Numéro  53, 

  (Septembre  2001)

Amezwaru

 (Page d'accueil) 

Tamazight

Tadewsi n tmazight tlla di tuggut nnes

Igllin nnik

Anebdu

Asmughey

Tizelmin n ifesti

Imi new

Inzan imazighen

Roiz n wawaren

Sfarnen

Tizi uzu

Xnifra nnegh

Français

L'instabilité idéologique ou la politique du caméléon

Tmazight sur internet

Y-a-t-il des journalistes démocratiques au Maroc?

Le phonème "x" en tamazight

Mots et choses amazighs

L'uniformisation engendre la dégradation

العربية

قوة الحركة الأمازيغية في تعدديتها

الأحداث المغربية تسب الأمازيغيين

الجزائر تقتدي بالمغرب في منع الأسماء الأمازيغية

أساطير النزعة العروبية

الأمازيغ ضحايا مشاكل الآخرين

حوار مع الفنان إبراهيم فاضل

اكتشافات أمازيغية

الدولة المغربية والأمازيغية

بين الاستعراب والتعريب

لغتي

 

 

 

L'instabilité idéologique ou la politique du caméléon

Par: Aïcha Aït-Hammou

Quand j'étais jeune enfant, ma grand-mère me racontait la tactique du caméléon dans sa quête de proies. Elle me précisait qu'il change de couleur en prenant celle de l'environnement dans lequel il se meut afin de se dissimuler et tromper ainsi ses victimes. Le caméléon ne perd jamais de vue l'objectif qu'il s'assigne et l'authenticité, l'originalité, la conviction, ne sont pas des valeurs qui le préoccupent tant que le but soit atteint et le résultat garanti. Autrement dit, la fin justifie les moyens chez le caméléon; la couleur de sa peau n'a aucune espèce d'importance si son changement lui garantit d'arriver à destination et de lui assurer ainsi le repas du jour. C'est ce que l'on peut appeler “la politique du caméléon” à l'instar de “la politique de l'autruche”'.

Il est très frappant de constater qu'une telle attitude se retrouve chez de nombreux acteurs des partis politiques, des organisations civiles et des organismes de presse nationale, et même chez certains intellectuels “indépendants”. Certains de ces gens agissent exactement de la même manière que le caméléon. Ils chantent la chanson des temps qui courent sans jamais se poser de question si leur nouvelle prise de position convient à leurs convictions et à leurs engagements d'hier tant il s'agit d'atteindre des objectifs qu'ils ne perdent jamais de vue: se faire élire, vendre le maximum d'exemplaires de journaux, se faire la réputation de la défense des bonnes causes.  En bref, sauvegarder leurs prérogatives sociaux et économiques.

La prise de position sur Tazemammart est un excellent exemple. Hier, on niait son existence et on jurait sur la tête de ses enfants que ce fut une invention de la presse étrangère pour nuire à la réputation du pays. Aujourd'hui, on traite le sujet autrement, comme si de rien n'était, comme si les dires et les déclarations d'hier n'avaient aucune espèce d'importance, comme si les engagements d'hier ne valent plus rien.

Le cas se réitère avec l'amazighité. Hier, on traitait Tamazight de vulgaires dialectes et de culture populaire, même si un dialecte ne peut être que celui d'une langue. On accusait le mouvement amazigh d'être manœuvré de l'étranger par des intentions malveillantes et machiavéliques. Par exemple, en Algérie, le Gouvernement accusait les Kabyles d'être manipulés par des mains étrangères qui en voulait à la stabilité de l'ةtat algérien. Le résultat de la dernière enquête sur les événements de la Kabylie affirme pourtant le contraire. En effet, «Si une main quelconque peut aussi rapidement et aussi facilement soulever une région du pays, loin des côtes, des ports et des aéroports, cela signifierait que l'Algérie est dangereusement vulnérable.» (Extrait du dossier d'enquête publié par le journal “le Monde” le 30.07.2001)

Aujourd'hui, grâce à un changement radical et spectaculaire, l'amazighité devient, pour les mêmes personnes, un moyen d'assurer les voix des électeurs en faveur des partis politiques qui ne manquent pas l'occasion tant attendue pour en exploiter toutes les potentialités. Les journalistes de différents organes de presse nationale affirment que l'amazighité est désormais une affaire de l'ensemble des Marocains dans l'intention de vendre le maximum d'exemplaire et d'attirer une clientèle qui leur était hostile. Cette déclaration est légitime et le mouvement amazigh fut le premier à la soutenir car la question fondamentale de l'amazighité est en effet une question qui concerne tous les citoyens. Cependant, il est tout aussi légitime de se poser la question suivante: Où étaient tous ces gens au moment où la torture et les emprisonnements accablaient ses acteurs? Pourquoi ont-ils changé d'avis momentanément?

