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  2006

(Avril  2006)

Amezwaru

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Tamazight

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Tifras

Yan umazigh

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Tilmatv

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I iman n obdlkbir cupad

Munatagh

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L'ircam entre l'affranchissement et le succursalisme

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تمازيغت والتنمية

بيان جمعية اجدير

بيان تضامني

الجمع العام لجمعية أزمزا

بلاغ الشبكة الأمازيغية

بيان لجمعية تانوكرا بتنغير

 

l’enseignement de l’amazighe (2ème partie)
l’ircam: entre l’affranchissement et le succursalisme
Par: H. Banhakeia (Faculté Pluridisciplinaire de Nador)

«La plupart ignorent ce qui n’a pas de nom; et la plupart croient à l’existence de ce qui a un nom.» (Paul Valéry, Mauvaises Pensées et autres, 1941, in Œuvres, t. II, «La Pléaide», p.791)
Comment peut-on encore défendre quelque chose «à enseigner» qui est doublement condamné: à disparaître irréversiblement de son aire et  à se métamorphoser en une autre réalité commune, bien différente? Comment peut-on expliquer un tel comportement de résistance, au fond, aberrant? Ou bien serait-il plus approprié pour ces défenseurs de rester indifférents –pour ne pas dire sourds-muets? Et ces mêmes défenseurs peuvent-ils résister aux «coups bas» dans leur travail de récupération du commun? Dans le cas précis de tamazight, ces questions problématiques ont tout leur poids et importance dans l’esprit du militant-défenseur. En outre, l’extraordinaire (l’aberrant) peut-il être, en général, objet de résurrection dans son mouvement constant à ne pas s’insérer dans l’ordinaire fabriqué? Cette culture, qui est la nôtre et propriété de toute l’humanité, n’est pas justement à ressusciter: sa résurrection vaut bien sa négation évidente, c’est-à-dire la mort assurée et l’emplacement hors de l’histoire. Cela veut dire aussi que tamazight n’a pas besoin d’un retour à être, elle a besoin d’être réellement, d’être commune et d’être ordinaire. Il s’agit, au fait, de rendre cette réalité commune «amazighe» à son aire et à en faire réalité «commune»! Voilà la voie qui s’impose à tout «passager engagé» de l’amazighité.
Jusqu’à nos jours, qu’a-t-on fait pour effacer complètement cet acte incessant de violence exercé contre le propre? L’on nous répond qu’il y a l’IRCAM, appelé qu’il est à faire ce long et épineux voyage de récupération et de sondage de la réalité commune amazighe. Il quête l’autorité pour un corps disséminé, réduit, anéanti… Mais que fait-il de la critique envers le Centre dominateur? Qu’en est-il au juste de la vision de cette institution «officielle» dans son approche du fait amazigh? A-t-il assez de prérogatives pour reverser le cours de la politique du gouvernement? Précisément, à sa fondation, la réaction la plus facile, la plus simple qui émerge de par-ci par-là, est unanime: «la mise dans une cage» du mouvement amazigh et la récupération de ses militants. La première réaction est-elle toujours la plus correcte? Et d’autres réactions naissent sous forme d’interrogations qui s’imposent: Que peut faire l’IRCAM et que peut-il ne pas faire pour l’enseignement de l’amazigh? Quelle est sa logique de travail? Que programme-t-il pour la récupération de la culture propre? Comment va-t-il orienter cette récupération? Peut-il assurer l’avenir (sinon l’à venir) de l’amazighité au Maroc? Peut-il au moins assurer l’application du dahir qui promeut l’amazighité «dans sa dimension linguistique»?
En fait, nous ne venons pas ici pour dénoncer les innombrables inconvénients de cette institution dans son approche du fait linguistique, ni pour critiquer sa naissance à la fois prématurée et tardive, mais précisément pour découvrir les valeurs et les intentions sous-jacentes à cette création - le système y organise, je précise, des opérations d’interversion pour assurer sa survie. Autrement dit, nous essayerons de déconstruire l’espace amazigh dans sa résistance à passer dans l’orbite du Makhzen, en partant de l’IRCAM qui «rapproche» cet espace du Centre réducteur. Pour ce Système, et il en est conscient, insérer tamazight dans le corps de l’Etat (ensemble d’institutions) serait nettement exproprier les langues véhiculaires-officielles!
