réflexion, bien qu'indécise et simpliste, traitera, en premier lieu, plus les vérités à construire que les faits d'obligation irraisonnée véhiculés par le politique et l'idéologique au moment de poser le problème de la graphie. D'autre part, il y a une autre préoccupation (scientifique): en général, si la langue tend naturellement à se conserver physiquement dans une structure appropriée, de peur d'une dissémination fatidique, quel serait cet espace, physique et symbolique, qui s'avère salutaire pour tamazight?
I- L’équation paradémocratique Annoncer les maux de tamazight, poser la définition de tamazight comme étant un dialecte ou une langue, s'interroger sur les raisons de son enseignement, brandir l'épouvantail du danger amazigh pour déclarer l'unité hétéroclite du «mundis arabica» se vendent bien au Maroc! Par contre, parler des droits des Imazighen à être de vrais citoyens marocains devient une futilité! Ces gestes d'allergie à tout ce qui est amazigh, que nous intériorisons depuis bien des siècles, ne sont pas abolis même par les différents discours royaux en faveur de l'amazighité. Nombreux sont également ceux qui se posent encore l'inévitable question des idiots: Tamazight est-elle un dialecte ou une langue? Que faire de ces dialectes amazighes? Pourquoi les écrire? Aura-t-on alors un trilinguisme «dérangeant»? Relira-t-on l'histoire du Maghreb? Quelles seraient les conceptions politiques qui émaneraient d'une telle intégration? Si on met ces dialectes aux mille failles dans l'Institut, aura-t-on alors une langue amazighe avec des règles fixes et normalisées? Maintenant, c'est ridicule de penser à la réponse, de poser toute cette problématique en vue de la débattre. Il s'agit là d'une vieille question déjà résolue, mais combien nouvelle et problématique pour les politiciens cornus afin d'éloigner les militants sur la question de la graphie. Maintenant, la question la plus valable et la plus objective: Comment écrire tamazight? En quelles lettres? De gauche à droite? De droite à gauche? etc… Il faut se découvrir avant de penser / tendre à exister: tamazight, langue officielle au Niger, Mali et Burkina-Fasso, est écrite avec la graphie latine, en outre les sites d'internet relatifs à l'héritage amazigh sont tous en caractères universels (exception d'un site libyen). Montrez-nous une université arabe avec un département sur l'héritage amazigh, une chaire sur tamazight. Pire encore, un arabe qui apprend la langue des numidiens! En outre, du passage de l'oral à l'écrit, des phonèmes aux graphèmes, tamazight écrite varie d'une transcription abstraite ou phonologique (qui ne reconnaît pas la diversité) à une autre réaliste ou phonétique (qui restitue les particularités phonétiques des variations dialectales). L'écriture est alors de nature phonético-phonologique… Que disent la «réforme de l'enseignement» (Al mithaq alawatani litarbia, p.52 parlant de tamazight qui rendra facile l'apprentissage de l'arabe «class-ic»), le Dahir (d'une philosophie enchaînant sur Al mithaq, dans les points 6 et 7 de l'introduction, et dans l'article 4 de la troisième partie parle d'étude des expressions graphiques) et le projet BMCE (où le privé évite le danger au public par un premier conditionnement! l'on parle de la graphie araméenne comme a priori… et des professeurs qui se voient mécanos de langue… mais combien cons!) sur la graphie? Une orchestration bien ficelée d'antan… Et que découvre-t-on à l'annonce du Dahir? Un glas. Des partis déjà pris. Des dissipations. Des hésitations. Des divisions. Des listes. Des cris de par-ci par-là. Tout cela dérive directement du subjectivement subjectif, et non pas de l'objectivement amazigh. Le militant qui connaît parfaitement l'histoire de l'exclusion dans ses méandres et dans ses fins et minuscules stratagèmes, s'écrie: «Que faire au sein d'un Institut? Entrer maintenant dans une structure officielle? Pourrais-je répondre aux attentes de ces millions de vivants, de ces centaines de millions de morts? Que puis-je donner pour refonder ce que des siècles ont détruit? Serait-il le discours de l'Institut mis nécessairement dans un ordre contrôlé?». L'Institut, d'après le Dahir, est un espace de contrôle de la «procréation» du discours amazigh, il fixe les règles de cet héritage marocain. Mais, qui tiendra les rênes? Ces questions sont partout réitérées. Et l'institution fixe le militant, emporté qu'il est par mille pensées tranchantes et obscures, sans jamais réfléchir à d'autres questions plus importantes comme le choix de la graphie. Bref, le positif dans le Dahir n'est pas ce qui est institué, mais plutôt la cérémonie de la négation du négatif. Le plus important trait n'est pas, non plus, ce qui est dit, mais ce qui est implicite (non dit): le choix de la graphie.
