uïïun  155, 

krayur 2960

  (Mars  2010)

Amezwaru

 (Page d'accueil) 

Tamazight

is vur nv azrf ad nssrks xf iman nnv?

Tamazight di tinml

Nec d umalway

"Azawan n urmmadv"

Maf iyi teflt?

Azmz n ghassad

Sseqsigh tammurt inu

Tammurt inu

Tiwargiwin

Anqqis n tmsmunt n ufrak

Français

Le ministre de la culture désavoue le roi

Marghighda sept ans après

La chaine tamazight: un bébé mort né

L'amazighité et arabisation

Tanger: un toponyme amazigh

L'épopée de Dhar Ubarran

Socialisme et collectivisme

Lettre du CMA au roi du Maroc

Les vœux du maire de Montréal

 

العربية

هل لنا الحق في أن نكذب على أنفسنا؟

على بنسالم حميش أن يعتذر للشعب المغربي

هل اتاك حديث الاستعلاء اللغوي؟

تامازغا ضحية الديكتاتورية والرأسمالية

الإعلام والمجتمع: سوء الفهم الكبير

مصادر الشعر الأمازيغي السوسي

القضية الأمازيغية في شعر الدمسيري

شعبة الدراسات الأمازيغية بالجامعة المغربية

إذا كمت لا تستحيي فاصنع ما تشاء

حول استعمال تمازيغت للتعريف بنفسها

بيان محموعة  لاختيار الأمازيغي

بيان التنظيمات الأمازيغية حول المجلس الأعلى للتعليم

نداء المرصد الأمازيغي

بيان جمعية الهوية الأمازيغية

بيان لمعتقل القضية الأمازيغية عبد الله بوكفو

كاطالونيا تفتتح الدار الأمازيغية

بيان منظمة تاماينوت

الجامعة الصيفية تعقد جمعها العام

بيان تاماينوت

جمعية تيموزغا تخلد السنة الأمازيغية الجديدة

بلاغة رابطة تيرّا

بيان جمعية أمزروي

بيان جمعية لامريك

جمعية ماسينيسا تخلد السنة الأمازيغية الجديدة

بيان تامونت ن يفوس

بيان الحركة الأمازيغية بمكناس

الأيام الثقافية لجامعة ابن زهير

احتفال تلاميذ ابن زيدان بالسنة الأمازيغية

أمازيغ مارسيليا يحتفلون بالسنة الأمازيغية

 

 

 

supercherie de l’enseignement de tamazight ou marghighda, sept ans après (2)

Par: H. Banhakeia

A ma Muse!

A la mémoire de cet être, qui aurait pu exister autrement, s’il avait eu une autre progéniture...

 

Sept longues années s’étaient écoulées depuis l’heureux événement qui ne fut en fait qu’un fait ordinaire, voire désespérant, pour de pauvres âmes qui attendaient toujours de retrouver le corps vivant de leur être… Ce n’était quand même pas de la poudre aux yeux, mais une vraie tempête du désert capable de soulever pierres et terre, d’aveugler les bons philosophes, de faire errer les lâches rêveurs et de briser l’orgueil des mendiants de l’histoire.

Que s’est-il passé au fait? Beaucoup de choses, et rien de concret. Trop d’histoires pour un rien de tout. Il y eut tout d’abord une mort. La marâtre Aicha avait bien enterré le pauvre mari nommé naguère Abdelaziz Aziz.

Porter le nom de Heddu n Mimun était un opprobre pour elle, elle fille de Sidi Abdesslam, le grand schrife. Changer de nom pour faire beau et moderne, voilà un souci primordial. C’est bien elle qui le lui avait donné, à son cher feu mari. Heureusement elle était là pour la racheter d’une manière ou d’une autre. Sa fille à elle se nommait maintenant Lalla Fatima bent Sidi Aziz; et Marghighda continuait à être ce qu’elle était, elle n’était que la fille à Heddu n Mimun. Son prénom de Layla fut oublié depuis sa fuite de l’école. Cela faisait bientôt sept ans.

Maintenant, la veuve se disait libérée d’un tel fardeau d’époux barbare, et s’il lui arrivait de rendre visite à cette tombe «chère à son âme», c’était pour rappeler à l’orpheline ses origines. Il arrivait bien sûr à la veuve de pleurnicher et de réciter de belles phrases sur la tombe du barbare, elle disait tant de belles choses dans ce discours: l’univers est grand, les peuples sont un, les cultures sont une, toutes les langues ne valent qu’une… et qu’un seul Paradis ouvrira ses portes à tout le monde sauf aux mécréants et aux faibles. Tout est un, mais cet «un» était toujours dans son esprit synonyme de «soi-même».

