Numéro  52, 

  (Août  2001)

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Histoire:

Assu u Baslam ou le patriotisme par l'action

Par: Aïcha Aït-Hammou

Je dis patriotisme parce que «le nationalisme est la théorie de l'ةtat-Nation moderne.»(1). L'élaboration de cette «définition théorique et des bases de la nation état»(2) dans le monde post-colonial a le plus souvent tendance à «établir des barrières artificielles entre les divers groupes de la Nation. Cette divisibilité existe même dans un même ةtat.»(3)

Le patriotisme quant à lui ne se réduit pas à une théorie artificiellement élaborée qui dote une société d'une culture et d'une histoire qui sont le plus souvent un pur produit de l'imagination qu'imposent des théoriciens éloignés du terrain de la réalité ou conscients de leurs falsifications dont les objectifs ne peuvent être qu'idéologiques. En effet, «le patriotisme, au contraire, n'est pas une théorie mais un acte ou un geste de loyauté ou d'engagement envers l'ةtat-Nation»(4). Ce sont des actes et des gestes que l'on fait pour la Nation, le plus souvent naturellement et sans réflexion théorique préalable.

Ainsi, la résistance militaire, mettre sa vie en jeux dans le but de repousser l'étranger, de protéger la patrie et de mettre à l'abris la vie des siens au risque de la sienne propre est, contrairement au verbiage intellectuel, le summum du patriotisme chez un individu ou un peuple. Cependant, pour comprendre le sens de cet idéal de sacrifice et son origine, il est nécessaire de comprendre ce peuple lui-même dans son attachement à sa patrie. 

Depuis la nuit des temps, Imazighen se sont attachés à leur terre parce qu'elle constitue pour eux leur mère qui les voit naître, qui les nourrit, qui les voit grandir avant de les contenir. Ils étaient toujours prêts en véritables patriotes d'action à donner, l'histoire et leurs martyrs en témoignent,  leur vie pour que continuent la liberté et la démocratie. Nous les avons vus combattre depuis la préhistoire contre toutes sortes d'intrusions malveillantes. Ils ont su préserver à cette terre de Tamazgha sa spécificité et sa dynamique et ils ont fait son histoire par le geste quotidien et l'acte héroïque et désintéressé.

Pour ne prendre qu'un seul exemple, car ce cadre ne permet pas d'en donner davantage, nous savons tous que parmi les derniers combattants contre le colonialisme français, figure la confédération des Aït-Atta sous le commandement de «ce très remarquable homme, la force entraînante de la résistance des Aït-Atta dans la région de Tinghir et de Saghru»(5), Assu u Baslam, qui a conduit «la plus difficile et singulière bataille que les Français n'avaient jamais eu à disputer dans la course à leur "pacification" du Maroc»(6).

En effet, les Aït-Atta avaient commencé leur résistance militaire contre la colonisation française venant du sud algérien dès 1899, avant même la signature du Protectorat. La tribu des Aït-Khabbash s'était confrontée militairement à la pénétration française dès cette date de sorte qu'«il n'est généralement pas reconnu que la résistance des Aït-Atta contre la pénétration du colonialisme français au Maroc avait commencé aussitôt que 1899»(7). Cette pénétration militaire française avait commencé par l'oasis de Tuwat contre Aït-Khabbash mais il s'était préparée depuis 1830 et peut-être même avant. Cette résistance des Aït-Khabbash n'a pas cessé jusqu'en 1936 quand ils furent repoussés par les armes et le feu jusqu'aux côtes atlantiques parce qu'ils ne se sont jamais résignés à l'humiliation.

