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Forum du Rif sur "Tamazight et la transition démocratique" Organisé par les association Izuran (El-Hocima) et Tifawin (Hollande), El-Hocima, 16-17 février 2007

Intervention de Belkacem Lounes, Président du CMA

Azul fellawen/t,

Tout d’abord je salue l’initiative des associations Izuran et Tifawin d’organiser ce forum qui nous donne l’occasion de nous rencontrer, de réfléchir ensemble et de confronter nos idées et analyses qui déboucheront je l’espère, sur des pistes intéressantes pour l’amazighité qui représente notre être et la démocratie, une valeur ancrée dans notre culture.

C’est aussi, comme à l’habitude, un vif plaisir pour moi de me retrouver sur le sol amazigh du Rif, pays du glorieux combattant Mohand Ait-Khattab et de partager avec vous, cette fierté particulière que vous laissez paraître, fierté due à votre qualité de résistants d’hier et d’aujourd’hui.

J’entre à présent dans le cœur du sujet de cette rencontre qui est "tamazight et la transition démocratique", en vous disant d’emblée que je suis au regret de constater que ni l’une ni l’autre n’existent aujourd’hui, ni au Maroc, ni dans aucun pays de Tamazgha. Cependant, ce n’est pas parce que ni Tamazight, ni la démocratie n’existent dans notre réalité quotidienne qu’il ne faut pas les évoquer. Bien au contraire, il ne faut jamais cesser d’en parler et de les revendiquer car elles sont toutes deux vitales pour nous imazighen et pour la société que nous voulons.

Certains vont sûrement trouver mon propos excessif et dire à propos de la situation de Tamazight et de la démocratie au Maroc, que c’est une question de point de vue, entre ceux qui voient le verre à moitié vide et ceux qui le voient à moitié plein.

Mais la réalité ne peut se mesurer à coups d’opinion. Il y a des indicateurs objectifs universellement reconnus qui peuvent être utilisés pour dire le niveau atteint dans le respect des droits et des libertés des individus et d’un peuple. Et lorsque l’on procède de cette façon, on constate malheureusement qu’en ce qui nous concerne, nous imazighen, le verre est quasiment…vide!

Voyons comment les choses se passent concrètement pour Tamazight et pour la démocratie dans ce pays.

Concernant l’amazighité.

Tout le monde sait que "Amazigh" signifie "homme libre", or aucun amazigh ne jouit aujourd’hui de ses libertés, même les plus fondamentales (liberté pour la langue, la culture, l’expression, les croyances, jouissance de ses biens, etc…). Sans liberté et sans droits, je ne vois pas comment et qui d’entre nous pourrait prétendre se définir comme "amazigh"?

L’expression identitaire amazighe lorsqu’elle n’est pas folklorisée, est quasiment exclue du domaine public. Elle survit donc quasi-clandestinement par la seule volonté de militants obstinés mais dépourvus de moyens d’action. De manière officielle et grâce à l’emploi généralisé des infrastructures et des institutions de l’Etat (école, administration, police, médias publics), Tamazight (histoire, territoires, langue, culture et société) est exclue, reléguée, interdite, méprisée, agressée, combattue. Prenons le cas de l’histoire enseignée à nos enfants et voyons comment elle occulte des siècles de notre existence et comment elle ignore superbement nos aguellids et héros Massinissa, Jugurta, Dihya, Koceila, Ait-Khattab, Mssadi, El-Hebbaz et bien d’autres? Prenons les territoires amazighs: nous disons souvent que toute l’Afrique du Nord, de Siwa aux Canaries est amazighe (Tamazgha). Cela était certainement vrai dans un passé très lointain, mais ce n’est plus le cas à présent. La dure réalité nous apprend que ce qui reste des Amazighs se concentre dans les montagnes et les déserts alors que l’essentiel des villes et des plaines, c’est-à-dire les espaces "utiles", sont des territoires perdus pour Tamazgha. Le Rif qui s’étendait de la frontière algérienne et même au-delà à l’Est, jusqu’à l’océan Atlantique à l’Ouest, est réduit aujourd’hui aux seules provinces de Nador et El-Hocima. Les territoires amazighs sont grignotés chaque jour un peu plus et l’espace vital de Tamazight se réduit inexorablement et dangereusement.

