Numéro  54, 

  (Octobre  2001)

Amezwaru

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Tamazight

B.M.C.E d uslmd n tmazight

Addur n wawal amazigh

Alaghi i yllis n umazigh

Asif n inigiyen

Anoarq n arrif

awal amazigh d tadelsa tazarfant n lmughrib

Azayez igdi

Ddan d

zeg idurar

iri cem d ayel

Tabrat n ibba g lxira

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Tungalt n yict n tnegmit

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Mots et choses amazighs: 

La prose et le conte

Par: Ali Amaniss

«Je me souviens encore de ces longues nuits sombres hivernales pendant lesquelles, à la lumière du petit feu de bois bien installé dans son foyer, 'alemessi', mon père nous permettait de voyager très loin de chez-nous en traversant des univers très variés et assez colorés en utilisant la magie du verbe amazigh. Un monde fascinant d'histoires dans lesquelles plusieurs acteurs (des humains, des animaux ou des fantômes) se donnaient mutuellement la parole, se jouaient des tours et ne manquaient jamais d'absorber l'attention des enfants que nous étions. La bouche ouverte, nous suivions attentivement les moindres mouvements des lèvres et les gestes méticuleux de mon père qui, avec détails et précisions, nous peignait l'univers dans lequel il faisait jouer ses acteurs qu'il faisait rentrer, un à un et au bon moment, sur la scène. Nous pouvions imaginer toutes les situations et suivre les acteurs des histoires sans jamais oublier de nous faire réchauffer les mains au petit feu alimenté par mon père en même qu'il nous racontait ces histoires. Je me rappelle encore de l'obscurité qui mettait de la magie partout et de la peur qui ne manquait jamais de nous effleurer quand un des héros de nos histoire était en péril de mort. Nous attendions toujours, avec impatience, la tactique qu'il devait adopter afin d'échapper au péril sans trop perdre de plumes.».

Ceci est-il un récit fictif ou un récit réel? Aucune importance, l'essentiel est l'effet que le texte exerce sur le lecteur en lui peignant un univers dans lequel il se meut au grès des acteurs de son histoire en vivant des émotions et des sentiments simplement grâce à la magie du mot. Je pense que c'est là la fonction fondamentale de la littérature et des arts en général.

La prose et la poésie ont toujours été au centre de la vie culturelle et littéraire des Imazighen. Ces histoires racontées autour du feu pendant les nuits hivernales sont un bon exemple de la richesse de la prose amazighe. Les histoires amazighes faisant jouer des animaux avaient nourri la littérature occidentale et orientale.

Nous nous proposons ici de donner certaines histoires encore racontées de nos jours, mais cette fois devant la tété qui empêche malheureusement la continuation de ce genre d'activité, qui est par ailleurs riche en contacts humains, de poursuivre son cours naturel et met ainsi fin à un monde fascinant pour ce qu'il avait de magique et de fascinant. Ceci justifie la nécessité de rassembler l'ensemble de ces récits et de ces histoires et les noter par écrits afin d'éviter leur disparition pure et simple.

Convention d'écriture

Pour la lecture des textes qui suivent, nous avons besoin d'une mise au point. Il existe en français des exemples de syllabes cachées que l'on prononce uniquement au cours de la lecture du texte. Exemple: 'les histoires' est lu 'lézistoires', un 'z' est intercalé (liaison) et le 'h' est ignoré à la lecture. En tamazight, nous retrouvons ce genre de choses en utilisant un certain standard d'écriture. Par exemple, 'i unna' doit être prononcé 'iwenna' qui veut dire 'à qui'. Ainsi, nous n'écrirons pas le 'w' qui doit être intercalé au cours de la lecture du texte à cause de la succession de deux voyelles, à savoir, le 'i' et le 'u', mais nous l'ignorerons à l'écriture. Un autre exemple est 'yan aghebalu', 'une source', il se lira 'yan-ughebalu', le 'a' de 'aghebalu' est supprimé et est remplacé par un 'u' à la lecture. Un autre exemple, 'yan ass' (un jour) doit être lu 'yan-wass'. Nous conservons ainsi l'orthographe des mots telle qu'elle se présente habituellement dans d'autres phrases ne nécessitant pas de tels ajustements.