II- Je réfléchis, donc je n’existe… Il importe, donc, beaucoup de bien comprendre que lorsqu'on commence à débattre la problématique de la graphie (corps) pour tamazight (âme), le devoir, l'interdit, l'intérêt, le naturel, le légitime, le culturel, le national, l'étranger, le religieux, le symbolique… se trouvent tous, d'emblée, associés à la question de quelle graphie adéquate (tifinagh, araméenne ou universelle) il est conseillé d'utiliser dans l'écriture de tamazight à l'école et à l'administration. Mais avant, il faut se poser une autre question: Y aura-t-il tout d'abord un passage effectif pour tamazight dans les couloirs, les tableaux et les manuels de l'école, et dans les papiers de l'administration? Non. Les circulaires du ministère de l'intérieur, conscientes du danger amazigh, interdisent naguère tout souffle authentiquement marocain. Aussi, l'école, là le comble se nomme-t-il l'«istinass» du livret-blanchiment maudit: engraisser tamazight pour l'égorger au nom de la grandeur de la langue arabe ésotérique toujours pour les petits «barbares». Ce qu'on appelle aussi l'ouverture! Est-ce dans le sens d'«ouvrir» les veines de l'amazighité? Enfin, est-il possible dans un Maghreb hyperboliquement arabisé penser à un espace démocratique, conçu par des amazighophobes, où se partagent équitablement les mêmes mesures / lieux le discours amazigh et l'autre discours dans l'apprentissage de tamazight pour le petit «barbare»? Rappelons toujours que dans la question de l'option graphique, ce sont surtout le politique et / ou l'idéologique qui émergent avec plus de force. Le religieux aussi. Est-ce là une faute des cousins, les Pharaons? L'écriture est au regard des Egyptiens l'œuvre de Dieu «Thot», d'où cette charge spirituelle de toute langue écrite. L'écrit mène au sacré car des valeurs symboliques il concrétise, aussi définit-il et fixe les contours et les structurations des cultures. Peut-on croire, naïfs que nous sommes, à la bonne volonté des «arabistes» à tolérer une telle initiative juste: Ecrire tamazight avec une graphie qui nous emmène loin de la crise identitaire, vers notre sacralisation. N'oublions pas que sans l'écriture, il n'y aura pas de survie pour tamazight en ces temps où seules les lettres constituent l'unique valeur de la réalité. Généralement, l'écriture est à définir comme assujettissement de la parole, du discours et de l'être. Ecrivons tamazight pour fuir l'assujettissement étranger!
III- Des calculs de négation Let us imagine! Imagine tamazight à l'école et dans l'administration! Ce monde possible, de tradition orale, comment allons-nous nous réconcilier avec lui? Là, nous avons une interrogation posée simultanément par les marocains démocrates et les amazighophobes. Pour nous, en sachant que toute écriture est derrière une renaissance socio-économique, notre grand souci est de se rassurer au moment du choix de formes convenables pour écrire cette langue-culture. Quelles sont les formes d'être de cette charge symbolico-graphique? Faut y répondre avec philosophie… Et, pour eux, ils préparent cette révolution en tant que produit d'un mirage, pas comme une vérité historique, sociale et culturelle attendant de faire du projet démocratique un fiasco. Soulignons que l'amazigh ne doit pas vivre sur les deux rives. Les luttes entre amazighistes sur la question de mettre tamazight dans un statut / situation officiel ou non (Institut, école, chaire d'université), mènent à troubler l'esprit de l'amazighité, particulièrement au niveau de l'ordre d'importance des questions. Faut voir de près et objectivement les possibilités d'être de la langue pour développer un cadre approprié, qui est d'ailleurs inhérent à cet héritage. Pourtant, l'homme, faut le dire, ne peut échapper à l'aliénation dont les tentacules matériels sont divers et forts. Souvent, il nous semble comme si cette ethnie avait dans l'âme une envie infinie de tout recommencer sans rien entendre réaliser. Qu'on la reconnaisse, elle proteste. Qu'on l'anéantisse, elle proteste. L'avant-garde, neutre et intègre, amazighe doit veiller à la pérennité du projet amazigh constructif. L'amazighiste doit cesser de penser en tant qu'individu parfait luttant pour son amazighité, mais plutôt en tant que position / conscience collective qui s'incline à rechercher des solutions aux problèmes objectifs et réels. Il est urgent pour les amazighistes de trancher sur la réalité de la langue et de la culture amazighes: re-situer tamazight à sa place légitime, lui restituer ses avoirs et l'écarter de ces luttes mesquines. De même, il ne faut pas placer tamazight dans un système de luttes préalables où les prétextes et les préjugés véhiculent tout, mais plutôt créer cette dialectique qui insufflerait mouvement et vie à l'héritage. En ces temps-ci, où le mouvement amazigh est en crise «d'intérêts» et non pas d'identité, et l'intelligentsia amazigh découvre sa bonne fragilité, le graphique se pose d'emblée et avec une force fatidique. Cette option qui ne se fonde que sur l'indifférence des militants, peut mener l'héritage marocain vers des horizons peu sûrs. On ne peut pas être un amazighiste sans se prononcer clairement sur la question de la graphie qui sortirait officiellement, institutionnellement et pratiquement tamazight de la parole volatile à l'écrit fixe et fixé. La graphie que le Dahir et le livret-blanchiment taisent curieusement, est plus importante que l'institut lui-même car il est déterminant pour l'avenir.