I.- TAMAZIGHT, CE MAL ANTICENTRALISTE!
Gouverner le Maroc (et par extension le Maghreb), c’est fondamentalement ne pas rester indifférent et tolérant par rapport à l’amazighité du pays, vis-à-vis de cette réalité «une et commune» qui signifie l’antonyme du Système implanté, elle est l’être de nature factieuse. Cette position ne signifie ni bienveillance, ni indulgence, moins encore solidarité, fraternité, secours, accord, entente… Vis-à-vis de ce propre commun se déclenche un ensemble de questions relatives à la souveraineté, à la légitimité. Les pouvoirs successifs, «politiquement exogènes», voient réellement dans l’amazighité leur propre négation, elle est l’argument qui pourrait fonder et prouver leur illégitimité. La coercition s’avère alors indispensable afin de taire ces interrogations. Gouverner serait également punir l’infraction –qui est l’amazighité. Gouverner serait récupérer l’écart –qui est également tamazight. Gouverner serait tout simplement refaire le monde nord-africain, bien qu’on tende à l’inverser.
Je répète: dans le cas de tamazight il s’agit principalement de la seule gêne historique au Pouvoir. Cette gêne est plus importante en comparaison aux autres soucis, qui ne sont pas «aberrants». Autrement dit, ces contrariétés sont étroitement intrinsèques au pouvoir, au système politique: il y a facilité, possibilité et assez de temps pour les renvoyer sine die, pour les résoudre progressivement ou pour les reposer autrement. Néanmoins, dans le cas de l’amazighité, il y a urgence, difficulté, impossibilité et manque d’espace…
Quoique cela semble une contradiction, la force de cette culture nord-africaine réside dans le fait qu’elle reste authentiquement locale, propre de son environnement. Donc vivante de par sa grande capacité à «recevoir» d’autres éléments étrangers. Voire localisante, si on veut, dans toutes ses valeurs, formes et significations. Peut-être est-ce là une des «réelles» réflexions qui ont été derrière la création de cette institution sui generis... l’IRCAM afin de bien canaliser et gérer le local. En effet, cette «appartenance à la réalité» est, dans l’esprit des hommes du Centre, vue comme un trait régional, réduit dans son corps, totalement compartimenté, donc facile d’anéantir! Les revendications amazighes, à leurs yeux, sont ipso facto placées dans le régional (signifiant ou bien le marginal ou bien le périphérique, c’est-à-dire ces significations qu’il faut dépasser pour fonder une grande nation centraliste). L’amazighité est ainsi non seulement dans l’état de ce «dropout from history»: elle abandonne ses droits, sa voie dans l’histoire et se fait désuétude, mais surtout sert à fonder et à renforcer le Centre de par sa négation. Comme c’est fort connu, la Marge ne peut que créer et renforcer l’opposition au Centre qui essaye de gérer et dominer tout l’Espace. Comment dominer la marge? La gérer est encore plus difficile. Quand la Marge va aspirer à la vie, ce sera la «révolte», l’insurrection et la guerre civile, le «siba» tout court. Par contre dans la vie du Centre, il y a forcément l’éviction de l’Espace de tout intrus ou élément rebelle jusqu’au point de récupérer toutes les marges «insoumises», et ce processus politique est souvent mis en exécution par d’autres avatars et sous différentes formes.
En fait, l’idée de l’IRCAM s’avère vieille. Cette forme ne fait que suivre d’autres formes qui produisent la conception de l’amazighité au sein du Makhzen. Il s’agit d’un moyen pour dominer le propre. Ce succursalisme va apporter des fruits importants (des intérêts) pour le Centre, à l’instar d’une «téléboutique». Cet apport est à rattacher à la dépression du «siba», il est de tout ordre: démagogique (politique), idéologique et notamment économique. Après avoir finalement domestiqué tribus et hommes de la «siba» à force de multiplier les razzias de la mehalla, de nommer des caïds cruels et de demander le secours des impérialistes «pacificateurs», le Makhzen, cette fois, va utiliser une autre force, de nature «intelligente», celle qui pourrait l’introduire dans le tissu associatif «amazigh» (de nature anticentraliste, digne des restes d’un «siba» moderne et moribond). L’anticentralisme des associations est, par voie de conséquence, annulé par cet institut. Ainsi, l’amazighité, après l’amazigh, va être anéantie. Après l’humain, c’est au tour du symbolique de choir, de se désintégrer, de fondre et de disparaître définitivement dans le corps central. L’IRCAM vient pour désenfler les dernières poches de résistance linguistique, et en conséquence établir une mise en confiance auprès de ceux qui se sont sentis «oubliés, effacés et réduits».
