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Tawiza, cesse de paraître, l’esprit de Tawiza continue Hommage à Mohamed Boudhan Par: Ali khadaoui (06 – 08 – 2012) Quinze ans après le premier numéro, le Directeur du seul mensuel réellement amazigh au Maroc «Tawiza», vient d’annoncer la cessation provisoire de la parution du journal pour des raisons de santé. L’on sait depuis toujours, que Mohamed Boudhan était seul, à la foi propriétaire et Directeur du mensuel, son équipe dirigeante et son comité de rédaction. Si cette cessation de parution est un jour de deuil pour les lecteurs et correspondants de Tawiza, il est surtout la perte énorme de la voix des imazighen au Maroc. En effet, sur des dizaines de journaux, revue et autres hebdomadaires de la presse écrite, seul Tawiza a porté avec fidélité les revendications, les espoirs d'une cause juste concernant plus de 90% de la population marocaine, imazighen. En cette douloureuse occasion, j’adresse mes Félicitations les plus sincères à Mohamed Boudhan, tout en lui souhaitant prompt rétablissement et longue vie. J’adresse également, par la même occasion, ma solidarité et ma compassion à sa petite famille, ainsi qu’aux fidèles lecteurs et collaborateurs de Tawiza. Je sais qu’ils resteront fidèles aux principes et idéaux pour lesquels Boudhan a consacré sa vie: la cause amazighe, et qu’ils continueront le combat jusqu’à la satisfaction totale des revendications légitimes du peuple autochtone du Maroc d’Afrique du Nord, du Sahel et des Îles Canaries. C’est aussi une occasion de rappeler pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce grand militant de la cause amazighe et de la démocratie, qui il est, et quel a été son apport énorme au combat amazigh au Maroc. Qui est donc Mohamed Boudhan? Mohamed Boudhan est natif des montagnes du Rif. Et qui dit Rif dit la façade méditerranéenne, autrement dit la porte de tous les envahisseurs venus du Nord et du Nord-est à travers l’histoire. Autrement dit, une région en éternelle résistance pour demeurer elle-même depuis des millénaires. L’on se rappelle la dernière résistance armée contre les colonisateurs espagnols et français auxquels les rifains avaient infligés une lourde défaite. C’est là aussi, dans le Rif, que, face à des puissances puissamment et lourdement armées, la guérilla a été inventée par Abdelkrim Alkhattabi et ses camarades de combat pour la liberté. Elle constitue depuis une école de guerre largement utilisée de part le monde par David contre Goliath. Boudhan a donc hérité l’amour de la liberté et la fierté de ses ancêtres. Professeur puis Inspecteur de philosophie, Boudhan fait partie de l’élite amazighe qui n’a pas trahi le peuple dont elle est issue. Très tôt, il prend conscience des mensonges véhiculés par l’historiographie arabiste, qui s’est confectionnée une histoire mythique à sa mesure, au détriment des faits réels historiques et anthropologiques, et qui a planifié tout simplement le génocide culturel au Maroc par le biais d’une arabisation forcée de la société amazighe depuis 1956. Répression, cooptation, corruption aidant, la majorité des élites amazighes capitulent et collaborent avec le makhzen arabiste à la destruction des éléments fondamentaux de l’identité amazighe du Maroc. Boudhan fait partie de la minorité qui a eu le courage de dire non à ce génocide. Il milite depuis au sein du Mouvement Amazigh à démontrer la supercherie de ceux qui ont voulu faire du Maroc amazigh, un pays arabe au détriment de tout bon sens. Devant le déni de reconnaissance de la vérité historique et anthropologique, devant la démission des élites politiques amazighes qui ont fait passer leurs intérêts individuels avant la cause et les intérêts de tout un peuple, Boudhan décide d’agir et fonde à lui seul le journal Tawiza. Il y a de cela quinze ans et quatre mois. Seul, mais avec une conviction inébranlable, contre un establishment tout acquis