IV- Comment préparer la graphie? 1- La bonne graphie Tamazight est un ensemble de structures complexes. Toute graphie exige une construction logique et non ambiguë, une structure économique et une «fiction» cohérente et pratique. Par le choix d'une bonne graphie, tamazight deviendra une langue mouvante dans la stabilité assurée, amorçant une tradition écrite sans faille technique, et opérant une rupture continue avec la parole volatile. Dans la langue écrite, l'on cherche à fixer la forme des mots, la logique syntaxique des phrases, simples ou complexes, par le biais de la ponctuation, le lexique où la différence est synonymie enrichissante, la littérature, la charge culturelle, le système symbolique, l'histoire de ce peuple millénaire. Apparaît alors la graphie comme étant plus ou moins artificielle, ou plus ou moins naturelle, mais combien indispensable pour réaliser tout ce projet ambitieux. Quand les détracteurs de tamazight vont proposer la graphie araméenne, les traits scientifiques seront toujours l'économie, la non-ambigïté et la logique. Econome au niveau du temps d'élimination de l'amazighité, logique vis-à-vis des amazighophobes et non ambigu vis-à-vis toujours des autres…Quelle dérision! 2- Les trois paris de l'amazighité… Comment préparer alors la voie? Dans le champ de l'amazighité, l'on trouve trois groupes défendant trois paris d'avenir très différents. Nous avons des utopistes, des réalistes et des destructeurs. Tout simplement, ceux qui optent pour la graphie araméenne sont des destructeurs car il créent tamazight selon les paramètres de l'autre. Perspicaces, ils savent que dans quelques décennies ou bien on fait demi tour pour le caractère universel ou bien tamazight serait diluée complètement dans le corps arabe. Ils ne pourront plus répondre aux problèmes suivants: la vocalisation, l'emphase, les emprunts, … Voilà un pari idéologique, malsain! Y a ceux qui optent pour la graphie universelle, ils sont réalistes car c'est sur le pari technique et technologique de la mundis-aliénation qu'ils basent leur choix. Aussi sur les rapports économiques… Voilà un pari technique, sain! Et le tifinagh enfin le juste pari, mais qui reste tributaire d'une utopie, car les Imazighen ne dépensent rien, en particulier, pour promouvoir la culture et la langue amazighes, même pas ce qu'ils gaspillent sur le papier hygiénique. Cette option, nous sommes appelés à la préparer car elle est la voie amazighement amazighe… Quels calculs politiques faut-il faire en ce moment de crise? Pas de calculs pour des intérêts. Au milieu de ces luttes idéologiques modernes (sans principes, et dites «mundis-aliénation»), n'importe quelle culture «démunie» ne peut rien gagner face aux langues omnipotentes. Par conséquent, n'importe quelle graphie (corps) peut ressusciter ou réanimer cette âme sans corps propre (l'amazighe). Non. Non. Non.
