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Marcus Cornelius Fronton (Vers 95 - 166)

- 1ère partie -

Par: H.Banhakeia (Université de Nador)

Parler de fronton est, en plus d’être une tâche rude, un sujet qui mène à confusion. (1) il s’agit d’un écrivain dont l’œuvre est difficile à analyser: elle est fragmentée, présentée en un ensemble d’épîtres. néanmoins, les «auteurs du second siècle de l’ère vulgaire et des trois siècles suivants ont parlé de fronton en des termes si honorables, qu’on doit regretter de n’avoir que de faibles restes de ses ouvrages.» (2) ses lettres disent beaucoup de sa personne et de sa pensée, surtout de ses affaires dans la cour impériale. il est auteur d’une correspondance qui nous renseigne non seulement sur ses convictions esthétiques mais aussi sur sa vision de l’état du monde dans ses deux versants méditerranéens. précisément, ce qui nous intéresse est bien la description du propre, du numide (ou de l’amazigh) dans toutes ses manifestations.

de son vivant, fronton est détesté par le christianisme naissant, et fort probablement à cause de son sentiment antireligieux il demeure anonyme dans la culture nord-africaine. (3) le critique français dira: «je crois que notre cornélius fronton est le même que minucius félix a cité».(4) l’auteur chrétien amazigh voit en son compatriote un ennemi de la religion: son éloquence mène inexorablement à l’hérésie –rivaliser avec le texte sacré…

ici, nous allons insister sur le rapport fronton – marc-aurèle. l’espace amazigh est implicite dans cette relation entre le maître et son jeune empereur, entre l’afrique satellite et le centre «rome». ose-t-il alors l’auteur s’identifier toujours comme originaire de l’afrique? nous avons la réponse: «en terminant une lettre à la mère de marc-aurèle, fronton la prie d’excuser les expressions impropres ou barbares qu’il n’aura pu éviter, la langue grecque ne lui étant pas plus familière qu’elle ne l’était au scythe anacharsis. «libyen que je suis, dit-il, je ressemble à ce philosophe, non en sagesse, mais en barbarie.» (5) cet extrait nous incite à travailler sur cet orateur en tant que penseur qui fait partie du corps de l’afrique, et comme un auteur qui exprime l’amazighité de l’époque d’une manière ou d’une autre.

i.- la correspondance de l’africain avec les seigneurs romains

cette correspondance de fronton révèle peu ou prou les rapports existants entre romains et africains, entre seigneurs et colonisés. ses correspondants sont issus des gens célèbres: l’empereur antonin le pieux, domitia lucilla, l’empereur lucius vérus, hérode atticus, l’historien appien d’alexandrie et d’autres familles sénatoriales. ses lettres sont une sorte de chronique de l’époque. cette correspondance, en effet, découvre les dessous du palais, de la vision d’un africain. il met à nu les hautes classes de l’empire et leurs rapports avec la plèbe, leurs festivités, leurs fonctions, leurs hobbies… en outre, les lettres sont seul témoignage de son art, de son écriture, de cette œuvre africaine. il s’agit en fait d’un genre où la création est moins recherchée: il va exceller dans l’exposition de l’intime, de l’anecdotique et du familier. l’instantané régit la production des lettres.

l’établissement de la correspondance est délicat dans le cas des textes de fronton. les philologues allemands (barthold georg niebuhr, philipp karl buttmann, l. f. heindorf, moritz haupt) soignent le texte mal préservé en complétant les phrases inachevées, en rectifiant des lignes, en corrigeant tout ce qui est à corriger. le travail d’établissement est bien mené. des questions propres à la prosopographie (6) se posent pour nous, de même des références mythologiques, et le lexique utilisé par l’auteur posent aussi des difficultés au niveau de l’analyse, voire de la lecture.

1°.- précepteur des empereurs

grammairien, pédagogue, rhéteur et avocat africain, marcus cornelius fronton est né vers 95 à cirta (constantine) et mort probablement en 175. il est connu tantôt comme un écrivain numide romanisé, tantôt comme un écrivain de famille «originaire d’italie». elle «avait dû s’établir à cirta sous la dictature de j. césar, lorsque des concessions de terre furent accordées aux compagnons de p. sittius.» (7) fronton, en tant qu’écrivain nord-africain, ne fait pas exception: son identité n’est pas précisée.

durant son éducation, il a de brillantes études. il a eu, lors de sa formation en rhétorique, pour maîtres denys le subtil et athénodote.

