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A PROPOS DE LA LITTÉRATURE NORD-AFRICAINE ANCIENNE

Par: Hassan Banhakeia (Université de Nador)

 

Si la littérature latine est née de la littérature grecque, la littérature nord-africaine est issue de ces deux univers. Il y a des noms illustres et des chefs-d’œuvre qui font l’identité d’une telle tradition. Cette littérature tient une place exceptionnelle car les auteurs sont exceptionnels: ils expriment leur être collectif dans la langue étrangère. Qu’est-il de ses aspects d’identification dans la critique et l’histoire littéraire? A l’absence de définition s’ajoute l’inexistence d’anthologies et de manuels qui cernent genres, frontières, contenus, et formes.

Certes, le destin de la littérature nord-africaine est étroitement lié à la littérature antique, mais sans pouvoir faire partie de l’Antiquité. Cette prédestination engendre une sorte de dépendance «acceptée», voire assumée: les idées de la Cité se font universelles. Philosophes, orateurs, romanciers, poètes et essayistes de l’Afrique se définissent comme faisant partie de ce monde étranger, et par la maitrise de l’expression (latine, grecque) cet univers devient non seulement familier mais également enrichi dans sa construction. Ils prennent des Latins et des Grecs pour modèles et maîtres à penser, et se font eux-mêmes modèles «classiques»: Apulée, Térence, Augustin…, mais combien de ces auteurs «marginaux» demeurent mineurs, et jetés aux oubliettes.

Sur le plan général, l’affranchissement et l’assimilation deviennent l’acte idéal et le rêve recherché par cette intelligentsia. La sujétion amazighe s’intensifie avec la bataille de Zama (201 av. J.-C.) de laquelle Rome sort glorieuse, et l’Afrique réduite à néant. Les défaites se succèdent, et la reconnaissance se fait «mépris» et «méprise». Il faut alors définir cette dépendance comme un penchant négatif qui porte cette ethnie à se reconnaître dans les autres cultures, elle est permanente du fait qu’elle ne fait que changer d’acteurs et de formes. Les Imazighen s’identifient aux Carthaginois pour se dire petits-fils des Phéniciens, aux Latins pour revendiquer la romanité des Aïeux, et aux Chrétiens pour se débarrasser de leurs «vices» majeurs, et ainsi s’approprier (sinon racheter), dans tous les cas, une image «positive».

Sur le plan économique, l’Afrique du Nord envoie sans cesse ses récoltes et animaux pour nourrir les troupes de Rome, également des hommes pour l’armée et l’éducation. De surcroît, le besoin progressif de soldats en temps des guerres n’est pas compris par la communauté locale, mais cette dernière est satisfaite en contrepartie d’une rétribution misérable ou d’un pain ranci. Déséquilibrant, continu et nécessaire, ce rapport va engendrer une mentalité autochtone «succursaliste». Et les penseurs amazighs, en dominant l’expression de l’Autre, entendent écrire leur culture, c’est bien cela qui va déterminer amplement la complexe naissance de la littérature nord-africaine ancienne. L’amour du local et du propre se fait timide chez les indigènes, l’expression du rêve collectif se fait effacée, et l’apprentissage de l’altérité se fait véritable expérimentation du savoir. Toutefois, il y a quelques exceptions dans la tradition nord-africaine, comme c’est le cas avec les réflexions d’Apulée. (1)

Certes, il y a eu des révoltes de toutes natures pour remettre en question un tel assujettissement. Juba II parle, en l’occurrence, d’une Afrique multiculturelle. À partir de cet instant, l’intellectuel nord-africain confond asservissement et multiculturalité, (2) sans oser parler de la dépendance identitaire, de la Marge qui s’offre au Centre… Le sud méditerranéen, notamment la grande Carthage, va demeurer un bon exemple pour des siècles. Cette Cité se veut la rivale de la civilisation gréco-latine, mais sans abandonner l’imitation, plus encore il fallait inventer d’autres procédés similaires et d’autres formes d’assimilation.

