Uttvun 84, 

Kuzvyur  2004

(Avril  2004)

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Discours sur le beau tremblement de terre

Par: Hassan Banhakeia (Université d’Oujda)

«Ce n’est pas la violence qui restaure, mais la violence qui ruine qu’il faut condamner.» (Machiavel, livre 1, chapitre 9)

Le matin du mardi 24 février, la télévision marocaine ne peut cesser d’émettre ses airs mexicains, ni ses clips orientaux…

Mais laissons les pleurs, les larmes, les gémissements… et la fausse compassion. Et envisageons la question suivante: ces citoyens déchiquetés, dans le corps ou dans l’âme, par les coups d’un tremblement de terre sont-ils enfin dignes du statut de citoyens marocains? Que dire alors d’un jour ou de trois jours de deuil national, qui n’eurent jamais lieu, pour penser ensemble à la mémoire des morts? Dorénavant, que verra un orphelin qui a vu comment les secousses invisibles en collusion avec les lianes obscures engloutirent à jamais le Corps des siens, quand il saura que son pays ne lui garda pas vingt-quatre heures de recueillement? Et que faire enfin de cette fausse compassion qui vrombit au son des prières et des grimaces? Trop de choses se passent, et combien les doigts tissent de la pure prestidigitation… Aussi, au regard de la Nature, tout prédisait: le Rif doit disparaître!

Certes, personne ne peut être coupable! Juste le rappel tragique d’un moment récent, vite oublié: Quelques mois auparavant, il y avait de terribles inondations et de profondes traces vivantes… jamais prises au sérieux. Seul un pont ferré d’urgence restait fidèle à la mémoire tragique: il pendait toujours sur la tortueuse route nationale aux mille trous, entre Nador et Alhucemas, et des voies impossibles tissaient ces montagnes nées pour être désertes mais peuples d’âmes fières. Et des cadavres vivants qui servaient d’antan à inverser humainement l’histoire des aliénations… et récemment pour mendier les parts de décloisonnement. Tant de faits qui nous hurlent une vérité: le Rif est né sous les décombres éternelles, et il devait y rester sous l’œil distrait de curieux rancuniers. Et voilà des secousses qui mettent à nu les institutions, et surtout les partis et leurs leaders «élus» qui brandissent des drapeaux surnaturels et des paroles où la forme clone le sens, et sur cette terre ils sont la preuve de l’échec.

L’on se dit alors: Peut-on réapprendre à aimer une terre? La terre n’est pas une femme, ni comme une femme. Elle est tout. Depuis cette poussière jusqu’à cette chair déchiquetée… Si réapprendre à aimer une femme est du possible, envers la terre c’est du tribut de l’impossible. Ce jour-là, l’amour de l’homme s’était éteint dans le regard acéré qui se rafraîchissait de tant de souvenances… Qui a fait tout cela? C’était clair. Punir qui? Cette réaction était manifeste sur les regards des secoureurs qui sont arrivés spectateurs. Punir ceux qui n’ont rien fait pour que la mort puisse maintenant tout prendre? Cela était évident.

Quand nous arrivâmes, en compagnie de deux catalans d’Accio Solidaria-Igman, l’angoisse hantait infiniment les gens qu’elle vint s’asseoir facilement dans notre réflexion. La gorge serrée, l’on respirait mal. L’on se dit: et si c’était moi ce pantalon ou ce bout de vêtement qui gisait sous ces décombres de ciment, de pierre, de brique ou de fer… Le cœur battait vite ou battait lentement. Je vis subitement comment le séisme était un acte de mort destiné à jauger les degrés de la vie  dans un milieu. Ici, les répliques infiniment quêtaient à «rematar» ce rifain éternel.

La nuit meurtrière a assouvi ses désirs, tout comme les Jours de misère enfilaient continûment la vie des hommes d’ici. Alors, qui ne peut pas penser a posteriori qu’un cataclysme au prix de mille cadavres connus, était une conséquence de la Pénurie? Et qu’est-il du développement du Nord? L’épicentre (celui du bien) apparaissait ailleurs, et l’hypocentre n’était réellement nulle part. L’histoire était connue, l’espace malléable, l’heure incognito, les hommes des pièces d’airain, tout traduisit la rupture car le Danger est imminent dans ce lieu séculairement piétiné. Au début, avant le tremblement, il n’y avait rien. A la fin, après le passage de l’ogre invisible, il n’y a rien. Mais tout était perdu. Le tremblement découvre que la mort était là avant que les murs commençassent à mouvoir, à se balancer et à tomber comme un château de cartes meurtrières. Les gens d’Imzuren erraient, l’esprit  emporté par tant de sentiments confus. Le peuple était en mouvement, la fausse paix ne pouvait durer. Les promesses sont devenues mensonges, tant de paroles devaient parsemer l’insécurité: l’on osait parler le bon arabe avec le peuple sous le choc, en quête de l’expression correcte et réconfortante!

Le tremblement de terre portait bien un nom, il était connu: il pouvait s’appeler révélation de tant de choses «physiques», de tant d’handicaps ramassés à travers l’histoire. Sur ce bout de monde réduit, les traces du détruit avaient pris naissance avant les premières secousses. Des dégâts et des morts. Heureusement, il n’y avait pas des voies ferrées, des trains, pas d’autoroute, pas d’hôpital «équipé», pas d’université, pas d’usines, pas de gare autoroutière, de tout cela il n’y avait rien de détruit… Il n’y avait là que la mort qui avait des pattes, elle pouvait escalader montagnes et cimes, elle creusait sur les joues vides des vieillards tant de souvenances mal héritées, tués ou jamais narrées, elle arrachait la joie aux orphelins et éparpillait des blessures incurables sur l’œil terrorisé des gens. Ce jour-là, tout le monde voulait dire quelque chose, geindre ou se débarrasser de cette peur primitive, qui allait leur tendre l’oreille? Pas la main. Pas la main. Ces militaires, figés par un regard loin de Méduse, scrutaient encore l’horizon pour y rechercher tant de souvenances voilées, sans se soucier des morts ni des blessés. Quels intérêts représentaient-ils?  C’est une double malédiction, quand on est rifain, d’être victime d’un séisme: on attend Godot qui ne va pas arriver; on voit Godot arriver et il attend lui aussi.

Les mains du séisme soupesaient les vies au Rif, les triaient finement dans un «andu», et que le «busiyyar» parachève son travail. Et les cadavres d’Imzurren criaient: la mort frappe fort sur les cimes des montagnes… Il fallait déterrer les cadavres, il fallait refaire les décombres tant accumulés à travers les décennies de l’indépendance. Le tremblement de terre ne fait pas des morts, mais des victimes. Il montra au monde comment une marginalisation est sans cœur, plus cruelle que le séisme.  Le danger prit naissance, imminent. Crainte diffuse, fruit d’une panique générale. Exister était dorénavant un souci inconstant. Cette marginalisation était une secousse. L’isolement une autre. La misère une troisième. L’humiliation était celle qui pouvait représenter l’infini: en tant que secousse irréversible, elle pouvait refaire l’homme marocain depuis ces âges obscurs…

Ici, la seule histoire connue, c’est celle de destruction. Que peuvent-ils donc attendre les citoyens ? Pourquoi cette réaction? Ce tremblement était, peut-être, plus qu’un repentir «divin», c’était un discernement de déluges provoqués par la «marginalisation . 

HEUREUSEMENT, à la fin, l’esprit de «tawiza» (solidarité entre Imazighen) l’emporte sur l’esprit de l’État absent.

(H. Banhakeia,25- 26 février 2004)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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