 

Histoire 1

Ikkaten yan aregaz netta d tamettudvt nes, gan itertar. Tella ghur sen yat tarebat ur isefeliden abayen awud nettat. Yan ass, idda aghregaz ar ittagem agherur s yan aghiyul mi ibbiy agejjim afad ad issuw igeran nes. Tamettudvt tiwi as d agherum i aregaz aceku yagh t lazv.

Imihh izeriy yan aregaz yini asen:

-           Ah we mayed tessekarem ap?

Aregaz ighal is as inna aregaz dda iziriyen han aghiyul nek ibbi as agujjim. Ukan  inna s:

-           Max mak igan a aghegaz, ig as ibbiy agujjim i aghiyul new neghed ur as ibbiy. Max may ttiniget?

Tamettudvt teghal is as inna aregaz pan agherum nem ixxa. Ukan tini yas.

-           Pat illi k ayed gan agherum, pat urid nek.

Tarebat nettat teghal is da sawalen ghef tameghera nes, ukan tenna sen:

-           Unna teram tekem i as, nek mayed i igan.

Abut.

 

Traduction

Il était une fois, un homme et une femme qui étaient légèrement sourds. Ils avaient une fille qui n'entendait pas très bien non plus. Un jour, afin d'arroser ses champs, l'homme était allé puiser de l'eau dans le puits à l'aide d'un âne sans queue. Sa femme lui avait apporté du pain parce qu'il avait faim. Un homme qui passait par-là leur avait lancé:

-           Hein! Vous-là, ça va?

L'homme croyant que le passant faisait allusion à son âne sans queue, alors il lui répondit:

-           Ben alors! De quoi vous mêlez-vous? Si la queue de mon âne est coupée, cela ne regarde que moi.

La femme, voyant que son mari était en train de parler, croyait qu'il était en train de critiquer son pain. Elle lui répondit:

-           Ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est ta fille. Je n'y suis pour rien.

La fille quant à elle, croyant que ses parents discutaient de son mariage imminent, elle répondit.

-           Moi, je n'exige absolument rien. Je vous laisse le choix de décidez à qui vous voulez me marier.

Fin.

 

Cette histoire humoristique souligne l'importance de la subjectivité dans la vie des êtres humains. Chacun des acteurs de cette histoire interpréta les événements qui se déroulèrent sous ses yeux selon ses préoccupations et en a ainsi tiré des conclusions qu'il s'était fait siennes même si elles ne sont pas objectivement fondées, comme nous l'avons vu.

 

Histoire 2

Ikkaten yan xxu ighefawen. Xxu degh ighiy a ider meqqar as ibbiy yan neghed sin ighifawen. Da iteddu s ghur yan aghbalu iwet diks aghujedim. Das ittini i unna iran ayagem aman ad as d yawiy yan  izimer afad at itec. Unna yas t id ur yiwiyen, itec t nnik netta. Dagh g iteca xxu izimer, irezvem d i aman.

Ku aseggûs ddagh g walu aman g tuna neghed tagutt, da teddun medden seghin yan izimer neghed yan aleghum awin as t i xxu afad ad irezvem i aman teli tagut, sewin medden igeran nes, sewint ulli.

Yan ass, iwin as aleghum i xxu, netta ur tewit tagutt ula llan aman g tuna. Inna yasen yan aregaz i ayt igherem nes:

-            Tessem a arraw, righ ad awen inigh yan awal. Tessenem xxu dengh, pat ur ibat ga awed hah. Nekeratagh imal ad as ur nesegh awed hah. Ukan nizir is qenna dilin aman neghed upu.