De même, la création de l’IRCAM ne peut pas être lue comme une révolution, ni une réforme (entendant par là surpasser les injustices historiques), mais une reproduction de ces formes «d’affranchissement» (déjà offertes par les lointains Romains aux fils de l’«Afer» éternellement Complaisant) et à l’Amazigh de se tenir dans l’espace du rêveur hellénisé, romanisé, arabisé... Depuis toujours, l’on nous ouvre les yeux sur l’international, l’universel, l’oriental, l’occidental, le nordique, mais jamais sur le propre. De petites causes appartenant à ces aires lointaines sont devenues nos propres causes. Et nos causes d’ici? Silence. L’on nous dit implicitement: l’autochtone est d’un intérêt réducteur pour l’être. Pourtant, du propre aveu même de l’Etat, l’amazighité est constamment en péril, en repli sur soi....
Tamazight, selon les belles apparences, devient, depuis le début du XXIe siècle, cette langue et cette culture à préserver en urgence. Les institutions de l’Etat, tendant à assumer un tel rôle, leur offrent d’une part une «devanture obnubilante» comme «succursus» (secours) afin de les aider à survivre, et de l’autre un établissement propre (en tant qu’affranchissement) afin de suppléer à l’insuffisance (pour ne pas dire l’impossibilité) de sonder un tel espace. Ce succursus (et affranchissement) porte le nom d’«IRCAM», et l’on pense donc que cet esprit succursaliste peut en même temps apporter plus d’efficience à tout ce qui est sur le point d’être effacé, et renforcer l’installation certaine et définitive des langues officiellement «officielles». Il assure le bon apprentissage de l’altérité, et la facilité à «oublier ses propres intérêts».
Il va sans dire qu’il est difficile de changer d’habitude: se déclarer ouvertement d’une civilisation basse, élever une langue méprisée, louer une culture rejetée, ce serait comme parler du silence. Mieux encore, ce serait louer ce qui est habituellement vu comme méprisable, bas et honni. D’autres explications (ou prétextes) sont avancées: l’insertion de tamazight dans les institutions n’est qu’une question de temps. Aussi de moyens (argent). Cette insertion n’est pas une digression, c’est la voie correcte. D’une part pour ceux qui au fond d’eux-mêmes veulent à cette culture une place institutionnelle digne d’elle, n’osent l’affirmer. De l’autre, ceux qui voient cette place comme indispensable au progrès et à la construction démocratique, se taisent. Ces deux silences, bien que similaires dans leur nature, disent beaucoup de l’état détérioré de toutes les structurations. L’équation politique, qui en découle, est facile à résoudre: démocratie vaut la reconnaissance du proprement local.
II.- LA DESTINEE VA DE L’AFFRANCHISSEMENT AU SUCCURSALISME
L’affranchissement, ce rite romain, s’effectue au sein d’une institution devant le juge. Ce dernier touche l’affranchi de son bâton, «par la baguette» (manumissio vindicta). Ainsi se déclenche l’itinéraire de la récupération de la liberté. Il n’est pas permis à quiconque d’être affranchi. L’affranchissement est, d’habitude, procuré par l’Autre (puissant symboliquement) qui invite le propre à exister, à survivre «dignement» dans son système. Il s’agit d’un système imposé par le puissant. Il faut plaire à l’Autre, et que l’Autre accepte dans l’espace le propre «réel». Il ne va pas partager l’espace, mais plutôt inviter le faible à s’y fondre. Quelle est la contrepartie pour une telle générosité, tolérance et fraternité? Qu’en est-il de l’amazighité? Quel impôt paie-t-elle justement l’amazighité pour son affranchissement? De par son être dans le monde? Si