Uttvun 82, 

Sinyûr  2004

(Février  2004)

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Les imazighen de HÉRODOTE:

Lecture, commentaire et interrogations (2ème partie)

Par: Hassan Banhakeia (Université d’Oujda)

Pour mon frère Brahim

«Les hommes passent comme les feuilles des arbres»    (Homère)

 

C.-«MOURIR» DANS LA VISION DES AUTRES

L'amazigh ne sert qu'à mourir pour la cause des autres, il est un simple cadavre vivant.

11- Un peuple proche, mais lointain

A travers l'Enquête, le peuple amazigh apparaît tantôt proche (connu, défini), tantôt lointain (méconnu).

Dans le récit qui essaye d'expliquer l'origine du Nil, nous avons plus d'informations sur l'identité amazighe. Il s'agit de l'expédition des Nasamons où les voyageurs découvrent l'existence d'un peuple différent:

«Etéarque dit alors qu'il avait un jour reçu des Nasamons (ce sont des Libyens qui habitent la Syrte et un peu du pays à l'est de la Syrte). En les recevant il leur avait demandé s'ils pouvaient lui fournir quelques renseignements nouveaux sur les déserts de la Libye; ils répondirent qu'il y avait eu, dans quelques grandes familles de leurs pays, des jeunes gens téméraires qui, arrivés à l'âge d'homme, entre autres projets extravagants, avaient décidé de tirer au sort cinq d'entre eux qui s'en iraient  explorer les déserts de la Libye et tenteraient d'en voir plus que les voyageurs qui étaient allés le plus loin.  Les côtes septentrionales de la Libye, de l'Egypte au cap Soloéis où elle se termine, sont entièrement peuplées de Libyens et de nombreuses tribus de la même race, à l'exception des possessions grecques et phéniciennes. L'intérieur du pays, au-delà des régions côtières habitées, appartient aux bêtes sauvages; plus loin, il n'y a plus que sable, sécheresse terrible et désert total. Donc les jeunes gens envoyées par leurs camarades, bien pourvus d'eau et de vivres, traversèrent d'abord les terres habitées; après quoi, ils parvinrent au domaine des bêtes sauvages et, de là, entrèrent dans le désert, en marchant toujours vers le vent d'ouest. Après bien des jours de marche à travers de vastes étendues de sable, ils virent  une plaine où poussaient des arbres dont ils allèrent aussitôt cueillir les fruits: à ce moment survinrent de petits hommes, d'une taille en dessous de la moyenne, qui s'emparèrent d'eux et les emmenèrent. Les Nasamons ne comprenaient pas leur langue et eux ne comprenaient pas celle des Nasamons. On leur fit traverser de vastes marécages, après lesquels ils trouvèrent une ville où tout le monde avait la même taille que leurs ravisseurs, et la peau noire. Près de cette ville passait un grand fleuve qui coulait d'ouest en est et dans lequel on voyait des crocodiles.

Je n'en dirai pas davantage sur ce récit de l'Ammonien Etéarque, sauf toutefois ceci: il disait, selon les Cyrénéens que les Nasamons étaient rentrés dans leur patrie, et que les gens du pays qu'ils avaient découvert étaient tous sorciers. Quant au fleuve qui coulait là-bas, Etéarque supposait que c'était le Nil, et la réflexion le prouve. En effet le Nil vient de la Libye, qu'il coupe par le milieu» (II, (32-33), pp.174-175)

Ce long passage révèle fondamentalement:

—Le narrateur est Etéarque, roi des Ammoniens. Selon lui, les Imazighen sont formés de grandes familles: ils occupent les côtes septentrionales de la Libye et de l'Egypte au cap Soloéis (cap ouest du Maroc) Si la côte est habitée, l'intérieur est habité par les animaux sauvages, et plus loin il n'y a que le désert total.

—Cependant, les jeunes amazighs veulent explorer le désert des terres du sud, jusqu'à leurs confins: cela peut expliquer leur rôle historique en tant que mercenaires.

—Une autre détermination spatiale et une définition ethnique des Imazighen: A l'ouest survinrent de petits hommes noirs, réputés pour être des sorciers et munis d'une langue différente.

Dans le texte, d'autres passages développent cette vision antithétique de l'Autre qui essaye de parler de l'Africain blanc.

12- un peuple sain

Comment étaient-ils alors les Imazighen? Moins beauxÊ et moins grands que les Ethiopiens 'de race noire' (cf. III, (20), p.275)? Elégants dans leur accoutrement comme les Grecs et les Egyptiens? Le seul trait, tant réitéré par Hérodote, est la bonne santé du peuple amazigh:

«D'ailleurs, ils (les Egyptiens) sont, après les Libyens, le peuple du monde qui jouit du meilleur état de santé, grâce, je pense, à leur climat, qui est le même en toute saison.» (II, (77), p.199)

L'auteur expose ce qui suit:

—Le climat ne change pas! En Grèce, le mauvais temps sévit et change beaucoup, surtout l'hiver dur durant le mois de Lénéon (seconde moitié de janvier et première moitié de février). L'Afrique du nord est climatiquement l'opposé de la Grèce… Selon Hérodote, les changements de saison provoquent des maladies graves.

—Les Imazighen jouissent d'une bonne santé physique grâce au climat qui change rarement. Plus de santé que les Egyptiens! Cet état sous-entend surtout une force et constitution physiques. Cette remarque ethnographique est réitérée à un autre moment des Histoires: «Les Libyens sont d'ailleurs, en vérité, le peuple le plus sain que nous connaissions»(IV, (187), p.444). Cette bonne santé est également à rattacher à la pratique de la médecine des Imazighen. Il y a la scarification et la brûlure: «quand les enfants atteignent l'âge de quatre ans, ils leur brûlent les veines du crâne (…) avec une mèche de laine non dessuintée, dans l'intention de leur éviter à l'avenir le flegme qui découle de la tête, et cela leur assure, prétendent-ils, une santé parfaite.» (IV, (187), p. 444) Ensuite, s'il y a des complications: «Si l'opération provoque des convulsions chez l'enfant, ils ont un remède tout prêt: ils l'arrosent d'urine de bouc.» (IV, (188), p. 444)  La médecine traditionnelle prévient ces problèmes postopératoires.

