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  (Novembre  2008)

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Sakkou

Par: Zaid Ouchna

Sakkou est un jeune homme, grand de taille, brin, âgé de 16 ans, et demeurant dans un bourg (Ighrem) au sud-est du Maroc avec son grand père Addi et sa tante Hennou. Il avait perdu son père et sa mère depuis sa tendre enfance. Un jour, sa deuxième tante Fadma vient leur rendre visite en compagnie de son enfant Moha Ouhmad, à peine âgé de 5 ans. Ce dernier monte au toit et poursuit un poussin sur la terrasse de la vielle maison adjacente. La terrasse bouge. Moha ne peut plus revenir. Sakkou vient à son secourt. Dés qu’il tient l’enfant, le toit s’effondra. L’enfant s’en sort indemne et Sakkou contracte une blessure sur le front. Il dit alors à sa tante son premier Izli (chant poétique); c’était le baptême du chantre qu’il allait devenir.

L’Izli porte justement sur l’accident qu’il vient d’avoir. Il dit:

•Le front de Sakkou est béant comme le hameau

•J’appelle le toubib pour les points de sutures

Plus tard, Sakkou reçoit la visite de Heddou, un de ses copains, un jeune aussi de 17 ans. Il voulait avoir de ses nouvelles suite à la chute qu’il venait d’avoir. Sakkou lui répondit par l’Izli:

•Je suis monté à la terrasse, et je me retrouvai par terre

•Il ne me manquait plus que le label du front !

Un soir au crépuscule, un groupe de jeunes hommes composé de Sakkou , Heddou, Lbaz et Zaid se rassemblaient à l’entrée de l’Ighrem (bourg), devant deux péristyles immenses. Ils se mettent d’accord pour aller à bicyclette dans une autre localité (Tinejdad), loin de 20 kms, pour jouer leur premier Ahidous officiel; mais également se donner au jeu de verbosité avec des jeunes filles de leur âge dans le système dit «Taqerfiyt». Le lendemain, ils longent la route poussiéreuse, dans une pampa, sur des vélos. Ils sont armés de djellabas blanches, ustensile nécessaire pour jouer l’Ahidous.

Au sein d’une foule immense, ils regardaient d’abord les autres jouer à la danse. Puis Sakkou fait son entrée dans l’une des rangées. Le reste du groupe se met derrière lui pour l’encourager. Ils lui demandaient de dire l’Izli. Il lève sa main et l’assistance se taisait. Comme le veut la tradition, il chante haut, fort et seul le premier vers de l’Izli. Il dit:

•La flammèche ne résiste pas aux soufflements quand ils sont là

L’autre rangée répète le vers comme d’usage. Il dit le second vers.

•Même si elle est entourée de verre comme l’éprouvette

L’Ahidous chante l’izli sous les youyous des femmes, en signe d’appréciation du sens dégagé du vers. Ses camarades le félicitent derrière la rangée et l’ont surnommé Sakkou.

Après la séance de l’ahidous, les quatre se sont rassemblés à l’entrée du bourg en question. Puis, une belle jeune femme élégante, habillée d’Aâban et d’Abizar, revenant elle aussi de l’ahidous, passe devant le groupe. La cadence de ses pas est rythmée par les sons des paillettes. Ils entament avec elle l’échange de «taqerfiyt», un jeu de mot ancestral très plaisant, régi et légalisé entre jeunes filles et jeunes garçons pour mieux se connaître.

Quelques années plus tard, le groupe composé de Sakkou, Zayd, Ighi et Ouâsta- le grand poète- se rassemblaient dans un passage couvert du hameau du bourg. Ils discutaient des modalités de cotisation pour un dîner collectif comme ils ont l’habitude de faire entre copains, et assez souvent. Ouâsta, cette fois-ci ne participe pas à cause de ses préoccupations. A cet instant, Mama, une ravissante jeune fille, arrive à leur niveau. Sakkou l’interpella dans ce système comique de taqerfiyt à la poursuite des virées des sens…

Dans la nuit, Ouâsta frappa à la porte de la maison ou le groupe a organisé le dîner. Sakkou se charge d’ouvrir la porte. Il lui signifie la complexité de la situation étant donné qu’Ouâsta n’a pas participé à la cotisation. Ouâsta lui répondit par l’Izli. Il disait:

•Il déguste le rôti qui ne dure pas

•Il cueillera l’odeur des tripes pour son arôme

Sakkou, répond sur le champ par un autre Izli. Il disait:

•Je poursuis le meneur, j’attends Dieu

•Les tripes n’étant pas Halal, je n’en ai que faire

Ils se regroupaient tous ensemble, pour le rôti à leur manière, autour du feu dans la maison. Ouâsta demanda alors à Sakkou s’il a vendu sa maison! Heddou confirma qu’il avait vendu et les champs et la maison. Sakkou lui répondit par l’Izli. Il disait:

•Le magasin du divin est garni comme toujours

•Je me range, et je me remets à la main du Dieu

Ouâsta n’était pas d’accord avec cette conception de voir la vie et répondit par l’Izli; et disait:

•Maintenant que tu as signé la vente de la maison

•Tu es mort sans être enterré.

Sakkou, visiblement touché, répond sous le regard gêné des membres du groupe. Il dit:

•Si dans la difficulté quelqu’un se présente

•Donne lui un peu du mouton de l’héritage

Ouâsta répond ardemment et dit:

•J’avais présumé que la vie devait s’arrêter

•Je me précipitais, et je me retrouve avec des jours de plus

Un autre jour, un groupe de gens habillés en blanc, portaient un cercueil avec des chants funèbres et remontaient le hameau du bourg. Ouâsta, capuchon sur sa tête baissée, suit le cortège. Puis, Sakkou l’accosta au tournant du hameau et l’invite à dire l’Izli de circonstance! Ouâsta, révolté, dit que ce n’est ni l’occasion, ni le moment de dire des vers puisqu’il vient de perdre son père et qu’il suit le cortège funèbre pour l’enterrer. Sakkou lui n’est pas de cet avis pour cause qu’ils sont des poètes et qu’ils sont tenus de faire leur devoir à l’image des journalistes qui font des reportages sous des bombes dans des guerres; «nous écrivons l’histoire par Izlan disait-il»! Ouâsta convaincu demande à Sakkou de commencer à dire ce qu’il a. Sakkou dit dans l’Izli:

•Toi qui pensait être entouré de bandelette de protection

•Tu l’as perdu, les autres te regardent d’en haut

Ouâsta répond:

•Voyez-vous le jardin maure aux multiples plantes

•Même si l’une périt, les autres se développèrent

En réponse Sakkou dit dans l’Izli:

•Même si le saut est plein pour l’ablution à la prière

•Chacun prendra sa tasse; rien, serait le dernier mot

Ouâsta gêné, lui dit que ce n’est pas le moment de continuer et qu’il va d’abord enterrer son père.

Quelques mois plus tard, le même groupe discute au passage habituel du hameau. Ighi, au regard croisé et pipe à la main, leur demandait de cotiser pour organiser le dîner comme d’habitude. Sur proposition de Zaid, les membres se mettent d’accord pour qu’ils le prennent chez Ouâsta. Le soir, autour du feu, ils échangent des brochettes et la pipe. Ils parlaient des nominations dites illégitimes des caïds par les autorités coloniales françaises. Ces derniers ne se référant plus à Izerf qui stipule l’organisation des élections libres et transparentes. Ouâsta intervenant par l’Izli et dit:

•Mais qui j’ai envoyé pour négocier avec l’autorité?

•C’est cela le sortilège de mes orphelins

Après l’approbation des membres du groupe, Sakkou répond par l’Izli et dit:

•Le messie a parlé aux tombeaux

•Il pensait que les morts ont des oreilles

Après un moment de rire et de gaîté, Sakkou se retourna vers Ouâsta et lui demanda de parler d’autre chose. Ce dernier lui suggère de commencer. Sakkou disait alors dans l’Izli:

•Quand je nomme Ouâsta aux gens de Ghriss

•Ils me disent que la misère lui tient compagnie

Ouâsta, dans une position inconfortable, répond et dit:

•Avant, c’est dans les parfums qu’il s’attise

•Aujourd’hui, je mets le feu à ma coiffure

Le lendemain à l’aube, Sakkou prend sa bicyclette et longeait une route poussiéreuse au désert à destination de la ville d’Imtghern pour réparer son poste de radio, qu’il a accroché au guidon. Arrivé sur le lieu, à la boutique du judaïque le réparateur, il dépose le poste sur le comptoir. Ironiquement, Bahmama le réparateur lui signifia que même si le poste radio parle, il n’a plus rien à dire de toutes les façons. En attendant, Sakkou se dirigea ver la cantine pour prendre un verre. Dans l’atmosphère du lieu, il dégusta sa bière tout en discutant avec le barman. Ce dernier demandait à Sakkou de dire l’Izli de la situation. Tout ouie, Sakkou chante l’Izli à haute voix. Il dit:

•Fils de yaflman prend ta boisson

•Cela vaudra mieux que ce miasme régi

Les locataires des lieux chantent tous l’Izli dans le rythme. Il quitta la scène bouillante pour aller récupérer la bicyclette et la radio.

Il rentre au bercail, la radio toujours accrochée au guidon, il entend chanter l’Ahidous dans les jardins des locaux des autorités françaises. Il demande à un passant des informations sur les raisons de cette fête. Tout en désapprouvant, ce dernier l’informe que les français viennent de nommer un nouveau caïd sur la région. Il lui disait également que le grand chantre Ouâsta faisait parti des invités de l’Ahidous. Sans attendre la suite, Sakkou file ver les lieux. A l’entrée, il jette, ou presque, la bicyclette et la radio avec. Dans le jardin, il se met dans la rangée de l’Ahidous en face d’Ouâsta. Puis, il lève la main pour dire l’Izli, l’Ahidous se tait devant le regard curieux de l’assistance dont sa majorité est militaire. Il chante seul le premier vers et dit:

•Je voudrai que tu me dises l’état de la crue récente

•Est-elle franchissable, est-elle une tueuse ?

L’Ahidous chante l’izli au su et au vu de l’assistance mixte marocaine et française. Puis, Ouâsta lève la main pour répondre. Il dit:

•Elle fait beaucoup de bruits, elle n’est pas encore là

•Je suis à la rive, j’attends la clémence du sort

Sakkou répond en l’informant par ce qu’il a entendu à la radio. Il dit:

•Si la parole de la radio est fiable, nous sommes rétablis

•Mais, elle me dit des choses peu convaincantes

Les officiers français s’agitent et discutent avec des hommes en djellabas blanches. La situation est visiblement tendue, mais Ouâsta continue d’enfoncer le clou. Il dit dans l’Izli:

•Le soleil se lève et chasse les ténèbres

•Mais il reste l’ombrette due au toit d’une pièce

Les militaires français se lèvent. Au même instant Sakkou quitte seul l’Ahidous. Il reprend sa bicyclette, la radio est toujours accrochée au guidon, et s’en fonce dans le boulevard entre les arbres.

Quelques années plus tard, à la place habituelle du hameau, Sakkou et Ighi discutaient. Puis, Mama la très belle femme, remonte le hameau jusqu’à leur niveau. Ils entamaient le jeu de Taqerfiyt. Ighi demanda à Mama ce qu’il va dire au vote du référendum sur la constitution de 62 qui aurait lieu dans quatre jours. Elle lui répond que sa grande mère lui avait toujours interdit de dire «oui». Après les rires, elle demandait à Sakkou de dire l’Izli de circonstance à l’occasion de l’Ahidous qui aurait lieu le lendemain au bourg. Sakkou promet de répondre à sa demande. Zaid et Heddou rejoignirent les membres du groupe. Ighi leur raconta ce qui s’est passé avec Mama. Zaid approuve Mama et se demande ce qu’ils allaient faire avec une constitution préparée dans la cuisine et à Rabat! Il dit « ils nous l’ont lâchée du ciel et nous demandent en plus d’applaudir, c’est cela l’insulte!». Sakkou lui, pense qu’il faut dire «non» et le reste c’est l’histoire qui s’en chargera. Après un moment de silence Ighi demande à Sakkou l’Izli de la situation. Il réfléchie d’abord et dit:

•S’il ne revient qu’à l’homme, la malédiction est partagée

•Ceux qui prennent des mains, d’autres chargent des caisses

Le lendemain dans la soirée, une grande foule se rassemblait devant les péristyles du bourg. L’Ahidous se met en place par ses deux rangées d’hommes intercalées des femmes comme d’habitude. Lbaz, aux lunettes noirs, est au centre de celle d’en face de Sakkou. Ce dernier lève la main et l’Ahidous se taisait. Il chante seul le premier vers de l’Izli. Il disait:

•Mon appel lancé aux concitoyens, s’il y a cohérence

•Ne dites surtout pas «oui», à l’habitation insalubre

L’ahidous chante normalement l’Izli. Puis, Lbaz lève la main. Les gens se taisent. Il dit:

•Si on appel quelqu’un, on pensait lui rendre service

•A peine qu’il vous quitte, il parle de vous ailleurs

Après la danse régie, Sakkou répond par l’Izli:

•L’école n’est pas la même, le cœur s’exprime

•Des hommes, celui qui nous veut du bien est connu

L’Ahidous se joue un instant, puis les gens s’éparpillaient…

Quelques années plus tard, Sakkou aux lunettes noirs et presque aveugle, sur la même bicyclette que Lbaz qui ne voyait rien, longeait un sentier étroit en direction d’un bourg derrière une colline sombre (Izilf à Tinejdad). Un homme âgé, au burnous blanc, les regardait venir. Quant ils sont à son niveau, il leur disait avec rictus: «ou est ce qu’il va le crapaud qui a fait monter avec lui la grenouille sur un serpent?». Ironiquement, ils lui répondirent qu’ils cherchaient le chemin de la faillite. Il leur disait qu’ils faisaient fausse route et que la seule direction qui mène à leur objectif n’est autre que celle d’Amerwas (crédit!). Sakkou s’arrêtait, disait à son interlocuteur; qu’ils avaient entendu dire que les hommes se vendaient par là et qu’ils voulaient prendre la température des prix. L’homme prévient que l’Ahidous est pour ce soir et qu’on saura si vraiment ils ont une quelconque vision acceptable. Puis, il demanda à Sakkou s’il a l’izli qui traite du sujet. Sakkou répondit sans attendre. Il dit:

•A celui qui est dans le besoin, je suis la source

• C’est pour que vous buviez à votre soif de l’année

Plus tard dans la nuit, au sein du bourg, dans un éclairage déficient des lampes et au milieu d’une grande assistance, l’ahidous se joue dans ses double rangées habituelles. Sakkou et Lbaz au centre de l’une, côte à côte cette fois-ci. Sakkou lève la main, l’assistance se tait; il chante avec Lbaz le premier vers de l’Izli:

•Ne tarde plus le sortilège, il est temps

•Laissez la place au sérieux, maintenant pour édifier

L’Ahidous se jouait normalement sous les youyous des femmes qui jaillissaient de partout.

Puis on changea de décor, de style et du rythme. Cette fois, un groupe de sept hommes alignés, Sakkou au centre, tambourin pour chacun d’eux, se mettaient face au publique. Sakkou chantait seul «Tagezzumt» dans le rythme appelé «Ouâtta». C’est un récit de chant harmonieux et mystique. Il disait dans ce chant:

•Moi je ne sais que le roi est monté

Sur le trône, nous sommes libre…

Je ne suis pas de l’istiqlal, ni de Chchoura

Je n’adhère pas à l’Ittihad, ni à Lharaka

Le peuple est disloqué du cadre du tissage

L’homme est épris du profit, on dirait

Cette vie, est celle des poissons dans les lacs

* On s’est dit qu’on a refoulé la France

Mais dés que les guerriers sont morts

Aujourd’hui le chat est devenu un lion

Le Bengali veut être un Sphinx

L’or passe désormais après le papier

La soie est rangée derrière la laine

J’ai rêvé un jour, d’une source d’eau fraîche

J’ai tendu mes paumes jointes pour boire

Je me suis réveillé avec une grande soif !

Les youyous et les cris d’approbation fusaient de tout bord. Sakkou et le groupe changeaient le rythme des tambourins. Au même moment, un groupe de femmes s’aligne en face des hommes. Sakkou chanta le vers dans le nouveau rythme saillant dit «Taguri», qui s’accompagne aussi par des mouvements lents et cadencés de l’ensemble des hommes et des femmes. Il disait:

* Que le mauvais pliage soit levé sur l’étoffe !

Les femmes comme les hommes chantent, à tour de rôle ce vers, et dansent en douceur pendant de longues minutes.

Puis, l’Ahidous s’arrête, Sakkou déposant le tambourin au milieu de la foule.

 

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