l’esclave «barbare» était acquitté par son maître, il doit encore payer à l’Etat (dans ce cas le fisc) pour qu’il le reconnaisse «citoyen» (souvent de seconde catégorie). A travers l’histoire, il est bien démontré que pour l’affranchi, le plus important c’est d’affranchir ses enfants. Pour lui, le mal est déjà fait. Il sera toujours reconnu esclave affranchi. C’est pour cela qu’il va inculquer d’autres traditions et d’autres manières d’être et de voir le monde à sa progéniture. Le propre est à remplacer, à refaire dans le temps. Par ailleurs, cela explique: le titre «sacré» de «schrife» entre dans cette quête d’affranchissement. Dans le cas de tamazight, cela est encore plus approprié. Cela se précise dans le fait que les affranchis par un seigneur étranger (peregrinus) ne pouvaient acquérir le droit de cité qu’en vertu d’un décret de l’empereur, et c’est le décret de l’empereur qui garantit l’affranchissement. C’est bien le décret royal qui va entamer ce processus d’insertion de l’amazighité dans la vie institutionnelle.
Hélas, pour l’amazigh, depuis la nuit des temps, l’affranchissement (qui est synonyme d’assimilation) est synonyme de liberté! Il est difficile de raisonner avec un affranchi. L’affranchi n’est jamais complètement libre, il est dépendant du Maître. Ce dernier peut, si l’envie le lui conseille, de le rendre à nouveau à son état de serf, d’esclave. L’homme paraît libre, mais le servage de la langue est là toujours vrai et réel… Ici, l’affranchissement n’est point un acte personnel, mais symboliquement collectif: il est question d’institutionnaliser le symbolique et de le gérer selon la vision des autres. Après l’occupation de l’espace physique de l’amazigh, c’est au tour du symbolique de connaître le même sort. Aujourd’hui, l’on parle de cet héritage qu’on affranchit au moment de l’abandonner au sein de l’école, de la radio, de la télévision! Il n’est plus question de reconnaître le propre, de se réconcilier, mais de le laisser pour du bon. Si l’indifférence totale procrée, au sein de toute société, la violence, le respect total peut devenir le seul moyen. Notons que tamazight à l’école a curieusement le même statut: elle peut être tout comme elle peut ne pas être. Cela dépend des moyens et de la volonté des dirigeants! D’un simple directeur ou d’un simple enseignant jamais contrôlé par personne. Tamazight s’avère alors affranchie. Elle est dépendante, optionnelle, mal gérée, mal répartie…
Pourquoi un tel statut? C’est pour l’intérêt de qui? Du maître bien sûr. Cette insertion sert le système. Elle va aider à l’arabisation efficiente… Cet affranchissement emmène à la politique succursaliste. Le succursalisme, pour nous, est à comprendre comme un trait intrinsèque à la situation sociopolitique de l’amazigh, créée toutes pièces par le Makhzen. Ce pouvoir central recherche un point de contact (et de là de domination) au sein de l’espace historiquement interdit (siba) qu’est l’espace de l’amazighité. Autrement dit, il est l’intervention de l’officiel, de l’institutionnel dans l’espace du non reconnu, du non officiel afin de le rendre civilement libre… de l’affranchir.
Dans l’exemple de l’IRCAM, la succursale n’est pas géographique: elle est plutôt idéologique et symbolique. Bien que cette micro-institution jouisse d’une certaine autonomie, elle ne peut vendre son image de réhabilitation de ce qui est marginalisé au-delà de l’immeuble qu’elle occupe. Par l’IRCAM, le Makhzen réussit non seulement à cerner totalement l’amazighité mais à s’y insérer. Pas suivant: il va la diriger dans toutes ses manifestations. Les prix, les patentes aux universitaires, les bourses, les amendements, les reconnaissances… Y a des chercheurs qui oublient vite leurs revendications scientifiques (et idéologiques) quand ils empochent plusieurs milliers d’euros: l’argent peut avec tout. Les exemples ne manquent pas. Tamazight n’a pas besoin d’indemnités! En général, l’IRCAM est une bonne solution économique pour les activités amazighes «qui vont tendre à louer le système» intégrateur. Aussi une reconnaissance économique pour l’élite (arriviste) qui confond la marginalisation de tamazight et ses ambitions personnelles «tues». Prochain pas, et c’est le plus douloureux, de cette stratégie d’assimilation: dégrader le propre dans le cœur et l’âme des siens. L’IRCAM est incapable de rendre à l’amazighité sa stabilité culturelle. Elle est là, dans les institutions sans avoir le corps palpable. Le projet amazigh ne peut pas se réaliser dans l’enceinte de l’IRCAM: il n’y a pas «accomplissement» de l’être. Il y a par contre succursalisme à des idéaux qui lui sont étrangers