Sur le plan sociétal, nos traditions, notre manière libre de penser et de pratiquer les croyances religieuses, notre laïcité ancrée dans nos mœurs, notre sens de l’hospitalité et du partage, le rôle central joué par la femme dans notre société avant les influences étrangères racistes, notre mode de vie paisible et respectueux de notre environnement naturel, tout cela et bien d’autres aspects positifs de notre identité sont entrain de dépérir, remplacés progressivement par des pratiques étranges qui visent à nous dépersonnaliser. Dans le domaine vestimentaire par exemple, le foulard traditionnel coloré porté à la manière amazighe, cède la place au "voile islamique" imposé par une idéologie sectaire et liberticide. Faisant croire qu’on ne peut pas être un vrai musulman si on n’est pas arabe, l’école, les mosquées, les médias marocains et des sorciers moyen-orientaux relayés gratuitement par des dizaines d’écrans des TV arabes endoctrinent nos esprits sans relâche. Nous sommes alors des milliers, hommes et femmes, à tomber dans leur piège et à subir leurs injonctions vestimentaires, alimentaires, langagières, et même à leur servir de kamikazes pour l’accomplissement de leurs funestes desseins en Afghanistan, à Madrid, à Amsterdam et ailleurs.

Dans le domaine culturel et linguistique les choses sont toutes aussi visibles: Tamazight en tant que langue et culture ne survit que grâce à des initiatives personnelles ou associatives. Cinq ans après son introduction dans le système éducatif marocain l’enseignement de la langue amazighe est toujours au stade expérimental! Comment dans ces conditions tenir la promesse de généralisation de l’enseignement de l’amazigh à tous les élèves du primaire et du secondaire en 2008? Faut-il rappeler également que le Ministère de l’éducation nationale s’appuie toujours sur le "livre blanc" et la "charte nationale" sur l’éducation, pour humilier tamazight en ne lui assignant que la fonction de support d’apprentissage de l’arabe? C’est à la fois une provocation et un mépris pour les Amazighs. Dans le domaine de l’audiovisuel, à chaque naissance d’une nouvelle chaine de TV arabe au Maroc (5 chaines actuellement), les Amazighs disent: "où en sont les programmes amazighs dans les chaines de TV publiques? Où en est la chaine amazighe?". Et le gouvernement arabe marocain de répondre invariablement qu’il n’a ni le temps, ni l’argent, ni un quelconque intérêt pour Tamazight. En même temps, des moyens considérables sont investis pour nous faire abandonner notre culture, notre langue et même nos prénoms! A ce titre, les télévisions arabes nationales et internationales sont un véritable poison pour l’identité amazighe, des machines à laver les cerveaux amazighs.

Enfin, sur le plan juridique, on ne trouve aucun texte qui affirme l’existence légale de l’amazighité du Maroc. La Constitution, les lois, les décrets ignorent tout simplement l’existence du peuple amazigh marocain et bafouent les droits fondamentaux de millions de personnes de ce pays. Sans existence légale, Tamazight ne peut pas avoir une existence institutionnelle. Attaquée de toutes parts et sans protection, en l’état actuel des choses l’amazighité est vouée à disparaître, à moins d’une réaction des Amazighs à la hauteur du défi imposé. Deux ans après, nous constatons que les raisons qui ont poussé les sept administrateurs de l’Ircam à la démission, sont toujours d’actualité: "marginalisation, mépris, génocide culturel" contre l’amazighité.

Dans ces conditions, comment pourrais-je dire que Tamazight a sa place au Maroc et ailleurs? Comment pourrais-je dire qu’elle progresse? Je pense qu’un sursaut de dignité s’impose à nous d’urgence si nous ne voulons pas conjuguer tamazight au passé.

Concernant la transition démocratique

Parler de transition démocratique, signifierait que l’on est en mouvement vers un système démocratique au Maroc, que les choses changent en faveur de l’état de droit où les individus seraient des citoyens, égaux en droits et en devoirs, libres et responsables dans le cadre de règles équitables et fixées d’un commun accord.

Or qu’en est-il concrètement pour imazighen?

•Ils ont les mêmes devoirs mais ne bénéficient pas des mêmes droits reconnus à d’autres citoyens du même pays. Ce sont donc des citoyens de 2ème catégorie, qui n’ont même pas le droit de s’identifier publiquement comme Amazighs. Le Maroc qui prétend être démocratique est le seul pays de Tamazgha où une ultra minorité (les arabistes) domine sans partage la grande majorité amazighophone.