Ombrageant le milieu de la tombe, la pierre plate taisait tout de cet homme des montagnes, et si on contait des choses à son propos c’était pour narrer une autre histoire. Point de trace de ses origines, ses caractères, ses hommes, ses cités... Loin, très loin se trouvait l’âme de Heddu n Mimun sombrant dans les sept cieux, lui qui gisait au pied d’un mur délabré et sombre, éventé par un sirocco qui soufflait infiniment sur la terre noire qui le couvrait pesamment.

Pieuse et largement couverte jusqu’aux orteils crasseux, Llalla Aicha emmenait avec elle Marghighda tout près de la pierre plate. Elle la tirait par les cheveux en lui répétant les mêmes mots:

-Pleure ingrate! Ton père est là. Ne fais rien qui puisse susciter l’ire des cieux!

Les larmes aux yeux, la petite obéissait pour faire plaisir à l’âme de son «vava». Les larmes étaient l’unique arme contre sa profonde peine. En réalité, elle détestait visiter la tombe de son père: il l’avait trahie, parti sans elle…

Puis venaient d’autres mots qui sonnaient comme «Arrête de pleurnicher comme une sotte!». C’était l’ordre de la fin du premier ordre.

Quant à Llalla Fatima, intelligente qu’elle était, elle ne pleurnichait jamais. Elle pouvait réfléchir à haute voix, compter jusqu’à l’infini sans utiliser les doigts ni les orteils, réciter de belles et lointaines paroles, expliquer des mots indéchiffrables… Perspicace, elle illuminait Marghighda sur tant de points obscurs. Intelligente, elle pouvait faire d’elle une pâte à pétrir en gestes, à façonner en bonnes pensées, sans jamais avoir un mot de protestation.

Ayant l’itinéraire bien tracé, la jeune Fatima pouvait faire beaucoup de choses: aller à l’institut des langues, danser dans le Centre, étudier à l’université, ensuite s’asseoir dans de grands fauteuils mis dans de grands édifices, enfin appeler par téléphone pour que des hordes de Marghighda se mettent à travailler sous ses ordres «téléphoniques».

Llalla Aicha était fière d’elle: sa fille était unique, et combien importante. Elle était l’avenir de cette nation. Par contre, l’orpheline qu’elle nourrissait ne servait à rien. C’est pourquoi elle l’appelait de tous les noms: la primitive, l’ingrate, l’idiote, la sale, la sauvage… Cette fille primitive continuait à souiller son grenier, là elle dérangeait par sa présence importune Siid, le cheval de Fatima. En fait, Marghighda y trouvait son paradis à elle. Pas besoin d’autres lieux idylliques qui pouvaient étouffer sa voix, sa voix à elle. Elle parlait à Siid pour lui raconter contes et légendes anciennes. L’équidé connaissait par cœur «Meqdidech», et il savait taire sa joie quand la marâtre envahissait le lieu: il hennissait fort en claquant les mâchoires en signe de colère feinte envers Marghighda. Cela plaisait à la bonne femme:

-Tu ne laisses personne t’aimer! Personne.

* * * * *

La petite Marghighda avait maintenant plus de douze ans, occupée toujours à garder un troupeau maltraité par la sécheresse, à puiser dans une source qui s’éloignait de plus en plus, à cultiver une terre défrichée par l’étrange air d’un temps fou et désert, à nourrir des animaux insatiables et maigres, à travailler pour le confort de la petite sœur. Certes, elle se sentait relativement vieille pour apprendre chiffres et lettres, mais elle avait une envie folle de tout apprendre dans sa langue, que sa langue ne renoue plus avec d’autres sons «étranges», qu’elle ait sa place. C’était tout. Comme tous les autres enfants du monde, elle n’irait pas graver son nom sur un rocher, loin des regards civilisés, mais sur un tableau noir. Parfois, elle regrettait d’avoir fui l’école: elle aurait pu aller plus loin, comme monsieur Sidi Ahmed qui avait une maison, une voiture, de l’argent, et des enfants qui seraient également des maîtres…

D’un bond, tôt le matin, elle se relevait au son du vieux coq rouge qui prévenait le premier son poulailler du commencement de la vie. Elle partait alors voir ses arbres, ses brebis, ses vallons… pensant à la même chose: joyeuse, elle ne pouvait vivre ailleurs. Elle se disait combien son pays était grand, illimité dans le temps.

