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"La vie d'un grand-père" ou "La vie d'un Grand" tout court?

Le professeur Mohamed Koubaa vient de publier un récit autobiographique sous le titre: "La vie d'un grand père", imprimé chez "joussour" à Oujda, édition 2012, 110 pages, format moyen.

C'est mon ami Mr Abdelkrim Moucharref qui m'a invité à lire le livre, vu que l'auteur est l'un de ses fidèles anciens amis.

Quand j'ai lu le titre et la dédicace du livre aux grands-pères et leurs petits – enfants, je me suis dit que ça ne pourrait être qu'un "album de souvenirs" banal que l'auteur vaudrait léguer à ses petits-fils.

Mais ma surprise fut grande et réelle dès que j'ai lu le premier chapitre.

En effet, au fur et à mesure que j'avance dans la lecture, les choses deviennent plus "sérieuses" et loin de toute "banalité" comme je l'avais cru en lisant le titre et la dédicace. Le récit devient de plus en plus captivant, de plus en plus attachant, de plus en plus émouvant et touchant.

Je viens de découvrir que le récit est un "album" certes, mais un "album" de luttes, de résistances, de souffrances, de manques et d'adversités qui s'enchainent et se succèdent comme une fatalité inexorable, à tel point que l'auteur ressemblerait à un héros de la mythologie grecque contre qui les dieux s'acharnent à l'accabler de tous les malheurs inimaginables. Même à la fin de sa carrière professionnelle (l'auteur est enseignant du français au collège) où il attend sa retraite qu'il espère passer en paix avec sa famille et ses petits-fils, la terrible maladie du cancer l'attend de pied ferme. On dirait que les tribulations de la vie ne lui laissent aucun répit.

De l'émigration extérieure de sa famille en Algérie, à l'émigration intérieure vers le "Gharb" (sidi Slimane et Sidi Kacem), le mobile est toujours le même: rechercher du travail et du pain. D'ailleurs le père de l'enfant (l'auteur) est mort, pendant cette émigration, loin des siens et de sa région natale sans même que sa tombe soit connue. C'est le triste sort d'une famille issue de Kebdana, et qui a été obligée de quitter son territoire pour nourrir ses enfants.

Le récit n'est pas seulement autobiographique, racontant exclusivement la vie extraordinaire de l'auteur, mais il est aussi le récit de toute une époque et une région où l'émigration extérieure (vers l'Algérie puis vers l'Europe) et intérieure (vers le "Gharb") était à l'époque une caractéristique de la région du Rif. Et ce n'est pas par hasard que Mohamed Choukri évoquait, dans son "pain nu", cette même émigration extérieure (vers l'Algérie) et intérieure (vers Tétouan et Tanger). Ce qui fait que le récit de Ssi Mohamed Koubaa ne raconte pas seulement l'histoire mouvementée d'une personne, mais raconte l'histoire sociale d'une époque, d'une région et d'une génération.

Durant son long parcours du combattant, il n'a pas oublié de rendre hommages  aux personnes exceptionnelles, par leur noblesse et leur gentillesse, qu'il a rencontrées ou avec lesquelles il a travaillé, comme les aimables et généreux habitants de Tagounite; ou son sympathique et altruiste gendre (mari de sa fille) qui a vendu le peu de biens de sa petite famille pour aider Ssi Mohamed Koubaa (l'auteur) financièrement à se soigner après avoir été atteint par le cancer, et qui le soutenait et l'accompagnait aux hôpitaux de Rabat «avec une patiente et une générosité sans égales» comme il a écrit de lui l'auteur Ssi Mohamed Koubaa; ou le directeur d'école Ssi Hassan qu'il présente comme un modèle de rectitude, de dévouement et d'abnégation.

   Devant les adversités et les malchances de la vie, l'auteur les affronte avec une volonté d'acier. Il ne capitule jamais. Depuis son enfance, il a essayé tous les petits boulots, tout en suivant ses études, de la vente de la menthe au travail dur dans le bâtiment. Il a même osé écrire directement au gouverneur de la province de Nador une lettre où il le sollicite de lui délivrer un passeport pour aller travailler à l'étranger. Ce après quoi la police est venue l'arrêter à l'intérieur de la salle d'étude au lycée sous ordre du gouverneur qui lui a finalement, ce qui constitue un vrai contraste à cette période, procuré le passeport qui était à l'époque un luxe rare et incessible

Grace à sa volonté d'acier, l'auteur a pu vaincre les difficultés et dépassé les échecs. Il a même survécu au terrible cancer. Il a réussi à fonder, en dépit de l'échec de son premier mariage, une charmante famille qui lui a donné des petits-fils auxquels il a dédié ses souvenirs.

Quand on finit la lecture du récit, on se rend compte que ce n'est pas "la vie d'un grand-père" que raconte le livre, mais bel et bien la vie d'un Grand (avec majuscule) tout court.

Le livre est écrit à la troisième personne du singulier que représente le personnage de "Amar" qui renvoie à l'auteur Ssi Mohamed Koubaa lui-même. Le style est plus beau et attrayant par sa simplicité romanesque, par son réalisme autobiographique, et par la véracité et la sincérité du conte. C'est un livre à lire et à faire lire.

Sélouane le 26 – 08 - 2012

(Mohamed Boudhan)

 

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