Le succursalisme sert fondamentalement à mater l’idée «d’insurrection», elle ne peut qu’être bénéfique au corps central, à l’idéologie centraliste. Il est à voir comme une même société qui exploite plusieurs magasins: la même centrale, notons-le, est curieusement située dans la capitale à Rabat (comme c’est le cas de la Radio (en tamazight) où l’amazighité a peu de poids!). En fait, c’est la métropole qui commande. C’est à partir de cette Centrale qu’on va gérer la distribution. Elle va distribuer des franchises. Aussi l’inspection et le contrôle des activités «amazighistes». Elle va également fignoler l’application des politiques adéquates au corps de tamazight. Promouvoir les ventes de cette «culture à remodeler». Voilà l’ensemble de ses fonctions… En un mot, il s’agit d’un fait pire que le jacobinisme français.
III.- LE SUCCURSALISME DE L’ENSEIGNEMENT DE L’AMAZIGH
La manière dans laquelle l’Etat s’intéresse à l’héritage amazigh est paradoxale: il commence simultanément à «massacrer» l’amazighité et à la «protéger» (protection dans le style de Lyautey). C’est au moment même où l’Etat met en mouvement ses rouages philosophico-politiques pour instaurer la pédagogie de l’élimination du propre qu’il entend s’intéresser à cette ouverture sur l’amazighité. Redoublement de marges et de cassures pour le corps amazigh. Faut-il alors crier au latif quand tant de scandales entourent l’introduction de l’amazighe à l’école?
L’insertion de tamazight à l’école n’est pas pour répondre à cette absence de confiance entre l’héritage amazigh (depuis tant de siècles synonyme de siba) et l’institution (de nature makhzénienne), à cette crise sociopolitique. Pour que tamazight ait sa place au sein d’une école (x), il faut avoir en général:
* un ministre d’enseignement amazighiste;
* un délégué amazighiste;
* un inspecteur amazighiste;
* un directeur amazighiste;
* un enseignant amazighiste;
* le président des parents d’élèves amazighiste.
Par ailleurs, que veut dire «amazighiste» là où il y en a souvent une telle conscience qui s’identifie souvent avec «mode», «air de révolte passagère» ou arrivisme? En outre, notons que l’intelligentsia amazigh naît doucement pas comme celle du makhzen «arabiste» qui croît (ou se multiplie) chaque année. Par amazighiste, j’entends celui qui défend l’aberrant tout en ayant en face des éléments de rechange pour fabriquer «faussement» le commun. Il faut pour insérer tamazight gagner les «6 numéros», pas d’une loterie, d’une existence. Avoir les 6 numéros ensemble est nécessaire. Si un chiffre manque, tout échoue. Dans ce cas précis, c’est trop demander à la chance: la situation où tamazight pourrait gagner du terrain est aussi mince que celle d’un joueur de loterie! Alors nous avons des hommes d’Etat qui dénigrent l’amazighité, des délégués qui l’accusent de tous les maux, des inspecteurs qui y voient une surcharge «catastrophique», des enseignants «en colère», des parents d’élèves «dépassés»…
Dans la publication «Ineghmisen usinag» numéro 2 et les entretiens des responsables de l’IRCAM, les statistiques sont les suivantes: 354 écoles, 25000 élèves, 800 enseignants et 75 inspecteurs. Le ton est pour l’optimisme naissant: les chiffres vont en augmentation jusqu’à la généralisation de l’amazighe dans peu. Egalement, il y a deux étapes de formation: 1°- formation en amazighe, littérature, culture, histoire et civilisation; 2°- formation en pédagogie et didactique. Ainsi les enseignants peuvent aisément enseigner l’amazighe. Encore, entre 30 juin et 1 juillet 2003 (c’est-à-dire deux jours), il y a formation de ces 75 inspecteurs. D’autres «paires scientifiques» suivront: c’est assez pour prodiguer des leçons aux élèves. Y a enfin la troisième année de «Godot» pour tamazight: ‘manualisée’ (mise dans un manuel à l’instar