—Et ils souffraient également des épidémies originaires du sud: «L'épidémie prit naissance, dit-on, en Ethiopie, au-dessus de l'Egypte. De là elle se répandit en Egypte même, en Libye» (ici, nous citons Thucydide d'Athènes, «La guerre de Péloponnèse», II, p.819 (47 suite), La Pléiade, Gallimard, 1985) Contre ces maladies, les Imazighen se servaient des plantes. Le silphion, plante aux vertus curatives à laquelle Cyrène devait fortune en l'exportant, tout comme le lotus (fruit du jujubier), sont bénéfiques pour se préserver des maux.

Cette description physique des Imazighen apparaît positive, seulement Hérodote ne parle point de la rencontre d'un Amazigh.

13- Un peuple à accoutrement particulier

Que dire du portrait «vestimentaire» ou de l'exploitation du corps chez les Imazighen? Tant d'indications reviennent dans l'Enquête. Ils achetaient de l'étoffe auprès des Phéniciens.

Le vêtement devait ne pas être important, selon Hérodote, car le climat ne changeait pas. L'historien insiste plutôt sur le caractère «cérémonieux» de l'habit. Là, il faut noter une nette influence vestimentaire des Libyens sur les Grecs:

«Le costume et l'égide qu'on voit en Grèce aux statues d'Athéna sont inspirés des vêtements des Libyennes, bien que le costume des Libyennes soit de peau, et la frange de leur égide faite de minces lanières de cuir au lieu de serpents; le reste est pareil. D'ailleurs, le nom montre bien que le costume des statues de Pallas vient de Libye: les Libyennes portent sur leur robe une égée, peau de chèvre rasée, garnie de franges et teinte en rouge, dont les Grecs ont tiré le mot égide. Pour moi, les hurlements rituels qui accompagnent les cérémonies religieuses ont aussi la même origine, car les Libyennes en usent fort, et d'une façon remarquable.» (IV, (189), p.444)

Ainsi, le vestimentaire est à rattacher au rituel des adorations. Seulement, Hérodote ne dit pas davantage.

Ceci dit, quelles confessions les Imazighen avaient-ils pour donner tant d'importance aux costumes et aux apparences? De même, quelle était l'industrie des Libyens pour la confection des vêtements?

14- Coiffure particulière

Hérodote insère plusieurs passages qui insistent principalement sur la coupe des cheveux, en tant que trait définitoire d'une tribu ou d'une autre. Il dira à propos d'un «leff» amazigh: «(ils) ont le crâne rasé, à l'exception d'une houppe de leur chevelure tandis qu'ils la tondent jusqu'à la peau sur les côtés». (IV, (175), p.438) Là, il est d'observer:

 —Ce crâne rasé et cette houppe sont souvent cités par des textes ethnographiques de la fin du XIXe  et du début du XXe siècles.

 —Ce rite démontre explicitement la maîtrise du rasage, et pour cela il faut des ustensiles. Quels étaient les outils utilisés?

A un autre moment de l'histoire de l'Afrique du nord, nous lisons: «(ils) laissent pousser leurs cheveux sur le côté droit de la tête et les rasent sur le côté gauche, et (…) le corps de vermillon.» (IV, (194), p.445) Ce passage réitère les remarques suivantes:

 —La grande attention donnée chez ce peuple au corps, et surtout aux cheveux. Chez les hommes! Ce «travail» du physique est réitéré dans les textes colonialistes. 

 —Pourquoi la couleur rouge? Encore, un rouge vif… Surtout, il faut préciser: cette couleur était considérée dans le temps des Grecs et des Romains comme le symbole de la richesse ou de la haute dignité sociale.

Quelle signification peut avoir la coiffure? Faut-il la rattacher aux confessions? Quels étaient les ustensiles de la coiffure? N'avaient-ils pas ces coiffures (chez les mâles) la même fonction que les tatouages (chez les femmes)?

15- Un peuple rapide, prêt pour la guerre

Une autre indication «physique» y est exposée lors de la description des «Troglodytes», une fraction (de couleur) des Imazighen: «ces Troglodytes, de tous les peuples dont nous entendons parler, sont les hommes les plus rapides à la course.» (IV, (183), p.442) Cette indication, toujours valable de nos temps pour les grands athlètes maghrébins, est probablement précisée pour servir d'information aux armées d'invasion grecques. Cette indication-mythe sera réitérée par les voyageurs étrangers du XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe et du début du XXe siècles.

Nous avons une autre indication de leur accoutrement, cette fois militaire: «Pour la guerre, ils se font des cuirasses en peau d'autruche.» (IV, (175), p.438) Cette armature (cuirasse) faite à partir de la peau d'autruche montre deux faits possibles: d'un côté les Imazighen cohabitaient avec les peuples du sud, et de l'autre il y avait probablement des autruches au Maghreb.

De même, les Imazighen savaient bien dresser les chevaux: «Atteler à quatre chevaux est encore un usage passé des Libyens à la Grèce.» (IV, (189), p.444) Leur influence sur les Grecs est explicitement attestée par Hérodote.

16- Un peuple qui mange des reptiles

Qu'est-il alors de la nourriture? Que nous raconte Hérodote à propos de la tradition culinaire? S'ils sont physiquement très sains, d'après les affirmations constantes de l'historien, la nourriture devra être également saine. Bizarrement, la nourriture des Imazighen se résume à: «Ces Troglodytes vivent de serpents, lézards et autres reptiles» (IV, (183), p.442) Ce passage révèle le point de contradiction avec d'autres renseignements «faux» apportés par l'auteur: ils ne consommaient pas ce qui est vivant… Ici, ils se nourrissent de reptiles. Et à un autre moment, nous lisons également: «Ils chassent aussi les sauterelles; ils les font sécher au soleil, les pilent et ajoutent cette poudre au lait qu'ils boivent.» (IV, (172), p.437) Cette habitude culinaire existe encore chez les tribus du sud.

Les Imazighen consomment des sauterelles, dans un plat typique: sauterelles séchées et mises en poudre mélangées au lait). Mais qu'est-il en général, de l'art culinaire? Ou bien cette indication n'a-t-elle de valeur que pour «déprécier» le peuple nord-africain?

Sur le plan de la culture culinaire, les Imazighen sont également des végétariens. Une des tribus, par exemple, ne mange pas le «vivant»: «Ils ne mangent, dit-on, rien qui ait vécu» (IV, pp.442-443) Curieusement, dans un autre passage déjà analysé: les Imazighen s'insurgent contre l'oracle car ils veulent consommer la «vache».

A propos de la nourriture, Hérodote essaye d'accumuler des informations, mais juste à dessein de les rattacher au religieux.

17- Et le portrait psychologique?

