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  (Mai  2011)

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NAISSANCE DE MARGHIGHDA

Par: Hassan Banhakeia (université de Nador)

 

Marghighda avait aussi une mère qui portait le prénom de Tlaytmas, et elle aurait voulu continuer à le porter, de mère en fille, et cela depuis des siècles. C’était la foi en la naissance de cette même âme patiente, généreuse…

Cela était bien la décision de Heddu Azizaw, joyeux de voir un bout de chair atterrir dans son foyer, et des cris de bébé asphyxié résonner contre le corps d’une femme pâle et froide, de redonner ce legs une autre fois. Une autre bouche à nourrir! ajoutait le père dépité, mais toute une joie à découvrir… pensait-il comme un bon père.

La veille de cette naissance, occupé à sillonner la terre ingrate le père vit une colombe se détacher du nuage bas et sombre, et chuter lourdement à quelques pas de sa charrue. Le mulet ne fit rien, il poussait à bout le sillon. Heddu l’arrêta brusquement, et se précipita vers la colombe. Il découvrit que l’oiseau avait au bec une grosse graine, au moment de le porter dans ses mains. Il n’avait jamais vu une telle graine: grosse, noire et dure au toucher… On dirait un bout de galet. Du sang de la colombe s’y collait.

Cet incident, pensait Heddu, était un mauvais présage pour lui. Qu’y aurait-il de plus sinistre que ce ciel asséché, que cette terre accouchant des rocs, que cette foule qui continuait à être un troupeau…? Pourquoi avoir peur alors? Une colombe qui meurt dans les paumes d’un paysan, cela était bien un signe fatal. Avait-il bien fait d’enterrer la colombe, tout en sachant que son Bessy allait la déterrer et ingurgiter tout le plumage? Avait-il bien fait de planter la graine d’ébène tout en sachant que rien ne croîtrait de la terre?

Il se satisfit de damner le Diable, et face à ces signes sombres, qu’une petite tête ne pouvait résoudre, il trouva les mots justes: «Ejj itt i yarebbi itt id yejjin!»

A ce moment arrivèrent des youyous de chez lui, annonçant la venue au monde de la petite Marghighda.

Le mqadem, que le père croisa lors de la prière du matin, lui annonça:

– Tu peux aller l’inscrire… Votre fille doit porter un prénom «écrit» dans les registres civils.

– Pourquoi faire?

– Ah, les temps ont changé! Tout doit être enregistré à l’Administration.

– Et si je ne le fais…

– Tu le feras, en plus en déboursant ton argent.

Le père laissa son champ, attela l’âne et repartit au village. L’Administration occupait le centre; les trois rues coulaient toutes vers elle. C’était la première fois qu’il allait traverser le grand portail, avec un drapeau énorme, et avec des mokhaznis cruels, pour inscrire sa petite sur le registre.

Face à un employé de mauvaise humeur, il se pressa à lui dire qu’il arrivait avec un prénom pour sa petite. Tlaytmas… Tlaytmas… Tlaytmas…

Un moment, monsieur! lui dit l’employé d’une voix grave. Ce prénom ne figure pas dans notre liste.

– Une liste pour prénoms! Pourquoi faire?

– Oui, nous sommes l’Etat, maintenant. Tout s’enregistre, se fait dans des listes. Les choses ont changé…

Le père se tut. Il découvrit d’un seul coup qu’il était faible: tout avait changé, à son insu. Etre faible intellectuellement, quelle honte! Comme se défendre devant une personne qui parle bien, s’habille bien et qui manie parfaitement le stylo noir… Et pourquoi ce prénom que portaient ma grand-mère, ma mère et mes tantes n’existe pas dans la liste? Les Tlaytmas ne naissent point, peut-être ont-elles existé un jour…

Face à ce monsieur timide et silencieux, l’employé ajouta en redoublant la gravité de sa voix:

– Tu vois, tu ignores tant de choses. Les temps ont changé…

Le père de Marghighda avait l’air préoccupé: ne pas figurer sur une liste alors que l’on existe dans la réalité! Un sentiment d’anxiété lui serrait le cœur. Il ne pouvait s’expliquer les choses. La liste venait d’ailleurs, pas d’ici!

Comme le père allait partir, l’employé lui cria:

– Revenez, monsieur! Faut enregistrer et payer le timbre…

Un mokhazni se pressa à retenir le paysan par l’épaule, et l’amena manu militari devant l’employé.

– Vous devez l’inscrire. Un enfant ne peut pas rester sans un prénom…

– Elle en a un, mais vous dites qu’il n’existe pas chez vous...

– Monsieur, ce prénom est vieux. Votre fille ne va pas vous le pardonner. Faites-nous confiance. Regardez: il y a des milliers de prénoms, beaux et appropriés…

Et il lui exposa une liste infinie de prénoms.

– Je ne sais pas lire, dit le paysan.

– Faites-nous alors confiance. Nous savons lire à votre place, et nous pouvons vous guider loin de l’ignorance et des ténèbres… Choisissez un!

Et il prit le pouce difforme du paysan qu’il mit sur «Nada»…

– Et voilà!

Le paysan ne dit rien: il avait peur du mokhazni qui se collait à lui.

– Et le timbre? Vous payez le timbre.

C’était vingt dirhams qu’on lui prit, et la sortie était permise…

En une hâte inouïe, le paysan fut munie d’un papier qu’il ne comprenait pas où Tlaytmas faisait défaut, et où le nom de famille fut «3abkari», lui qui était fils des «Ayt Heddu», et une liste de certificats à rapporter pour figurer sur la grande Liste du Registre Unique…

Essoufflé, il reprit son âne pour retrouver son champ. Tout avait changé, monsieur! résonnait dans sa tête chaude. Et sur le chemin caillouteux, en montant la colline qui allait découvrir son foyer, il jeta par terre le papier, et prestement l’âne s’arrêta, et d’habitude rétif, courut brouter avidement la feuille blanche comme si c’était une feuille d’arbre morte.

Et le paysan sentit un soulagement: il décida de garder cette mésaventure comme un secret, et se dit: ces nouvelles bâtisses aux registres ne sont pas faites pour nous. Pas pour nous! Pas pour nous! Pas pour nous! Et ses vingt dirhams pour offenser le nom des siens.

Marghighda demeura ainsi pour toujours, absente du registre civil.

 

 

 

 

 

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