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  (Juillet  2008)

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بيان الشبكة الأمازيغية

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بيان تامونت ن يفوس

 

 

 

la négation de la culture amazighe: entre sauvegarde et folklorisme (1)

(2ère partie)

Par: H.Banhakeia (Université de Nador)

1.- LE MODELE NORDIQUE: LA VISION DU CIVILISE ENVERS LE BARBARE

Puisque l’amazighité est récupérée par le discours des autres, ses éléments définitoires vont être conçus sous différents angles. Cette différence substantielle est vue comme aberration; d’où la confusion au moment de définir culture, langue, identité… de l’Africain du nord. Seulement, faut-il noter qu’il s’agit évidemment d’un phénomène universel, existant depuis la nuit des temps et de la tour de Babel, dans les rapports entre cultures et identités vues distinctement. «Les appartenances, les religions, les origines ethniques – en un mot, les pratiques – prouvaient la différence, et faute de pouvoir la comprendre, les hommes et les nations ne purent l’accepter. Ils érigèrent même des systèmes étatiques d’où la différence devait disparaître par la force.» (4) Cette systématisation étatique manque à l’amazighité comme creuset où elle pourrait se définir.

Comme il revient au Nord de voir l’amazighité, il la scrute alors pour y voir combien sa supériorité est assurée, toujours puissante et bénéfique. C’est un Narcisse qui se voit partout fort et beau, sans avoir besoin d’objet de réflexion. S’il nourrit alors une certaine curiosité vis-à-vis de l’africanité (en général), c’est pour y réaffirmer ses préjugés, se voir bien et se dire capable de domestiquer l’autre, sa volonté, voire ses capacités à être.

Plus concrètement, les études sur le Maghreb, depuis le vieux Hérodote jusqu’aux études coloniales du vingtième siècle, sont intéressantes à lire dans leur représentation de l’amazighité. L’étude comparatiste occidentale nourrissait des visions particulièrement paradoxales: elles ne peuvent pas être globales, tributaires qu’elles demeurent de la civilisation occidentale. Elle réduit l’amazighité à la non-culture, à la non-langue et à la non-civilisation afin de l’intégrer dans leur propre historicité. Cette négation n’est pas négativité, mais un phénomène à manier par l’assimilation afin d’en changer l’être.

Certes, si l’histoire, l’ethnographie, la géographie, toutes ces disciplines entretiennent avec le pouvoir colonial des relations ambiguës, c’est afin de développer une autonomie «scientifique» (au nom du bon usage positiviste de la science), mais qui ne peut aucunement se débarrasser de stéréotypes et de préjugés, pour ne pas dire d’une démagogie «implicite». Un tel paradoxe au nom de la science, bien qu’il appauvrisse l’amazighité, demeure vivant de nos jours, au moment d’attaquer n’importe quel aspect de la civilisation amazighe. Ces produits scientifiques servent de «base» ou d’appui pour développer d’autres thèses autour de l’amazighité. Certes, l’on prétend faire de la science sur un objet universel, oubliant qu’il est corps mourant… Cette posture d’analyse est toujours maintenue par les jeunes chercheurs maghrébins. Là, de cette contradiction l’on retient, à titre d’anecdote, qu’il s’agit d’un acte plus cynique que celui réalisé par un légiste, doublé de médecin des vivants!

Par ailleurs, notons que tout au long de l’histoire les Occidentaux se reconnaissent dans la civilisation du Grec, du Romain, mais point dans celle du Barbare. L’amazighité n’apporte-t-elle rien à la civilisation? Partout où elle foule ses pieds, ce sont les marches orchestrées par un maître étranger. Et cet élément, dit berbère ou barbare, est encore à diviser: il y a le barbare africain inutile, et le barbare «germanique» utile pour la mouvance de l’histoire post-romaine… L’élément africain est réfuté en bloc comme s’il n’avait jamais existé que comme «détritus historique».