Qu'est-il alors du portrait psychologique? L'étude des mœurs peut nous révéler ceci: les Imazighen prêtaient leurs femmes aux premiers venus, ils étaient sauvages, ils entretenaient bien le cheval…

Curieusement, le peuple amazigh est décrit comme un peuple qui ne rêve pas. Y a-t-il un peuple qui ne rêve pas? Y a-t-il un homme sur terre qui ne se plaît dans son propre règne de songes? Les Imazighen «ne connaissent pas les songes.» (IV, pp.442-443) L'auteur se base sur le «dit-on».

 Les Imazighen est un peuple qui ne rêve pas! Cette remarque, tendant vers une spécification objective, est trop importante à lire dans le sens où elle révèle le système - filet de préjugés dans lequel tombent simultanément la culture et l'être amazigh.

 Ne pas rêver, c'est ne pas vivre! Pis, seuls les humains peuvent rêver! Autrement dit, les Imazighen sont des animaux du moment qu'ils ne peuvent posséder des songes…

En général, nous n'avons pas assez d'éléments de description de la psychologie ou du comportement social des Imazighen.

18- Bilan:

Cette description est, en plus d'incongrue, inachevée. Les lois, les structures sociales, le pouvoir, les coutumes… ne sont qu'à peine esquissés, dans leur rapport aux autres. Ainsi, l'image première de l'Amazigh demeure vague à définir ou à élucider: tant de points et d'éléments contradictoires sont à l'origine de cette reconstitution plurielle.

III.- Etre annihilé symboliquement

Recherchons les femmes des autres ou bien «annihilons leurs valeurs»… Ce doit être là l'intention des étrangers envers les habitants de la Libye. 

La femme est identité. Elle est l'identité dans toutes ses formes, de là l'origine même. Elle incarne l'être et le destin d'une culture. Donc, toute appréciation autour de la femme renvoie explicitement au jugement de la civilisation en question. Comme il est fort connu depuis longtemps, la culture amazighe est, par essence, féminine (matrilinéaire).

19-Femme, objet de désir

L'image de la femme est une constante dans l'appréciation mutuelle entre les peuples. Si la femme est louée ou méprisée pour une raison ou une autre, cela a des sous-entendus interculturels.

Selon Hérodote, les femmes de la Libye: 

«Leurs femmes portent un anneau de cuivre à chaque jambe; elles laissent pousser leurs cheveux et, quand elles prennent des poux, chacune mord à son tour ceux qui l'ont mordue, puis les recrache; cette habitude n'existe que chez eux; ils sont aussi les seuls à présenter à leur roi les filles qui vont se marier; celles qui lui plaisent, il en jouit le premier.» (IV, (168), p.436)

Ce passage précise grosso modo:

—Ces femmes portent des anneaux de cuivre aux jambes. Comment sont-ils ces anneaux? Comment est-elle l'industrie du cuivre chez les Imazighen? Outre sa signification rituelle, le cuivre avait-il une valeur ornementale? 

 —Les femmes entretiennent mal leur chevelure: elles sont sales, et elles se plaisent à croquer les poux puis à les recracher. Ce rite est spécifique à ce peuple «sale» dans son origine. Une telle description est nauséabonde…

 —C'est bien le roi qui est le premier à se réjouir de la belle mariée avant son époux. Se réjouir d'une épouse «aux mille poux»!

 —Ce que nous retenons de cette citation: les Imazighen avaient des rois! Et de cette monarchie dérive sûrement une structuration précise de la politique, de l'économie et de la société.

De l'anneau, fait de cuivre, il y a d'autres passages de l'Enquête qui y fait référence pour le rattacher emblématiquement à l'union conjugale:

«les femmes portent aux chevilles un grand nombre d'anneaux de cuir qui ont, dit-on, un sens particulier: chacun représente un homme auquel la femme s'est unie. Celle qui en a le plus est la plus estimable à leurs yeux, puisque, disent-ils, elle s'est fait aimer du plus grand nombre d'hommes.» (IV, (176), p.439)

De cette citation, il faut déchiffrer ce qui suit:

 —Aux jambes les femmes portent des anneaux de cuir (pas de cuivre). Le nombre de ces joyaux est égal à celui des hommes avec lesquels elle eut une relation conjugale. Plus une femme a d'anneaux, plus de valeur elle a.

 Cette revalorisation de la femme «tant aimée» n'a-t-elle pas un rapport avec l'initiation à la sexualité? Qui se fait aimer à maintes reprises a plus de valeur que l'autre? Amour et mariage vont de pair.

Le statut social de la femme est clair à partir de la cérémonie de l'union avec le mâle:

 «Ils pratiquent la polygamie, mais les femmes sont communes à tous (…) avant de s'unir à une femme, l'homme plante un bâton devant sa porte. Quand un (…) se marie pour la première fois, la coutume veut que pendant la première nuit tous les convives puissent jouir de la femme qu'il épouse; et chacun d'eux doit lui remettre un cadeau qu'il apporte de chez lui.» (IV, (172), p.437)

Ici, il est de remarquer ce qui suit:

—Si les Grecs sont monogames, les femmes des Imazighen sont communes à tous les hommes, et il y a la polygamie! Une telle précision ethnographique est absurde. Comment peut-on être polygame et partager les femmes avec les autres?

 —Lors de la demande de la main: le prétendant plante un bâton devant la porte de la future fiancée. Si c'est vrai, pourquoi un bâton? 

 —Si chez les Grecs, la mariée reçoit des cadeaux, habillée de blanc, prise dans les bras de son marié, les deux époux franchissent le seuil de leur future maison, dans le cas des Imazighen, la mariée est prête, avec le consentement de son époux, à se coucher avec les convives, qui rapportent des cadeaux. Quels cadeaux? Cette morale, si scandaleuse, ne dévoile pas que l'épouse est un article de vente… Cette destruction de l'image de la femme amazighe va être pérennisée par les colonialistes qui vont déferler sur l'Afrique du Nord.

Le partage de la femme est traité à un autre moment du texte historique:

«Chez eux les femmes sont communes à tous; ils ne se marient pas, ils s'accouplent à la manière des bêtes. Lorsqu'une femme met au monde un enfant viable, les hommes se rassemblent deux mois après, et celui à qui l'enfant ressemble est reconnu pour son père.» (IV, (180), p.440)

Ce passage révèle également des choses fort intéressantes au niveau éthique:

 —Il n'y a pas de mariage: les femmes sont communes aux hommes. Que disait avant l'historien dans d'autres passages? Autre chose…

 —La descendance est intrigante: la progéniture est reconnue par la reconnaissance entre père et fils (après deux mois de la naissance de l'enfant)

Ainsi, en tant qu'incarnation de l'identitaire, la femme est décrite dans un cadre complètement honnissant… Par conséquent, la structure sociale et familiale et l'équilibre psychologique sont des tares dans l'histoire de l'Afrique du Nord.