au pouvoir, il démonte petit à petit la supercherie des tenants de la pensée dominante qui était jusqu’à une époque récente, exclusiviste, raciste, aparthéidiste, ne laissant aucune marge de manœuvre à la liberté, à la recherche et à l’expression de la vérité. Lorsque Le Roi Mohamed Six créa l’IRCAM (Institut Royal de la Culture Amazigh) en 2001, Boudhan fait partie de ceux qui ont été nommés au Conseil d’Administration de l’institution où il défendit ses convictions sans détours. Très vite, il a été parmi les premiers membres du Conseil à s’interroger sur la véritable intention du pouvoir et sa volonté politique à réhabiliter réellement tamazight et à la rétablir dans tous ses droits. Lorsque les décisions du Conseil d’Administration restèrent pour beaucoup d’entre elles sans application sur le terrain, lorsque l’alphabet tifinagh-entre autres-, pourtant officialisé est interdit d’usage à Nador, Boudhan et Hassan Benhakeia avancèrent l’idée de démission devant l’absence de volonté politique réelle du Gouvernement à traduire dans les faits les décisions royales. Pendant plus d’une année, l’idée de démission du Conseil d’Administration fut débattue quant à son opportunité et à ses conséquences politiques sur l’avenir du Mouvement Amazigh. Pour rappel, personne n’a auparavant démissionné au Maroc en étant que nommé par Dahir Royal. La jurisprudence interdisait même l’idée de démission de quiconque était nommé par Dahir. Malgré cela, l’idée de démission suit son chemin. On arriva à avoir l’accord de 14 membres pour la démission. Restait le choix du moment qui permettrait à cet événement sans précédant d’avoir l’effet escompté: dénoncer publiquement la supercherie du pouvoir qui n’avait cherché qu’à désorganiser le Mouvement Amazigh en récupérant la plupart de ses dirigeants. D’aucuns avaient à l’époque de la création de l’IRCAM émis des doutes quant à la réelle volonté du pouvoir à réhabiliter et promouvoir tamazight, et bien sûr, avaient prôné le boycott de l’IRCAM. Mais si le temps leur a donné en partie raison, l’on ne pouvait aller dans ce sens à l’époque car en politique, on ne juge pas les intentions, mais les actes. Refuser la main tendue par le nouveau Roi, surtout après le discours d’Ajdir et le tabou que constituait l’amazighité sous l’ancien régime, c’était courir le risque d’être pris pour des nihilistes par l’opinion nationale et surtout internationale. Il fallait donc y aller et agir sur preuves tangibles. C’est ce qui a été fait. Bien sûr, pour des raisons que l’on connaît, seuls sept membre sur les quatorze de départ ont pu aller jusqu’au bout. La suite est bien connue. Les démissionnaires avaient redonné au Mouvement Amazigh l’élan qu’il fallait malgré le dénigrement des uns et la diabolisation des autres. Dans Le combat pour l’amazighité du Maroc et ses corolaires, Mohamed Boudhan aura été à la pointe jusqu’au bout. Jusqu’au bout, il aura donné le meilleur de lui-même, avec une fidélité, une abnégation et une régularité sans faille. Il a résisté à toutes les offres, à toutes les pressions et intimidations diverses, à toutes les manipulations et autres basses besognes pour le dissuader de continuer à clamer haut et fort que le Maroc est amazigh, que son identité est amazighe, et que l’Etat doit en conséquence se reconnaître comme amazigh et non arabe comme il lui plaît de crier. Il ne tarde pas à être reconnu comme l’exemple du vrai militant qui a tout sacrifié pour la cause amazighe. Tawiza a ainsi drainé les meilleurs plumes amazighes, de toutes les catégories sociales, de toutes les régions. Elle a constitué un îlot patriotique au milieu d’un océan de béni oui-oui médiatique, corrompu, complaisant et incompétent. Tawiza cesse de paraître. L’esprit de Tawiza continue. L’esprit de Tawiza doit continuer. Par tous les moyens. MERCI BOUDHAN. ET BON RETABLISSEMENT. Ali khadaoui
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