•L’Etat du Maroc n’est pas au service de tous les citoyens de ce pays: Il accorde ses avantages à une catégorie de la population et prive l’autre de ses droits les plus élémentaires. Lorsque la terre a tremblé à El-Hocima en 2002, faisant plusieurs centaines de victimes, même les programmes de divertissement à la radio et à la télévision n’ont pas été interrompus. Et comment l’Etat a réagi aux protestations pacifiques des habitants de Tamassint? Par l’envoi de l’armée, appuyée par des hélicoptères de combat et des chiens, contre des femmes, des enfants et des vieillards. Il est aussi légitime de se demander pourquoi un grand héros national comme Mohand Ait-Khattab est toujours enterré en Egypte? Voilà 44 ans depuis qu’il a disparu et aucune cérémonie ne lui a été officiellement consacrée dans son pays natal! Et pourquoi le dossier de la guerre chimique espagnole contre les rifains n’a jamais été pris en charge par l’Etat, ce qui a contraint des associations à le faire? Pourquoi l’Etat a brillé par son absence lors des graves inondations du sud-est du Maroc en 2006? La mort de 26 enfants dans l’Atlas en décembre dernier n’a même pas donné lieu à une enquête ni à une sanction, ni même valu le déplacement d’un membre du gouvernement. Tout montre que tant que ce sont des Amazighs qui souffrent ou qui meurent, cela n’a aucune importance.

•Savez-vous que dans le Maroc indépendant (indépendant pour qui?), on utilise encore des lois datant de l’époque coloniale française pour exproprier des paysans amazighs? Savez-vous que la quasi-totalité du cadre bâti dans les régions amazighes et particulièrement au Rif a été réalisé par les habitants eux-mêmes et quasiment rien n’a été construit par l’Etat? Et posons-nous la question de savoir pourquoi les 4 à 5 milliards d’Euros transférés chaque année au Maroc par l’émigration (les fameux "MRE") dont la majorité est amazighe, sont orientés vers les plaines et les grandes villes de la façade atlantique?

J’aurai besoin de plusieurs heures pour pouvoir évoquer tous les faits et rien que des faits qui forment cette véritable politique de négation et d’éradication de l’identité et du peuple amazighs.

Que l’on s’entende bien: si je suis critique, c’est parce que la situation est grave pour nous. On ne peut pas me faire dire qu’il y a une transition démocratique lorsque mon peuple subit la colonisation et les menaces de mort! Et j’appelle tous les Amazighs à une réaction massive et déterminée pour faire en sorte que Tamazight continue d’exister et que nous puissions vivre dans la prospérité, la justice, la liberté et la dignité, pour tous.

Pour finir, et comme illustration de mes propos, je voudrais vous relater ce véritable cas d’apartheid qui est arrivé à un groupe d’étudiants amazighs d’une école d’ingénieurs au Maroc. Ces étudiants m’ont contacté au mois d’octobre 2006 pour me demander de les aider à organiser une activité culturelle autour de la question amazighe au sein de leur école. Ils m’ont envoyé un message il y a quelques jours pour me raconter leurs mésaventures:

Après avoir accepté le thème "culture amazighe, identité, universalité" de notre projet, avec la contribution du Congrès Mondial Amazigh et votre présence personnelle, quelques jours après, la direction de l'école a rejeté notre projet. Il y’a apparemment des lignes rouges à ne pas dépasser (la question amazigh selon le responsable des activités parascolaires est une menace à l’intégrité territoriale). Devant notre refus, l’administration a été contrainte de se réunir avec nous, et après plusieurs réunions, on s'est mis d'accord pour conserver le thème à condition que les intervenants soient des marocains et plus précisément des intervenants de l’IRCAM et d’arrêter tout contact avec le CMA. On a donc contacté quelques intervenants de l‘IRCAM et prévu d’organiser deux conférences avec trois intervenants par conférence, une exposition de toiles, une soirée musicale et la projection de films en Tamazight. On a élaboré un dossier de sponsoring et on a fixé la date de réalisation pour le 20 avril 2007 (on était les premiers à fixer cette date qui a été approuvée par l’administration). Mais l’administration a refusé de nous fournir une lettre d’introduction pour la présenter aux sponsors (tous les étudiants qui ont organisé ce genre d’activités ont eu cette lettre sans problème). Nous avons donc déposé nos dossiers de sponsoring auprès des entreprises mais sans le soutien de l’école comme cela se fait habituellement. Alors qu’on était à la recherche de sponsors, nous apprenons que notre projet est parmi les derniers de la liste et qu’aucune date n’est fixée pour nous (ils ont nié que nous avions déjà fixé la date!). Plus tard, on découvre que la galerie réservée aux expositions sera prise le jour de notre projet! Plus grave, on a découvert que les autres groupes ont organisé leurs activités librement et que nous étions le seul groupe soumis au contrôle sévère de l’administration. Nous avons compris aussi que le thème horrifie parait-il les entreprises marocaines qui refusent de sponsoriser notre projet..

Cela se passe au Maroc, dans une école d’ingénieurs censée former les élites de demain!

Sans commentaire!

Merci de votre attention, tanemmirt.

El-Hocima, 16 /02 /2007

B. Lounes


 

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