Que dire en général de ce peuple où la femme est un objet de désir, où la famille est inexistante? A-t-il des valeurs?

20- Les croyances métaphysiques

A propos des croyances métaphysiques des Libyens, Hérodote fait souvent référence aux oracles. L'oracle est une réponse divine pour un peuple dans l'embarras. Par exemple, avant d'entreprendre la guerre contre les Perses, Crésus roi de Lydie, «résolut d'éprouver aussitôt les oracles de la Grèce et celui de la Libye» (I, (46), p.61) Pour la Libye, il s'agit de l'oracle d'Ammon. Ainsi, faut-il y voir l'importance de la Libye sur le plan symbolique?

A propos de l'origine des oracles, Hérodote dira:

«Sur les deux oracles qui se trouvent l'un en Grèce, l'autre en Libye, voici ce que racontent les Egyptiens. Aux dires des prêtres du Zeus Thébain, les Phéniciens enlevèrent un jour de Thèbes deux femmes consacrées au service du dieu, et l'on sut que l'une avait été vendue en Libye, l'autre chez les Grecs. Ce sont elles, disent-ils, qui, les premières, introduisirent les oracles chez ces deux peuples.» (II, (54) pp.188)

Puis, il nous raconte un conte (très amazigh avec des femmes métamorphosées en colombes) où il explique la fondation de l'oracle d'Ammon.

De ces oracles, nous devons poser une question plus valable: qu'est-il alors des divinités? Hérodote est catégorique:

«En fait, la Grèce a reçu de l'Egypte presque tous les noms de ses divinités. Ils nous viennent des Barbares, mes recherches m'en ont convaincu, et surtout, je crois, de l'Egypte. Sauf Poséidon et les Dioscures, comme je l'ai dit plus haut, ainsi qu'Héra, Hestia, Thémis, les Charites et les Néréides, toutes les autres divinités ont toujours été connues en Egypte; d'ailleurs, je ne fais ici que répéter ce que disent les Egyptiens eux-mêmes. Ce dont ils déclarent ne pas connaître les noms nous viennent, à mon avis, des Pélasges, sauf Poséidon: les Grecs ont pris ce dieu aux Libyens, seul peuple chez qui l'on trouve dès l'origine un dieu de ce nom  qu'ils continuent d'ailleurs à honorer. Quant aux héros, les Egyptiens n'en connaissent pas non plus le culte.» (II, (50), pp.186-187)

L'auteur  est enfin convaincu: la mythologie grecque est d'origine égyptienne. Et Poséidon, dieu des Mers, appartient aux Libyens. Que dit alors Hérodote des marins libyens? Des pêcheurs? Des pirates de la mer? N'y aurait-il pas d'autres dieux d'origine amazighe? Le texte n'en dit pas plus.

De fait, la divination et les serments des Libyens sont bien explicités:

«En matière de serments et de divination, voici leurs coutumes: ils jurent par les hommes renommés chez eux pour avoir été particulièrement  justes et vaillants, la main posée sur leurs tombeaux. Pour consulter les dieux, ils se rendent à l'endroit où sont ensevelis leurs ancêtres, font une prière et dorment sur la tombe; les songes qu'ils font leur dictent leur conduite. Voici comment ils contractent un engagement: l'un donne à boire à l'autre dans sa main et boit ensuite dans la sienne; s'ils n'ont aucun liquide à leur disposition, ils ramassent de la poussière qu'ils lèchent.» (IV, (172), p.438)

Cet extrait révèle:

 —Si les Grecs ne vivent que pour assurer le culte des ancêtres, dans le cas des Imazighen ce culte est appréhendé dans l'univers des morts.

 —Les Imazighen jurent de par leurs hommes renommés, auprès de leurs tombeaux. Ce rapprochement des morts «vaillants et justes» est à déchiffrer comme un rapprochement inaltérable de la vaillance et de la justice, où la mort et la vie se confondent totalement.

 —Dans leurs rapports avec le cimetière, les Imazighen se délectent à dormir sur la tombe afin de quêter un rapport avec les dieux. Cette coutume est fort citée dans les textes colonialistes.

 —Ah, les voilà maintenant en train de rêver! Ils font ce que leur dictent leurs songes pêchés aux côtés des morts vaillants et justes.

 —Lors d'un contrat de confiance, chose qu'ils respectent fort bien et surtout dans le troc, ils ont l'habitude de boire dans la main l'un de l'autre.

La célébration des rituels chez les Imazighen se fait au milieu de youyous: «Pour moi, les hurlements rituels qui accompagnent les cérémonies religieuses ont aussi la même origine, car les Libyennes en usent fort, et d'une façon remarquable.» (IV, (189), p.444) Ces youyous de femmes renvoient à la Supplication aux dieux, et encore ces «talewliwin i Mulay» (youyous pour Dieu) survivent dans la tradition amazighe quand les mères des naufragés ne se lassent pas de hurler sur la côte leurs morts. 

Les sanctuaires amazighs ne sont pas cités. Mais, l'historien y fait référence indirectement:

 «L'interdiction de s'unir à des femmes dans des sanctuaires, ou d'y pénétrer sans s'être lavé après avoir eu commerce avec une femme, a été prononcée par les Egyptiens les premiers. Presque tous les autres peuples, sauf les Egyptiens et les Grecs, tolèrent qu'on s'unisse à des femmes dans les sanctuaires et qu'on y entre après l'acte sexuel sans s'être lavé, dans l'idée qu'il n'existe aucune différence entre les hommes et les animaux: on voit, disent-ils, les bêtes et les oiseaux de toute espèce s'accoupler dans les temples et les enclos consacrées aux dieux; or, si cela déplaisait à la divinité, les bêtes elles-mêmes ne le feraient pas. Telles sont les raisons qu'ils invoquent pour commettre des actes que je ne saurais approuver.» (II, (64), p.193)

Les sanctuaires ne sont pas respectés: les hommes et les femmes y font l'amour. Ainsi, le respect des dieux n'est pas assuré.  En conséquence, ces peuples «barbares» demeurent des animaux sauvages.