V- Calculs graphiques pour la démocratie. Les préjugés contre tamazight ont la même forme. Echos millénaires. Sons habituels, significations vides. Pour l'amazigh naïf (aliéné peut-être), tamazight n'est pas faite d'un seul corps, elle est rapiécée, diaprée et déchirée. Tamazight, une langue cassée et une culture amorphe. Disons-nous à tout moment que tamazight est une cause juste, plus juste que celle des peuples colonisés physiquement. Car dans le cas de tamazight, c'est une occupation psychologique, physique, symbolique, culturelle, langagière, civilisationnelle, historique… La liste des adjectifs est positivement très longue. Maintenant, y aurait-il une autre occupation, graphique? Là, ce sera prévisiblement le dernier coup du torero au taureau dans l'arène: puntillar, picar y rematar… Dénués de tout pouvoir (symbolique, culturel, spirituel ou politique), les Imazighen ne peuvent rien faire pour se vêtir d'une graphie adéquate. Pis encore. Ils gardent le secret de leur appartenance ethnique, que diront-ils vis-à-vis de cette charge d'opprobre? Faire, en faire ce que le bon diable désire! Et l'amazigh ne peut clamer: «Je suis amazigh, je suis le centre de l'univers», à l'encontre des autres marocains (arabophones ou francophones) qui se promènent sans complexe sur les chaînes de télévisions, de radio, dans les couloirs des universités et dans les halls des institutions. Se confesser à mi-voix amazigh! Parler de soi dans le murmure des choses. Que peut-il dire de la graphie?! L'imagination d'un amazigh, son orgueil, son entrain, sa sensualité, ses pensées et son être font de lui, dans son environnement, un être mort. Perdure dans son âme le tabou d'être ce qu'il est. Droit de ne pas s'exprimer, et le rituel de l'altérité, voilà le jeu obligatoire infini qu'il doit surpasser avant de se décider sur une telle question qui peut tout changer. La graphie araméenne apparaît, après les essais alchimiques de la BMCE de développer tamazight sans horaire précis, une matière pour fabriquer de l'or arabe, comme voie irréversible dans l'école nationaliste. Même chose prévue par le ministère dans son livre blanc, texte d'application. A la banque de gager, de sonder et de tâter le terrain avant le rouleau ministériel. L'on prétend mettre dans une même soupe l'arabe classique écrit, tamazight orale ou transcrite en caractères araméens pour parler de leçon d'initiation à l'apprentissage de tamazight! Lire tamazight pour écrire l'arabe. «Irar s tmazight mahend a tlemded tarabt!». Quelle gageure! Jouer avec les graphèmes araméens charriant des mots compris par le petit. L'exercice, scientifique et amazighicide, devient efficient. Et l'arabe facilement appris, dans quelques années…Cette option est pour empêcher tamazight de se frayer un chemin de l'indépendance symbolico-culturelle. Et les amazighicides crient haut: «Transcrire en arabe! Nos Awzal et les productions religieuses transcrites en arabe nous donnent raison…». Et la religion musulmane? Et les autres marocains arabophones?. Et… Là, on fabrique tamazight pour les autres, pas pour nous… Là, on est clair. Là, on est dans une démocratie pour les autres, pas pour nous… Sachons encore que la graphie et l'enseignement de la démocratie ont de fortes attaches inextricables. Le petit amazigh a besoin de s'affranchir dans sa langue maternelle et non le contraire. A l'instar des leçons d'histoire et de géographie qui répètent que l'origine des Imazighen est arabe, et avec l'arabe classique strié d'interdits, et sa langue maternelle qui s'écrit maintenant avec les mêmes marques d'interdiction, qu'adviendra-t-il de l'enfant? Peut-il résister? Peut-il le noyau familial amazighophone endiguer ce génocide culturel? Sûrement, non. Une autre vérité, ô démocrates, l'enfant est innocent! Le petit amazigh, un peu plus.