d’une conserve de sardines qui ne va jamais connaître la dégustation d’une bouche) avec le dessein précis de ne pas avoir de maître ni élèves ni école ni inspecteur ni délégué…! Un manuel, ensuite un vide. Pour nous, cette intégration fictive et factice n’est, en fait, qu’un volte-face machiavélique des mécanismes de l’Etat pour éradiquer tamazight. Il nie naguère le passage à l’école pour la culture et la langue «propres» des marocains, cela n’apporte pas de fruits au Makhzen (ni à l’intérieur ni à l’étranger), maintenant il leur ouvre le passage pour se retrouver dans la marge de la marge, identique à une sorte de couloir de la mort: la mort est imminente et la vie est imminente… Cette politique va du massacre symbolique au contrôle de la diffusion de la culture «massacrée». Si les Imazighen n’ont pas de pouvoir politique, ils ne peuvent en conséquence être que d’éternels dominés. S’y plaisent-ils alors?
En définitive, l’IRCAM n’est qu’une succursale non seulement du MEN mais de toutes les institutions, autrement dit d’une institution totale. La langue et la culture amazighes, malgré la prétendue réhabilitation dont elles peuvent bénéficier depuis la création de l’IRCAM, demeurent l’impensable et le «à vider» de cette institution
IV.- LES SEPT FAUTES DE L’IRCAM
1.- La situation de l’amazighité va de l’officiel au chaotique, et ces deux états se ressemblent dans le fond. Est-ce donc la faute à l’IRCAM dans la mesure où cette institution pose cet héritage dans la case de l’officiellement affranchi? Le dahir créant l’institution royale parle d’une politique qui doit «permettre l’introduction de l’amazighe dans le système éducatif et assurer à l’amazigh son rayonnement dans l’espace social, culturel et médiatique, national, régional et local» (article 2) Introduction jusqu’à la deuxième année! Rayonnement par le fait de rayer «Bedd» de l’espace public! Rayonnement par la folklorisation généralisée dans les médias! L’officiellement reconnu apparaît comme solennellement «permis dans la mesure du possible» dans l’espace scolaire, social, culturel, médiatique… Le possible, pour un pays sous-développé et armé de politiques de rancune arabiste, est proche du néant, de l’inexistence, du vide et de l’effacé…
Ainsi, mis dans une telle équation, l’IRCAM ne peut pas mener à terme une politique d’intégration appropriée:
- Il n’a pas les fonctions «précisées» pour la réconciliation avec le corps de l’amazighité.
- Il ne peut pas réunir toutes les données à propos de la connaissance et de l’usage de tamazight. Il n’a pas de statistiques fiables: que fait-il par rapport aux dernières statistiques qui réduisent les Imazighen à 23%? L’IRCAM apparaît inapte à briser le mythe de la minorisation des Imazighen, cette politique entamée depuis Uqba qui parfait la substitution linguistique.
- Il n’a pas de politique de rayonnement: les déclarations des responsables montrent de l’hésitation où le personnel et l’objectif s’entremêlent étroitement. Des déclarations timides, incongrues et contradictoires… Cette imprécision d’objectifs fait de leur entreprise une initiative prédéterminée par la défaillance. Son unique issue de secours: travailler sur la langue –qui est déjà là!
- Il n’a pas de pouvoir d’exécution: les décisions du Conseil d’administration sont raillées et corrigées par un simple employé du ministère! Et renvoyées aux calendes grecques.
2.- Le choix symbolico-politique du tifinagh pour enseigner l’amazighe en mars-avril 2003 au sein du Conseil d’administration de l’IRCAM est-il à lire comme une autre erreur? Si l’homogénéisation de la graphie, l’enseignement obligatoire de tamazight, la généralisation de l’enseignement, les projets d’insertion dans toutes les institutions… apparaissent comme des «slogans» d’affranchissement total.
Ce choix est tributaire de l’impossible: il ne peut cohabiter avec les graphies «étrangères», et ne peut germer dans le vide «local». Le tifinagh aide à la conscience identitaire, il annule le fonds de commerce «arabiste».
Maintenant, il se pose comme la grande difficulté pour réussir le projet amazigh, plus accommodant dans cette vision succursaliste… Enfin, heureusement, l’usage de l’écriture est peu répandu au Maroc!