Ainsi, il y a hiérarchisation (ou évaluation) même au niveau de la diversification… A l’instar d’Hérodote qui s’ingénie à classifier l’humanité de la Méditerranée, l’on continue à considérer l’Afrique du nord par exotisme un espace «sauvage» mais inconnu. La vision étrangère montre un espace africain non construit tant au niveau civilisationnel qu’historique. Le prétexte «scientifique» dicte: tout est soit à refaire, soit à positiver; et l’amazighité se retrouve réduite à néant. Cela est manifeste avec ce qu’ont été depuis les Pères blancs et ce que sont encore les études amazighes, l’importance qu’elles ont et l’importance qu’elles n’ont pas, et les questions qu’elles posent. Ces mêmes prêtres voient dans le pays une contrée non civilisée, sauvage, et qui a besoin d’un coup civilisateur: «Il descend de jour en jour de la barbarie à l’état sauvage, et rien n’annonce qu’abandonné à lui-même il puisse, dans un temps donné, mettre un terme à cette décadence.» (5) Les chercheurs étudient ainsi une culture «éloignée» dans toutes ses dimensions, y voyant un folklore «primitif». Par exemple, les études coloniales espagnoles voient dans la tradition rifaine un folklore «primitif», et leur approche se fait amplement dans ce sens-là. L’intérêt exogène pour la culture et la langue est incarné par des hommes d’église (les franciscains Sarrionandia et Esteban Ibanez pour le répertoire rifain) qui composent un dictionnaire et une grammaire construits sur des modèles folkloriques… Les premiers berbéristes, en général des missionnaires, pratiquent la transposition de la langue et de la culture… en précisant le géographique et l’humain. Une telle production nous servirait-elle?

Que disent-ils ces ouvrages? Peuvent-ils répondre à la question simpliste: qu’est-ce que la culture amazighe?, et à une autre corollaire: N’existe-t-il pas une culture autonome dite amazighe? Les développements vont à bâtons rompus décrire la négation de la culture. Les Imazighen sont des Imazighen, mais ils n’ont pas d’origine. En conséquence, on ne peut expliquer le peuplement de l’Afrique que par des invasions, des occupations d’un vide spatial (humain, moral, historique…).

Par exemple, Auguste Mouliéras, présentant la culture des Rifains dans une narration folklorique, écrira: «L’origine des Berbères est inconnue et le sera peut-être toujours.» (6) Faut-il ne rien ajouter? L’origine est prétendument reniée aux Imazighen. Quant au célèbre Gsell, il précisera à propos du singulier Rif de l’époque: «Celle qu’on nomme le Rif, et qui est encore fort mal connue, s’étend au Nord du Maroc actuel.» (7) L’inconnu est-il explicable? Le Capitaine Winkler décrit le Rif dans une communication célèbre où nous observons l’incidence des paradoxes dans l’analyse de l’inconnu. (8) Le paradoxe tisse amplement le texte historique: «Le Rif est resté impénétrable à la civilisation moderne; replié sur lui-même, ne demandant rien aux pays qui l’entourent, ce canton du vieil empire du Maghreb est demeuré ce qu’il était il y a plusieurs siècles.» (9) De cette impénétrabilité militaire vont naître des anecdotes ethnographiques, géographiques… Pouvons-nous faire de l’histoire du Rif à partir de ces bribes «objectifs»? (10) A l’orée du vingtième siècle, le discours d’Hérodote sur l’Afrique n’est pas encore surpassé. Il y aura la même quête à faire… La première contradiction à soulever chez Winkler est que le capitaine va, après une telle introduction, préciser l’orographie, l’hydrographie, la géographie de la côte et de l’intérieur (itinéraire, minerais, population, religion…) Il y a, au sein du même texte, des généralités sans explication ni précision: «Toutes ces tribus ne paient d’impôts et ne concourent pas à la formation du contingent militaire de l’armée du sultan de Fez.» (11) Est-il juste? Quelles sont les statistiques? Quelles sont les sources de l’information? Et il revient au lecteur de préciser, d’expliquer… Mais, ce discours, bien qu’inspiré de ce que disent les autres, est nourri d’implicite, d’où la multiplication des imprécisions et des idées «dangereuses»: ««Tissot, voyageant parmi les tribus du Rif, s’étonna de rencontrer une si forte proportion d’hommes au visage complètement européen.»» (12) Voir l’Afrique comme une partie humaine de l’Europe peut être une réalité objective, mais pas insérée dans la légitimation de la présence militaire occidentale. Une telle vision ne fait que légitimer la «reconquête» infinie vis-à-vis de l’Afrique du nord; entre les deux pôles il y a tendance à la reconquérir comme bien propre…