Du côté du Nord, la politique dite de "pénétration pacifique" du Maréchal Lyautey  avait commencé à atteindre les bastions de la confédération des Aït-Atta qui avaient su mettre sur pied un système politico-organisationnel avec des institutions et qui avait fait régner la paix sur un grand territoire parce qu'«un homme peut laisser sa tente et aller très loin dans le pays sans que personne n'y touche.»(8)

La capitale de cette confédération se situe à Ighrm Amazdar dans la région de Saghru. Sa politique fut basée sur des articles d'une loi écrite(9), azrf, la segmentation (khams khumas), une court d'appel à Tiraf n'Aït 'Aluwan (Dadès), une court suprême à Ighrm Amazdar (Saghru) et l'élection d'un gouverneur général, amghar n uflla, par la méthode dite de «rotation et de complémentarité»(10) afin «d'assurer deux choses: Les candidats ne peuvent jamais se faire élire et sa répétition annuelle fut une vérification intrinsèque [au système] pour éviter tout abus de pouvoir par le titulaire»(11).

Cet attachement à la terre, qui allait se révéler dans la résistance à la pénétration française, a donc eu pour résultat une organisation politico-économico-judiciaire. Dès que la "pacification" commençait à toucher le secteur par «des opérations du notoire Hajj Thami l-Glawi dans la région toute entière au sud et à l'est d'Ouarzazate»(12), les Aït-Atta commencèrent à se préparer à un affrontement du jamais vu dans la résistance militaire à la colonisation française.

Des batailles dont il n'est pas possible de donner ici d'amples détails eurent lieu un peu partout et elles furent conclues par la grande bataille de Bugafr en 1933. Les Français, dans leurs tentatives de convaincre u-Ma'rir de renoncer au combat, avaient reçu un message de celui-ci qui «rétorqua que lui et tous les autres résistants à Saghru allaient alors combattre jusqu'au bout, et qu'une fois à Saghru, les Français allaient découvrir trois ennemis  asmmid (un grand froid), izvran (les roches) et nhas (le cuivre, i.e. les balles.)»(13).

Cette bataille de Bugafr fut une tragédie pour l'armée française qui avait vu périr ses officiers par une armée ennemie qui ne disposait que de fusilles souvent artisanaux pour se défendre. Une plaque commémorative a été érigée et sur laquelle il était écrit: «A la mémoire des Officiers, Sous-Officiers, Caporaux, Soldats, Goumiers et Partisans des Groupes Mobiles du Confins  de Marrakech Tombés Glorieusement Dans les Durs Combats du Djbel Saghro», c'est moi qui souligne.

C'est  dans le patriotisme de l'action qu'il est mieux d'aller chercher l'histoire et non dans le verbiage des théoriciens comme l'exprime si bien le proverbe amazigh «yan wawal ibiy mraw», un seul mot vaut mieux que dix. Je n'échappe pas à la règle avec mes propos verbeux.

Aïcha Aït-Hammou, 10-03-2001.

 

Notes:

1 - Leon P. Baradat. Political Ideologies. Their origins and  impact. Prentice Hall, 1997. p.57.

2 - Leon P. Baradat. Ibid. p. 44.

 3 - Leon P. Baradat. Ibid. p. 58.

 4 - Leon P. Baradat. Ibid. p. 57.

 5 - David M. Hart. The Aït-Atta of Southern Morocco. Daily Life and Recent History. Middle East & North African Studies press limited,  1984. p.176.

6 -  David M.  Hart. Ibid. p.183.

7 -  David M.  Hart. Ibid.  1984. p.?.

9 -  David M. Hart. Dadda 'Atta and his Forty Grandsons. The Socio-Political Organisation Of The Ait 'Atta of Southern Morocco. Middle East & North African Studies press limited,  1981. p.176.

10 -  David M. Hart. A Customary Law Document from the Ait 'Atta of Jbil Saghru. Revue de l'Occident Musulman et de la Méditerranée, I, 1, 1966.

10 -  Ernest Gellner.  Saints of the Atlas.  Weidenfeld and Nicholson, London, 1969. p.81.

11 -  David M. Hart. Dadda 'Atta and his Forty Grandsons. The Socio-Political Organisation Of The Ait 'Atta of Southern Morocco. Middle East & North African Studies press limited,  1981. p.76.

12 -  David M. Hart. The Aït-Atta of Southern Morocco. Daily Life and Recent History. Middle East & North African Studies press limited,  1984. p.164.

13 -  David M. Hart. Ibid. p. 176.

 

 

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