en suivant la tradition de l’époque, le jeune fronton quitte, à l’âge de 22 ans, sa ville natale pour rechercher fortune et célébrité dans la capitale impériale. il obtient une réputation si grande qu’on le compare à cicéron, et il est d’ailleurs reconnu comme le premier orateur sous hadrien, et surnommé «orateur». ses disciples sont dits des «frontoniens». son éloquence, mue par le pédantisme, se veut innovation et quête de rupture avec la tradition. les romains apprécient le raffinement, et c’est pourquoi «ses leçons furent recherchées des jeunes gens du plus haut rang.» (8) cette érudition lui vaut les honneurs du consulat et l’érection d’une statue en son honneur. (9) sa célébrité l’emmène à devenir le maître-précepteur de marc-aurèle et de lucius verus, avec lesquels il entretient, en plus d’une grande amitié, une importante correspondance. sous forme de récompense offerte par les maîtres de rome, il est nommé «sénateur, consul en 143, proconsul d’asie en 148.» (10)

ses lettres, écrites en latin et en grec, sont celles d’un maître qui impartit leçons et conseils politiques et philosophiques à un jeune qu’on prépare pour gouverner l’empire.(11) selon les spécialistes de la littérature latine, ces épîtres n’apportent pas de nouveau pour l’art d’écrire ou l’éloquence. «sa correspondance avec lucius verus consiste en quatorze épîtres, qui forment deux livres. dans la dernière, verus est félicité de la victoire qu’il a remportée sur les parthes, quoiqu’il ne conduisît contre eux que des soldats énervés par la mollesse, et beaucoup mieux vêtus qu’armés. il doit ses succès et son habileté militaire à l’étude, aux livres, aux belles-lettres». (12) cette correspondance, notamment celle entretenue avec marc aurèle, dévoile un penseur africain toujours attaché au paganisme. (13) l’originalité y fait défaut. sous forme de palimpsestes, ces lettres sont non seulement une source d’information autour de l’éducation du prince marc-aurèle, mais aussi un guide pour les princes de l’époque – une sorte de premier prince de machiavel. (14)

les qualificatifs qui reviennent dans les textes de l’époque quand on essaie de retracer la personnalité de fronton: «honnête», «heureux», «doux», «gentil»… pourquoi une telle circonspection à son égard? si sénèque vit dans l’opulence grâce à son poste de précepteur de néron, fronton continue à vivre dans la pauvreté en éduquant et marc-aurèle et vérus. sa fidélité est également grande, il dira à antonin: «je n’ai jamais eu cette habitude de renier dans le malheur des amitiés formées dans la prospérité». (15) cette amitié est fort présente dans ses lettres.

quant à son état physique, un autre adjectif revient dans les textes: il est malade. dans ce sens, marc-aurèle écrit à son maître pour lui exprimer la compassion de la cour envers l’orateur africain. (16) le maître africain renonce à sa profession politique et pédagogique pour se retirer à rome, alité à cause de la goutte. là, nous avons le portrait d’un autre fronton: vivant dans l’opulence (propriétaire de jardins), occupant une villa, organisateur d’un salon artistique où les poètes viennent lire leurs poèmes…

en dépit de son mauvais état physique de fronton, marc-aurèle va le nommer consul. pourquoi une telle décision politique? tout simplement, le rhétoricien est doublé d’un grand politicien muni d’un grand cœur. il peut servir politiquement. c’est bien fronton qui offre les premières leçons de politique au jeune empereur. (17) par ailleurs, le professeur africain entretient des rapports difficiles avec l’autre professeur du prince, hérodes atticus, rhéteur grec.

d’après les historiens, des fragments de fronton sont découverts par angelo maï. cela permet d’esquisser sa physionomie. on lui attribue un manuel de lexicologie et de sémantique, notamment sur les différences des termes (de differentiis vocabularum). parmi ces textes retrouvés, il y a un livre d’histoire «principes d’histoire» où il narre la guerre parthique. nous découvrons ainsi un historiographe de la guerre en orient: les parthes envahissent l’arménie en 161, y intronisent leur roi, défiant l’empire de marc-aurèle. ajoutons à cela deux éloges: éloge de la fumée et de la poussière (laudes fumi et pulveris) et eloge de la négligence. enfin, il y un autre texte qui porte le titre de arion, une narration fabuleuse.

il s’agit d’un auteur que l’occident redécouvre au xixe siècle, et il est publié pour la première fois en 1823. la postérité sauvegarde la figure de fronton, les grammairiens et les rhéteurs antiques reconnaissent en lui un grand maître, un génie.

amazigh qu’il est, bien qu’il soit célèbre, on méconnaît la date précise de sa mort. en fait, fronton meurt à une date imprécise, dans des circonstances imprécises.

2.- l’éducation de l’empereur  (suite)

(Suite dans le prochain numéro)

***

notes:

(1) à ne pas confondre avec un autre poète nommé fronton, né à emisa en phénicie, et décédé à athènes à l’âge de 60 ans. il vit sous le règne d’alexandre sévère. ce fronton est l’auteur de deux épigrammes, figurant dans la muse de straton. il est l’oncle du critique longin, auteur du traité du sublime.

pierre bayle met en doute, dans son dictionnaire historique et critique, ce que disent des historiens latins sur l’écrivain numide

(2) cf. institut de france, journal des savans, paris, l’imprimerie royale, publié en 1817.

(3) pierre bayle, dictionnaire historique et critique, libraire desoer, paris: 1820.