Un autre paradoxe pourrait expliquer cette présence de l’implicite dans le discours sur la religion des berbères. Ils sont vus non seulement comme résistants au discours métaphysique de l’autre (religion), mais aussi comme non possesseurs d’idéaux et de rituels appropriés. Cette rivalité entre chrétiens et musulmans à propos de cet espace nord-africain porte préjudice à la clarté métaphysique des Imazighen, à l’évolution de leur langue et de leur culture. (13)  De ce contact, il n’y a pas brassage enrichissant, mais négation du propre (ou assimilation). Les exemples demeurent d’actualité, en ces temps de violences globales. D’après Winkler le chrétien, le Rif est dit (ou décrit) peu attaché à la religion mahométane, mais il connaît une panoplie de confréries mahométanes (représentant la présence de l’orientalité)! Comment résoudre une telle question insoluble? Comment fonctionne-t-il alors, par généralisation, le discours occidental autour de la question amazighe?

Par ailleurs, à la lecture de ces textes de science, l’origine ethnique de l’Afrique du nord pose problème. Diverses sont les définitions ethniques proposées pour le Maghreb, mais tous ces commentaires oublient de dire que l’Afrique est l’origine de l’humanité. Le même message implicite revient: de par l’implication démagogique on désigne l’amazigh comme germanique, caucasien, yéménite... Ainsi, il n’y a pas de droit à revendiquer une culture autonome, propre car il n’y a que reproduction de l’aïeul inexistant…

Cette partie du monde n’est qu’arabe aux yeux des voyageurs «sourds-muets». A titre d’exemple (ou de vulgarisation!), l’écrivain Le Chatelier excelle à parler des tribus africaines comme arabes, «semi arabes», et il va jusqu’à les répertorier en fin ethnographe comme originaires du Hedjaz…(14) Pascal Duprat ira un peu plus loin dans sa description historico-ethnique: «Parmi les peuples et les débris de peuples que la France a rencontrés dans l’Afrique du nord, il y en a qui a longtemps dominé ces contrées et qui les dominent encore en partie, le peuple Arabe.»(15) Domination n’est pas identité… De la dichotomie arabe / berbère (autrement dit makhzen / siba), émerge l’idée suivante: le colonialisme crée cette dichotomie non pas pour déconstruire les maux de l’Afrique, mais pour bien réussir son projet de colonisation: ouvrir les plaies du profit.

Certes, ignorant totalement la langue locale, les «scientifiques» nordiques se plaisent à classifier, à classer des cultures et des langues de l’Afrique. De par son espace, son peuple, ses origines et sa culture, le Maghreb devient alors une invention des autres: Hérodote la décrit comme la fin du monde, les Romains comme un silo à exploiter, les Arabes comme une terre finie où les fortunes abondent, les Occidentaux comme un second Orient… Ce bout du monde demeure, en général, l’espace des caprices, des paysages et des souvenirs du grand Orient.

Que retenons-nous? Plus l’Européen (notamment le Français) s’intéresse aux affaires africaines, plus il argumente et légitime simultanément la colonisation de cette partie du monde. Par ailleurs, il ne l’appelle «colonisation», mais pacification (guerre et désordre régnaient avant) ou bien pénétration pacifique (clôture hostile y avait). S’il y a de la guerre, de la violence, du sang versé, du désordre, cela est tributaire des actes «barbares» de l’autochtone (du «mul lardh»). Et il revient au colonisateur de s’occuper «comme il faut» de la terre, de la culture… d’ici. Toutes les indications «scientifiques» que l’Occidental offre servent amplement cet objectif, tout au moins à théoriser sur comment légitimer l’exogène tout en domestiquant l’endogène. Politiquement, la Seconde Guerre mondiale, en réduisant à néant ces bras de résistance dans la guerre des autres, met au premier plan cette vision oppressante et destructrice de tout ce qui est satellite…