3.- Le contact des langues au sein de l’IRCAM donne raison à l’arabe et aux langues occidentales: tamazight n’est pas parlée dans les réunions du Conseil d’administration, elle n’est point la langue de la recherche. Rarissimes sont les chercheurs qui dominent parfaitement deux variantes de tamazight… Les publications les plus importantes sont faites dans la langue de l’autre. En cela ce genre de travail est pareil aux publications faites par les ethnographes étrangers. Tout va dans le sens d’absolutiser la langue de l’autre.
4.- On fait de la recherche-dissection sur le corps amazigh: où est la tête de la momie? De quel sexe-genre est-il? Quelles sont ses mesures? Ça, est-ce de la science qui pourrait réveiller (ressusciter) la conscience du propre? Ah, y a des questions qu’il faut nécessairement éviter, au nom de la science: quelles sont les causes de cette mort? Où a-t-il vécu? Quand a-t-il vécu? Peut-il survivre?
Cette réification est signe de l’impossibilité de la résurrection tant déclarée par-ci par-là.
5.-Faut dire que l’histoire nous apprend plus que l’analyse synchronique d’un fait ne peut apporter ses fruits que dans l’implication du diachronique. L’IRCAM est une institution qui arrive en retard; il faut redoubler les efforts afin de gagner vite l’effacement.
Avec l’institut, il faut y lire la fin de la crise de confiance? La fin de la crise d’identité, la fin de la crise de perspective? L’IRCAM, en plus de tracer la pétrification du mouvement amazigh, en fait une forme d’être de l’amazighité: faite par les siens et pour soi. Peut-elle alors subsister une institution sans le consentement général?