L’esprit de l’émulation naît différemment chez l’intellectuel africain, se faisant acquiescement de l’assimilation. Durant des siècles, les forces impériales sont quand même agacées à l’idée d’affronter des indigènes insoumis et perfides qui refusent les «bienfaits» de la civilisation ; ensuite parallèlement l’Eglise se plaint de voir son orthodoxie échouer en Afrique face à des hérésies «naissantes» assumées par des écrivains «arrogants» – qui continuent à croire aux Idées de Platon et Aristote. L’Eglise donatiste rappelle le souvenir d’un Christ juste, et Rome de rappeler la dépendance et la discrimination. L’acculturation, se faisant en latin, devait s’imposer au nom de la chrétienté «romaine», propre à la rive nord. (3)

En général, l’expansion de la latinité «officielle» se fait cahotante: les Imazighen comprennent avec difficulté le latin des militaires et des Chrétiens, encore moins leurs choix dogmatiques, et se retrouvent en fin de compte tiraillées entre deux pôles «négatifs».(4) Les papes et les théologiens se préoccupent davantage du destin de l’Afrique «obscure». Cela peut expliquer tant de complexes «à venir», successivement intériorisés par l’âme amazighe. Et l’auteur «apocalyptique» ose alors purifier son âme de pécheur dans des Confessions éternelles.

Ne se fiant non plus à sa langue maternelle, l’Amazigh cultivé recherche les connaissances «fixées» et universelles, en n’oubliant pas d’utiliser ces mêmes connaissances ancestrales et de les investir d’une expression différente. L’écrivain développe alors deux existences différentes: ou bien celle d’un païen ou bien celle d’un converti. De la première étape l’on garde peu de choses: la postérité brûle toute œuvre ce qui ne sert à rien, encore plus celle qui «dérange» l’idéologie dominante. Hérésie, schisme, médiocrité et tant d’autres traits négatifs sont énumérés en face du cruel intellectuel, et en est le modèle Tertullien. Par contre, la deuxième prédomine dans l’histoire «occidentale»: l’œuvre de ces convertis, servant d’exemple, s’attaque avec ferveur aux hérétiques, en l’occurrence aux donatistes et ariens. Saint Augustin en demeure le grand chantre.

Force est de souligner une vision duale ou «dualiste» dans cette tradition. L’écrivain n’a point le souci d’équilibrer la présence de la culture propre et celle de la culture de l’Autre, et son œuvre tend à opérer le déplacement irréversible vers l’altérité. Les rapports entre création, identité et culture sont infinis, et par là multipliés quand l’auteur projette ses écrits dans une réception qui n’existe que sur l’autre rive. La postérité va encore confirmer de telles craintes.

En absence d’une tradition écrite, en contact équilibré et permanent avec les autres civilisations, les Nord-Africains apprennent, avec exaltation, à s’exprimer dans la langue des Grecs et des Romains, plus encore à y réfléchir aux arcanes de cette culture «universelle». Il ne faut pas alors s’étonner de cette absence de textes en langue amazighe, encore moins de textes fonctionnels ou sacrés. Par contre, ce que nous relevons ce sont des œuvres, des grammaires, des anthologies et des lexiques latins et grecs, conçus par des Africains.

En effet, les Imazighen ont un grand respect pour les lettres étrangères. Un tel esprit «altruiste» peut expliquer la floraison de leur littérature en plusieurs expressions, et pas en la propre – qui souffre d’absence d’establishment et de fonction politique. L’inspiration de ces auteurs «marginaux» demeure égale à celle de Sophocle, Cicéron et Dante. Ils partagent avec eux la même mythologie, la même rhétorique, mais sans jamais oublier leur vision collective primaire qui, d’une manière ou d’une autre, apporte renouveau aux autres cultures. En effet, c’est la narration mythique qui représente les terres de l’Afrique, les descriptions géographiques, culturelles et historiques se font selon l’imaginaire de l’auteur autochtone. (5)

Cette littérature ancienne dit beaucoup de l’amazighité, mais dans des formes subtiles: il y a autant un constant retour vers les affaires locales afin de parler au Citoyen, autant un complexe d’infériorité envers l’Autre. Le grec et le latin servent de moyens pour créer, fixer les mythes, raconter les récits propres, rédiger des traités didactiques et philosophiques, et à l’auteur africain d’en respecter les règles. Ce qui manque à cette tradition écrite est la création poétique: la parole s’en occupait parfaitement, tout comme le genre était mal défini et mal délimité: si le théâtre est refondé par Térence, le roman est échafaudé par Apulée. Parallèlement, la poésie se trouve plus axée à représenter le pittoresque africain et à dire les mystères d’une foi infinie...