Seulement, petite, ce sont les latifs, vides et nombreux, qui inventent un pays. L’histoire se fait au son de ces latifs et textes. Et la civilisation naît comme échos vides d’un cri inexistant. Cela était le destin, la destinée de tout un chacun… Vais-je écrire mon texte et parler de mes latifs, les vrais? Non, je ne peux pas. Je ne suis rien, disait-elle la petite en regardant ses souliers complètement délabrés, laissant naître les cinq orteils crasseux.

- J’ai de petites épaules… J’ai de petites épaules… répétait-elle d’un air funeste.

Loin de tes épaules, l’histoire se fait autrement, petite! Le ministre proposa ceci, son texte promulgua des idées lointaines, le délégué répéta cela et le directeur décida de dire à la petite d’intégrer le navire de la civilisation qui partait… Les projets, de réalisation en réalisation, se ficelaient dans le huitième ciel, et en descendant ils creusaient les strates d’une identité déjà bifurquée, d’une culture à vider, et d’une langue à refaire.

Le directeur Sidi Ali, motivé par tant de nouvelles circulaires qui disaient qu’enfin ces enfants, nos enfants, pouvaient être domestiqués dans leur dialecte, commença à se préoccuper du chiffre qu’il fallait présenter dans la cour. Il était temps de les rassurer, de les introduire dans les classes, d’en faire de bons mioches qui accepteraient des salles de briques rouges, des tableaux noirs, des livres miroitants et des chaises cahotantes. Tout le peuple serait grandement un, formant la véritable nation.

Sidi Ali envoya alors cheikhs, mqadems, ajarrays et mokhaznis en quête de têtes incultes; et leur razzia sur les bourgades était vive comme de lointains souvenirs. La récolte était bonne: une quinzaine de garçons et une vingtaine de filles. Ils étaient alors bonnes, bergers, puisatiers, marchands ambulants, mendiants, voleurs…

Marghighda n’eut pas la même chance, de tomber dans ce rets. Elle fut emmenée manu militari par sa marâtre qui ne cessait de répéter en claquant son dentier: «Cette fois, tu ne fuiras point.» Et en dévisageant le directeur, elle ajoutait:

- Voilà ce que vous aurez dû faire depuis longtemps! C’est dur de cohabiter avec cette gent. Les éduquer, faut évidemment les éduquer… 

Et sa main de tirer encore plus fort sur cette touffe de cheveux sales à éduquer.

L’œil scintillant, le directeur ne cessa de louer la bonté et la bravoure de Llalla Aicha: si toutes les femmes étaient comme cette bonne et sainte dame, nous serions la meilleure nation. Voilà l’exemple de la bonne éducation.

En fait, Marghighda était un cas complexe. Que faire avec ce prénom que le registre civil ne citait pas dans ses répertoires sacrés? Le prénom de Marghighda était également à refaire. La renommer était la seule solution, en ayant le soin de feuilleter le dictionnaire des prénoms de la nation. D’habitude, l’habitude voulait que le titulaire devait crier au scandale: «Mon prénom n’est pas adéquat. Je l’ai hérité…» Un prénom sauvage, un nom barbare. Et le registre civil va repenser une telle inadéquation historiquement corrigible, en remuant institution après institution pour faire du travail légal…

- Elle s’appelait Layla quand je l’ai emmenée durant la première campagne, monsieur le directeur.

- Bien, son prénom, nous allons le lui redonner. Et le nom?

Ayant un vif et lointain remords pour quelque chose d’indéfini, la marâtre s’inclina lourdement vu ses larges hanches et sa grosse poitrine, signa une feuille jaune pour sceller l’heureux avènement de l’analphabète dans la cour du Savoir.

Marghighda était maintenant sur le seuil de l’Humanité…

* * * * *

Le grand jour de l’école était enfin arrivé. Marghighda ne pouvait pas retenir ses larmes de joie, elle allait rejoindre à nouveau les autres enfants sur le seuil de l’école. Elle devait remercier le bon dieu de ses larges bontés: elle allait apprendre sa langue à l’école, dans son village. A ce pays des montagnes, elle se disait, ne pouvait correspondre que ce code de communication où l’on sentait encore la dureté des rochers, la fraîcheur des vergers et l’ardeur des soleils.