6.- L’IRCAM vient fondamentalement pour nous dire que l’amazighité est un problème linguistique, mais il se trouve que le Problème est général, total, complexe, problématique… Loin de tout fait linguistique. Pour continuer à vivre, les Imazighen, loin de se montre comme des «scientifiques de laboratoire», sont appelés à fonder une idéologie amazighe.
Ces pauvres chercheurs de «labo» peuvent changer facilement de position au moment de défendre une position: il pourrait dire A, ensuite B, encore C, ensuite il ne sait plus que dire ni que défendre. L’amazigh a, peut-être, cessé de se révéler comme un sujet intéressant pour les chercheurs étrangers (historiens, linguistes, anthropologues), mais il apparaît intéressant à soi-même, là une destruction du sentiment d’infériorité intériorisée. Il est maintenant un sujet qui existe en tant qu’être-pour-moi. Voilà la prise de conscience dans toutes ses dimensions et extensions.
7.- L’IRCAM doit avoir la signification d’une institution nouvelle, celle qui soit de toute définition révolutionnaire par rapport à l’institution marocaine. Pourquoi? Comment? L’Institution, ici, veut dire négation du propre: l’amazighité est à enterrer. Peut-il alors l’IRCAM fonder une telle révolution «définitoire» pour être ce qu’il faut qu’elle soit.
V.- LES PROSPECTIVES DU PROPRE
Du fait que les imazighen sont marginalisés, divisés et inférieurs pour eux, tout comme ils le sont pour les autres, nous nous trouvons donc devant une réalité de contradictions insolubles. Car il s’agit d’une question purement politique. En prenant l’exemple de l’IRCAM, l’on peut parler de «futuhat makhzeniennes» de l’amazigh. En général, l’enseignement de l’amazigh va dans le sens tracé par la Charte et le Livre blanc, loin de toute autre politique «démocratique et égalitaire». Le rapport du Makhzen à la question amazighe doit changer pour parler vraiment de l’introduction de l’amazighe dans le système: relecture du rapport, autocritique et redéfinition des droits et des devoirs…
Rappelons également que l’école ne peut pas être le seul canal pour la standardisation de tamazight et de son évolution. Au nom de la modernisation, l’on recherche désespérément la standardisation. Rechercher la standardisation pour faire du berbère une langue littéraire. Le standard est un mythe réalisable en tant que projet de réduction. La langue standard est difficile à définir. L’anglais standard est établi en 1711. Le dictionnaire de l’Académie française est considéré comme le moyen de standardisation du français.
Par standardisation, l’on entend la fixation et la continuité, faut-il ajouter l’institutionnalisation? Si la standardisation du français ou de l’anglais, en plus de la régionalisation, posait le problème des classes sociales, est-il le même cas pour tamazight? La standardisation de l’amazighe ne doit pas écarter l’idée de supranational. Parfois, elle peut servir à créer cette homogénéité nationale bien qu’il est inimaginable d’enseigner une seule langue qui ne soit pas celle de l’élite.
Tant que tamazight n’a pas une fonction socioéconomique, elle ne pourra pas évoluer dans son propre espace. C’est par elle qu’on peut trouver un travail, s’assurer un moyen de vie, qu’on peut gérer l’espace, qu’on peut comprendre l’univers. A ce moment, une interrogation s’impose: tamazight est-elle à envisager comme une langue officielle bien inscrite dans la Constitution?
EN CONCLUSION,
Tamazight souffre d’absence de centre conducteur; cela mène à la dispersion des revendications et à leur «prêche dans le désert amazigh». L’on demande pour autant à l’amazigh plus d’exploits et de sacrifices pour retrouver son identité. Qui peut résister? demeure une interrogation en suspens. Et l’IRCAM ne vient que pour fléchir en un temps concis une telle résistance? Cette «marginalisation dans l’ouverture» s’explique fondamentalement par des raisons politiques, puis politiques, ensuite politiques et enfin historiques. Redresser l’amazighe va de pair avec les mesures politiques, commencent les militants amazighs à voir «clair» … Ils voient encore que les textes qui osent «se référer» à l’amazighe ne sont en soi qu’un ensemble de causes efficientes, capables de produire des effets opposés à ceux qui sont tracés au départ. Avant, l’interdiction d’entrée à l’école pour l’amazighe était bénéfique, maintenant avec une telle réception il y va d’une destruction programmée, notamment la déception des propres natifs.
Il n’est point question de «mise en cage» de l’amazighité, mais de son affranchissement pour se disperser et se fondre dans la réalité commune «arabo-française»! De là, la «téléamazighité» est fondée par l’IRCAM: parler de tamazight en créant de la distance, en pétrifiant l’être, en le réduisant à un problème de «schwa».  L’IRCAM devient ainsi, pour nous, une sorte de téléboutique démagogique.
Rappelons-le encore: Tamazight n’est pas un problème scientifique et n’a pas de problèmes scientifiques, mais oui est un problème politique et a des problèmes politiques sur son propre sol. Elle souffre de la stratégie d’assimilation qui bat son plein dans les pays du Maghreb, ultime désir de l’éternel Uqba. Pour cela l’Etat crée des mirages de la réconciliation avec le propre. Tant de fictions étalées sous forme de leurres aux yeux des Désespérés. Pour conclure, nous ne trouvons pas de phrase plus juste que celle de Mohamed Boudhan pour terminer cet étayage «noir» de la situation de l’amazighe: «Si le dahir berbère est le leurre du XX siècle, l’enseignement de l’amazighe est celui du XXI siècle». Nourrissant l’illusion d’être, tamazight ne se pose que comme succursaliste pour l’arabe, pour l’autre et pour n’importe quel autre espace, sauf pour le propre.
H. Banhakeia (Faculté Pluridisciplinaire de Nador)

 

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