Ainsi, dans son éditorial au journal “Libération” du 02.08.2001, Mohamed EL GAHS, affirme que désormais «nous en sommes tous, depuis longtemps, aujourd'hui et pour toujours, des Arabes Amazighs». Plutôt des amazighs arabisés, me semble-il. En parlant de l'amazighité, il dit que «La société marocaine a, en effet, définitivement réglé la question et depuis longtemps. Comment? Comme le font toutes les grandes nations intégratrices et fédératrices, puisque c'est leur essence même». Voilà, le tour est joué et l'affaire bouclée, en deux phrases. Mais il ne répond pas à sa question du comment ces grandes Nations font pour régler ce genre de question. Nous, nous pensons que tant que le tamazight n'est pas inscrit dans la Constitution du pays et enseignée à tous les Marocains, le combat continuera et ne cessera pas car il n'y a pas de doute qu'il y a encore discrimination entre les deux langues. Au même titre que l'une est officielle et généralisée dans l'enseignement et les institutions publiques et privées, l'autre doit l'être pour les mêmes raisons et les mêmes motivations pour ainsi rendre justice à ceux qui la parlent et surtout qui ne parlent qu'elle exclusivement. Nous voudrions-nous les arabiser afin de les intégrer comme les grandes Nations? C'est-à-dire les assimiler comme pendant les dernières décennies.

Il ajoute qu'un «autre critère d'importance. Il n'y a au Maroc aucune discrimination à l'égard de l'Amazighité». Voilà la séance est close. Il y a un proverbe amazigh qui dit: «Ur issin mayed illan g ukherid khes waddagh is ittuten », «Méconnaît ce que contient un sac, hormis celui qui en a été frappé». Mais pourquoi tant d'agitation de ses acteurs s'il n'y a pas encore discrimination? Et pourtant il ajoute d'une manière contradictoirement inextricable «ceci posé, il n'enlève absolument rien à la pertinence et à la légitimité de la revendication culturelle Amazighe».

Un troisième exemple est celui du président d'une organisation nationale des droits de l'homme, Abd r-Rahman Ben Amrou. Une telle organisation a théoriquement la charge de défendre les droits humains dans le pays. Je dis bien théoriquement, parce que vue que l'amazighité n'est pas encore réhabilitée, elle est donc automatiquement exclue qu'un responsable des “droits  humains” la défende vue que les droits humains sont ceux acceptés officiellement par l'organisation. Ainsi, défendre l'amazighité ne concerne pas une organisation des “droits humains” présidée par un responsable qui n'est autre que notre concitoyen. S'il s'était agi de défendre des causes étrangères qui n'ont rien à voir avec nos propres affaires, il serait le premier à se porter avocat. Demain, il fera des déclarations de défense de l'amazighité et il changera de couleur sans prévenir, lui ou son successeur, mais il n'y a aucune différence.

Tout cela serait raisonnable si les mêmes partis politiques et les mêmes journalistes soutenaient la cause amazighe dans un moment critique où elle en avait besoin. Tout cela n'aurait pas fait l'objet d'aucune remarque ni critique si les mêmes personnes n'avaient pas changé d'avis tout d'un coup et avec une telle facilité qu'ils ne manquent pas de donner l'impression qu'ils n'ont aucune conviction qui soit digne d'une solidité minimale à l'épreuve des changements que le Maroc connaît depuis deux ans.

Nos partis politiques et nos journalistes chantent la chanson du moment. Ils changent d'avis et de conviction comme on change de chemises et tant que cela sert leurs intérêts matériels et leurs objectifs immédiats. Ils ne prennent pas des risques en affichant des convictions qui soient contraires à celles que la majorité soutient même dans le cas où cette majorité aurait tort.

Cette instabilité de l'idéologie sous-jacente à un parti ou à un organisme pousse les gens à s'occuper de leurs affaires quotidiennes plutôt que de s'intéresser à des caméléons qui n'hésiteront pas à changer de couleur aussitôt que cela leur paraît profitable. Dans le même temps, la démocratie exige que les citoyens s'impliquent davantage  dans le processus politique qui met au sommet un ensemble de femmes et d'hommes qui auront la responsabilité de résoudre les problèmes de la communauté. Ces deux constats sont totalement contradictoires et il reste du chemin à faire afin que la presse et les partis politiques décident de ce qu'ils pensent vraiment des problèmes divers et variés avant de les présenter au public.

ةvidemment, tout cela n'empêche pas les gens de dormir le sommeil du juste ni de vivre dignement le temps qui leur est accordé de vivre. Toutefois, cela donne certains éléments d'explication du taux l'alphabétisation et du niveau culturel et économique atteint à l'échelon national. Il faut une identité authentique et stable, une idéologie dont les traits globaux sont bien définis et délimités afin que les gens sachent où ils vont et pourquoi. La course au pouvoir que laissent exprimer de nombreux acteurs des partis politiques dans le changement de leurs idées poussent la plupart d'entre eux à faire de la politique pour de le politique, à chercher à occuper des postes de pouvoir pour le pouvoir et non pas dans le but d'obtenir des changements substantiels dans la vie concrète des gens, ce qui est l'objectif premier de la politique.

Pour finir, je ne me mêle pas de politique pour la simple raison que je n'en sens aucun besoin. Néanmoins, les prises de position de nos caméléons sont assez contrastantes pour laisser indifférents des spectateurs éloignés des terrains du jeu. Elles nous donnent la conviction qu'il n'y pas de foi dans les déclarations des partis politiques ni dans celles de la presse, que ce ne sont là que des déclarations fortuites et gratuites qui servent les intérêts du moment en attendant d'être substituées à d'autres qui auront le même rôle dans d'autres circonstances, toujours dans le but d'atteindre des objectifs qui ne sont jamais perdus de vue.

Aïcha Aït-Hammou.

 

 

 

Copyright 2002 Tawiza. All rights reserved.

Free Web Hosting