Ce grand jour allait apporter, disait-on par là, non seulement la réconciliation entre les villageois, mais également la richesse, la paix et le réconfort à toute la nation. L’on récitait par-ci par-là que cette première langue était enseignée pour tout le monde comme troisième, qu’elle était transcrite avec son propre alphabet, le plus vieux du genre humain, que tout était fait pour l’encourager pour que les choses entrent une fois pour toutes sur le juste chemin…

D’un pas timide, Marghighda fit une entrée au milieu de souvenances d’hier: on avait oublié son identité, sa culture et sa langue. Là, il y avait une foule des petits enfants qui, inondant la cour, s’amusaient plus à crier qu’à parler. Les instituteurs et le directeur étaient là, au milieu de la place, en train de regarder le poids des nuages qui disaient beaucoup, à leur regard, du caractère des humains. Ils parlaient à haute voix, et ils fumaient tous des cigarettes blondes.

Combien la déception était grande pour la petite fille: après sept ans d’une amazighe vidée de souffle de vie, encagée à l’école. Les mêmes et anciennes sensations bizarres cheminaient sur sa peau. Son cartable était léger comme un pantalon sans corps: point de textes valables pour transcrire son rêve. Elle y avait alors mis des rameaux nains pour pouvoir compter facilement, des cailloux et une longue plume de dinde…

A la revoir, le maître Sidi Ahmed plissa ses larges lèvres:

-Si tu étais restée ma fille, tu ne serais plus la même!

Que veut-il dire? pensa la bergère.

-Tu ne vas pas t’enfuir!

Cette fois, la marâtre pensait que si Marghighda, pardon Layla, fuyait l’école, elle ne lui ouvrirait point les portes de la maison. Les clochardes naissent ainsi depuis leur première bouffée d’oxygène dans la vie. Et le bon droit serait largement de son côté…

-Tu t’habitueras ma fille!

Ce n’était pas naturel de s’enfuir. Fallait revoir cette nature rétive, la dompter! L’on s’enfuyait sur les montagnes, mais c’était pour se rappeler d’autres temps, plus lointains, tout près de ces nuages prophétiques.

Les maîtres de l’école Uqba étaient des êtres insatisfaits: ils faisaient de leur existence une raison pour ne pas être. Le bâton faisait la loi. Interdit de dire un mot en tamazight, langue dégénérée! Voir dans l’enfant un être à remodeler, une pâte à enfouir de pensées étranges sans jamais se poser: «A quoi bon ces leçons vidées de sens?». En classe, tout le monde parlait à haute voix, dans une langue inconnue. Ces murs, Marghighda les connaissait. Elle écoutait comme un aigle, mais n’entendait rien. Pourtant, elle entendait la langue de Lalla Schrifa Aïcha, elle la parlait même. Cette fois, elle voyait comment sa langue maternelle n’était qu’un moyen pour arriver sur d’autres contrées.

Un vacarme inondait la classe, entrant violemment par la cour. La petite fille avait mal à la tête. A bas cette alphabétisation abêtissante qu’on essayait de lui procurer où on lui hurlait que «tafunast» n’était plus «tafunast», mais cette fois «baqara» ou «vache» ou «cow» où on lui criait que les temps faisaient changer ses mots à elle, pas ceux des autres…

- Petite Layla Aziz, ne regarde pas la cour, regarde au tableau!

« Layla Aziz », ce faux nom qui faisait beau. Marghighda aimait plus la cour, là où elle pouvait courir avec les enfants sans tomber dans les rets de lettres inconnues, dire sans s’arrêter ce qu’elle disait. De la classe, en se voyant dans la cour, elle s’imaginait combien les montagnes étaient sûres pour une âme.

Que lui avaient-ils promis? Des mensonges. Il n’y avait pas de classe en tamazight, ni en tifinagh… Elle avait beau chercher sur le tableau noir, et d’autres ténèbres s’annonçaient plus terribles qu’avant. Le tableau habitait son regard: elle ne voyait que la pierre plate, une troisième: après celle de sa mère et celle de son père. Cette troisième, n’était-elle pas la sienne? Hordes infinies et domestiquées, ils nous ramenaient pour nous faire oublier qui nous sommes. Voilà l’école! Nous mettre dans une salle d’attente avant de nous faire passer par des salles obscures où nous allons acquérir la timidité et la peur d’être ce que nous sommes…

De ce zéro d’analphabètes à atteindre, on atteignait le zéro de l’être ou le propre vide; les statistiques mouvaient par un coup de baguette magique pour donner des chiffres grands et importants, combien dévastateurs. Dans ces temps modernes, les statistiques étaient tout. Marghighda n’était pas seulement une langue, mais un chiffre à reformuler.