Ajoutons à cela, l'élément de la nature du soleil, tant adoré par les Egyptiens et les Libyens, est cité dans le texte. Il est tantôt damné (insulté, injurié), tantôt vénéré.

L'expérience avec l'au-delà est précisé par son contact avec le soleil:

«Ce peuple adresse des malédictions au soleil quand il est au sommet de sa course, avec toutes les injures possibles, parce que son ardeur brûle et les êtres humains et la terre.» (IV, (184), p.442)

De là, nous pouvons dire: ils maudissent le soleil à cause de son ardeur! Comment peuvent-ils s'adresser au soleil? Ces êtres doivent être aliénés… Ils ont une bonne santé grâce au climat! Un sacré contresens.

Dans la seconde position (vénérer le soleil), les Imazighen sont proches du rituel «égyptien» qui adoraient le soleil (nous avons l'exemple du sphinx de Gizeh qui représente l'image de Khéphren, adorant le soleil et protégeant la pyramide). Et Hérodote de préciser: «Ils sacrifient au soleil et à la lune seulement tous les Libyens leur offrent  des sacrifices» (IV, (189), p. 444) Comment expliquer alors ces contresens de Hérodote?

21- La langue amazighe: cris de chauves-souris

Que dit Hérodote de leur expression? Presque rien. La seule indication du texte concerne la fraction des Troglodytes: «ils ont un langage qui ne ressemble à aucun autre: ce sont des cris comme en poussent les chauve-souris.» (IV, (183), p.442) L'auteur précise donc que tamazight est unique! Elle ressemble aux cris des chauves-souris. L'amazigh couine alors, au lieu de parler comme un «civilisé», ou tout au moins comme un être humain. Peuvent-ils ses couinements «amazighs» être déchiffrés et reconnus?

Le «principe de contradiction» édifie l'image de l'amazigh dans toutes ses manifestations.

22 -Bilan

Le portrait symbolique de l'amazigh est important à étudier dans la mesure où il nous renseigne avec plus de netteté sur le mépris ressenti par l'auteur envers les Imazighen. Ces derniers sont présentés comme du bétail.

EN CONCLUSION…

Peut-il l'autre écrire l'histoire amazigh? Hérodote l'a bien fait, à partir de sa propre vision de Grec. Il dira: «Voilà les peuples de Libye que nous pouvons nommer» (IV, (197), p.447) Voilà l'histoire grecque de l'amazighité. Faut-il lire donc l'Enquête comme un texte / mythe fondateur de l'identité amazighe: indépendante?

Tout ce que nous avançons, ce n'est pas pour dire: voilà l'histoire dans tous ses détails. Ni avancer: Hérodote a raison ou avait raison. Il est resté toujours circonspect:

 «Voilà là-dessus mon opinion personnelle» (II, (56), p.189),

 «je ne sais pas si c'est vrai et me contente de consigner ce que l'on dit» (IV, (195), p.446)

 «d'après les recherches aussi étendues que possible, auxquelles nous nous sommes livré» (IV, (192), p.446) des infinis «je pense» «je crois», «à notre connaissance»

 «J'admets donc à ce sujet ce qu'on dit de (…), et je crois que c'est l'exacte vérité» (II, (12), p.163)

 «S'il me faut après avoir rejeté ces théories, donner à mon tour un avis» (II, (24), p.169)

 «j'ai dit ce que mes yeux, mes réflexions et mes enquêtes m'ont appris; je vais maintenant rapporter (…) ce que j'ai entendu dire» (II, (99), pp.209-210)

Ces phrases sont insérées lors de l'introduction des renseignements, cela veut dire: l'auteur emploie des tournures exprimant de la subjectivité et de la relativité dans l'énonciation.

L'on se dit alors, à la relecture d'Hérodote, qu'au fond les choses se répètent de manière mécanique dans le règne méditerranéen. Les mêmes événements se refont dans différentes étapes de l'histoire. La logique de ce texte d'histoire tend vers l'objectivité par la technique (de narration) adoptée par Hérodote: «Je l'ignore, mais je suppose que» (IV, (180), p.440) Ou bien «Si jusqu'aux Atlantes je puis nommer les peuples qui habitent la région des dunes, au-delà de cela m'est impossible.» (IV, (185), p.443) Son savoir, voire sa science, est relative ou bien réduite.

Aussi est-il indéniable de préciser que notre étude a mis dans un même ensemble les traits de toutes les tribus «amazighes», en y faisant référence comme s'il s'agissait d'un seul élément cohérent et unique.

Bien que l'étude d'Hérodote précise tant de choses, des questions restent toujours posées: Quels vêtements portent-ils? Quelles boissons prennent-ils? Quels sont les rapports entre hommes et femmes? Comment était leur toilette? Comment étaient organisés leurs sacrifices? Quels étaient leurs rites funèbres? Quels étaient leurs dieux (ou divinités)? Pourquoi Hérodote ne fait aucune référence à l'écriture des Imazighen? A leurs tatouages? etc…

Il faut reconnaître un fait: les mythes et les mensonges qui entourent l'origine et l'identité des Imazighen sont ébranlés après la lecture d'Hérodote. Entre autrui et soi, l'amazigh s'ingénie à apercevoir les différences, à se les accaparer pour les rendre propres.

En définitive, Hérodote voit dans l'amazigh l'opposé du Grec: un sauvage. Un Barbare. Un non civilisé. Il est également un nomade: il ne se lasse pas de troquer son âme (souvent son corps) pour plaire aux autres

De tout ce que nous raconte Hérodote, qu'en reste-t-il maintenant? Beaucoup et rien.

(H. Banhakeia, hbanhakeia@yahoo.fr)

 

TRIBUS:   

(0)Peuple; (1)Situation; (2) Physique et Accoutrement; (3)Famille; (4) Psychologie; (5)Langue; (6) Coutumes et Rites; (7)Croyances; (8)Guerre et contact avec les autres peuples; (9)Mode de vie et économie

1- Apis et Maréa, (II, (18), p.167)

      (0) Sans nom

      (1) aux confins de l'Egypte et de la Libye;     

   (6)Ils ne veulent pas s'abstenir de la viande «vache»;   

  (7)Ils consultent l'oracle d'Amun (comme les Egyptiens).