*****

Avec l’arrivée de la foi monothéiste, accompagnée de la disparition progressive du paganisme, la culture nord-africaine se trouve démunie de ses expressions ancestrales. Non seulement magie, alchimie, spiritisme et d’autres rituels où l’imaginaire était libre, sont interdits, mais aussi ces croyances locales qui fondaient dans l’existence d’un unique pouvoir surnaturel. La censure renforce une foi sémitique qui s’enracine comme une entreprise à s’éloigner de la culture païenne, car il ne s’agit point de l’acte de «croire» et/ou de «créer» mais de «pécher» quand l’intention est de se référer librement au rêve et à l’être collectifs.

Tout le passé païen propre est à voir comme un Péché, et les Imazighen auront un double repentir ou un repentir redoublé à mener dans l’existence. Ils se convertissent au christianisme par la force et la violence, et ils gardent leur culture/langue (pécheresses) à l’écart de cette religion, comme c’est le cas avec saint Augustin. L’esprit amazigh, tout en repentant ses propres traditions, peut alors se convertir au christianisme dit «universel» ou «global». Un tel changement total détruit l’amazighité.

À l’encontre des langues syriaque, copte, éthiopien, grec et arménien… qui se sont christianisées et accaparés facilement la chrétienté, l’amazigh ne s’est pas christianisé: ses parlants préfèrent s’initier à l’expression gréco-latine tout en s’éloignant de l’amazighité. Et le christianisme et le latin demeurent des corps étrangers. Changer de culte s’avère une affaire complexe pour la société: abandonner le paganisme, embrasser la nouvelle foi, enfin connaître la division de la croyance entre hérétiques et orthodoxes. À chaque auteur contemporain de répondre à un tel changement symbolique, et divers sont les écrits qui en rendent compte et le voient positivement. Les écrivains africains chrétiens ont une place à part dans l’histoire du christianisme occidental. Ils se placent soit dans le groupe de fervents défenseurs de la Bible, soit dans le groupe des schismatiques et des hérétiques. Une telle opposition va avoir des répercussions sociales et culturelles. Il revient à chaque groupe de traduire la vision de sa nouvelle foi. Ils défendent tous un christianisme idéal, ayant des formes plus ou moins adéquates avec l’Eglise de Rome.

Il demeure néanmoins que l’expérience de l’aliénation devient une redécouverte de l’identité, suscitant des interrogations «propres». L’on va jusqu’à assurer la négation «précoce» du jeune saint Augustin du paganisme local. (6) Au paganisme s’ajoutent le manichéisme et le donatisme comme rivaux à la réussite totale du christianisme, et aux écrivains anciens de formuler une culture sans espace institutionnel: l’Eglise africaine ne reconnaît que le latin et le grec. Par conséquent, le christianisme et ses langues s’infiltrent dans les foyers africains, implantant les enseignements de Jésus. Les formes «importées» sont adaptées à la nouvelle réalité.

Certes, bien que le monachisme soit peu répandu en Afrique, ainsi sauvegarder le christianisme devient improbable, les écrivains chrétiens amazighs adoptent des pratiques vertueuses intégristes, renonçant totalement à l’existence, à leur être dans le monde. Ils sont, en général, de bons théologiens qui condamnent leur culture «polythéiste». Saint Augustin fait de grands efforts «spirituels» dans ce sens, en renforçant la théologie romaine. En effet, à Madaure tombent les premiers martyrs du christianisme africain, du nom de Miggin et Namphamo. Ces martyrs sont de plus en plus nombreux. Les chrétiens s’ingénient à chercher le martyre comme salut immédiat. Il s’agirait là aussi d’un acte de résistance et de positionnement envers leur propre mémoire. Ainsi le double repentir se trouve «assouvi»…

Ce sacrifice pour les idées «des autres» est tributaire de la réflexion nord-africaine. Et des penseurs, Tertullien est le pionnier: il «défend un christianisme prophétique, de rupture plutôt que de continuité, se refusant à toutes les compromissions dans une société où le païen est sans cesse présent.» (7) Le penseur chrétien africain connaît presque le même parcours qu’on pourrait spéculer qu’il s’agit du même personnage historique. Les personnes se confondent. Elles sont toutes issues de familles aisées, proches de l’élite et du pouvoir de la ville. Après une expérience de débauche incommensurable, le bon chrétien se découvre, s’investit d’une autre identité. Vu son statut social, il sera au début protégé contre la répression des autorités impériales, puis persécuté et mis en péril.