Hélas, l’Afrique du nord apparaît alors ne faire partie d’aucun continent dans la vision des autres. (16) Le barbare qu’est l’africain du nord, apparaît enfin comme un barbare éternel à qui la culture (ou la langue) propre est reniée. D’où l’insertion de cette amazighité tantôt dans un regroupement, tantôt dans un autre, selon les lubies de l’homme de sciences (redoublé de politique). Enfin, une question s’impose: Faut-il alors opérer une rupture «scientifique» avec les premiers berbérisants et leurs épigones?

2.- LE MODELE ORIENTAL: LA VISION DU SCHRIFE ENVERS LES IMPIES

Cet exemple, bien que rival, est complémentaire au premier modèle. Le même processus hante l’exemple oriental, muni des mêmes articulations, commentaires et paradoxes. Il apporte, à son tour, des imprécisions autour de cette culture vouée à demeure une non-culture.

Cette fois, les militaires occupent cet espace au nom d’un dieu ou du paradis terrestre réservée à l’humanité pieuse afin de répandre la bonne culture. N’oublions pas qu’une religion construite sur le rituel «s’efforce de se libérer de la dette à l’égard du divin, et du sacré pour apaiser sa crainte, se mettre en règle, assurer la cohésion du groupe. Mais le rituel consacre aussi la différence, la confirme.» (17) Civiliser le pays, organiser la gente, moraliser les pécheurs… sont les objectifs déclarés, et les butins et les peaux féminines sont le tû. De même, tout est inversé: les attaquants sont dits des seigneurs, les résistants des voleurs, les musulmans fiers de leur identité des impies. Les schrifes commencent non seulement à compartimenter l’espace nord-africain et à maîtriser la volonté du peuple, mais à greffer de bonnes graines sur la culture locale… En conséquence, ils voient, paradoxal que cela paraît-il, la différence comme un danger. «La différence s’impose à l’attention du groupe au travers des formes que prend le respect du sacré, un respect ambivalent puisqu’on a vu qu’il était fait de crainte et de vénération. Au fond, ces deux attitudes se rejoignent, puisque l’on craint ce qui met en cause l’identité, et que le pouvoir de le faire suscite le respect; c’est le problème de l’autorité.» (18) L’autorité, se composant du politico-religieux, astreint l’amazighité à la marge de la marge, à la double interdiction.

Politiquement, les systèmes étatiques du Maghreb vivent bien d’idéaux exogènes: la Libye s’appelle maintenant «Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste», la Tunisie et la Maurétanie ne font point figurer l’Amazigh «barbare» dans leurs constitutions et institutions et s’enorgueillissent de leur arabité, l’Algérie et le Maroc en font une affaire politiquement malléable. L’Afrique du Nord porte un nom meilleur, pour ne pas dire une autre orientation, que «Tamazgha» (terre des Imazighen): le Maghreb arabe (Occident arabe), il serait pour nous plus juste de l’appeler «Ma3reb» (c’est-à-dire l’arabisé, l’univers arabisé)…

Au nom de la fausse, de la maudite, de la mystificatrice unité, les gouvernements piétinent l’héritage berbère. Le Maghreb devient, à la guise des historiens et des politiques, indiscutablement arabe. En tant qu’espace d’une pensée, il s’architecture en plusieurs compartiments, mais où prédominent la théologie islamique, la culture arabe et la civilisation arabo-occidentale. Qu’arrive-t-il à l’héritage autochtone, nord-africain et amazigh? Les textes d’histoire musulmane le montrent, à force de multiplier les anecdotes et le «qila 3an», démuni de toute systématisation, rapiécé et dévalorisé comme discours démagogique dans lequel on se permet tout. (19) Nassiri cite Alkalbi qui cite d’autres: «Oh David, fais sortir les berbères de Cham, ils sont la lèpre de la terre.» (20) De par tels insultes ou fantasmes criminels, l’on ose dire les vérités sur ce peuple et sa culture…