2-Nasamons, (II, (32-34), pp. 174-176), (IV, (172), pp.437-438) et (IV, (190), p.445)

    (0)Peuple important;

    (1) Syrte et à l'est de Syrte (Augila);

    (2) taille pas petite;     

    (3) grandes familles;

    (4) téméraires;

    (4) Ils font ce que leur dictent les songes;     

    (5) langue différente de celle des Noirs du sud;

    (6) polygame;

    (6) Femmes communes à tous;

    (6)Les convives jouissent de la mariée avant l'époux;

    (6) Enterrent leurs morts assis

    (7) Ils jurent par les morts justes et vaillants

    (7) Au moment d'un engagement, les engagés boivent de l'eau dans la main de l'un et de l'autre;

    (7) Ils consultent les dieux dans les cimetières;

   (9)Nomade: bergers près de la mer, et à Augila ils récoltent des dattes et chasseurs de sauterelles.

3- (Samiens), (III, (26), p.279)

    (0) appartiennent à la tribu d'Aischrion;

    (1) Habitent la ville d'Oasis (Siwa);

4- Adyrmachides, (IV, (168), p.436)

    (1) Les premiers Libyens depuis l'Egypte au port Plynos (Sidi Barani);

     (2) Les femmes portent  des anneaux aux jambes;

     (2) Elles sont sales: elles ont des poux;

    (2) Ils s'habillent comme les Libyens;

    (6) Mêmes coutumes que les Egyptiens.

5- Giligames, (IV, (169), p.436)

   (1)Occupent l'ouest jusqu'à l'île d'Aphrodisias (Kersa), Platéa (Bomba) et Aziris;

    (6) Mêmes usages que les autres Libyens.

6- Asbystes, (IV, (170), p.437)

    (1) au-dessus de Cyrène;

    (6) S'influent des usages grecs;

     (8) Se servent des chars à quatre chevaux.

7- Auschises, (IV, (171), p.437)

 (1)au-dessus de Barcé (El Mardj), touchant Euhespérides (Benghazi).

8- Bacales, (IV, (171), p.437)

    (0) Peuple peu important;

    (1) touchant à la mer près de Tauchéira (Tocra);

    (6) Mêmes usages que les Libyens.

9- Psylles, (IV, (173), p.438)

    (0) Peuple disparu enseveli sous les sables à cause du vent du sud;

     (1) Au fond de Syrte ( la côte et l'est de Tripoli);

     (9) Charmeurs de serpents

10- (Garamantes), (IV, (174), p.438)  -- Gamphasantes

 (1) au sud, dans la région des bêtes sauvages;

 (8) N'ont pas d'armes de guerre; ils ne peuvent pas repousser un ennemi

  (9) Ne sont pas sociables

11- Maces, (IV, (175), p.438)

  (1)Sur le littoral, ils vivent dans les montagnes et les bois, tout près du fleuve Cinyps(oued El Khahan); 

 (2) Crâne rasé avec une houppe de cheveux;

  (8)En guerre, ils portent des cuirasses en peau d'autruche

12- Gindanes, (IV, (176), p.439)

(2) Les femmes portent des anneaux aux jambes

13- Lotophages, (IV, (177), p.439)

(1)Vivent sur le promontoire (ouest de Tripolitaine et île de Djerba);

      (9) Ils vivent du lotus, ils en fabriquent du vin;

14- Machlyes, (IV, (178/179), pp.439-440)

 (1) Vivent sur la côte du fleuve Triton qui se jette dans le lac Tritonis, dans l'île Phla (colonisée par les Grecs);

    (2) Laissent pousser les cheveux sur la nuqueÊ;

(9) Ils vivent aussi du lotus.

15- Auses, (IV, (180), p.440)

 (1) Sur les bords du lac Tritonis

    (2) Laissent pousser les cheveux sur le front;

    (7) Election de la plus belle filleÊ;

   (7) Virginité importante: bataille entre deux groupes de filles, celles qui perdent (ou meurent) sont impures;

     (7) Femmes communes à tous;

   (7)La progéniture est reconnue deux mois après la naissance: l'enfant ressemble à un membre, alors il y a reconnaissance de paternité;

    (7)S'accouplent comme des bêtes;

(8) Contact avec les Grecs;

16- Ammoniens, (IV, (181), p.441)

(1)Habitent à Augila;

     (7) Adoptent le culte de Zeus;

    (8) rencontre avec les Nasamons;

     (9) De l'eau et des jardins

17- Garamantes, (IV, (183), pp.441-442)

   (0) Peuple très important

  (1) oasis (Fezzan);

    (8) chasseurs des TroglodytesÊ;

    (8) conduisent des chars  quatre chevauxÊ;

(9) eau et palmiers, cultivateurs, éleveurs de bœufs (opisthonomes).

18- Troglodytes, (IV, (183), p.442)

(1) Limitrophes avec les Ethiopiens (Tibous ou Tédas) vivant à Tibesti et au Tchad;

     (2) Le peuple le plus rapide à la course;

(5) un langage particulier: cris de chauves-souris;

(9) Mangeurs serpents, lézards et autres reptiles.

19- (Atarantes), (IV, (18'), p.442) -- Atlantes

(0) ils n'ont pas de nom;

(7) ils adressent des malédictions au soleil.

20- Atlantes, (IV, (184), p.442)

    (1)la montagne Atlas, colonne qui soutient le ciel;

(4) ne connaissent pas les songes;

   (9) ils ne mangent rien qui ait vécu.

21- Maxyes, (IV, (191), p.445)

 (0) prétendent que leurs aïeux ne soient pas des Imazighen, mais des Troyens;

     (1)pays riche en animaux sauvages et en forêts (ouest du delta du Nil, mais placés par Hérodote aux environs de Tunis);

    (2)laissent pousser les cheveux sur le côté droit de la tête et les rasent sur le côté gauche;

(2) se frottent le corps de vermillon

22- Zauèces, (IV, (193), p.446)

(8)les femmes mènent les chars à la bataille.

23- Gyzantes, (IV, (192), p.445)

  (1) montagnes (côte tunisienne);

    (2) se frottent le corps de vermillon;

  (6) mangent des singes;

      (9) éleveurs d'abeilles;

   (9) fabricants de miel artificiel.

24- Cyrauis, (IV, (195), p.446)

  (0)Sans nom;

  (1)île (Kerkenna, au large de Sfax), longue de deux cents stades, mais étroite, on y accède à pied depuis le continent;

    (9) femmes pêcheuses des paillettes d'or;

    (9) Oliviers et vignes

25- Euhespérites, (IV, (198), p.448)

  (0) sans nom;

   (1) terre fertile (Benghazi)

26- Cinyps, (IV, (198), p.448)

(0) sans nom;

   (1) terre très fertile, fleuve Cinyps (oued El Khahan).