La présence du christianisme est importante dans les villes, mais aussi dans quelques villages, voire dans les tribus. Cela explique le nombre des écrivains chrétiens et hérétiques, par rapport aux auteurs païens. Si les amulettes locales calment toujours les génies locaux, et il revient à l’Eglise de créer ses propres amulettes pour calmer les grands génies. Les œuvres des auteurs chrétiens montrent un esprit africain voué à la cause de Jésus. Les temples sont des fortunes convoitées par les Conquérants romains, et les Imazighen se font de bons soldats de la cause «monothéiste». Les églises vont être démunies des terres (confisquées, expropriées et attribuées), pillées (or, argent…)… dans un premier temps, ensuite ce sont ces mêmes temples qui vont démunir les autochtones. Rome gouverne le monde africain autant par ses Césars autant par ses papes. C’est là que le religieux n’a pas sens d’être, et le politique domine totalement. L’indulgence ou la tolérance sont des mots vides lors de toute invasion. Les atrocités l’emportent sur les paroles du Christ.

Il demeure toutefois important de poser des questions «absurdes»: Pourquoi l’Eglise ne standardise-t-elle pas les globes marginaux? Ne les diffuse-t-elle pas afin de réussir l’expansion de la parole divine? Et quelle part offre-t-elle à l’amazighité, notamment à l’amazigh?

*****

Faut-il alors purifier le paganisme de toute trace identitaire? Plus que les évêques romains, le chrétien néophyte commence à répertorier systématiquement ce qui est conseillé et ce qui est déconseillé aux fidèles, souvent à condamner sa culture. Tertullien va plus loin, dans son texte De l’idolâtrie, il conseille aux africains puissants de participer activement à la politique de la cité, et aux gens d’exercer un quelconque métier qui pourrait fournir des animaux et des produits agricoles aux sacrifices païens, et aux cultivés d’exercer un métier où les cultes et les mythes païens sont présents.

L’idéalisation de la Bible est accompagnée d’un servilisme à tout ce qui est catholique, autant l’apprentissage du latin s’accompagne d’un éloignement vis-à-vis de la langue maternelle. Comment expliquer un tel phénomène sinon par cette acceptation de l’unicité? Le monothéisme est dévastateur pour la culture nord-africaine qui est de nature païenne, c’est-à-dire plurielle, hissée sur la multiplicité et la différence.

D’ailleurs, l’Eglise d’Afrique est rayonnante: elle atteint 700 évêchés au VIIIe siècle grâce à la multiplication de groupes hérétiques et schismatiques, se revendiquant d’une vision locale, fidèles à des penseurs indigènes. La rivalité pour construire plus de temples chrétiens est née en Afrique, notamment entre catholiques et donatistes. Les traces archéologiques montrent une telle ferveur, omniprésente chez les Nord-Africains.

L’implantation de l’Eglise est alors un acte violent, elle signifie d’une la destruction du paganisme, voire son intégration dans le système général de l’Eglise, et de l’autre le martyre proprement amazigh. (8) Le local et l’étranger connaissent des moments de conflit. Seulement, l’on connaît peu de la résistance, de la contre-terreur… sauf quelques résistances entamées par quelques tribus. Le polythéisme commence à s’affaiblir, source de la force de la culture «ouverte». Les martyrs africains sont honorés par des sanctuaires en leur mémoire.

L’apologie du christianisme africain est assurée principalement par les avocats qui connaissent la conversion. Les apologistes tentent de corriger la pensée des adversaires (ou ennemis), en les implorant à se purifier l’âme et à accepter la nouvelle foi. Ces écrits sont alors une réponse aux schismatiques, aux philosophes et écrivains qui mettent en doute la voix du Christ. L’avocat Minucius Felix sait défendre la nouvelle foi. En plus d’enrichir son discours apologétique, Lactance innove dans la nouvelle langue des Chrétiens.

Cette forme nord-africaine de christianisation va engendrer des résistances: face au Romain païen, les Imazighen vont hisser le drapeau du Christ, et face au Romain catholique, ils vont hisser le drapeau du schisme. Trahir l’autre devient une forme de reconnaissance, mais sans que cela révèle l’identité de la culture nord-africaine.

Quant à Cyprien, il est un auteur énigmatique: il a une œuvre et une personnalité contrastée. «Le mélange de mérites opposés contribue à faire de Cyprien un homme équilibré ayant le sens de la mesure, de la note juste, du juste milieu, enfin, de l’urbanité.» (9) Cette civilité est tributaire d’une intégration parfaite dans la société occidentale de l’époque. S’approcher de quel pôle pour traduire sa culture: la romanité, l’africanité? Ainsi «ce christianisme, trop marqué par la romanité, est fragilisé par le fait même de son défaut d’adaptation au milieu africain».(10) Une telle hésitation entre les deux espaces va dicter aux penseurs africains une prise de position. Arnobe va considérer les mythes païens comme des tentations sataniques, d’où l’urgence à les éradiquer.