«le païen caecilius dans le dialogue de minucius félix, reproche aux chrétiens plusieurs abominations, et cite le témoignage d’un orateur natif de cirte, ville d’afrique (…) on accusait les chrétiens de s’assembler à certains jours pour faire un repas: chacun s’y trouvait sans distinction d’âge ni de sexe, et quand on s’était échauffé à boire, on jetait du pain à un chien que l’on avait attaché au chandelier ; ce chien s’élançant sur le pain renversait le chandelier, et alors n’y ayant plus de lumière dans le lieu de l’assemblée, les deux sexes se mêlaient selon le caprice du hasard, chaque homme se souillait avec la première femme qu’il rencontrait à tâtons, fût-ce sa sœur, sa fille, ou sa mère. lorsque dans le même dialogue de minucius gélix, le chrétien octavius réfute cette impudente calomnie, il observe que ce témoin qu’on lui avait allégué, s’appelait fronton, et qu’on ne devait point le citer comme un témoin qui dépose, mais comme un orateur qui invective.» (p.606)

(4) pierre bayle, dictionnaire historique et critique, libraire desoer, paris: 1820, p.607

(5) institut de france, journal des savans, paris, l’imprimerie royale, publié en 1817, p.35.

(6) identification des destinataires de fronton dans ses lettres ou bien la reconnaissance des contemporains cités dans les lettres.

(7) jean chrétien ferdinand de hoefer, nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, publié par firmin didot frères, 1858, p.946

(8) ibid., p.946

(9) pierre bayle, dictionnaire historique et critique, libraire desoer, paris: 1820, p.601

(10) jean chrétien ferdinand de hoefer, nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, publié par firmin didot frères, 1858, p.946

(11) fronton (traduction et commentaire de pascale fleury avec la collaboration de ségolène demougin), correspondance, les belles lettres, paris, 2003

(12) institut de france, journal des savans, paris, l’imprimerie royale, publié en 1817, p.31.

(13) citons ce beau passage où il défend la majesté de l’éloquence: 

«quoi ! les dieux immortels souffriraient que les comices, que les rostres, que la tribune, jadis retentissante à la voix de caton, de gracchus et de cicéron, devînt silencieuse, et de préférence à notre âge ! l’univers, que tu as reçu sous l’empire de la parole, deviendrait muet par ta volonté ! qu’u’ homme arrache la langue à un autre homme, il passera pour atroce ; arracher l’éloquence au genre humain, regarderais-tu cela comme un médiocre attentat? ne l’assimileras-tu pas à téréus ou à lycurgus? et ce lycurgus enfin, quel attentat si grave a-t-il commis que de couper des vignes? c’eut été, certes, un bienfait pour un grand nombre de peuples que la destruction de la vigne par toute la terre, et cependant lycurgus fut puni d’avoir coupé les vignes. a mon sens, la destruction de l’éloquence appellerait la vengeance divine: car la vigne n’est placée que sous la protection d’un seul dieu ; l’éloquence dans le ciel est chère à bien des dieux. minerve est la maîtresse de la parole ; mercure préside aux messages; apollon est l’auteur des chants agrestes, bacchus le fondateur des dithyrambes ; les faunes sont les inspirateurs des oracles ; calliope est la maîtresse d’homère, et homère et le sommeil sont les maîtres d’eunius»

(14) lisons machiavel, le prince, grands ecrivains, 1986.

«désirant donc m’offrir à votre magnificence avec quelque témoignage de ma servitude, je n’ai rien trouvé parmi toutes mes hardes que j’aime et j’estime tant que la connaissance des actions des grands personnages, laquelle j’ai apprise par longue expérience des choses modernes et lecture continuelle des antiques: à quoi j’ai longuement et avec grand soin pensé et réfléchi, pour le réduire maintenant en un petit volume que j’envoie à votre magnificence.» (p.7)

(15) cité dans  article de gaston boissier publié dans la revue des deux mondes, mars-avril 1868, tome 74.

(16) cité dans  article de gaston boissier publié dans la revue des deux mondes, mars-avril 1868, tome 74.

«bon an, bonne santé, bonne chance, voilà ce que je demande aux dieux pour vous aujourd’hui. je suis sûr qu’ils m’exauceront, car celui que je recommande à leur bonté est un honnête homme qui en est digne et qu’ils protègent d’eux-mêmes, sans qu’on ait besoin de les en prier. si en ce jour de fête vous repassez dans votre esprit toutes les joies de votre vie, n’oubliez pas de compter ceux qui vous aiment, et parmi eux mettez au premier rang celui qui vous écrit. adieu, mon cher maître, conservez longtemps votre santé. tous les habitants de notre petit nid, selon le degré de leur raison, font des n’ pour vous».

(17) en 138, antonin devient empereur, succédant à hadrien. en 139, marc-aurèle est nommé «césar». en 145, il épouse la fille de l’empereur, faustina. en 161, antonin meurt, et marc-aurèle lui succède, en partageant le pouvoir avec lucius vérus son frère d’adoption.

d’ailleurs, il est bon de noter que fronton connaît trois empereurs, avec lesquels il entretient une grande

amitié.

 

 

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