27- Cyrénaïques, (IV, (199, p.448)

(9) trois récoltes annuellement.     

REMARQUES:

(1)Aucune tribu n'a été décrite de 0 à 9; la présentation reste relative, hâtive.

(2) Il y a des tribus qui ne sont pas nommées, mais oui les lieux qu'elles occupent.

(3)Le souci de répondre à «D'où venons-nous?» intrigue curieusement, depuis toujours, les Imazighen. De l'extérieur, de l'étranger, nous ne sommes pas africains, s'ingénient à démontrer tant de «chercheurs». Hérodote est catégorique: ils sont des Africains.

(4)Il y a des tribus amazighes qui s'efforcent de s'aliéner, de se chercher une origine lointaine pour s'enorgueillir. Avec Hérodote, nous avons le cas des Maxyes qui prétendent être des Grecs (de Troie).

(5)Notre étude des Imazighen d'Hérodote nous montre plus les Imazighen de l'est (du côté de l'Egypte et de la Libye) que ceux de l'ouest. Son histoire va encore du centre (Grèce / Egypte) vers la périphérie (Afrique du nord), autrement dit du connu et civilisé vers l'inconnu et le non civilisé.

(6)Cette description de l'amazighité de l'Afrique nous renseigne sur le problème de la disparition des Imazighen. Déjà, à cette époque-là, cinq siècles avant JC, l'auteur était bien sensible au problème. Il explique même les causes:

— S'influencer de l'autre (cas des Asbystes);

— Disparition totale à cause d'un phénomène naturel (cas des Psylles);

—Ne pas savoir repousser l'ennemi (cas des (Garamantes) pacifistes).

(7)Les Psylles est peut-être le premier groupe amazigh à disparaître…

(8)Comme tout stratège ou colonisateur, Hérodote insiste plus sur la description des richesses de la terre, distinguant parfaitement entre le fertile et l'aride. Les Grecs y cherchaient le lotus et le silphion. En outre, il précise la faune de la région…

(9)L'historien grec se plaît à renommer les lieux par des noms grecs: Triton, Tritonis… Il se plaît également à renommer un dieu indigène par un équivalent grec (exemple d'Athéna des Auses).

(10)La coiffure des cheveux détermine l'appartenance des Imazighen à un groupe ou à un autre, (cas des Machlyes et des Auses), comme l'est le cas des tatouages (absents dans cet écrit historique). Peut-être, cela veut-il dire qu'Hérodote n'avait pas rencontré de femme «amazighe».

(11)La tradition de l'élection de la plus belle fille de la tribu est présente chez les Imazighen (cf. Auses). Qu'est-il de nos jours de cette tradition?

(12)Hérodote déprécie l'organisation familiale des Imazighen, il en fait une description proche des bêtes. Quand il parle de l'accouplement, le lecteur imagine le parallèle avec les animaux.

(13) Le peuple libyen, qui vit sur le littoral, est nomade. Qu'entend-il au fait l'historien par «nomade»?

(14)Les (Garamantes) sont reconnus comme une erreur des copistes. Il y est question de Gamphasantes. La question à poser: combien d'autres erreurs ou changements sont commis par les copistes? Et quelles étaient leurs intentions?

(15)Peut-elle exister une tribu désarmée au milieu de bêtes sauvages, comme c'est le cas des (Garamantes)? Ce principe de contresens ou de contradiction, peut expliquer cette indication «fausse» de l'histoire.

(16)Les rapports entre les différents peuples libyens est peu cité, à l'encontre de leurs rapports avec les Grecs et les Egyptiens.

(17)La technique de description et de dénombrement des Imazighen se base sur deux critères:

 De l'est à l'ouest, les tribus sont contiguës;

 A partir des Ammoniens, Hérodote parle plus de butte et de la distance (de dix jours de marche), une marche vers l'inconnu. Cela nous rappelle le voyage du narrateur à travers les tribus du Maroc inconnu de Mouliéras.

(18)Donc, de l'Egypte jusqu'au lac Tritonis, les Libyens sont des nomades. Et à «l'ouest du lac Tritonis les Libyens ne sont plus nomades, leurs coutumes sont différentes.» (IV, (187), p.443) Le lac détermine le nomadisme et le sédentarisme chez un peuple. Quelles sont les vraies causes de ce changement?

(19)Les Imazighen ne sont pas ennemis entre eux, non plus rivaux. Mais, il y a des occupations mutuelles d'un même espace. L'exemple des Nasamons, ils occupent le territoire (amazigh) de leurs confrères Psylles.

(20)Les plantes nord-africaines (lotus, silphion) ont des propriétés curatives et magiques. Citons l'exemple des Lotophages qui firent manger du lotus aux compagnons d'Ulysse dans l'Odyssée d'Homère. Par conséquent, les marins oublièrent leur patrie.

(21)La virginité est importante: il y a la cérémonie de la bataille entre filles… Ce rituel est à opposer à l'accouplement sauvage…

(22)Qu'est-il de la tribu «Aischrion» amazighe (citée dans Livre III, (26), p.279)?

(23)A propos de la Cyrénaïque, nous pouvons avancer ceci:

Au début, il faut citer la volonté des Lacédémoniens et des Théréens de «fonder une ville en Libye… Ils ne savaient pas où pouvait bien se trouver la Libye et n'osait pas expédier une colonie en plein inconnu» (IV, (150), p.426) Là, les Cyrénaïques cultivent le silphion utilisé comme médicament et condiment par les Grecs. Ils y élèvent aussi le mouton et les chevaux rapides.

A cause de la sécheresse (qui dura sept ans), les Théréens, grâce à l'aide d'un pêcheur de pourpre portant le nom de Corbios, atteignirent Platéa, une île de la Libye. Ils y étudièrent les lieux. Ensuite, deux vaisseaux à cinquante rames de Théréens partirent pour Platéa, à leur tête était le chef Battos.

Ce dernier fut roi pendant presque quarante ans. Son fils Arcésilas, prit le pouvoir pendant seize ans; ils règnent de 631 à 580. A cette époque-là, le nombre de la population de Cyrène ne dépassait pas le nombre des premiers colons. Pourquoi? Nous n'avons pas de réponse.

Battos II surnommé l'Heureux, par le biais de l'oracle de la Pythie, convia les Grecs à rejoindre la Cyrène. Ils vinrent nombreux, expropriant les indigènes libyens. Ainsi, Adicran (le roi des Libyens) perdait les terres, les Grecs allaient déposséder tout le pays. Les Libyens demandent l'aide des Egyptiens (sous le règne du roi Apriès).