VI- De l’esprit de l’écriture Qu'est-ce que l'écriture? Elle est un ensemble précis, voire précisé (normalisé), de formes et de techniques utilisées pour concrétiser la parole «fuyante» (une langue orale). Elle est avant tout une représentation physique et symbolique de la parole. Lors du passage de l'oral à l'écrit, pour toute langue, il y a nécessairement des difficultés qui surgissent (précisément, des oppositions: distorsion / reconstruction, naturel / artificiel, normal / anormal, etc..). L'écriture, en définitive, est régie par l'économie, la logique et la simplicité. En tant que représentation, elle se base sur le signifié, plus que sur le code / système d'écriture alphabétique. La représentation du système amazigh va-t-il s'éloigner du quotidien, du vivant, du dit ou de l'étant? Tout montre que la graphie choisie est bien l'araméen, et une pluralité de langues amazighes se confondant avec les parlers. Qu'adviendra-t-il de tamazight écrite en lettres araméennes? Soyons des sorciers pour vérifier le futur! La technologie dehors. L'informatique dehors. La recherche universitaire depuis plus de quarante ans sur l'héritage amazigh dehors. L'expérience didactique et pédagogique des pays subsahariens amazighs dehors! De prime abord, rappelons-le, nous ne sommes pas contre l'alphabet araméen que nous considérons idéal pour l'âme de la langue arabe. Son écriture consonantique ne marque pas séparément consonnes et voyelles. Elles constituent un tout. Ce trait rendra difficile l'acquisition de la langue amazighe: l'écriture syllabique et consonantique multiplie les difficultés de lecture. Lire tamazight en caractères araméens est un exercice mental exacerbant où les «schwa» (en tant qu'éléments lubrifiants de prononciation) meuvent à la guise des lecteurs. Au niveau de la vocalisation, la règle de l'économie ferait défaut, pis encore nous aurons de la contradiction au niveau des applications (sachez que la non-contradiction est un des principes fondamentaux de toute langue écrite). Cela mènerait à une dérision totale! Et techniquement, l'emphase poserait énormément de problèmes: comment noter ces «Z», lettres emblématiques. La logique intérieure et les particularités d'identification de la langue seraient confondues totalement avec l'arabe, avec l'altération. Où est alors tamazight? L'homogénéité ferait également défaut avec les voyelles courtes et les brèves… La graphie est une arme de résistance. Le ciment à l'humidité. Peut-on avec l'alphabet araméen résister mieux à la mondialisation? Puis, le rapport entre tamazight et l'arabe est à définir dans une dialectique d'englobant à englobé: qui englobe qui? Tamazight l'arabe ou l'arabe tamazight?. L'idéologique ou le politique y sont pour grand chose.
VII- A la politique du graphique Que l'on dise que l'écriture est un moyen d'unification, cela est vrai. Mais pas le graphique. Que l'on dise qu'une langue est sacrée, mais pas la graphie araméenne. Ecrire, est-ce tout simplement habiter un espace? Ecrire, est-ce réitérer le mystique, le symbolique et le spirituel? C'est tout cela. Mais ce qui nous importe ici, c'est la dimension graphique. Surtout, le choix de la graphie qui s'avère un engagement en soi, un pari pour être ou ne pas être. Tamazight recherche toujours à se fixer, à réduire sa mobilité appauvrissante. Quelle graphie faut-il donc choisir pour tamazight? Tamazight a son propre alphabet, il n'a pas besoin d'une graphie étrangère. Seulement, que faut-il faire en ces temps de crise «engendrée» par les autres? Faut-il voir de près les relations écriture / langue parlée et les règles de fonctionnement de l'écriture? Vrai. La structure de tamazight précise la graphie adéquate. Si la veille on pouvait écrire n'importe comment les mots, avec la graphie il y aura instauration de la règle qui déterminera la forme et le contenu du lexique…. Ainsi, écrire, en un consensus, «aman», et non pas «amman» ou «amaan».
En conclusion… Faut rechercher partout le sens des objets, les significations pour arriver à la conclusion: L'écriture ressemble fort bien à un réfrigérateur à «n» étoiles où tout est conservé (syntaxe, lexique, morphologie, littératures, rituel, etc.). Plus l'écriture est techniquement bien aménagée, plus la conservation est optimale. L'araméen, à notre point de vue, s'avère le moins approprié. Il serait plus préférable pour tamazight de rester dans l'oralité (là naturelle, collectivement fixée, riche, multiple) que de tomber dans une «artificialité» retorse et une fixation mal gérée. Y a ceux qui m'objecteront à la lecture de cette réflexion: de prime abord le manque de nationalisme, ensuite une pensée laïciste, enfin une tendance à diviser les marocains. Tout cela, un ensemble de prétextes et de préjugés «politiquement» accolés. Notre souci, premier et dernier, est de sortir tamazight de la crise pour qu'elle reçoive finalement une âme adéquate pour un corps toujours vivant et mobile. La science a déjà démontré que tamazight est une langue vivante, maintenant il revient à la politique de le faire honnêtement. Et la tâche qui revient à l'intellectuel, c'est de ne pas oublier que la langue est une marque identitaire par excellence, et d'analyser objectivement l'héritage «en crise» pour lui retracer une voie de survie par de bons calculs.
Et de par la graphie araméenne, tamazight demeurera dans l'oralité pour un certain temps, avant de laisser échapper son dernier souffle… H.Banhakeia
|
|