En outre, la dimension religieuse est très présente dans ce processus de négation. L’impie qu’est le Nord-africain, apparaît enfin comme un impie éternellement maculé. La même représentation de l’amazigh est répandue chez les Romains au moment d’instaurer leur Eglise en terres africaines. Bien que l’Islam soit un élément d’union entre les Maghrébins (amazighophones et arabophones), il demeure un point de mesure pour juger les Imazighen, à leur rappeler leur antique paganisme, leurs sept apostasies… Le complexe du schrife est constant au Maghreb. Tout se prédétermine par l’institution religieuse, et à l’assimilé on lui dicte d’exceller dans son auto-flagellation culturelle (identitaire). Tout se fait chez l’africain du nord dans la religiosité: depuis le vieux chrétien Tertullien jusqu’à nos jours, ce barbare métaphysique ne peut qu’apostasier…

Dire que l’amazigh se voit uniquement comme un musulman, et rarement comme partie d’un groupe ethnique et linguistique est de la pure fiction. Mais, quand se voit-il amazigh? Le propre, comme système symbolique, le conditionne assez? Que dire alors de cette préservation linguistique millénaire devant de sauvages incursions culturelles et linguistiques? Prier, qui est faire l’expérience de l’arabe, peut-il être réalisé dans la langue amazighe? Tout concourt à réitérer la même expérience linguistique, loin de toute attache morale ou philosophique… mais oui de l’utilisation purement politique. La culture propre, ainsi, est mise au second plan, plan qui n’est que marge, voire négation…

En fait, le paradoxe de la langue est une spécificité de ce processus: il n’y a pas de langue amazighe. Selon Ibn Hazm cité encore par l’historien schrife: «Combien ils sont barbares! Et le barbare en langue des arabes c’est le mélange des sons incompréhensibles et de là la barbarie du lion». (21) La supériorité linguistique est évidente devant ceux qui se plaisent à parler «autrement». En outre, le mythe de Babel montre que le religieux refuse le plurilingue, le différent…(22)

Le paradoxe oriental, au moment de traiter la question de la culture, est autour de l’originalité. Il y a culture d’origine (ou essentielle) et une culture greffée (secondaire, servant à la scission du corps arabe). En conséquence, il n’y a pas de colonisation orientale: il ne s’agit point de pacification, mais d’ouverture (pour un espace clos) ou de communication entre le centre et les satellites.

Certes, Tamazight est une culture homogène, parfaitement uniforme. Souvent, par un point de vue très subjectif, l’on avance que tamazight est un ensemble de «dialectes», à incorporer à l’Arabe. Cette dernière est sacrée: il faut enterrer ses variantes païennes! La politique va accompagner le divin: l’arabisation. C’est un rêve lointain, depuis les lubies du grand Lyautey, et ensuite des ministères proprement marocains qui de substitution en substitution, reproduisent le même processus amazighophage. Par ailleurs, on n’aura garde d’oublier qu’une langue unique est le rêve des impérialistes, des ennemis de la différence.

De par ce second processus, l’histoire expulse encore la culture amazighe. Les autres créent à sa place, et ils savent la caser quelque part, sous une bannière précise. L’amazigh ne maîtrise pas les lieux, ni les temps, ni les batailles qu’il mène pour les autres. Il ne peut œuvrer pour créer son être, ni son histoire, ni son ethnie. Que dire de la nation amazighe? Et cette nationalité qui en dérive?... Une partie de l’Orient, mais de quel orient de ces mille et un Orients fratricides?

Dans cette représentation orientale des berbères, il n’y a aucun passage digne de placer l’amazigh en tant que porteur d’une culture.

3.- L’IRCAM: LE MODELE PROPRE QUI PLAIT AUX AUTRES…

(Suite dans le prochain numéro)

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NOTES:

(4) Michel Meyer, Petite métaphysique de la différence, PUF, Paris: 2008, p.7)

(5) Léon Godard, Le Maroc, notes d’un voyageur, (1858-1859), Alger 1879, p.2.

(6) Auguste Mouliéras, Le Maroc inconnu, p.20.