La bataille d'Irasa (vers 570) se termina par la défaite des Egyptiens, et le remplacement d'Apriès par Amasis.

(24)Je ne parle pas des Carthaginois, cela sera développé dans le deuxième chapitre de cette étude, «Moi, Augustin l'amazigh!»

 

NOTES

(1) La référence de mon étude est L'Enquête (2 tomes), Gallimard, coll. Folio Classiques, n°1651, traduit et annotée par Andrée Barguet, Paris, 1985.

Hélas, je ne peux pas approcher le texte original! Néanmoins, j'ai consulté les traductions (française, anglaise et castellane).

En outre, L'Enquête est cité souvent par un autre titre, communément connu, Histoires.

(2) Amun ou Amomon, dieu égyptien représenté dans la forme d'un homme à la tête de bélier. Il symbolisait l'air ou le souffle créateur. Il faut remarquer que c'est sous le règne du pharaon amazigh Chéchonq III (823 av JC  772 av JC: dynastie XXII libyenne des Pharaons) que fut construite la porte monumentale d'Amun. (cf. II, (136), pp. 234-235)

(3)À propos de la force militaire des Arabes, nous trouvons un autre passage:

«Séthon n'eut que mépris pour la classe des guerriers; entre autres outrages qu'il leur infligea, il les dépouilla de leurs terres alors que, sous les rois précédents, ils en avaient reçu chacun douze aroures, à titre spécial. Par la suite, quand Sennachérib, roi d'Arabie et d'Assyrie, marcha sur l'Egypte avec une armée nombreuse, les guerriers égyptiens refusèrent tout secours à leur roi. Le prêtre, en cette extrémité, pénétra dans le temple et vint aux pieds de la statue de son dieu gémir sur les malheurs qui le menaçaient. Au milieu de ses lamentations, le sommeil le prit et il crut voir en songe le dieu, debout près de lui, l'encourager et lui promettre qu'il ne lui arriverait aucun mal s'il marchait contre l'armée des Arabes: il lui enverrait lui-même des défenseurs. Confiant en ce songe et accompagné des Egyptiens qui voulurent bien le suivre, Séthon établit son camp à Péluse, qui est la porte de l'Egypte; aucun des guerriers ne se joignit pas à lui, mais seulement des commerçants, des artisans et des boutiquiers. Quand les ennemis arrivèrent devant Péluse, des rats des champs envahirent leur camp pendant la nuit et rongèrent leurs carquois, leurs arcs, et même les courroies de leurs boucliers, si bien que le lendemain, dépouillés de leurs armes, ils durent prendre la fuite et périrent en grand nombre. Aujourd'hui encore on voit dans le temple d'Héphaistos une statue en pierre de ce roi, qui porte un rat sur la main; une inscription lui fait dire: «Regardez-moi, et soyez pieux.» (II, (141), p.238)

Il y a bien d'autres affirmations à propos des Arabes:

 —«(L'Arabie) est d'une aridité terrible.» (III, (5), p.267)

 —«Aucun peuple n'a plus que les Arabes le respect de la parole donnée.» (III, (5), p.267)

 —«Les Arabes ne furent jamais réduits en esclavage par les Perses, mais ils devinrent leurs alliés pour avoir laissé passer Cambyse quand il marchait contre l'Egypte; car s'ils leur avaient refusé le passage, les Perses n'auraient pu envahir l'Egypte.» (III, (88), p.318)

 —«Les Arabes prétendent même qu'ils envahissent la terre entière s'il ne se produisait pour eux ce qui arrive, comme je le savais déjà, aux vipères.» (III, (108), p.327)

(4)Les rapports entre Imazighen et Egyptiens sont très importants à étudier. 

Nous lisons par exemple dans l'Enquête, la figure historique du chef Inaros:

 —«Enfin persuadé d'attaquer la Grèce, Xerxès commença, un an après la mort de Darius, par lancer une expédition contre les rebelles égyptiens. Il écrasa la révolte, imposa aux Egyptiens un joug plus sévère encore que du temps de Darius, et confia le pays à son propre frère Achémènes, fils de Darius.  Cet Achéménès fut trop tard assassiné dans son gouvernement d'Egyptien par un Libyen, Inaros fils de Psammétique.» (VII, (7), p.175)

 —«C'est ainsi qu'après six années de guerre, l'entreprise des Grecs en Egypte se trouva ruinée. Les quelques rescapés de cette nombreuse expédition traversèrent la Libye et arrivèrent  sains et saufs à Cyrène. Mais la grande majorité de l'armée périt. L'Egypte retomba sous la domination perse, excepté la région des marais, où régnait Amyrtaïos. (…) Inarôs, le roi des Libyens qui était à l'origine de tout ce qui s'était passé en Egypte, fut pris par trahison et crucifié.» p.761, (110)Ê

A propos d'Inaros, nous lisons en note: «La date de la bataille de Paprémis est incertaine: 462 ou 459 av. JC. Il s'agit de la rébellion fomentée par un dynaste libyen, Inaros, avec l'aide d'un prince saïte, Amyrtée, et d'une flotte athénienne, contre le satrape d'Egypte, Achéménès. La rébellion fut écrasée dix-huit mois plus tard; Amyrtée se réfugia dans les marais du lac Borolos» (Notes, tome 1, pp.514-515)

Un peu plus loin, une autre note: «Inaros, fait prisonnier et emmené à Suse, avait été exécuté par Artaxerès en 455-454, tandis qu'Amyrtée avait pu fuir et se cachait dans les marais du lac Borolos. Le nouveau satrape d'Egypte, Sarsamas, qui succédait à Achéménès, plaça, pour se montrer conciliant, les fils des anciens chefs rebelles aux postes qu'avaient occupés leurs pères. Un ordre apparent régnait donc en Egypte où y vint Hérodote.» (Notes, tome 1, p.515)

Ces passages sont à comparer à un passage de «La guerre de Péloponnèse», in Histoire de la guerre entre les Pélopénnésiens et les Athéniens de Thucydide d'Athènes.

 «Le Libyen Inarôs, fils de Psammétique, qui régnait sur la partie de la Libye qui confine au territoire égyptien, prenant pour base Maréia, au-dessus de la ville de Pharos,  souleva la plus grande partie de l'Egypte contre le roi Artaxerxès. Ayant établi son autorité sur le pays, il fit appel aux Athéniens.» (p.757, (104))

 

 

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