Si Caius Marius Victorinus appelé «Afer» connaît une conversion subite: du critique acerbe il devient un chrétien intégriste, Saint Augustin nourrit un complexe particulier: il excelle à faire de l’aliénation un ressourcement mystique.

En général, le christianisme, de par les œuvres autochtones, a une dynamique qui va reformuler la société nord-africaine, et comme protecteur de la répression romaine il va plus détruire les institutions païennes, et aux auteurs amazighs de participer à une telle entreprise, en fait l’éloge de l’aliénation et de l’assimilation.

Notes

(1) Claude Briand-Ponsart, «A propos de la mémoire africaine d’Apulée» pp.59-76, in Claude Briand-Ponsart & Sylvie Crogiez, (edit), L’Afrique du Nord antique et medieval, (mémoire, identité et imaginaire), Publications de l’université de Rouen, Rouen, 2002

«Reprenant une origine mythique, peut-être véhiculée par les Romains et les Grecs, jusqu’à l’histoire, tout en s’affirmant, dans une œuvre destinée à un public cultivé, d’origine locale, Apulée est un témoin important. Il prouve sans doute que, parallèlement à l’obligation imposée par Rome de se constituer, de s’identifier, de s’opposer – et sans doute en grande partie à cause précisément de cette opposition qui devient parfois affrontement – existe une conscience identitaire. Les peuples (nationes), confrontés à la nécessité d’entrer dans les limites compatibles avec des unités fiscales, se sont définis en tribus géographiquement limitées, dans un cadre fiscal imposé, plus conforme aux habitudes romaines.»

(2) cf. Duane W. Roller, The world of Juba II and Kleopagra Selene: royal scholarship on Rome’s African frontier, Routledge, 2003.

(3) Charles Pietri, «Un judéo-christianisme latin et l’Afrique chrétienne», pp. 1-12, in Giuseppe Ruggieri (edit.), Eglise et histoire de l’Eglise en Afrique, actes du colloque de Bologne (22-25 octobre 1988), Beauchesne, Paris, 1988.

«alors que les premières Eglises en Gaule, en Italie, à Rome parlent grec, la chrétienté africaine, dès qu’elle commence à s’exprimer avec l’autorité d’une littérature particulière, latinise: que l’on songe à Tertullien ou encore, un demi-siècle plus tard, à Cyprien de Carthage.» (p.2)

(4) Tertullien précise qu’il est incompatible pour le catholique de faire le serment militaire alors que celui du baptême le contredit… De même, le sixième commandement est contre la guerre.

(5) René Rebuffat, «Où était l’Afrique?» pp.26-34, in Claude Briand-Ponsart & Sylvie Crogiez, (edit), L’Afrique du Nord antique et medieval, (mémoire, identité et imaginaire), Publications de l’université de Rouen, Rouen, 2002

(6) John Joseph O’Meara, La jeunesse de saint Augustin, introduction aux Confessions de saint Augustin, Cerf, Editions universitaires de Fribourg, Saint Paul, Suisse, 1997 (1988).

«Augustin ne semble guère avoir été tenté par le culte de Saturne et de Caelestis, ni par les rites et pratiques magiques du Paganisme africain, et vers l’âge de dix-sept ans, il put voir son père se convertir sur le tard au Christianisme, peu de temps avant de mourir.» (p.38)

(7) D. Arnauld, Histoire du christianisme en Afrique: les sept premiers siècles, Karthala, Paris, 2001, p.65

(8) Le christianisme africain a ses premiers martyrs le 1er août 188: les martyrs de Scillium et de Madaure sont exécuter pour renier les sacrifices aux dieux locaux, et proclamer leur adhésion à Christ.

(9) Maurice Vallery-Radot, «Un père de l’Eglise à la pensée moderne», in Pouderon, Bernard & Duval, Yves-Marie, (sous la direction de) L’historiographie de l’Eglise des premiers siècles, Editions Beauchesne, Paris, 2001, p. 564

(10) Jean-Paul Messina, Culture, christianisme et quête d’une identité africaine, L’Harmattan, 2007, p.183

 

 

 

 

 

 

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