- Je veux aller aux toilettes, monsieur sidi Ahmed.

Pisser sur tout ce qui vous dénature, voilà ce que pensait la petite fille. Dehors, enfin libre. Elle s’enfuyait alors, sautant par-dessus le mur de la cour, laissant derrière elle une sandale déchirée…

Il fallait s’enfuir, sachant que dans la fuite il y avait le suicide. Sa première fuite était une grande leçon de conscience: il y a trop de dangers sous le toit de l’école que sur les montagnes. Mais cette seconde était la fin d’un mensonge: les montagnes ne pouvaient plus la protéger des vautours de chiffres. Le refuge n’était nulle part.

Sa sandale droite était restée dans la cour, et en sautant le mur Marghighda ne pût que sauver la gauche. Hélas, il n’y aurait personne qui viendrait mesurer les pieds d’une princesse qui préférait la nature à cette culture qui ne faisait que tuer une autre culture pour subsister…

Le directeur Sidi Ali, après avoir entendu le maître Sidi Ahmed, plissa les lèvres pour exprimer son dépit:

-Nous n’aurons plus alors ce zéro d’analphabètes! Marghighda, cette fille damnée nous a eu.

* * * * *

Devant la pierre plate, Marghighda ne pleura point. Elle laissa là sa sandale gauche. Elle récita une vieille chanson, celle que les vieilles femmes chantaient quand elles pleuraient la mort d’un être cher. Elle sentit son cœur se serrer de dépit au son de ces lettres tristes.

Armée d’une branche d’olivier qu’elle avait dans son cartable, elle se mit à creuser une tombe parallèle à celle de son «vava». La terre était sans âme, dure à creuser…

Elle ne pensa point aux coups de bâton de Llalla Aïcha, ni aux réprimandes de sa sœur Llalla Fatima, ni aux punitions infinies qu’elle aurait au jour le jour. Elle pensa à autre chose: sa joie d’être ce qu’elle était.

* * *

Enfin, que retenir de la suite de cette histoire infinie narrant un crime annoncé? Ces deux moralités.

MORALITE

Comment penser à survivre si à la mort

Est pesamment suspendue votre âme?

De la vie les souffles vous en retenez,

Et les soupirs et les aspirations autres!

Marghighda va errer de terre en terre,

Morte parmi les vivants, si malheureuse

Dans un paradis elle pense à revivre

Langue qu’un jour quelqu’un balbutie.

Se connaître, se reconnaître mesquin,

Découvrir que ses jours sont comptés

Comme le père culture qui gît inconnue

Et la mère-identité qui se dénature nue.

SECONDE MORALITE

Opprobre aux menteurs de l’histoire

Qui ne se reconnaissent dans «Meqdidech»

Mais s’ingénient d’autres contes

Maîtrisant l’art de tout «remonter»

Honneur à celui s’incline face aux montagnes

Récitant l’art de ne pas obéir aux futilités

Et qui se décide à hurler sa peine:

- Je crache sur la Cité qui dénature!

Dans ce conte, il n’y a pas de bal où Marghighda pourrait montrer sa beauté, ni de sandale retrouvée, ni de prince qui tomberait amoureux d’elle. Les hommes la détestent, tous sans exception. Cette fille primitive est morte, ou bien allait mourir un jour en lui vidant son cartable, ses heures, en multipliant des plans et des planifications pour la déformer… Elle erre morte sur les chemins de toutes les villes.

Marghighda est, cette fois, Pygmalion dans son refus multiple, elle n’obéit qu’à l’appel de la terre, la sienne, et sa nature est conforme à cette terre dure. Marghighda va rejoindre son troupeau, répétant un air mélancolique:

-Non. Non. Non. Je préfère mes poux à leur science! 

Puis, elle se ravise:

-Je préfère les coups du bâton de Llalla Aicha à ceux des maîtres.

Voilà que ses brebis l’entendent parfaitement, mais pas ces hommes qui s’enorgueillissent à perdre leur propre langue.

(H. Banhakeia)

 

 

 

Copyright 2002 Tawiza. All rights reserved.

Free Web Hosting