(7) Histoire ancienne de l’Afrique, tome 1, Hachette 1913, p.2

(8) Capitaine Winkler, Etude sur le Rif, communication faite à Biarritz Association, le 2 septembre 1897, imprimerie Lamaignère, Biarritz 1898.

(9) ibid.

(10) ibid. Sur le plan historique, le militaire français avance des thèses: «Ni les Phéniciens, ni les Carthaginois n’avaient jugé utile de fonder sur cette côte septentrionale de la Mauritanie Tingitane des comptoirs qu’ils avaient cependant multipliés sur la côte occidentale. Dans les derniers temps de la domination romaine, on avait fini par explorer la côte méditerranéenne comme la France l’a fait en 1855; on en longeait les rivages, on y touchait même, ce que nous ne pouvons plus faire impunément aujourd’hui; l’intérieur du Rif est resté fermé et inaccessible aux explorateurs.»

(11) ibid.

(12) ibid.

(13) «On est peu religieux dans le Rif. (…) Les dispositions d’esprit des indigènes du Rif, au point de vue religieux, n’offraient qu’un champ très peu fertile; cependant les confréries de Sidi Abd el Kader el Ghilani, de Moûteï-Tayyeb et de Sidi Mohammed Ben Abou Ziyan recrutèrent quelques partisans; les Darqawa Chadheliya fondèrent un couvent au Djebel Bou Berth. Enfin, les Salamiyin, ou élèves de Sidi Abd Es-Salam Ben Machich, élève de Sidi BOu Medien et natif des environs de Tetouân, firent de nombreux prosélytes.» (ibid.)

(14) Le Chatelier, Notes sur les villes et tribus du Maroc (1890)

(15) Pascal Duprat, Essai sur les races anciennes et modernes de l’Afrique septentrionale, Editeur Jules-Labite, Paris, 1845, p.V.

(16) Auteurs, Le mal de voir, Cahiers Jussieu /2, Université de Paris VII, Union Générale d’Editions (UGE), coll. 10/18, Paris: 1976.

Gsell écrit: «Ce serait donc dès les millénaires obscurs de la préhistoire que les pays du Maghreb, soudés à l’Afrique et à l’Orient, mais pouvant s’ouvrir à l’Europe, auraient pris ce caractère qui les enchaîne depuis lors, de n’avoir pu se donner une civilisation dont ils auraient été le foyer, ni s’intégrer sans retour aux cultures venues des trois points de l’horizon qui, tour à tour, le colonisèrent. Après la fin des temps néolithiques, les foyers sahariens, sièges d’une brillante civilisation, s’éteignent anéantis par le désert. Mais les influences de l’Europe (allusion à l’âge des métaux) ne seront guère plus durables. Il manquera au Maghreb le sourire de la Grèce, et l’emprise de Carthage, relayée par celle de l’Islam, c’est-à-dire la domination de l’Orient, isolera ces Méditerranéens, proches parents de ceux qui peuplent les rivages septentrionaux, ainsi que ce pays qui prolonge l’Europe plus qu’il n’annonce l’Afrique. Entre Carthage et l’Islam, Rome a montré ce que pouvait être un Maghreb tourné vers l’Europe et s’assimilant à elle. Nous ne tentons pas autre chose depuis plus d’un siècle.» (pp. 228 – 229) cité in Fanny Colonna & Claude Haïm Brahimi, «Le bon usage de la science coloniale» (pp. 221-241)

(17) Michel Meyer, Petite métaphysique de la différence, PUF, Paris: 2008, p.53.

(18) Michel Meyer, Petite métaphysique de la différence, PUF, Paris: 2008, p.43.

(19) cf. Abu Abbas Naciri, Al-istiqssaa, Dar Lkitab, Casablanca, 1997.

Notons: comment un tel texte, qui ne se lasse d’insulter l’amazighité, peut-il non seulement faire partie des bibliothèques marocaines, mais être programmé dans les universités?

(20) ibid. tome 1, p.116.

(21) ibid., p.117.

(22) L.-J. Calvet, La guerre des langues, Hachette Littératures, col. Pluriel, Paris: 1999. (cf. Chapitre 2: «Les religions et la langue») pp.32-42.

(Suite dans le prochain numéro)

 

 

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