Nnan pat imek innagh. Imal nes ur as d seghin awed yan izimer ula aleghum i xxu. Aseggûs nnagh nnik tewet tagutt abayen netta inna sen xxu pat ur nna ttut. Nnan ger asen, awi pat xxu degh dagh day issekenad. Nekeratagh ad neddu ad t nenegh pat dagh isekirekis. Ddun zar s, uten t s yat taferut, bbiyen as yan ighef iter s akal. Ketiyened isasen inna pat meqqar as ibbiy yan ighef ur inni ay immet. Afin ten pat isekarekes asen g ayennagh akku.

 Abut.

 

Traduction

Dans des temps lointains, il y avait un fantôme disposant de trois têtes. Ce fantôme est capable de rester vivant en dépit du fait qu'une ou deux de ses têtes sont tranchées. Il squattait tout près d'une source. Quiconque voudrait puiser de l'eau devait lui présenter un mouton pour repas. Si la personne faillit à cette habitude, le fantôme la mange elle-même. Après avoir pris son repas, le fantôme est disposé par conséquent à libérer l'eau de la source.

Chaque année, lorsque la pluie ou l'eau dans les puits venait de manquer, les gens se réunissent et achètent un mouton en cotisant pour le présenter au fantôme et ainsi assurer l'eau pour toute l'année pour s'abreuver et abreuver leurs bêtes.

Un jour, après lui avoir rapporté son butin, les gens constatent qu'il n'y avait ni la pluie ni l'eau dans les puits.

Alors, un homme avait dit à ses concitoyens:

-           Vous savez chers frères, je voudrais vous dire quelque chose. Vous savez, ce fantôme ne commande rien du tout. Si vous suivez mon avis, l'année prochaine, refusons de lui acheter quoi que ce soit. Nous verrons ensuite s'il y aura de l'eau ou pas.

Ils se sont mis d'accord là-dessus. L'année suivante, ils n'avaient acheté ni mouton ni chameau au fantôme. Cette année-là précisément, il avait plu abondamment en dépit des prévisions du fantôme qui préconisaient qu'il n'y aura aucune pluie. Ils se sont dit que ce fantôme se moquait  d'eux. Ils avaient alors décidé d'aller le tuer. Ils partirent et lui donnèrent un coup d'épée et une de ses têtes se détacha de son corps et tomba par terre, puis le fantôme mourra. Ils se souvinrent alors qu'il leur avait dit que même si une de ses têtes est coupée, il continuerait à vivre. Puis ils découvrirent ainsi sa vérité.

Fin.

 

Il ne doit pas échapper à la vigilance du lecteur que cette légende est inspirée de situations réelles dans lesquelles un Saint (ou des Saints), 'agurram' (igurramen), prétend avoir des pouvoirs surnaturels grâce auxquels il est capable de commander, à distance, les ressources naturelles telles que l'eau des sources, la pluie,  l'abondance des récoltes et qui lui donnent mêmes des pouvoirs sur la santé des gens ici-bas et sur leur Salut dans l'Aude-Là. En leur garantissant ces choses indispensables à la vie et à la mort, les gens n'hésitaient pas à cotiser afin de lui acheter un chameau ou un troupeau de moutons, ce qui ne représente pas grand chose devant les choses qu'il prétend assurer. C'est ce que l'on appelle habituellement l'exploitation idéologique de la spiritualité religieuse.

Nous remarquons que ces contes sont courts parce que destinés à être racontés en peu de temps à des enfants sans que les adultes les perdent de vue bien sûr. Bien évidemment pour écrire un roman, de taille raisonnable, en tamazight, il faudrait une standardisation de la langue afin de trouver des lecteurs potentiels. Ce qui ne semble absolument être un grand problème. Un peu de conviction, du courage et le budget nécessaire et le tour est joué. Nous espérons vivre ce rêve, tout à fait légitime, avant de déménager dans l'Aude-Là après avoir assuré le Salut grâce à des cotisations fantomatiques!! La traduction en tamazight de romans écrits dans d'autres langues peut également contribuer à l'enrichissement de notre langue.

Ali Amaniss

 

 

 

 

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